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    6 décembre 1491

    Charles VIII épouse Anne de Bretagne

     

     

    À l'aube du 6 décembre 1491, dans le château de Langeais, près de Tours, Charles VIII l'Affable épouse la duchesse Anne de Bretagne. Elle a 14 ans et le roi de France 21.

    C'est le début de la fin pour la Bretagne indépendante...

    Marie Desclaux
     

    Mariage de Charles VIII et Anne de Bretagne (gravure, château de Langeais)

    Tumultueuses fiançailles

    Le 19 août 1488, par le traité du Verger, le duc François II a dû promettre au roi de France que sa fille et héritière Anne ne se marierait pas sans son consentement. Et voilà qu'il meurt trois semaines après la signature du traité, le 4 septembre 1488, à 53 ans.

     

    Anne de Bretagne (portrait extrait de ses Grandes Heures, livre de prière, par Jean Bourdichon, vers 1500-1508)

    Née à Nantes le 25 janvier 1477, la petite duchesse a onze ans seulement quand elle succède à son père à la tête du duché.

    Bien qu'affectée d'un boîtement de la jambe droite, elle devient l'objet des convoitises des princes les plus puissants d'Europe car de son futur mariage dépend le sort de la Bretagne.

    Les seigneurs bretons, soucieux de leur indépendance, craignent plus que tout le roi de France, trop proche. En 1490, ils prient Anne d'épouser par procuration le futur empereur d'Allemagne Maximilien 1er de Habsbourg (31 ans).

    Faute de pouvoir se rendre à Rennes, Maximilien délègue l'un de ses compagnons, le maréchal Wolfang von Polheim. Selon la coutume, celui-ci glisse sa jambe nue dans le lit de la fillette pour valider l'union par procuration.

    Le roi de France Charles VIII n'ayant pas été consulté, il s'agit d'une violation caractérisée du traité du Verger, d'autant plus inacceptable pour la France qu'elle menace celle-ci d'un encerclement par les domaines des Habsbourg.

    Ruptures de contrat

    Le roi Charles VIII, piqué au vif, marche sur le duché à la tête de ses troupes. Après la prise de Nantes et le siège de Rennes, Anne comprend qu'elle ne peut pas compter sur le soutien de son lointain mari, d'autant que celui-ci est occupé à combattre les Turcs.

    La jeune duchesse se résigne donc à épouser Charles VIII. Le roi de France, qui avait été fiancé 7 ans plus tôt à une fillette de 3 ans, n'a pas de scrupule à renvoyer sa promise, Marguerite d'Autriche, chez son père qui n'est autre que Maximilien !

     

    Mariage en catimini

    Comme le roi ne veut pas heurter inutilement la susceptibilité du fiancé éconduit ni risquer un enlèvement d'Anne, c'est en catimini que les futurs époux se retrouvent à Langeais, non loin de la frontière entre le royaume et le duché.

    Le château appartient à la famille de Dunois, un ancien compagnon de Jeanne d'Arc. Dans la nuit, les compagnons du roi vont quérir un notaire dans la ville voisine et les deux conjoints se font une mutuelle donation sur le duché, en présence d'une assistance triée sur le volet, incluant le diplomate Jean d'Amboise et bien sûr Anne de Beaujeu, soeur aînée du roi et régente du royaume.

     

    Il reste encore une petite formalité : l'annulation du mariage d'Anne et Maximilien ! Le pape se résigne à la signer (et à l'antidater) trois mois après la cérémonie de Langeais.

    Ainsi la Bretagne rentre-t-elle dans le giron capétien. Elle deviendra formellement française à la génération suivante, en 1532, quand les états généraux de Vannes approuveront le rattachement du duché au royaume de France tout en préservant leurs privilèges ainsi que l'autonomie judiciaire et fiscale du duché.

     

    Éphéméride du Jour 5:  Charles VIII épouse Anne de Bretagne - 6 décembre 1491

     

     

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    5 décembre 1360

    Naissance du franc

     

    Le 5 décembre 1360, à Compiègne, le roi Jean II crée une nouvelle monnaie, le «franc», de même valeur que la monnaie existante, la livre tournois.

    La fille du roi mariée contre rançon
     

    Portrait de JeanIIle Bon (musée du Louvre)

    Jean II le Bon (c'est-à-dire le Brave) a été fait prisonnier à la bataille de Poitiers. Il a subi une longue captivité en Angleterre et son geôlier, le roi anglais Édouard III, lui a réclamé une énorme rançon, environ trois millions de livres tournois, soit 12,5 tonnes d'or. 

    Le royaume est ruiné et pour obtenir une partie de la rançon, Jean accepte une mésalliance avec le riche duc de Milan, Galéas Visconti. À ce marchand de médiocre extraction, il «vend» sa fille Isabelle contre 600.000 livres.

    Édouard III accepte de libérer son prisonnier après un premier versement de 400.000 livres. Mais le roi de France doit s'engager à verser le reste et pour cela n'hésite pas à endetter son pays. C'est ainsi que, sur le chemin du retour, à Compiègne, il prend trois ordonnances. Il crée en premier lieu de nouvelles taxes et généralise l'impôt sur le sel, la gabelle. Le sel est un complément alimentaire vital et, qui plus est, en l'absence de réfrigérateur, il est, au Moyen Âge, indispensable à la conservation des viandes (les salaisons). La gabelle va devenir de ce fait incontournable et très impopulaire.

    Le franc, rival du florin

    Pour faciliter le règlement de sa rançon, le roi crée en second lieu le «franc». La nouvelle pièce commémore sa libération comme l'indique son appellation (franc et affranchissement sont synonymes de libre et libération). «Nous avons été délivré à plein de prison et sommes franc et délivré à toujours», rappelle le roi dans son ordonnance. «Nous avons ordonné et ordonnons que le Denier d'Or fin que nous faisons faire à présent et entendons à faire continuer sera appelé Franc d'Or».

    Le premier franc

    Le franc à cheval


    Le franc de 1360 est en or fin de 3,88 grammes. Il vient en complément de l'écu d'or qu'a introduit Saint Louis au siècle précédent, et de la livre tournois en argent. Il vaut une livre ou vingt sous tournois.

    Le premier franc représente le roi à cheval avec la légende «Johannes Dei GratiaFrancorum Rex». Une version ultérieure du franc, en 1365, représentera le roi à pied (le «franc à pied»).

    Jean II le Bon et son fils, le futur Charles V suivent en matière monétaire les recommandations de leur conseiller Nicolas Oresme. Dans son Traité des Monnaies (1370), ce clerc, philosophe et traducteur d'Aristote, prône une monnaie stable, garante de la puissance du souverain, capable de rivaliser sur les marchés avec le prestigieux florin de Florence, qui domine l'Europe depuis déjà un siècle.

    Rappelons qu'au Moyen Âge, les pièces de monnaie tirent leur valeur de leur poids en métal précieux (or ou argent). Les pièces de différents pays peuvent circuler côte à côte sur les marchés, leur attrait dépendant de la confiance que le public accorde à l'émetteur. Si celui-ci est suspect de tricher sur la quantité de métal précieux ou de laisser faire les faux-monnayeurs, sa monnaie tendra à être rejetée par le public et dévalorisée à son détriment.

    Une rançon pour rien

    Tandis que les Français s'échinent à payer au roi anglais la rançon pour la libération de son souverain, celui-ci revient en Angleterre comme prisonnier volontaire pour laver l'honneur d'un otage français qui s'était enfui sous prétexte d'un pèlerinage, son propre fils, Louis d'Anjou, pressé de rejoindre sa jeune épouse.

    «Vous avez blêmi l'honneur de votre lignage», lance le roi à son trop malin rejeton. C'est en prison que meurt Jean II le Bon, le 8 avril 1364... De mauvaises langues susurrent que c'est moins l'honneur que le souvenir d'une belle Anglaise qui l'a ramené dans sa confortable prison.

    Vicissitudes du franc

    La France, du Moyen Âge à la fin du XIXe siècle, se montre attachée au bimétallisme : pièces principales en or et subdivisions en argent.

    Le franc poursuit une carrière à éclipses. La pièce de Jean II le Bon et de Charles V est frappée jusqu'en 1385. Une pièce du même nom mais en argent reparaît brièvement en 1576 sous le règne du roi Henri III. À partir de Louis XIII, le franc n'est plus qu'une unité de compte. Il disparaît au profit de la livre, elle-même divisée en 20 sous ou 240 deniers. Mais dans le langage courant, on continue de parler de franc plutôt que de livre.

    Le financier John Law (National Portrait Gallery, Londres)

    Au XVIIIe siècle, on tente à deux reprises d'introduire des billets en sus des pièces, les billets étant gagés sur des richesses réelles ou à venir.

    Ce sont les ressources de la colonie de Louisiane dans le premier cas (expérience de John Law, sous la Régence, en 1716-1720) et les biens enlevés au clergé et aux émigrés dans le second cas (création des assignats par l'Assemblée Nationale, au début de la Révolution, en décembre 1789). 

    Dans l'un et l'autre cas, les pouvoirs publics ne résistent pas à la tentation d'imprimer plus de billets qu'ils n'ont de richesses en gage.

     

    Un assignat de la Révolution

    Ces billets sans contrepartie sont très vite rejetés par le public et l'on en revient à chaque fois aux pièces d'or ou d'argent.

    Les pièces en franc sont remises à l'honneur par la Convention, sous la Révolution.

    Une loi du 7 avril 1795, confirmée le 15 août 1795, fait du franc l'unité monétaire de la France, en remplacement de la livre. La nouvelle unité monétaire, très simple d'emploi avec ses décimes, ses centimes et ses millimes, est immédiatement adoptée.

    Le Premier Consul Napoléon Bonaparte lui donne une base stable par la loi du 7 Germinal an XI (27 mars 1803) qui définit la nouvelle pièce de 1 Franc par «5 grammes d'argent au titre de neuf dixièmes de fin». Une  pièce en or de 20 francs est également créée sous le nom de Napoléon.

    Bonaparte institue une Banque de France pour soutenir la nouvelle monnaie et développer la monnaie scripturale.

    Le «franc germinal» va traverser avec succès le XIXe siècle, ses changements de régime et même la défaite de 1870. Respectueux de la monnaie nationale, les insurgés de la Commune épargnent le stock d'or de la Monnaie. Sa stabilité vaut même au franc germinal d'être adopté comme référence commune par de nombreux pays au sein de l'Union latine.

    Dévalué après la Grande Guerre de 1914-1918, le franc germinal est remplacé par un franc au rabais, le «franc Poincaré», en 1928.

    Le franc a perduré comme monnaie de référence de la France jusqu'au 31 décembre 2001, dernier jour avant l'euro. Il subsiste dans les anciennes colonies françaises d'Afrique et du Pacifique ainsi qu'en Suisse (vestige de l'Union latine).

    Bibliographie

    On peut lire l'excellent ouvrage de vulgarisation, très complet, de Georges Valance : Histoire du franc, 1360-2002(Flammarion, 1996).

    André Larané

     

    Éphéméride du Jour 5:  Naissance du franc - 5 décembre 1360

     

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    24 novembre 1793

    Naissance du calendrier révolutionnaire

     

     

    Le 24 novembre 1793, la Convention publie le calendrier républicain, aussi appelé « calendrier des Français ».

     

    Un an plus tôt, le 22 septembre 1792, au lendemain de l'abolition de la royauté, les députés ont décidé que les actes du gouvernement seraient désormais datés de « l'An 1 de la République ». Mais cette déclaration « furtive » de la République, selon le mot de Robespierre, n'a pas remis en cause le calendrier grégorien hérité de Jules César et modifié par le pape Grégoire XIII en 1582.

     

     
    Déchristianisation à marche forcée
     

    C'est seulement le 5 octobre 1793 que les députés votent le principe de l'abolition de ce calendrier.

     

    L'assemblée de la Convention, dominée par les députés de la Montagne et soumise aux sans-culotte parisiens, prétend ainsi déraciner à jamais les rites chrétiens, en particulier le repos dominical et les fêtes religieuses. Elle prescrit que quiconque s'exprimerait selon l'ancien calendrier grégorien serait passible de la peine de mort. Cette mesure inaugure une entreprise de déchristianisation à marche forcée, consécutive à l'échec de la Constitution civile du clergé.

     

    Le 7 octobre 1793, sur les marches de la cathédrale de Reims, le conventionnel Ruhl brise de son talon la Sainte Ampoule utilisée sous la monarchie pour le sacre des nouveaux souverains. Dans l'Allier et la Nièvre, le 9 octobre 1793, Joseph Fouché, un autre conventionnel en mission, par ailleurs ancien prêtre oratorien, signe un arrêté sans équivoque : « La mort est un repos éternel » ! Il ordonne de placer cette inscription à l'entrée des cimetières. Le 21 novembre 1793 (1er frimaire An II), le Conseil général de la Commune de Paris impose en tête des convois funéraires l'inscription : « L'homme juste ne meurt jamais, il vit dans la mémoire de ses concitoyens ».

     

    Trois jours plus tard, enfin, la Convention adopte le « calendrier des Français ».

     

    Le calendrier révolutionnaire
     

    Le nouveau calendrier est l'oeuvre du poète François Fabre d'Églantine, député à la Convention et secrétaire de Danton. Avant la Révolution, il s'est fait connaître en composant l'immortel « tube » : « Il pleut, il pleut, bergère... ».

     

    Les jours du nouveau « calendrier des Français » ne sont plus consacrés à des saints mais à des produits du terroir : « châtaigne, tourbe, chien, radis, chèvre, abeille, sarcloir... ».

     

    Les semaines sont portées à dix jours (primidi, duodi, tridi, quartidi, quintidi, sextidi, septidi, octidi, nonidi et décadi) et prennent le nom de décades.

     

    Quant aux mois, ils ont chacun 30 jours.

     

    Pour s'aligner sur un cycle solaire, ces douze mois sont complétés par cinq ou six jours consacrés à des fêtes patriotiques, les « sanculottides ». Le principe n'est pas à proprement parler nouveau. Il était déjà employé par les pharaons (*) !

     

    Dotés de belles sonorités, leurs noms évoquent les quatre saisons :


    - vendémiaire (22 septembre-21 octobre),
    - brumaire (22 octobre-20 novembre),
    - frimaire (21 novembre-20 décembre),
    - nivôse (21 décembre-19 janvier),
    - pluviôse (20 janvier-18 février),
    - ventôse (19 février-20 mars),
    - germinal (21 mars-19 avril),
    - floréal (20 avril-19 mai),
    - prairial (20 mai-18 juin),
    - messidor (19 juin-18 juillet),
    - thermidor (19 juillet-17 août),
    - fructidor (18 août-17 septembre).

     

    Calendrier révolutionnaire (Messidor), gravure du musée Carnavalet (Paris)

     

    Un exemple de datation révolutionnaire
     

    Le 22 septembre 2010 correspond au premier jour de l'An 219. Son intitulé complet selon le calendrier révolutionnaire s'écrit :
    Raisin, primidi, 1er Vendémiaire An CCXIX.

     

    Un calendrier cocardier
     

    La nouvelle ère débute le 22 septembre 1792, avec la naissance de la République (et l'équinoxe d'automne). Ce jour-là correspond donc au « primidi vendémiaire de l'An I de la République ».

     

    Le calendrier révolutionnaire va survivre à la Terreur et à la chute de Robespierre, le 27 juillet 1794, pardon, le 9 thermidor de l'An II. Mais en dépit de la bienveillance des autorités, il n'acquerra guère d'emprise sur les esprits. Il faut dire que le peuple n'apprécie pas de troquer le jour de congé hebdomadaire (un dimanche tous les sept jours) contre un jour de congé décadaire !

     

    Trop peu pratique et à connotation nationaliste et cocardière, étriqué avec ses noms de jours à caractère hexagonal, le « calendrier des Français » est abrogé le 1er janvier 1806 sous le Premier Empire.

     

    Fabienne Manière
     
     

    Éphéméride du Jour 5:  Naissance du calendrier révolutionnaire - 24 novembre 1793

     

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    19 novembre 1703

     

    La légende du Masque de fer

     

     

    À la fin du règne de Louis XIV, le 19 novembre 1703, un mystérieux prisonnier meurt à la Bastille (Paris). Il est enterré quelques jours plus tard sous le nom de Marchiali dans le cimetière Saint-Paul.

    Cet homme d'une cinquantaine d'années aurait vécu en prison pendant deux ou trois décennies, d'abord à Pignerol, une forteresse alpine située entre Briançon et Turin, jusqu'en 1681.

    Là-dessus, il aurait été transféré au fort d'Exiles, dans le Piémont, jusqu'en 1687, puis à Sainte-Marguerite de Lérins jusqu'en 1698, enfin à la Bastille... toujours sous la surveillance du même geôlier, Bénigne Dauvergne, dit Monsieur de Saint-Mars, ancien mousquetaire !

    Huit ans après sa mort, la princesse Palatine, belle-soeur du roi de France, le fait sortir de l'anonymat en le présentant dans sa correspondance comme un milord anglais qui aurait comploté contre la France...

    La légende

    La littérature et la légende vont s'emparer du personnage et le rendre célèbre sous le surnom de «Masque de fer» car nul n'a jamais pu voir son visage caché par un masque de velours noir (et non de fer).

    Son identité ne tarde pas à susciter bien des hypothèses. Est-il le frère jumeau de Louis XIV, comme l'a prétendu Voltaire ? ou le fils adultérin d'Anne d'Autriche et du duc de Buckingham ? Est-il, comme le croient d'autres, le duc de Beaufort ? un bâtard du roi Charles II d'Angleterre ? le comte de Vermandois ? le surintendant Fouquet  ? Est-il... ?

    Avec son talent coutumier, Alexandre Dumas a fait revivre dans Le vicomte de Bragelonne l'hypothèse d'un frère jumeau de Louis XIV né huit heures après ce dernier.

     

    Le masque de fer, vu par Alexandre Dumas

    Enfin la vérité ?

    Dans Le Masque de fer (Tempus), l'historien Jean-Christian Petitfils évoque l'hypothèse d'un certain Eustache Danger, valet de son état, mis au secret pour ne pas dévoiler la conversion secrète du roi Charles II d'Angleterre au catholicisme.

    Monsieur de Saint-Mars, fâché de n'avoir plus qu'un valet à garder après eu sous sa férule le surintendant Fouquet et le duc de Lauzun, aurait lui-même monté la mystification du masque de fer pour se donner de l'importance...

    Cela dit, la plupart des historiens s'accordent aujourd'hui pour reconnaître dans le «Masque de fer» un agent double, le comte Ercole Mattioli (ou Antoine-Hercule Matthioli) en s'appuyant sur une lettre datée de 1770 et signée d'un certain baron Heiss.

    Secrétaire d'État du duc de Mantoue Charles IV de Gonzague, il aurait trahi son maître ainsi que le roi de France en révélant aux Espagnols des négociations secrètes relatives à l'acquisition par la France de la place forte de Casal. Louis XIV l'avait alors fait enlever à Venise et écrouer en 1669, en veillant toutefois à ce qu'il vive toujours dans une confortable aisance.

    Il n'est pas exclu qu'un domestique, tenté par cette vie de coq en pâte, ait bien voulu prendre la place du comte et permettre à celui-ci de reprendre sa liberté à l'insu de tous.

    Camille Vignolle

     

    Éphéméride du Jour 5:  La légende du Masque de fer - 19 novembre 1703

     

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    16 novembre 1805

     

    Mungo Park disparaît en Afrique

     

     

    Du 16 novembre 1805 sont datées les dernières notes de voyage de Mungo Park.

    Cet Écossais tôt disparu est le premier Européen à visiter l'Afrique en qualité d'explorateur et d'anthropologue. De lui nous tenons l'essentiel de nos connaissances sur les sociétés noires d'avant la colonisation.

    Alban Dignat
     
     
    Précurseurs

    Les rares voyageurs qui ont précédé, comme Anselme d'Isalguier, originaire de Toulouse, et Léon l'Africain, originaire de Grenade, n'ont pas influé sur la perception qu'avaient les Européens de l'Afrique.

    À la fin du XVIIIe siècle, en 1788, un premier aventurier, l'Écossais James Bruce, part en Abyssinie (l'Éthiopie actuelle) à la recherche des mythiques sources du Nil. Mais à son retour, il ne suscite qu'indifférence.

    Du XVe au XVIIIe siècles, les Européens, à commencer par les Portugais, s'en tiennent à des établissements côtiers où ils troquaient leurs marchandises contre de l'ivoire et des esclaves avec les chefs de l'intérieur. La difficulté d'accostage des navires, l'insalubrité des côtes infestées de moustiques et la pauvreté d'ensemble du continent les dissuadent de s'aventurer plus avant.

    Les explorations de l'Afrique (1795-1885)

     

    Éphéméride du Jour 5:  Mungo Park disparaît en Afrique - 16 novembre 1805

     

    Éphéméride du Jour 5:  Mungo Park disparaît en Afrique - 16 novembre 1805

     

     

    L'Afrique noire est le dernier continent à avoir été pénétré par les Européens, ceux-ci ayant été longtemps rebutés par les fièvres.

    Après les pionniers du début du XIXe siècle et la conférence de géographie de Bruxelles (1876) viendront les aventuriers et les conquérants au service des États européens...
     

    Le découvreur de l'Afrique
     

    Mungo Park naît à Foulshiels (Selkirkshire, Écosse) le 20 septembre 1771.

    Jeune chirurgien, il est engagé sur le Worcester pour un premier voyage qui le mène à Sumatra. Il en tire une description qui lui vaut d'être engagé par l'African Association pour reconnaître la région du Niger, en Afrique occidentale. C'est ainsi qu'à 24 ans, en 1795, il part tout seul en mission en Afrique.

    Il remonte le fleuve Gambie, au milieu du Sénégal actuel, jusqu'à l'ultime poste britannique, à 200 miles en amont. De là, il s'engage vers l'intérieur seulement accompagné de deux serviteurs noirs. Les péripéties foisonnent. Ainsi est-il capturé par un chef maure et réussit-il à s'enfuir au bout de quatre mois.

    Le 21 juillet 1796, il atteint le fleuve Niger à Segou. Pour le retour, il suit une route plus au sud. Malade, il doit à la bienveillance d'un chef noir de pouvoir se rétablir pendant sept longs mois. Enfin, le 22 décembre 1797, le voilà de retour en Grande-Bretagne après un crochet par... l'Amérique (dans le commerce triangulaire, aucun navire ne revenait directement d'Afrique en Europe).

    Le récit de son expédition, sous le titre : Voyage à l'intérieur de l'Afrique, lui vaut une immense popularité.

    L'explorateur peut dès lors songer à se marier. Il s'établit avec sa femme dans son village natal. Mais le démon de l'aventure le reprend quand, à l'automne 1803, le gouvernement l'invite à repartir pour le Niger, cette fois à la tête d'une imposante expédition.

    Il a soin cette fois-ci d'apprendre l'arabe.

    L'expédition quitte le port de Portsmouth pour la Gambie le 31 janvier 1805. Mais, trop lourde et encombrée, elle n'atteint le Niger qu'en août de la même année. Plusieurs Européens ont déjà succombé aux fièvres ou à la dysenterie.

    Mungo Park décide alors de descendre le cours du fleuve avec un bateau. Celui-ci, construit tant bien que mal avec les moyens locaux, est baptisé « Joliba », nom indigène du Niger.

    Avant de larguer les amarres, le jeune Écossais confie à Isaac, un guide mandingue (tribu locale), des lettres pour l'Angleterre et au Colonial Office où il précise ses intentions : « J'irai vers l'Est avec la ferme résolution de découvrir l'embouchure du Niger ou de périr... Bien que tous les Européens qui m'accompagnent soient déjà morts ou sur le point de mourir et que je sois moi-même à moitié mort, je persévèrerai et si je ne réussis pas, au moins mourrai-je dans le Niger »...

    L'explorateur écossais disparaît peu après avec les derniers survivants de son équipe dans un naufrage sur le Niger. Ainsi s'achève l'épopée du premier Européen qui ait réussi à pénétrer dans l'intérieur du continent noir.

    Impressions d'Afrique

    De son premier voyage, Mungo Park a rapporté de précieuses indications sur les sociétés d'Afrique occidentale. Ainsi souligne-t-il dans son récit la diffusion rapide d'un islam abâtardi dans toute la région du Sahel (le Mali actuel). Il note aussi la haine des Noirs pour les Maures (lui-même ne porte pas ces derniers dans son coeur et leur reproche leur cruauté et leurs menteries). Elle perdure dans l'actuel conflit entre Touareg nomades et Noirs du Mali.

    Il souligne la fréquence des guerres. Celles-ci sont de deux types. D'une part des guerres formelles à l'européenne, d'autre part des rezzou ou coups de main ayant pour objectif principal la vengeance et la quête d'esclaves.

    Résultat des guerres, les famines et les disettes sont fréquentes et parfois si dramatiques que des hommes libres n'hésitent pas à se vendre eux-mêmes comme esclaves ou à vendre leurs propres enfants. Il arrive, raconte Mungo Park, que des négriers européens intallés sur la côte reçoivent de telles propositions !

    L'explorateur souligne l'importance de l'esclavage, profondément enraciné dans les structures sociales africaines. Parmi les esclaves, il y a ceux qui le sont par naissance. Ceux-là, les plus dociles, sont plus volontiers revendus aux Européens. Il y a aussi ceux qui le sont devenus par le fait d'une guerre ou de leur insolvabilité.

    Mungo Park apporte aussi des informations de première main sur les sociétés rurales. Il décrit des savanes arborées et des paysages aux collines verdoyantes. Mais partout sévit la menace des bêtes fauves et des lions, dont les villageois se protègent par des clôtures.

    L'Écossais déplore les cases enfumées, les Africains ignorant les cheminées qui permettent d'économiser du combustible et d'évacuer la fumée. Il note qu'une contrée, à l'ouest de la Gambie, pratique la fumure et utilise le fumier des bêtes pour fertiliser les sols ; elle dispose aussi d'une petite sidérurgie.

    En sus des esclaves, l'Afrique occidentale exporte pour l'essentiel de la poudre d'or et de l'ivoire. Les Noirs achètent aux Européens de leur côté du rhum, des fusils, de la poudre... Ils achètent par ailleurs aux Maures du sel gemme.

    « Colonialiste » avant l'heure, Mungo Park regrette que les Européens de la côte ne se soucient pas de répondre à la curiosité des Africains ni de leur enseigner leur langue et leur foi.

    « Honteux commerce »

    Notons que sur les rives de Gambie, il s'écoule plusieurs mois sans que passe un seul navire négrier. Quand, au terme de son premier voyage, Mungo Park en trouve enfin un, celui-ci l'amène aux Antilles en 25 jours. Sur le navire sont embarqués 130 esclaves, dont 25 qui furent naguère libres, les autres étant des esclaves de naissance. Le voyage, périlleux, se solde par 20 à 30 décès (esclaves et marins).

    Toutes ces indications figurent dans les traductions du Voyage à l'intérieur de l'Afrique (nombreuses éditions de poche).

     

    Éphéméride du Jour 5:  Mungo Park disparaît en Afrique - 16 novembre 1805

     

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