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    La truffe du Périgord et ses secrets

    génétiques

     

     

    Le génome de la truffe comprend de nombreux « gènes sauteurs » et séquences répétées. Des processus épigénétiques, comme la méthylation de l’ADN, pourraient contrôler les gènes de ce célèbre champignon, et donc certains caractères comme ses arômes et sa couleur caractéristiques.

     

     
     

    Cette truffe noire du Périgord est un produit de luxe en cuisine. © Wikimedia Commons, DP

    Cette truffe noire du Périgord est un produit de luxe en cuisine. © Wikimedia Commons, DP

     
     
     

    Particulièrement prisées des gastronomes, les truffes noires, également connues sous leur appellation truffes du Périgord, sont la deuxième espèce la plus chère. Les champignons qui les produisent proviennent de l’espèce Tuber melanosporum. Ils se développent sur les racines des chênes et des noisetiers, grâce à une relation symbiotique qui forme un ectomycorhize.

     

    Son génome compte 125 millions de paires de base (Mpb), c’est-à-dire qu’il est d’une taille comparable à celui de l'arabette Arabidopsis thaliana, une plante couramment utilisée en laboratoire. Il contient un nombre particulièrement élevé d’éléments transposables ou « gènesauteur », pouvant se déplacer : il en aurait 6 à 20 fois plus que la plupart des champignonsfilamenteux séquencés à ce jour et 4 fois plus que Arabidopsis. Plus de 58 % du génome de la truffe noire est composé de répétitions et de gènes sauteurs.

     

    Dans un article paru en ligne dans Genome Biology, des chercheurs de l’Université de Californie à Los Angeles (UCLA) et de Parme en Italie se sont intéressés aux processus épigénétiques qui pourraient contrôler ces transposons. Ainsi, la méthylation de l’ADN est une modification épigénétique dans laquelle un groupement méthyle est ajouté à des nucléotides cytosine. Impliquée dans de nombreux processus de contrôle génétique, elle peut inactiver des transposons. La méthylation de l’ADN existe chez les animaux, les plantes et certains champignons, mais a été perdue chez certains invertébrés, ce qui peut conduire à des phénotypes anormaux comme des problèmes de développement ou des cancers.

     

    La méthylation de l’ADN correspond à l'ajout d'un groupement méthyle sur un nucléotide.
    La méthylation de l’ADN correspond à l'ajout d'un groupement méthyle sur un nucléotide. © Christoph Bock (Max Planck Institute for Informatics), Wikimedia Commons, cc by sa 3.0

     

     

    Une méthylation de l’ADN élevée pour inhiber les

    transposons

     

    Les scientifiques ont mesuré la proportion de cytosines méthylées dans le génome de la truffe noire à différents stades de développement : l’ascocarpe (stade auquel la truffe est récoltée), le mycélium(lorsque le champignon se développe dans le sol après la germination d’une spore) et l’ectomycorhize (stade de symbiose entre le champignon et les racines).

     

    Les profils de méthylation étaient très similaires lors des trois stades de développement. Le taux de méthylation des cytosines était particulièrement élevé (44 %), avec une préférence pour les sites CG et les transposons de grande taille (plus de 1.500 Pb).

     

    Ces travaux pourraient expliquer les relations entre la méthylation de l’ADN et la variabilité intraspécifique, mais aussi les propriétés organoleptiques du champignon : arômes et couleur. Pour Matteo Pellegrini, l’un des auteurs de l’article, la truffe noire utiliserait des processus épigénétiques pour contrôler ses gènes et s’adapter à des changements de son environnement.« Cette méthylation réversible pourrait augmenter la plasticité du génome de la truffe, ce qui lui permettrait de s’adapter à son environnement. Parce que la truffe vit sous terre et n’a pas de système actif de dispersion des spores, elle pourrait avoir besoin de cette plasticité pour s’adapter à des changements soudains de son environnement » a-t-il commenté.

     

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    En bref : des sapins en danger au Liban

     

    Le sapin de Cilicie, un arbre emblématique du Liban, est aujourd’hui menacé. Dans une étude récente, des chercheurs français ont étudié la répartition et la diversité génétique de ce conifère. Leurs conclusions sont sans appel : si rien n’est fait, cet arbre disparaîtra…

     

     
     

    Le sapin de Cilicie, Abies cilicica, est en train de disparaître au Liban. Sur cette image, on observe une population de sapins de très faible densité ravagée par une carrière. © Lara Awad

    Le sapin de Cilicie, Abies cilicica, est en train de disparaître au Liban. Sur cette image, on observe une population de sapins de très faible densité ravagée par une carrière. © Lara Awad

     
     

    Le sapin de Cilicie, Abies cilicica, fait partie intégrante de l’histoire du Liban. À l’époque des pharaons, il y a plus de 4.000 ans, ces arbres étaient largement exploités et utilisés pour la construction de temples et de navires. Mais aujourd’hui, les sapinières ne représentent plus que 1,2 % de la surface des forêts libanaises. « Les forêts sont extrêmement fragmentées, soumises à des pressions anthropiques élevées comme la déforestation ou le pâturage intensif », explique Lara Awad, doctorante au CNRS.

    Afin de mieux comprendre les menaces qui pèsent sur le sapin de Cilicie et mettre en œuvre des mesures de recolonisation et de conservation efficaces, des chercheurs du CNRS ont procédé à des analyses génétiques des populations. Leurs résultats, publiés dans la revue Plos Onemontrent que la diversité génétique des sapins de Cilicie est très faible, bien plus que celle des autres sapins européens, comme le sapin pectiné en France, le sapin de Céphalonie en Grèce et le sapin de Bornmüller en Turquie. « Cette faible diversité génétique met le sapin libanais en danger face aux changements de son environnement », affirme Lara Awad.

    Néanmoins, cet arbre ne manque pas de ressources. Il a en effet la capacité de migrer en altitude lors de changements climatiques, ce qui lui aurait permis de survivre à la dernière période glaciaire voilà plus de 10.000 ans. Cette faculté d'adaptation peut aussi aider les populations marginales menacées, réduites à quelques dizaines d’arbres. « Les sapins usent alors de moyens naturels et rares comme la dispersion de graines ou de pollens sur des distances de 15 à 20 km pour empêcher une trop forte dérive génétique », précise la chercheuse. Malheureusement, cependant, si rien n’est fait pour préserver sa diversité génétique, le sapin de Cilicie va disparaître. Avec cette étude, les chercheurs donnent des pistes de mesures de conservation favorables à la protection de ce patrimoine historique et génétique. Seront-elles suffisantes pour sauver cette espèce ?

     

    Botanique:  des sapins en danger au Liban

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    En bref : la steppe à mammouths était pauvre en graminées

     

    Que mangeaient les mammouths ? En analysant de très nombreuses carottes de la période préglaciaire, des chercheurs français ont montré qu’à cette époque les sols étaient riches en plantes herbacées non graminoïdes et pauvres en graminées. Ces dernières auraient pris le dessus après la glaciation, entre 50.000 et 10.000 ans.

     

     
     

    Selon une étude, les grands mammifères de la période préglaciaire, comme les mammouths, ne se nourrissaient pas de graminées mais de plantes herbacées non graminoïdes. C’est après leur disparition que les graminées sont apparues. Pourquoi ? Cela reste un mystère… © Rob Pongsajapan, Flickr, cc by 2.0

    Selon une étude, les grands mammifères de la période préglaciaire, comme les mammouths, ne se nourrissaient pas de graminées mais de plantes herbacées non graminoïdes. C’est après leur disparition que les graminées sont apparues. Pourquoi ? Cela reste un mystère… © Rob Pongsajapan, Flickr, cc by 2.0

     
     

    La steppe à mammouths, comme on a coutume d’appeler la steppe arctique où paissaient les grands mammifères, n’était pas une steppe riche en graminées (céréales, plantes fourragères, etc.). C’est le résultat plutôt inattendu d’une étude publiée récemment dans la revue Nature. « Pour le savoir, 240 carottages ont été effectués dans le sol toujours gelé des régions arctiques, appelé pergélisol », explique Pierre Taberlet, biologiste et chercheur au CNRS. « Le séquençage à très haut débit de l’ADN environnemental extrait de ces échantillons a permis de reconstituer la composition de la végétation arctique durant trois périodes : préglaciaire (entre 50.000 et 25.000 ans), glaciaire (entre 25.000 et 15.000 ans), et postglaciaire (de 15.000 ans à nos jours). »

     

    « On note une grande diversité végétale avant la glaciation, avec un mélange de plantes herbacées de type pissenlit, myosotis ou trèfle, et de graminées, poursuit Pierre TaberletLa période postglaciaire, qui correspond à la disparition des mammouths, se caractérise par une recrudescence des graminées. » Ces résultats ont été confirmés par l’analyse des contenus stomacaux de huit grands mammifères d’avant la dernière glaciation.

     

    Pour les scientifiques, l’azote contenu dans les déjections de la grande faune pourrait avoir favorisé les herbacées non graminoïdes au détriment des graminées. « On se demande maintenant si c’est la disparition de la grande faune ou le changement des conditions climatiques qui a provoqué le basculement de la végétation arctique vers le "tout graminées". »

     

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