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    Les « Mémoires de guerre » du Lieutenant Charles Rungs (3e épisode)

     

     

    Avec le 78e régiment d’infanterie, entrée en Belgique, premiers combats et Retraite


    jeudi 24 octobre 2013, par Andrée RungsMichel Guironnet
     

    "...Le général Joffre ne renonçait pourtant pas à cette offensive en Luxembourg dont il escomptait la décision par la rupture du front allemand.
    Le soir du 20 août, il envoyait aux 3e et 4e Armées l’ordre de prendre, dans la nuit même du 20 au 21, une offensive soudaine et violente dans les Ardennes et le Luxembourg belges.
    Ces deux Armées constituant le centre de notre ligne étaient en parfaite liaison : la 3e à droite, à cheval et au nord de Othain, et la 4es’étendant avec ses cinq Corps sur les deux rives de la Chiers, entre Sedan et Montmédy…/… La 4e Armée, chargée de l’attaque principale, devait se diriger droit au nord, ayant pour objectif la trouée de Neufchâteau. La 3e Armée, marchant aussi vers le nord, devait couvrir le flanc droit de la 4e et pour cela progresser en échelon, la gauche en avant et sa tête à quelques kilomètres en arrière et à l’est de la droite de la 4e Armée.

    Le but de ce mouvement était de parer à la marche de flanc de l’ennemi à travers la Belgique, en cherchant à percer son centre"

    "Pour la journée du 22, l’ordre portait : « L’ennemi sera attaqué partout où il sera rencontré. » Or, de cet ennemi, on savait seulement qu’il devait être très proche. La journée ne pouvait pas se passer sans rencontres.

    Le général de Langle de Cary donna à la 4e Armée la directive de « marcher droit devant soi » : chaque Corps d’Armée reçut comme zone d’action une étroite bande d’un terrain assez difficile.

    Les colonnes se mirent en mouvement d’assez bonne heure, mais un brouillard épais prolongea la nuit, ou du moins l’obscurité, assez tard dans la matinée. Les premières pauses en furent facilitées, mais ces matins-là, en été, promettent des journées chaudes.
    Chacun le prévoyait ; La veillée des armes avait pris fin, c’était l’action attendue et si longtemps espérée.../...

    Au centre (de la 4e Armée) les 17 et 12e Corps, qui avaient pour objectif le front Jéhonville-Libramont, partirent en liaison l’un avec l’autre, mais d’importantes forêts les séparaient et la liaison se perdit.../...A droite, le Corps colonial livrait de violents combats où son énergie, son courage et son sublime entrain ne trouvèrent pas leur récompense." [1].

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    La mise en place du dispositif
    Position des armées françaises le 21 août au soir, carte tirée des mémoires du Maréchal Joffre (1932)
    La bataille des Ardennes

    « En raison de la nature boisée et de la difficulté des communications de la région dans laquelle elle va se livrer, la bataille des Ardennes se présente comme une série d’actions distinctes et, pour ainsi dire, isolées, au cours desquelles ni le général en chef, ni les commandants d’armée n’ont guère eu à faire sentir leur intervention » [2].

    « Les opérations des IIIe et IVe armées du 18 au 23 août » sont présentées, avec les documents de l’Etat-Major, dans Les armées françaises dans la Grande Guerre [3]. Gabriel Hanotaux, entre autres, a relaté ces combats des Ardennes dans le chapitre X la bataille des frontières du tome V de sonHistoire illustrée de la Guerre de 1914 Voir également mes articles sur Victor Latour au combat de Rossignol.

    C’est par ces journées de « la Bataille des Ardennes » des 22 et 23 août 1914 vers Neufchâteau que se poursuit le récit du Lieutenant Rungs.

    22 août

    Trois heures du matin. On partira à 3 h 30. Itinéraire : Florentville, Chiny, Straimont, Tournay.Nous savions le Corps Colonial à droite marchant sur Neufchâteau et le XVIIe Corps à notre gauche vers Bertrix.Ordre. Offensive sur toute la ligne.

    Quelques coups de feu en avant. Les Uhlans sont repoussés, laissant de nombreux morts que nous dépassons.Nous trouvons à Florenville les blessés du 100e et du 50e, du combat de la veille. Les blessés sont peu dangereusement atteints aux mains, aux jambes ; quelques uns aux cuisses.

    Ils nous recommandent de nous méfier des mitrailleuses, qui cherchent à prendre en écharpe, et de ne pas craindre de prendre les formations ouvertes, de très très loin, et de déployer toujours au moins à 1.500 mètres de la ligne adverse.

    Les chefs de section sont surtout recherchés. Certains parmi les morts, sont tombés frappés par plusieurs balles.Aussi à peine arrivés à Chiny à 11 h, sans avoir été inquiétés, les officiers sont réunis. Ordre est donné de faire disparaître les insignes du grade et de ne plus précéder sa troupe. [4].

    Pour moi la chose est faite. J’ai acheté une capote de troupe, une musette, un bidon, au magasin des corps ; et je porte également le sac, je ne diffère donc de mes hommes que par le fusil. Il faudra être au corps à corps pour que je sois reconnu : je garde mes galons, mon capitaine et mon sous-lieutenant en font autant  ; que diable, il ne faut aller trop loin, que diraient les troupiers !!!

    Mon Capitaine  [5] aussi avait une capote. Aujourd’hui 15 septembre [6] il n’est pas blessé : mon sous lieutenant n’en avait pas, il l’est, je crois, parmi les morts.Et si j’ai reçu un éclat d’obus, c’est le hasard, je n’ai eu en tous cas qu’une fois la sensation que j’étais très visé, c’est à Carignan. Ce jour là, je précédais ma troupe qui était abritée dans une cuvette.

    Plus loin dans son récit, évoquant les combats de Raucourt le 28 août, le Lieutenant Rungs écrit : C’est à ce moment que tombèrent mes camarades Haack, Dumaud, Minard, Vilain, Mativon. Haack était mon sous-lieutenant. Son frère, ancien officier supérieur, est en ce moment major de la garnison de Bordeaux. Ce bon camarade, très militaire, n’avait pu se décider à faire disparaître ses galons, comme le conseil en avait été donné, et surtout à revêtir une capote de troupe, il fut visé par les bons tireurs allemands, comme l’ordre leur est donné de ne tirer que sur les officiers et il tomba frappé de deux balles. 

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    A 9 heures 30, vers la ferme Chamblage, à Raucourt, le 28 août 1914 (JMO du 78eRI)



    On ne retrouve pas sa fiche sur Mémoire des Hommes.Le nom de Haack apparaît toutefois dans les annuaires de la Saint-Cyrienne d’avant-guerre.

    Nous stationnons longtemps à Chiny. Je mange un morceau de bœuf bouilli avec du pain ; je bois un quart d’eau. Défense a été faite de rentrer dans les maisons et d’allumer du feu. C’est que les canons font rage en avant de nous et, d’un moment à l’autre, nous nous attendons à partir.

    Midi était passé lorsque nous nous acheminons vers la forêt.Partout des traces de balles ; des morts allemands, mais pas un français. Nous pénétrons dans cette forêt. L’allure est vive ; nous sentons que l’on nous attend. C’est de l’autre côté que se livre la partie.

    Quatre heures sont sonnées quand nous arrivons à Straimont. Nous nous dirigeons sur Martilly ; la bataille bat son plein ; l’artillerie est assourdissante, pas la nôtre, hélas !

    Avant d’arriver à Martilly, le 138e et le 78e appuient vers les bois à l’Est. Les voitures à munitions arrivent au galop ; on vide les coffres : chaque homme a sur lui à partir de cet instant 310 à 320 cartouches, on nous a même donné des cartouches de l’Infanterie de Marine.

    Direction Grapfontaine, nous dit le Colonel Arlabosse. Les Marsouins sont écrasés par l’artillerie lourde ; nous attaquons depuis ce matin deux points d’appui, très bien organisés, sans préparation par l’artillerie ; il faut dégager l’Infanterie de Marine.

     

    Marsouin : familièrement, c’est ainsi qu’on appelle le soldat de l’infanterie coloniale

    Les « troupes de marine » ont leur origine dans les « compagnies ordinaires de la mer » embarquées sur les navires royaux pour les combats navals. Sous la Restauration sont créées l’artillerie de marine et l’infanterie de marine, surnommées respectivement les « bigors » et les « marsouins » Ces deux armes ne servent plus alors à bord des bateaux, mais à terre, dans les nouveaux territoires conquis par la France, « les colonies ». Elles sont rattachées en 1900 au ministère de la Guerre et prennent le nom de troupes coloniales. C’est sous ce nom qu’elles participent à la Première Guerre.

    Les Marsouins dont il est question ici sont ceux de la 5e Brigade coloniale composée des 21e et 23e Régiments d’Infanterie Coloniale.

     

    Le 138e est dirigé sur le Nord du mamelon situé au N.E. de Menugoutte. Vers Menugoutte s’établit une batterie d’artillerie qui a du s’approcher pour pouvoir atteindre les batteries lourdes allemandes.Son tir doit être efficace, car, en un rien de temps, le tir allemand cesse.

    Nous avançons en colonne double ouverte, à grands intervalles sous bois :
    - 1er Bataillon objectif (la) lisière Est du bois situé à l’Ouest du mamelon de Menugoutte 
    - 3e Bataillon organisera le point d’appui (mamelon) 
    - 2e Bataillon en réserve.

    Par une marche sous-bois, le 1er Bataillon s’approche de son objectif ; le feu est intense ; l’artillerie ne tire plus.Nous arrivons sur un plateau déboisé : nos hommes sont en tirailleur, une rafale d’artillerie nous reçoit. Il n’y a pas de mal.

    Ce n’est pas pour se vanter ; mais ce n’est pas (une) petite affaire de recevoir de si lourds et tapageurs projectiles.Nous nous sommes aussitôt terrés.

    L’artillerie ayant raccourci le tir ; ce fut le 138e qui pendant une demi heure subit l’assaut.Pendant ce temps notre position s’organisait, nous étions obligés de travailler couchés.

    Je vis, pendant ce temps, passer bien des Marsouins blessés. Dans une voiture conduite par un paysan, il y avait un colonel, deux chefs de bataillon, six officiers subalternes, tous de l’Infanterie de Marine. Puis nos brancardiers, qui avaient gagné la ligne de feu, commencèrent l’évacuation des blessés Marsouins. Mes hommes ne bronchaient pas.

    Puis l’Infanterie de Marine se sentant soutenue repartit à l’assaut du village. Mitrailleuses (et) artillerie, pendant une demi heure, tonnèrent. Le résultat fut encore plus négatif.

    Les premiers blessés du 78e arrivent jusqu’à nous ; nous leur indiquons notre poste de secours. Il n’y seront pas longtemps en sureté.

    Une panique idiote a lieu à l’avant ligne. Les Marsouins en se repliant sur le régiment d’avant ligne ont été pris pour des Allemands. Un immense cri ’« en avant à la baïonnette » retentit ; tout le monde s’élance en avant : ma compagnie est restée seule derrière son ouvrage.

    Bien lui en a pris ; car toute l’artillerie allemande a tourné ses foudres sur nous, et, durant un quart d’heure, nous servîmes, passifs, d’objectif. Il n’y eut que deux blessés. Bien entendu, l’erreur fut vite connue et chacun regagna son poste.

    Je vis alors une charge réelle, la première : les Allemands, profitant de notre ahurissement, s’étaient glissés jusqu’à la batterie de 75 qui était à notre gauche, 800m Ouest de la gauche du 138, et voulaient s’en emparer.

    D’un bond, tout le 107e fut sur eux et leur fit une conduite telle que le bataillon prussien prit un tel pas de course qu’il oublia de dégager les mitrailleuses en batterie.

    Cette charge dura six minutes à peine. Mais qu’elle nous parut longue ! 
    L’artillerie lourde allemande s’était mise de la partie et les mitrailleuses aussi. Mais comme la charge avait lieu en échelons, et les hommes en tirailleurs, le 107e se tira de sa première bataille avec peu de mal.

    Pendant ce temps, notre 1er Bataillon recueillait ce qui restait de la brigade des Marsouins : un commandant, trois capitaines et 1 200 à 1 400 hommes.

    Le feu, petit à petit, s’apaisa ; la nuit descendait. Quelques balles nous furent envoyées pendant trois ou quatre minutes. Personne ne fut touché et le calme vint complet avec la nuit.

    Le 3e Bataillon reçut l’ordre de se replier un peu en arrière de son point d’appui. Le 138e se replia entièrement. Il restait en ce point sur la ligne à 8 h 30 du soir : le peu de Marsouins survivant de la brigade engagée et tout le 78e.

     

    La journée du 22 août 1914 au 78e Régiment d’Infanterie (d’après le JMO 26 N 663/1) 

    « 22 août. En exécution de l’ordre préparatoire de la 45e Brigade, le régiment se met en route derrière le 63e, les bataillons dans l’ordre suivant : 1-2-3 (Le Lieutenant Rungs est à la 11e compagnie du 3e bataillon).

    Par suite d’un retard produit par la mise en route de l’artillerie, le départ ne peut avoir lieu qu’à 5 h. Le régiment suit la colonne par Pin, Izelles, Chiny, Straimont et Menugoutte. Aucun incident jusqu’à Straimont.

    16 h 30. Le 2e bataillon, sous les ordres du Lieutenant Colonel de Montluisant, suit en réserve les mouvements de la 23e division qui se porte en avant.

    17 h 30. Le 2e bataillon est arrivé à Menugoutte. En ce moment, une pluie d’obus éclate sur Menugoutte, le bataillon abrité dans une route en déblai ne subit aucune perte.

    17 h 45. Sous l’impression du tir violent de l’artillerie ennemie, les troupes de différents régiments qui occupent ce village battent en retraite. Elles sont arrêtées à la partie sud du village par le 2e bataillon du 78e qui est resté en position.

    Le Général de division donne l’ordre suivant « Le 2e bataillon va prendre une position d’avant-postes à fin de combat à 800 m sud de Menugoutte. L’ordre est exécuté sans incident.



    Détachement commandé par le Colonel Arlabosse

    15 h 30. Le Général de division donne l’ordre au Colonel de prendre avec lui 2 bataillons et de se porter sur Grapfontaine pour aider à dégager la Brigade coloniale qui est engagée en ce point avec un ennemi très supérieur. Un bataillon du 138e a été envoyé déjà avec le même objectif, il passe sous les ordres du Colonel.

    16 h 30. La liaison est faite avec le bataillon du 138e devant Grapfontaine. Le bataillon est déployé devant le village, à cheval sur le chemin Straimont-Grapfontaine. Le 1er bataillon est déployé à sa droite. Le 3e est gardé en réserve (c’est celui du Lieutenant Rungs).

    17 h 30. Le détachement est fortement canonné par des batteries situées vers Monplainchamps et vers Neufchâteau. En même temps, les mitrailleuses tirent de Grapfontaine. Ce feu, très dense, se renouvelle à 2 reprises. Le régiment a 1 tué, 16 blessés.

    18 h 30. Le feu a cessé complètement, le détachement qui a reçu l’ordre de maintenir sa position pour couvrir la droite de la 23e Division, passe la nuit en avant-postes de combat. Quelques coups de feu échangés entre patrouilles.

    Rien à manger, rien à boire ; chacun se coucha avec son fusil à la main, baïonnette au canon et le sommeil s’empara de chacun.Troublaient seules la nuit, les plaintes des blessés que l’on portait à bras jusqu’à nous ; les civières les emmenaient ensuite.

    Je ne devais pas dormir, nous étions à la corne Est du bois. Je veillais et, à chaque instant, le « halte qui vive » « Marsouins » me mettait sur pieds.

    Comme des bêtes blessées, ils arrivaient cahin-caha, boitant, se traînant, cherchant des soins. Je recueillis aussi des patrouilles égarées que je gardais.

    Et bien, ces hommes qui s’étaient battus comme des lions depuis dix heures du matin, vinrent me demander de leur confier la garde d’un coin de notre bivouac improvisé. Je les remerciai.

    Deux durs à cuire, ne voulurent rien entendre : ils s’assirent à côté de moi, me disant « vous feriez un chic Marsouin, vous, nous allons veiller avec vous ». Ils ne dirent pas un mot, mais chiquèrent tout le temps et, à chaque instant, ils invoquaient Cambronne, se plaignant de ne pouvoir fumer et boire.

    Pendant ce temps, l’horizon s’était éclairé au Nord et au Nord Est. Les Allemands incendiaient les villages et nous croyions qu’ils avaient allumé les feux de bivouac.

     

    23 août – La retraite sur Pruilly en France

    Aussi,quand à 2 h 30 la patrouille porteuse des ordres vint trouver le Colonel , nous fûmes abasourdis. Le régiment devait aller s’établir à Straimont, l’ennemi s’était dérobé par notre droite par une marche de nuit (et) semblait se diriger sur Jamoigne.

    Le 107e et le 138e recevaient l’ordre de se porter à Chiny ; d’organiser le village et le passage de la rivière ; le 63e et le 78e s’établiraient vers Martilly, pour soutenir la retraite du XVIIe corps qui avait été battu la veille dans les bois de Luchy et de Hugueny.

    A ce sujet, j’ai vu des officiers de la brigade (11e et 20e Infanterie je crois), qui fut décimée dans les bois de Luchy. Ils y furent surpris en colonne par quatre ; on leur tirait de tous les cotés.

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    Dans la forêt de Luchy le 22 août 1914

    Trois jours après, lorsque le 11e eut essayé de se reconstituer, il restait à ce régiment : 1 colonel (Colonel Appert je crois), 1 commandant, 2 capitaines,Capitaine Gailbaut, que je connais beaucoup et qui m’a donné ces renseignements, et le capitaine adjoint au colonel, 3 lieutenants et sous lieutenants et 1200 hommes. Le reste était tué ou prisonnier ; le 20e était dans le même état.

    Il s’agit de la forêt de Luchy vers Ochamps dans le Luxembourg belge : http://www.sambre-marne-yser.be/IMG...

    La 66e Brigade d’Infanterie de Montauban est rattachée à la 33e Division d’Infanterie (17e Corps d’Armée) Le JMO du 11e régiment d’infanterie raconte en détail, sur plusieurs pages, les épisodes tragiques de cette journée du 22 août 1914. La carte ci-dessus est extraite de ce JMO 26 N 585/1. 

    Le Colonel Appert commande le 11e RI, le Capitaine Gailhbaud est à la tête de la 4e Compagnie du 1er Bataillon. 

    Au départ du régiment, le 5 août, le 11e régiment d’infanterie comptait 3294 hommes. Au matin du 23 août, ils n’étaient plus que 524 !

     

    En arrivant à Straimont, mon capitaine rencontre l’aumônier. Il lui serre la main et lui dit que nos hommes n’ont pas mangé depuis 24 heures et qu’il prend sur lui de faire entamer les vivres de sac. « Et vous non plus, mon capitaine, venez, le curé se sauve en France, il m’a abandonné sa maison, je vais distribuer ses vivres aux officiers ». Pour notre part, nous eûmes 6 œufs, une livre de pain, 2 bouteilles de vin. Et je vous assure que le festin fut bon.

    En mangeant, je regardais un Taübe qui à 2.000 m présidait à notre repas ; les hommes prenaient le café. Cet insolent lâcha à ce moment une flèche qui en tombant perpendiculairement était éclairée par de nombreuses étoiles bleues : un vrai feu d’artifice.

    Un peu plus loin, il passa sur le 300e qui s’était établi à notre gauche avec 2 batteries d’artillerie. Ce fut alors même jeu mais les étoiles étaient rouges.
    Nous eûmes aussitôt l’explication ; il signalait notre présence et en un rien de temps, l’artillerie lourde allemande essaya de bombarder notre artillerie ; tous les coups furent courts et il n’y eut pas de mal.

    Dès le commencement du tir, chacun se porta aux tranchées que nous avait laissées le Génie. Bien nous en prit, car l’artillerie nous honora de six coups percutants. Le premier tomba à 20 mètres du Colonel, le deuxième à 300 m plus loin ; le 5e et le 6e à proximité du pont. Le tir s’arrêta : c’était le pont qui était l’objectif. L’aéroplane à ce moment prenait de la hauteur, il avait sans doute signalé : tir exact.

    Mais ces braves Allemands nous prennent pour des enfants : les sapeurs dégringolèrent des peupliers et au lieu de passer sur le pont, dans notre marche en retraite, nous avons utilisé notre pont nouveau modèle.

    Mais auparavant je vis combien les Allemands connaissaient la région et avaient repéré toutes les distances.Dès qu’une troupe du XVIIe Corps, battant en retraite, se profilait sur une crête, 12 obus lourds l’accompagnaient immédiatement. Les bois de Belgique, le moindre sentier, étaient connu d’eux ; ils avaient fait depuis longtemps la reconnaissance du terrain ; Albert de Belgique nous avait conseillé de brûler tous les bois. Nous aurions dû l’essayer.

    Dix heures du matin, sous la protection du 63e, nous nous replions. Pas un coup de fusil, pas un obus ne nous accompagne : nous ne voyons même pas un cavalier.
    Que veut dire ce mouvement, est-ce que les Allemands veulent nous couper la retraite ? En tout cas, nous marchons.

    A une heure nous sommes à Chiny que le 107e défend contre personne puisque nous ne sommes pas poursuivis.A La Cuiserie, nous trouvons le 300e. L’artillerie fait rage à l’Est vers Moyeu, Isel, Pin. Le Corps Colonial supporte à lui seul tout le choc ces forces allemandes.

    Sans une pause, sans manger (et quoi manger ?!) nous continuons notre retraite.
    A Florenville, nous trouvons l’État-Major du Corps d’Armée de la Division. Nous trouvons aussi le désordre.(Les) troupes du XVIIe corps arrivent par sections, demi section ; toute l’artillerie est allée prendre une position de batterie vers la voie ferrée ; tous les chevaux vont à l’abreuvoir. Impossible de passer. On forme les faisceaux.

    Et l’on se bat à 4 km à l’Est, nous voyons éclater les obus.Va-t-on intervenir par une attaque de flanc ? Non, en route sur Mogues.

    Nous revenons en France. Mais la route est encombrée de Belges. Enfants, femmes, hommes se sauvent des Allemands. Ils pleurent ; tous les véhicules sont utilisés. J’ai vu une grand’maman dans une brouette , elle avait sur ses genoux un petit enfant.
    Les larmes nous viennent aux yeux : que c’est terrible.

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    Paysans ardennais quittant leur village
    Photo extraite du tome V de « Histoire illustrée de la Guerre de 1914 » par Gabriel Hanotaux (1917)

    Il commence à faire nuit. Nous arrivons à Mogues. Le Colonel nous attend. « Pour la France mes enfants, nous dit-il, encore un coup de collier, la soupe, les distributions vous attendent à Puilly ».

    Et les hommes marchent, ils ne disent rien, ils pensent à la France sans doute, ils souffrent. Ils souffrent en voyant la désolation des gens qui fuient les barbares ; ils souffrent parce qu’ils battent en retraite sans avoir été battus ; ils souffrent parce que l’on continue à se battre à côté d’eux, à cinq ou six kilomètres et que leur valeur, leur courage, leur âme française trempée, prête au sacrifice, rien de tout cela qui fait l’excellent défenseur de la Patrie, rien n’est utilisé.

    Pauvres enfants, je vous ai compris et j’ai souffert comme vous. Je vous estime davantage si c’est possible. Et lorsque le Colonel vous a demandé un nouvel effort pour arriver à Puilly, je n’ai entendu que ces mots : « ce n’est pas bien loin, mon lieutenant, nous pourrons dormir et manger ? » « Manger oui, dormir après » leur dis-je.

    Ils avaient faim, très faim. La cuisine roulante n’avait pu nous rejoindre à Grapfontaine : elle s’était maintenue sur la défensive dans les bois de Chiny avec les autres voitures ; et les Marsouins de la 3e Brigade, mangèrent la soupe de nos fantassins. Echange de bons procédés : ils venaient, quelques heures auparavant, de donner à nos fusils les cartouches nécessaires pour faire une retraite honorable.

    Ils avaient faim car depuis plus de 36 heures ils avaient juste mangé trois biscuits et 100 grammes de viande de conserve ; ils avaient bu un quart de café.
    Ils avaient faim surtout, car ils marchaient , ils avaient manœuvré, remué la terre depuis trois heures du matin, ils avaient marché sans faire de pause, et il faisait nuit, huit heures du soir étaient sonnées.

    Nous entrons dans une luzerne et nous nous formons en colonne double. Nous sommes près du village. Les toitures du TC2 (voitures des Compagnies) sont là ; l’officier d’approvisionnement vient d’arriver.

    On vole aux distributions ; mes hommes mangent. Mais, pour les faire manger, il faut les réveiller, car beaucoup dorment. Je ne les laisse que lorsque je suis certain que chacun s’est réconforté.

    Alors je songe à moi : c’est que je souffre et je n’en ai rien dit ; je suis blessé au vif, comme si je venais de faire une randonnée à cheval. Je connais le remède. J’ai de l’alcool à 90° dans mon sac et j’ai vite fait, non sans douleur, de cicatriser ces deux pièces de cent sous mal placées.

    J’ai mangé deux œufs crus et du jambon que mes hommes m’ont procuré. C’est que j’ai un lascar à ma compagnie ; il est de Francfort, c’est un employé de banque qui a été affecté à ma compagnie comme interprète. Il aide mon capitaine, qui fait toujours partie du service des renseignements.

    Ses hautes fonctions lui permettent de circuler et il en profite pour nous approvisionner. Ce brave garçon, qui a vécu sept ans en Allemagne, est imprégné de germanisme. Il croit à la toute puissance militaire de Guillaume ; il me dit chaque jour : « Ils sont plus forts que nous ».

    Néanmoins il garde ses impressions et ne les communique pas à ses camarades, qui ne le croiraient pas du reste, car ils sont persuadés qu’il faut trois Allemands pour faire reculer un Français.

    Enfin grâce à ce Dolmätcher d’occasion, j’ai pu dîner ce soir là.

    Onze heures sont sonnées, lorsque le Général autorise le 78e à pénétrer dans le village ; le 63e restera au bivouac ; il en sera de même pour l’artillerie (2e régiment) plus l’artillerie coloniale qui a perdu la veille près de Pins, deux batteries prises par l’ennemi.
    Nous utilisons la paille et le foin, le blé et l’avoine non battus qui sont dans les granges et nous nous endormons. Pas pour longtemps, car il était deux heures trente, lorsque le coup de longue d’alerte fut donné. Chacun fut vite équipé et demi heure après, le Régiment remontait au Nord sur Mogues.

     

    Notes

    [1« La Grande Guerre vécue-racontée-illustrée par les combattants » publiée sous la Direction de M. Christian-Frogé, secrétaire général de l’association des écrivains combattants.

    [2« Les armées françaises dans la Grande Guerre » tome premier, premier volume, page 370 (1922).

    [3pages 351 à 433 dans le tome premier (premier volume) consultable sur Gallica.

    [4On pourra lire avec profit la discussion à ce sujet sur le Forum pages 14-18 : http://pages14-18.mesdiscussions.ne...

    [5Il s’agit certainement du Capitaine Therond, commandant la 11e compagnie du 3e bataillon.

    [6Cette date nous donne une indication sur la rédaction de ce récit : le Lieutenant Rungs est alors en convalescence après sa blessure

     

    Généalogie:  Les « Mémoires de guerre » du Lieutenant Charles Rungs (3e épisode)

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    Les « Mémoires de guerre » du Lieutenant Charles Rungs (2e épisode)

     

    Avec le 78e régiment d’infanterie, marche aux frontières de la Belgique


    jeudi 10 octobre 2013, par Andrée RungsMichel Guironnet
     

    15 août : « Les ordres arrivent : 3e bataillon du 78e à l’Avant-garde... nous partons. Il fait bon marcher dans le brouillard de la Meuse ».

    16 août : avion allemand abattu, 17 août : escarmouche avec l’ennemi au 21e Chasseurs, 18 août : reconnaissance du 3e Chasseurs d’Afrique, 19 août : fouille et interrogatoire d’un prisonnier, 21 août : combat des 100e et 138e RI au Pin et Izel.

    4 heures de l’après midi : « Nous pénétrons en Belgique, acclamés, salués par tous les bons Belges. Et nous marchons, nous marchons au feu »... Presque minuit : « nous étions revenus en France !!! »

    Le parcours de Charles Rungs, à partir de cette date, est presque identique à celui de Léonard Rouffie, d’une section R.V.F, décrit dans mon article sur le ravitaillement. Le contexte de la guerre dans cette région fait l’objet d’explications détaillées. Vous pouvez vous y reporter avec profit.

    Vous pouvez aussi consulter l’excellent site sur le 78e Régiment d’Infanterie : http://creusois.canalblog.com/

    15 août 1914

    Bonne fête à toutes les Marie de France, bonne fête ma maman, ma belle-sœur, et j’invoque la Sainte Vierge.

    Les ordres arrivent : 3e bataillon du 78e à l’Avant-garde (10e en tête).
    Je respire, je ne serai pas toujours la lanterne. Dans la nuit noire, nous partons. Il fait bon marcher dans le brouillard de la Meuse, après les journées chaudes que nous venons de supporter. Nous marchons ainsi deux heures.

    Avant-garde, arrière-garde, flanc-garde

    Sûreté en marche. Dispositions générales. 
    Art. 73. La sûreté d’une colonne est garantie par des détachements dénommés : avant-garde, arrière-garde, flanc-garde, suivant qu’ils sont placés en avant, en arrière ou sur les flancs de la colonne. 

    Avant-garde. 
    Art. 74. Loin de l’ennemi, l’avant-garde a simplement pour rôle de déblayer les obstacles qui pourraient se trouver sur la route suivie par la colonne et de permettre à cette dernière de marcher librement. 
    Elle est constituée par des fractions d’infanterie et de cavalerie dont l’importance est proportionnée à celle de la colonne à couvrir. 
    A proximité de l’ennemi, l’avant-garde doit être en mesure de remplir toutes les missions qui peuvent lui incomber dans l’engagement d’après les ordres du commandant de la division, c’est-à-dire : attaquer l’ennemi pour l’obliger à montrer ses forces ; occuper les points d’appui nécessaires au déploiement du gros et conquérir au besoin ces points d’appui. 

    L’avant-garde est donc constituée fortement en infanterie et en cavalerie, celle-ci étant chargée d’éclairer à la distance voulue. Des fractions d’artillerie marchent à l’avant-garde toutes les fois que l’effectif de l’infanterie est suffisant pour couvrir l’artillerie. Dans le cas contraire, l’artillerie du gros doit être en mesure d’appuyer très rapidement l’infanterie de l’avant-garde.

    L’avant-garde comprend en principe :
    Tout ou partie de la cavalerie affectée à la colonne.Une proportion d’infanterie variant du 1/6 au 1/3 de l’effectif total de l’infanterie de la colonne, éventuellement, une partie de l’artillerie, ainsi qu’un détachement du génie, dont la composition est subordonnée à la nature et à l’importance des travaux à prévoir au cours de la marche. 

    Tous ces éléments sont, pour la marche, sous les ordres même chef, qui est le commandant de l’avant-garde. 
    L’avant-garde se fractionne généralement en un certain nombre d’échelons dénommés pointe, tête et gros de l’avant-garde. La pointe est formée par tout ou partie de la cavalerie attachée à l’avant-garde, appuyée par des fractions d’infanterie allégée. Elle est toujours commandée par un officier. 
    La tête comprend du tiers au quart de l’infanterie de l’avant-garde et le détachement du génie. Le gros de l’avant-garde est constitué par la majeure partie de l’infanterie et éventuellement par l’artillerie. 

    La distance qui sépare l’avant-garde du gros de la colonne varie avec la proximité de l’ennemi, le terrain, la force et la mission de l’avant-garde. Cette distance doit être assez grande pour que le gros de la colonne soit à l’abri d’une surprise par le feu de l’artillerie adverse. 
    D’autre part, elle est limitée par la nécessité d’appuyer l’avant-garde en temps voulu et de ne pas la laisser combattre isolément. 

    Arrière-garde. 
    Art. 75. Dans une marche en avant, l’arrière-garde a un simple rôle de protection : observer ce qui se passe en arrière de la colonne et la couvrir, le cas échéant, contre l’action de la cavalerie ennemie. 

    Sa force ne dépasse habituellement pas deux compagnies pour une colonne de division. Autant que possible, quelques cavaliers lui sont adjoints. 
    Dans les marches rétrogrades, l’arrière-garde a pour mission de permettre au gros de la colonne d’échapper à l’étreinte de l’ennemi et d’éviter le combat. 
    D’une manière générale, elle est composée comme une avant- garde dans la marche en avant. Toutefois, elle ne doit pas compter sur l’appui du corps principal, et il y a généralement intérêt à la constituer fortement, surtout en artillerie et en cavalerie. 
    La cavalerie marche en arrière en gardant le contact de l’ennemi, et s’attache particulièrement à éclairer les flancs. 

    Flanc-gardes. 
    Art. 76. Les flanc-gardes sont destinées à protéger les flancs ou le flanc découvert d’une colonne. Leur mission consiste soit à garantir la colonne contre l’action de détachements légers, soit à contenir l’ennemi, si une attaque est possible. 
    Dans le premier cas, la flanc-garde peut être constituée par de simples fractions de cavalerie. 
    Dans le second cas, elle comprend des troupes de toutes armes prélevées soit sur l’avant-garde, soit sur le gros de la colonne. Sa force est en rapport avec l’importance de la colonne à couvrir et celle des attaques possibles. 

    Suivant les instructions qu’elles ont reçues, les flanc-gardes marchent parallèlement à la colonne, soit à hauteur du gros, soit à hauteur de l’avant-garde, ou bien elles occupent sur le flanc exposé les points d’où l’ennemi pourrait inquiéter le mouvement ; elles y stationnent jusqu’à ce qu’elles aient acquis la certitude que leur présence n’y est plus nécessaire. 

    « Service des armées en campagne : service en campagne, droit international, volume arrêté à la date du 2 décembre 1913 » Édité en 1914 chez H. Charles-Lavauzelle.

     

    Au petit jour, alerte. On tire devant nous à Mouzay. L’avant-garde accélère l’allure. Nous arrivons à Mouzay et nous y trouvons le 3e Cuirassier, les chevaux non sellés. Ils ont eu une escarmouche avec des uhlans dans les bois à l’est de Mouzay ; le peloton s’est replié ramenant un tué, un blessé. Je regarde mes hommes, ils ne bronchent pas. C’est bon signe.Mais je vais les voir à l’œuvre aujourd’hui même.

    En effet, le colonel Arlabosse s’approche de mon capitaine. On m’appelle et je reçois l’ordre de me porter avec mon peloton et des cavaliers qui vont me rejoindre, vers Baâlon. Couvrir le passage de la colonne ; puis rejoindre le régiment aux avant-postes à la corne du bois d’Inor à l’ouest du village de Baalon.

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    15 août 1914 « en flan-garde »
    Le 78e prend la tête de la brigade et détache « deux lignes en flanc-garde, l’une vers Charmois au débouché de la forêt de Woevre, l’autre au bois du Charmois » (JMO du 78e RI 26 N 663/1)

    Tout va bien ; le peloton est souple ; mais le bois est grand et le fouiller à fond est une chose délicate ; je n’ai pas encore vu les cavaliers annoncés, mais j’ai reçu un motocycliste et deux cyclistes, qui me sont adjoints comme agents de liaison avec la colonne.

    Mes éclaireurs arrivent au bois. Je fais cacher mon peloton qui est déployé à trois pas. Cinq minutes s’écoulent. Pas de nouvelles, bonnes nouvelles, et encore : si mes éclaireurs se sont faits estourbir sans bruit. Ce silence m’oppresse ; aussi je donne l’ordre à mon motocycliste de se lancer à toute vitesse dans le bois. Il revient quelques minutes après, il a vu les éclaireurs qui se sont arrêtés à une laie du bois.

    Je repars. Une odeur âcre, épouvantable nous saisit à la gorge. La glaise du bois fraichement retournée, nous indique que l’on a enfoui des cadavres dans ce bois. Nous accélérons l’allure.

    Le cycliste de pointe me signale un fort bivouac à 1.500 mètres. Je fais coucher mes hommes et je me porte en avant avec une escouade pour vérifier le renseignement. En débouchant du bois, je trouve en effet un bivouac français : 1er 3e dragons, deux régiments de cuirassiers, un régiment d’artillerie, trois régiments d’infanterie [1].

    Bigre, me dis-je, ma présence est inutile ici ; le 12e corps d’armée en marche est particulièrement bien couvert. J’en avise immédiatement le Colonel qui a reçu le renseignement à neuf heures du soir, lorsqu’il y avait six heures que j’avais rejoint le Régiment.

    Je prends la liaison avec un des Régiments, je fais connaître ma mission et je préviens que par l’itinéraire fixé je vais rejoindre mon corps.
    Mais à l’appel de mon peloton, il manque une ½ section. Commandée par un ancien officier de réserve qui a rendu son grade avant la guerre, pour pouvoir se présenter à Saint Maixent, cette demi section avait trop appuyé au sud. Un maréchal des logis de dragon a eu l’amabilité de me la rechercher et la ramener.

    Onze heures étaient sonnées lorsque, à travers les avoines coupées, en tenant toujours la crête militaire, j’ai repris la route du Nord pour rejoindre mon bataillon.
    La chaleur était horrible ; l’orage montait rapidement... Il était tard lorsque nous arrivâmes au point assigné, mais plus de bataillon. J’envoie les cyclistes en reconnaissance, une ½ heure après je rendais compte de ma mission. Tout s’était bien passé.

    A ce moment un orage épouvantable éclatait. Nous étions sous bois. Mon peloton en réserve avec la 10e Cie, les autres compagnies et le 2e peloton de la Cie occupaient la lisière du bois face à l’Est.

    Malgré l’ingéniosité de mes hommes qui avaient fait un abri magnifique, recouvert de gerbes de blé, trois heures après notre logis était un marécage. A neuf heures, assis sur des fagots et les pieds isolés de la glaise par des gerbes de blé, nous y dînions avec le Lieutenant Colonel de Monthuisant, le Commandant Gaudriault, le docteur de Merliac [2].

    Ma compagnie faisait les frais du festin au pain mouillé de pluie, à la viande sentant la fumée. Une boîte de saumon fut trouvée exquise et les six bouteilles de vin vieux que m’avait donné mon hôte de Petit Bourreuil, et que la cantine à vivres avait charriées jusqu’ici, furent trouvées excellentes.

    Mais impossible de se reposer, nous étions transpercés par la pluie qui continuait à tomber, le sol était de glaise. Le colonel autorisa alors, il était 23 heures, l’allumage des feux. Et ce fut alors un immense incendie devant lequel chacun se présentait pour se sécher, certains même dans la tenue la plus primitive, présentant les effets à la flamme.

    Minuit. Coup de feu aux avant-postes. Simple alerte. Néanmoins mon capitaine m’envoie près de nos sentinelles pour les modérer dans leur trop bon service contre un ennemi imaginaire.
    Je trouve un tronc de peuplier au travers de la route ; je m’assieds dessus et je songe au bon lit, à la bonne table. Un groupe de sentinelles vexé d’être surveillé m’appelle : « Nous étions au 5e à St Die, mon lieutenant, nous n’avons pas peur, tachez d’aller vous reposer ». « Je suis ici par ordre, leur dis-je, je vous connais bien, vous êtes de bons soldats, je puis compter sur vous, mais je vais vous tenir compagnie. »
    Et la nuit se passe, ma somnolence étant chaque ½ heure réveillée par halte-là, qui vive ?, France, etc….
    L’aube me surprend. J’ai été halluciné la nuit . A deux reprises j’ai cru entendre du bruit, voir remuer une ombre. Je suis allé voir pour tranquilliser les sentinelles. Les troncs de la forêt étaient bien immobiles et ne cachaient rien derrière eux .

    16 août 1914

    Décidément nous ne suivons plus la vallée de la Meuse ; c’est face à l’est que nous formons les trois Bataillons en échelon. Le 3e face à Nepvant, les autres à gauche à 500 m d’intervalle.
    Les heures passent. A la jumelle, je suis les évolutions d’une brigade de cavalerie qui semble fouiller la vallée de la Chiers. Plus tard, j’ai vu que l’objectif était Margut.

    Neuf heures sonnent et nous sommes encore en formation souple, gardée, articulée, je veux bien, mais dans un bois que l’artillerie pourra facilement fouiller.

    Un Taübe est venu se rendre compte du contenu du bois. Mal lui en a pris, car une section de la 9e (Compagnie) a ouvert le feu sur lui et comme il était très bas à cause de la pluie, il est parti, blessé à mort, s’abattre au milieu des cavaliers qui escadronnaient sur la Chiers.

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    Dans le JMO de la 4e Division de Cavalerie
    15 août 1914 (26 N 484/1, vue 20/57)



    Voir sur le Forum Pages 14-18, dans les pages « aviation » la discussion sur cet avion allemand abattu le 15 août 1914 :
    http://pages14-18.mesdiscussions.ne...

    Dix heures. Des ordres : le 3e bataillon va aller s’établir à Nepvant. 11e (Compagnie) en avant-garde. 
    Je pars avec ma section, j’ai vu des cavaliers sortir du village au pas, je sais que le village n’est pas en possession de l’Allemand. Je suis tranquille, néanmoins les bois au sud, bois qui sont le prolongement de ceux que nous venons de quitter, doivent être gardés ? 
    Et la liaison avec les éléments de notre droite, éléments dont personne ne m’a parlé, doit être établie. De ma propre autorité je détache en lisière nord de ce bois une ½ section. Mission : couvrir au sud le village de Nepvant, tacher de savoir ce qu’il y a vers Brouenne.

    La veille j’avais laissé à Brouenne un bataillon du 63e (régiment d’infanterie).
    J’arrive à Nepvant, un régiment de dragons y cantonne et attend notre arrivée pour rejoindre sa division qui vient de recevoir l’ordre de se porter àBievres.

    Enfin, je constate que nos cavaliers ont compris l’importance du combat à pied. La défense du village (est) judicieusement organisée et nos dragons ont aussi bien travaillé la terre que nos fantassins.

    Il pleut toujours, nos hommes s’installent dans les granges pour dormir un peu, tout mouillés, il le faut bien. Ils ne mangent même pas, tellement ils sont harassés.
    A midi, au sortir de la messe, où je n’ai pu aller, je réveille les plus courageux. Je fais préparer du potage aux haricots et du café. 
    Les hommes ne manquent de rien. Chaque jour, ils reçoivent 500 gr de viande, leur pain, etc. ; etc.. Les gens du pays sont prodigues : rien ne manque pour une excellente et récupératrice alimentation, si ce n’est le temps pour tout préparer et l’autorisation d’allumer des feux.

    A une heure, je remets tout le monde debout, et je remplace ceux qui sont de faction depuis l’arrivée.L’ordre arrive de s’installer au cantonnement avecun régiment d’artillerie, celui de corps : le 52e.

    Chacun s’installe, je mange chez une Belge (avec mon Capitaine) qui nous sert un repas copieux. Rien n’y manque : « Manchez, mes brafes,ponne chance ».

    J’allais relever une troisième fois mes postes vers trois heures, et les feux du repas du soir commençaient à s’allumer quand des galops de chevaux nous font mettre le nez à la fenêtre. 
    Mon Capitaine, nous dit un fourrier d’artillerie, les deux divisons de cavalerie, ont refoulé les Prussiens et l’ordre nous est donné de nous porter immédiatement sur la côte 319 vers Olizy sur Chiers.

    Il en est bientôt autant pour nous. Le Régiment cantonnera à la Ferté sur Chiers. Les soupes sont renversées, les sacs refaits et à 16 heures nous partons pour la Ferté sur Chiers.

    Plus de six avions allemands nous survolent. On dirait que ça va chauffer, disent les hommes. La vérité c’est que ce que voient ces avions est très intéressant pour eux : une salade de toutes les armes a lieu dans la vallée de la Chiers.

    J’estime à 25.000 hommes tout ce qui se presse sur les routes, dans les prés. Pour ma part, je suis arrêté (je suis toujours tête de colonne du Bataillon) à Lamouilly (par le) 138e d’artillerie du 126. 
    Nous arrivons au pont toujours groupés et nous le franchissons ; mis pour fuir cette salade, très judicieusement le Lieutenant Colonel nous jette le long de la voie ferrée et nous parvenons enfin, tard, il est vrai, à La Ferté.

    Les hommes sont bien logés. Ils peuvent se sécher et changer de tout. Une femme me donne le lit de sa fille. J’en ai bien besoin car les coliques me coupent bras et jambes. Mon capitaine est dans le même cas. Je change de ceinture de flanelle car celle que je laisse est aussi mouillée que le reste de mes vêtements, je prends 30 gouttes de laudanum, prises dans la petite pharmacie que m’a organisée ma femme [3] et je m’endors jusqu’au dîner.

    Bon dîner, mais à l’eau. Je bois du thé. Bonne nouvelle le soir : la brigade cessera d’assurer les avant-postes, à l’autre brigade (d’assurer) la sécurité.
    Aussi, chacun dort tranquille et il en a besoin. Nous savons, à moins d’ordres contraires, que nous séjournerons à la Ferté sur Chiers.

    La Ferté sur Chiers – 17 août

    Il est grand jour lorsque mon brave Hadaud m’apporte, au lit je vous prie, un café bouillant, et mes effets, enfin secs.

    Je prescris le nettoyage des armes. Il n’y a plus de graisse. C’est dans le pétrole qu’a lieu cette opération. Elle est suffisante, mais ne procure pas toute satisfaction. Mon Sergent-Major trouve de l’huile à machine à coudre. Nous achetons le stock, nous aurons des réserves pour l’avenir.

    Nous pouvons nous permettre ce luxe, maintenant qu’à chaque compagnie sont attachées trois voitures qui nous quittent au moment de l’engagement, mais qui chaque soir peuvent nous approcher. Il le faut bien puisque, dans ces trois voitures, il y a la cuisine roulante.

    La journée se passe bien. Il pleut cependant. Enfin nous avons des nouvelles. Nous savons ce que font les Belges, nous apprenons les atrocités allemandes [4] et nous applaudissons les heureux vainqueurs qui ont fait flotter nos trois couleurs sur les sommets de l’Alsace.

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    Atrocités allemandes
    "Les Allemands venus à Jamoigne, Pin et Izel ont terrorisé le pays, pillé les boutiques, pris des otages, réquisitionné du pain, puis martyrisé et fusillé deux jeunes gens. La population est complétement effrayée.
    Le curé et l’abbé d’Izel pris par les Allemands ont été relâchés hier à Sampon. L’abbé que j’ai interrogé n’a pas pu me donner de renseignements exacts sur la force de l’ennemi. Il compte environ 1000 hommes et prétend avoir vu 20 canons à Sampon ainsi que quelques cyclistes" 
    Extrait du JMO de la 47e Brigade à la date du 20 août 1914 (26 N 509/1).

    Mais notre cavalerie n’a pas encore pris le contact avec l’infanterie ennemie. Elle a trouvé des soutiens de cavalerie qui l’ont un peu étrillée, mais pas de colonnes en marche et en station.

    Nos avions n’ont rien vu à proximité de nous, Longwy va être attaquée nous dit-on. Des colonnes très fortes vont vers Bruxelles. On se bat à Dinant. Et nous ne savons rien d’autre. La nuit nous trouve au lit.
    Minuit et demi. Le Régiment va se porter aux Avant-Postes : la ligne passera par la route de Montlibert ? à Herbeuval incluse (Infanterie de Marine) croupe au sud ouest de Sapogne, croupe au sud d’Auflance, route de Fromy à Puilly, liaisons sur cette route avec le XVIIIe corps. Réserve (à la) corne est (du) petit bois W. de Moiry.

    Deux heures (du matin, le 18 août)

    Nous sommes en route. Ma compagnie s’établit en grand’garde à l’Est de la route de Moiry à Villers, à la lisière nord du bois situé au Sud Est du Moulin sur la Marche.

    Un petit poste (commandé par le) Sous-Lieutenant Haack sur le mamelon situé au Sud Est de ce bois ; liaison avec le 23e Colonial, petit poste n°2 (sur la) croupe Sud de Sapogne, liaison avec sa gauche au Moulin Nord Ouest de cette croupe.

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    Entre Stenay et Florenville
    Les noms de lieux cités sont sur la carte (détail agrandi d’une carte des Ardennes de 1911)

    Nous organisons la position. Les généraux, le Colonel, viennent nous visiter. On adjoint à ma grand’garde une section de mitrailleuses ayant pour mission de battre la vallée de la Marche et la route de Villiers.

    La journée se passe sans incident ; les « Taübe » et des biplans allemands nous survolent tout le temps. Deux sont descendus : un par l’infanterie de Marine, l’autre par le 3e Chasseurs d’Afrique qui forme la cavalerie de la Coloniale.

    Et la nuit tombe, nous enveloppant de brouillard et de fraîcheur. A deux heures, je suis debout, je réveille le capitaine ; nous mettons la grand’garde sous les armes.

    19 août – Avant-Postes

    Rien ne vient troubler notre tranquillité. Le passage de nombreux régiments de cavalerie rompt la monotonie. Les six régiments qui passent, et que nous verrons à la jumelle évoluer toute la matinée vers Villiers et Margny, sont à la recherche d’une division de cavalerie signalée en marche vers Florenville.

    Cette division rentre vers midi avec des prisonniers. Elle n’a pas trop souffert. Mais des chevaux manquent et des cavaliers à pied sont nombreux.

    Un lieutenant du 21e Chasseurs rentre quelques minutes après ; 21e Chasseurs, notre cavalerie divisionnaire ; le lieutenant est à pied, ses hommes aussi ; ils ont en tout 10 chevaux. Ils faisaient du combat à pied, un obus tombe au milieu des chevaux tenus en mains et pour comble les rosses filent droit à l’ennemi ; les quadrupèdes désertent donc aussi.

    Épisode tiré du JMO du 21e Chasseurs (troupe de cavalerie en couverture du 12e C.A) JMO 26 N 893/15 :
    « A 15 h 30 (le 17 août 1914) le sous-lieutenant de Fozières, le maréchal des logis Mayéras et 3 Chasseurs ; en reconnaissance sur Château et ferme d’Orval ; étaient pied à terre en observation derrière un mur à la corne sud ouest du Bois de Rond Buisson, voient quatre cavaliers allemands venant au pas sur la route de Villers et marchant vers Château d’Orval.

    De Fozières, prenant la carabine de l’homme qui tient les chevaux, tire le premier : l’un des Allemands tombe raide ; les trois autres s’enfuient au galop vers Château d’Orval. Les Chasseurs tirent : un autre Allemand tombe avec son cheval.

    Les chevaux des Chasseurs, effrayés par les coups de feu, renversent l’homme qui les tient et s’enfuient par le petit chemin descendant au sud vers Herbeval. De Fozières et ses Chasseurs se mettent à leur poursuite. 
    Lorsque, sans les avoir retrouvés, ils reviennent à Villers ; ils apprennent là par des habitants que l’un des Allemands était mort, a été emporté par des camarades revenus le chercher ; que l’autre est à l’hôpital de Villers. Ils y vont, voient l’Allemand blessé (balle dans le haut du bras) prennent sa carabine et son casque, peuvent alors constater qu’il appartient au 5e Dragons ».

    Ce lieutenant a néanmoins des prises de guerre : 4 bicyclettes (rustiques et lourdes), 2 lances, des fusils, des carabines et des casques ; les premiers que nous voyons de près. Ces casques sont des coiffures légères en cuir bouilli ; la pointe métallique est maintenue au casque par un écrou qui lui-même s’appuie sur une plaque métallique qui se trouve juste au fond du casque. Notre balle traverse la plaque, j’ai vu deux casques d’hommes tués dans la position couchée, qui étaient traversés.

    Rien de saillant, pendant la journée interminable, sinon toutefois l’arrivée d’un prisonnier en piteux état. C’était un uhlan ; il est arrivé couvert de sang à notre petit poste n°2 : 3 coups de lance, deux coups de sabre. 
    Mon adjudant a commencé par le panser, ce qui l’a fortement étonné, il s’attendait à être fusillé, ses officiers lui avaient dit qu’en France tout prisonnier était immédiatement passé par les armes. 
    Il regardait avec des yeux d’envie le frichti qui venait d’arriver. « Mange vieux », lui dit un caporal, et il lui passe une gamelle. Le Teuton hésite ; le caporal mange une cuillère, l’affamé n’hésite plus, il avale,une, deux, trois gamelles ; il y avait plus de vingt quatre heures qu’il n’avait pas mangé.

    Et cependant on fouillait son barda. Bien maigre avoir. Pas de linge, un morceau de lard gros comme un œuf ; il a voulu nous faire croire que c’était ses vivres de réserve ; un morceau de pain noir (de) 100 gr, quelques lettres que nous avons saisies et alors une chose extraordinaire, un livre de cantiques, oui, de douze cantiques : L’ennemi de l’Ouest doit disparaître de la terre, il sera exterminé par Dieu, l’empereur chargé de l’exécution. Il sera poursuivi jusque dans les enfants ; il est pire que les Philistins, plus mauvais que la grêle, mais devant le Tonnerre Allemand, il devra s’incliner… 
    Et ainsi de suite… Mon Capitaine m’a traduit les douze cantiques.

    Puis en Allemand il lui a dit : « Tu es un brave homme, tu défends ton pays, c’est très louable, mais ton empereur est la plaie de l’humanité et son fils est encore plus mauvais que lui ». Au mot Kaiser ; le soldat s’est redressé au garde à vous ; mais pour le Kronprinz il a eu un mouvement de recul, comme si le fils de Guillaume n’avait pas l’approbation des hommes.

    Les avions n’ont pas manqué de passer et repasser ; nous ne faisons plus attention. On se terre comme les alouettes, lorsqu’elles aperçoivent l’épervier, et on ne bouge pas tant qu’ils ronronnent.

    Le soir nous prend dans le même bois, la même situation, et toujours rien pour se laver. On mange à l’escouade et je vous assure que tout est bon. Des pommes de terre cuites à la cendre, arrachées au champ limitrophe de notre forêt sont le dessert.

    Et la nuit fut bonne, très bonne. On s’habitue à coucher sur la terre. Le café du matin, 2 h 30, me rappelle au devoir et, tout le monde sous les armes, nous attendons les évènements.

    Jusqu’à 9 heures rien ; le lieutenant du 21e chasseurs est bien allé à la recherche de ses chevaux ; il ne les a pas trouvés, mais il en ramène quelques uns d’allemands, dont deux d’officiers qu’un jeune sous lieutenant du 3e chasseurs d’Afrique a tué de sa main. Les casques sont sur les selles ; ils sont mieux que ceux des soldats ; les attributs sont en aluminium, mais ils sont plein de sang, les deux propriétaires ayant eu la cervelle brûlée.

    « Reconnaissance : rapport du Sous-Lieutenant Humbert du 3e Chasseurs d’Afrique, commandant le détachement affecté à la 5e Brigade d’Infanterie Coloniale » Bièvres 18 août 1914.

    Le 18 à 5 heures, j’ai reçu du Général Commandant la 5éme Brigade d’infanterie, la mission de reconnaitre la région « Pagny, Limes, Gérouville, Château d’Orval » où une division de cavalerie allemande était signalée. Avec mes deux pelotons, je me suis porté sur Gérouville, par Ligny, Sapogne, Herbeuval, Margny.

    A Herbeuval, j’ai donné la chasse à 20 cavaliers qui se sont retirés dans les bois. A Villers devant Orval, que j’avais reconnu avec une patrouille, j’ai été reçu à coups de fusils par une compagnie de cyclistes allemands qui occupait le village et qui en a été délogée par un détachement du 21eChasseurs à cheval.

    A Margny, je faisais boire et manger mes chevaux, lorsqu’un renseignement d’habitant me signala une reconnaissance ennemie dans la direction de lea ferme « Huttoy » Je fis monter à cheval et pris le chemin Margny Gérouville. Je marchais avec la pointe, le gros étant commandé par l’Adjudant Boursier, lorsqu’à hauteur de la cote 300, je fus accueilli par une fusillade tirée à 200 mètres environ.

    La pointe pris le galop, tomba sur un éclaireur à cheval, qu’elle fit prisonnier, et que je fis remettre à un groupe de 4 ou 5 Dragons qui était avec nous. Pendant ce temps, les tireurs remontaient à cheval et partaient au galop dans la direction du bois de Gérouville. Accompagné du Maréchal des Logis Beaujour et de 4 cavaliers, je me lançais à leur poursuite. Je les rejoignais au bout de 300 ou 400 mètres, en abattais deux à coups de revolver (dont l’officier) puis continuant la poursuite, nous en sabrions trois autres. Un seul qui s’était séparé du groupe s’échappa dans le bois.
    Nous avons pris 4 chevaux, les harnachements, l’équipement et toutes les armes que j’ai ramenés ce soir. De notre côté, un cheval blessé sans gravité par une balle. Je demande ce que je dois faire des armes (lances, sabres, carabines).
    Les chasseurs se sont très bien conduits, ils ont fait preuve de calme sous le feu et d’une grande énergie à l’arme blanche. Signé Humbert ».

    « Félicitations – Le Général Commandant le C.A.C (Corps d’Armée Colonial) au Colonel Commandant le 3e Chasseurs d’Afrique. Je vous prie de transmettre mes félicitations au Lieutenant Humbert du 3e Chasseurs d’Afrique, pour le courage et l’allant dont il a fait preuve dans sa reconnaissance sur Gérouville le 18 août.
    C’est le premier fait de guerre du Corps d’Armée Colonial pendant cette campagne. Signé : Lefèvre » 
    JMO du 3e Chasseur d’Afrique (26 N 899/15).

    20 août - Moiry

    La 10e Cie vient nous relever, et nous partons à la réserve à Moiry. Enfin nous pouvons nous laver, changer de linge, nous reposer. Nous en profitons grandement.

    A quatre heures, nous faisons (la) connaissance de notre aumônier, un père jésuite de Limoges, nous le reverrons chaque jour pendant la période active des opérations. Puis de bonne heure nous gagnons notre lit et nous nous reposons.

    21 août - Villers

    Il est nuit noire, on cogne à ma porte. Je mets le nez à la fenêtre : « On part de suite, mon Lieutenant ». 
    Le régiment prend place dans la colonne à 2 h 15. Point initial : carrefour de la route de Moiry avec celle de Villers. Le temps de m’habiller, de rassembler ma section ; et en route ; surtout que l’ ordre est de nouveau « 11e Cie en tête, lieutenant Rungs, officier orienteur ».
    Encore une fois, je suis la lanterne ; mais pour 1.200 m seulement.

    Et alors, nous marquons le pas ½ heure, puis une heure. Finalement je m’approche d’un officier d’état-major qui pointe les heures de passage. Il disait au Colonel « c’est navrant, nous avons une heure vingt de retard ». Et pourtant l’ordre était celui-ci, je l’ai lu quelques minutes après :
    « Les reconnaissances d’aéroplanes signalent deux fortes colonnes de toutes armes en marche du Sud-Est au N.O. sur les routes de Dekirch à Bastogne et Dekirch à Liège. Par une marche de nuit, l’armée gagnera les bois de Villers et d’Orval. 
    Un bataillon du 90e et du 100e, une batterie d’artillerie, gagneront Pin et Ysel ; s’y établiront pour faciliter la sortie de la colonne. Le 138e fouillera la forêt d’Orval ».

    Enfin, à 3 h 45, nous prenons place dans la colonne, derrière l’artillerie de corps, le 63e nous suit.Finalement, à 5 h 15, nous nous arrêtons sur la route à 1 200 m au sud de Sapogne à l’emplacement de nos Avant-Postes.

    Et les heures passent. Midi : nous déjeunons, une heure : le canon tonne.
    Hélas ce n’est pas le nôtre ; car les salves sont de six coups. Que se passe-t-il derrière ces bois ? Nous nous orientons. Le bruit vient bien de la direction de Pin.

    Mais nous ne bougeons pas. C’est épouvantable cette inaction lorsque l’on sait que les camarades sont aux prises.Le Colonel n’y tient plus ; il galope aux ordres, aux enseignements. L’auto du corps d’Armée passe en trombe ; il vole à la fusillade.

    Trois heures ont sonné. Rien ne bouge. Sauf que, maintenant, nous distinguons nettement les 4 coups de notre batterie de 75.

    Quatre heures. En route, sac au dos. Je suis toujours en tête du Régiment . 
    Le Colonel dit : « Gagnons Villers devant Orval et par les ruines d’Orval, il faut gagner la voie ferrée qui passe au Nord de la forêt. Deux bataillons du 138e sont sérieusement accrochés avec la flanc garde allemande ».

    Et alors commença une marche à 5 kms à l’heure. Nous pénétrons en Belgique, acclamés, salués par tous les bons Belges. Et nous marchons, nous marchons au feu.

    En route, nous croisons les premiers blessés. Puis un orage épouvantable éclate. En un rien de temps nous sommes transpercés. 
    Nous nous arrêtons un instant pour laisser passer un régiment d’artillerie et un régiment de Chasseurs d’Afrique qui galopent vers le feu. Puis nous prenons la suite. Le crépuscule descend et le feu cesse sur la ligne.

    Nous nous arrêtons à la sortie W du bois. Il pleut toujours, mais la fusillade a cessé. Une ½ heure de repos.

    J’apprends à ce moment que les bataillons de Pin et d’Izel ont arrêté le mouvement. Qu’ils ont été fortement canonnés, sans aucun mal ; mais que les mitrailleuses ont décimé le bataillon du 100e. Quant au 138e, il s’est terré et grâce à l’appui de la batterie de Pin, il a pu se dégager.

    Les pertes allemandes sont doubles des nôtres, quoique deux compagnies du 100e qui ont chargé une Cie de mitrailleuses soient réduites à leur simple expression.

    21 août 1914





    Tués au combat d’Izel :

    - Adjudant Chef Lamperti (Toussaint). 
    - sergents : Baniere (Jacques), Dignac (Raymond), Gatesoleil (Pierre), Bonnaud (Eugène).
    - caporaux : Dubernard (Auguste), Jabouille (J. Alexandre), Lagorce (Elie Anatole), Moueix (Jean Baptiste), Deshuraud (Albert), Bachelerie (Jean).
    - soldats :



    Extrait de l’historique du 100e Régiment d’Infanterie (disponible sur le site de la BDIC) voir également le JMO du régiment 26 N 673/15.

    J’ai appris le lendemain par de Lescal, un ami de Gustave, capitaine au 100e, que le seul survivant d’une de ses compagnies était le sergent-major et qu’à l’appel, il manquait 163 hommes.

    Gustave doit être le frère de Charles. L’ami de Gustave est Capitaine au 100e Régiment d’Infanterie. Dans le JMO de ce régiment (26 N 673/15) se trouve l’organigramme de l’État-Major.



    Il y a bien un Capitaine à la 11e Compagnie du 3e Bataillon dont le nom est De l’Escale.

    Enfin nous avons des ordres. Le Corps d’Armée Colonial nous remplace sur la ligne. Le corps d’armée va se replier sur Villers devant Orval : le 63e et le 78e iront cantonner à Villers.

    De tête de colonne, je passe à la queue, et alors commence, toujours sous la pluie, une marche dont je me souviendrai toute la vie. 
    Nous redescendons sur Villers par une marche rétrograde, arrivés à Villers devant Orval nous remontons au Nord, pour redescendre à l’Ouest. Autrement dit, j’ai fait,en marchant, un V complet ; tandis que en suivant la lisière de la forêt, nous n’aurions parcouru que le quart du chemin que nous avons fait. 
    Et cela sous la pluie, sans avoir mangé, et au pas de gymnastique. J’étais dernier élément d’une colonne qui se croisait avec la colonne qui venait nous remplacer.

    En fin de compte, il était près de minuit lorsque nous arrivons à Villers et dans quel état ! Et nous étions revenus en France !!!

    Les habitants avaient fui. Nous envahissons la place. Chaque compagnie allume un grand feu ; et chacun se sèche en attendant les distributions qui n’arriveront pas. Mais ce qui arrive, c’est la cuisinière roulante à deux heures du matin. Le ragoût de bœuf aux haricots fut excellent, je vous assure.

    Mais comme il pleuvait toujours, et que l’on était dehors, on ne pouvait dormir, ni se coucher. Quelle nuit épouvantable, à la lueur de l’incendie monstre que nous avons allumé en faisant brûler tous les stères de bois que, péniblement, les indigènes avaient entassés sur la place.

     

    Notes

    [1Il s’agit probablement des éléments de la 9e Division de Cavalerie : 1er et 3e Dragons, 5e et 8e Cuirassiers , division venant en couverture du 12e Corps d’Armée.

    [2Le Lieutenant Colonal Montluisant est l’adjoint du Commandant Arlabosse, Chef de Corps du 78e RI. Le Colonel Gaudriault est le Commandant du 3e Bataillon, le Docteur De Merliac est le médecin major pour le 3e Bataillon.

    [3Le laudanum est une préparation à base d’alcaloïdes du pavot somnifère prescrit essentiellement dans le traitement symptomatique des diarrhées aiguës et chroniques, résistantes à tout autre traitement médicamenteux. Il est disponible sous forme de gouttes et n’est délivré que sur prescription d’un médecin (Wikipédia).

    [4Voir le livre de John Horne et Alan Kramer : « 1914, les atrocités allemandes » Texto (Taillandier 2005)
    http://combattant.14-18.pagesperso-...

     

    Généalogie:  Les « Mémoires de guerre » du Lieutenant Charles Rungs (2e épisode)

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    Les « Mémoires de guerre » du Lieutenant Charles Rungs (1er épisode)

     

    Avec le 78e régiment d’infanterie, mobilisation et concentration en Argonne


    jeudi 19 septembre 2013, par Andrée RungsMichel Guironnet
     

    Andrée Rungs m’écrit :« Dans les archives familiales, j’ai trouvé les mémoires du Lieutenant Rungs, de son départ de Guéret à son évacuation pour blessure le 28 août 1914 ». Charles Jean Théodore Rungs est Lieutenant au 78e Régiment d’Infanterie. Ce sont les toutes premières semaines de la Grande Guerre vues du côté d’un officier.

    L’historique du 78e régiment d’infanterie est laconique sur cette période :
    « Après avoir été rassemblé à Guéret pour les opérations de la mobilisation, le régiment est passé en revue par le colonel Arlabosse ; en présence des autorités civiles, et embarqué en trois trains dans la nuit du 5 au 6 août 1914.
    Après la concentration de la division dans la zone de Sainte-Menehould et une quinzaine passée dans l’Argonne, le régiment, avec le 12° corps d’armée, rattaché à la IV armée (de Langle de Cary), entre en Belgique le 22 août et y reçoit le baptême du feu »
     [1].

    Le récit du Lieutenant Rungs est passionnant ! Il fourmille de détails sur la mobilisation, la concentration des troupes en Argonne, la marche aux frontières de l’Est, les premiers combats en Belgique, la Retraite des Armées.

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    Première page du récit du Lieutenant Rungs

    La présentation et le style laissent penser que son texte n’est pas rédigé au jour le jour, mais plutôt d’un seul jet. Peu d’hésitation dans son écriture ; peu de ratures, sauf quelques unes après relecture... et le Lieutenant Rungs écrit au passé.

    Pour autant, les faits sont bien frais, et très précis, dans sa mémoire. Ce « compte rendu » est fait pour figer par écrit les épisodes entre la mobilisation et sa blessure.On doit en conclure qu’il rédige ses souvenirs pendant sa convalescence.

    Ces « Mémoires de guerre » seront publiés in-extenso, en six parties :
    - 2 au 14 août : mobilisation et concentration en Argonne.
    - 15 au 21 août : marche aux frontières de la Belgique.
    - 22 et 23 août : entrée en Belgique, premiers combats et retraite vers la France.
    - 24 août : bataille de Carignan.
    - 25 août : combats de Yonck.
    - 26 au 30 août : Retraite, blessure et évacuation.

    Le texte est à peine retouché [2], juste étoffé de quelques notes, cartes et encarts explicatifs.

    Charles Philippe Henri Rungs naît le 7 avril 1872 à Pau,dans la maison paternelle de la rue Bayard. Il est le fils de Charles Philippe Henri Rungs « Chevalier de la Légion d’Honneur, Capitaine au 65e de Ligne » et de Marie Labetoure.

    Charles se marie à Dombasle en Argonne le 13 août 1907 avec Marie Antoinette Julie Lapanne. Elle est née à Dombasle le 22 juillet 1879.

    Grâce à ce document de 1924, extrait de son dossier de Légion d’Honneur, nous connaissons son parcours avant la Grande Guerre :

    Regroupement à Guéret - Août 1914

    "Je passe sous silence les opérations de la mobilisation. Que l’on sache seulement que chaque journée de préparation au départ pour l’Est fut pour nous un réconfort moral.

    Les hommes étaient parfaits, les réservistes voulaient tous marcher avec l’active ; beaucoup pleurèrent lorsque la désignation pour le dépôt fut faite. Durant ces trois jours de travail, nous eûmes toutes les satisfactions et, si la discipline, subit quelques accrocs du fait de quelques réservistes, l’impression de force, de bon vouloir subsista et c’est le cœur tranquille et avec pleine confiance dans notre force, que le mercredi à midi, c’est à dire, deux jours et demi après notre arrivée à Guéret, nous apprîmes l’heure d’embarquement.

    Pour nous, 3e Bataillon, c’était deux heures du matin, nous étions 3e échelon du Régiment.

    A quatre heures nous avions quitté Guéret. Par notre belle France, ce fut un long voyage. Nous traversâmes St Sulpice Laurière, Chateauroux, Issoudun, St Florent, Bourges, Clamecy, Auxerre, Laroche, Troyes [3].

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    Carte de l’organisation militaire française
    « Atlas classique » de Paul Vidal de La Blache (1907)

    Là c’était le but de notre premier voyage. Il était quatre heures du matin. Un pli est remis au chef de Bataillon ; pli secret, mais peu de temps après, par un officier d’État Major que je connais, j’apprends que nous débarquons à 15 h 15 à Ste-Menehould et que le soir nous assurons la couverture du corps d’armée dans l’Argonne : 3e Bataillon à la Chalade.

    La première partie de notre voyage fut une marche triomphale ; nos wagons étaient pleins de fleurs. Nous devions nous fâcher pour empêcher femmes et jeunes filles de trop gâter nos soldats.

    La seconde partie fut plus calme. Les populations étaient aussi exubérantes, mais on approchait de la frontière et des précautions, par ordre supérieur, étaient prises dans chaque train. On craignait un exploit de dirigeable ou d’aéroplane.

    Aussi ma compagnie, sous les ordres de mon sous lieutenant Haak (un bordelais, fils de Colonel) fut-elle répartie sur les trucs, dans les vigies et dans les voitures du train régimentaire.

    Le 78e régiment d’infanterie fait partie de la 23e Division d’Infanterie, division composée des 63e, 78e (45e Brigade) 107e et 138e (46e Brigade) régiments d’infanterie, unités issues de la région de Guéret-Limoges.
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    Etat Major du 3e Bataillon du 78e RI
    Charles Rungs est Lieutenant de la 11eCompagnie
    JMO du 78e RI (26 N 663/1)

    Par Brienne, Vitry, Chalons sur Marne, Valmy, nous continuâmes notre route. A Suippes et Valmy débarquaient des éléments du 17e corps [4].

    A Ste-Menehould je reçus l’ordre de couvrir le débarquement. La chose était aisée, puisque nos ennemis ne pouvaient être que dans l’air ; mais il pleuvait à torrent, les nuages étaient bas, il fallait écouter plutôt que d’essayer de voir. Rien ne troubla l’opération et à 5 heures du soir (17 h) nous partions pour la Chalade.

    En route, malgré la pluie, je fis une causerie à mes hommes sur les fameux défilés ; j’exaltai Dumouriez ; je contais Valmy. [5]. Je fis aussi des recommandations ; je donnai l’ordre de noircir les ustensiles de campement [6]. A 19 h 30 (7 h ½ du soir) nous arrivions au gîte.

    En route, nous avions croisé dans la forêt multitude de petits postes (forestiers, gens du pays âgés, cuirassiers du dépôt de Ste-Menehould). Ces postes arrêtaient tout le monde et ordre était donné de tirer sur les automobiles qui ne s’arrêteraient pas à la première sommation.

    Combien sages étaient ces précautions. Non parce que les Uhlans étaient à proximité, mais parce que le service des renseignements allemands non content de nous avoir entouré d’espions en temps de paix, nous faisait espionner pendant cette période d’organisation, même par des officiers allemands, habillés en officiers d’État-Major français : et dans la nuit, le bataillon s’installa [7].

    La 12e (Compagnie) seule prit les avant-postes. Grande garde à la Maison forestière face à l’Est. C’était un vendredi soir ; la pluie tombait toujours, il faisait nuit noire. Néanmoins nous parvinrent à nous caser, seules nos voitures (3 par compagnie : voiture à vivres et à bagages, voiture à munitions, cuisine roulante) nous donnèrent des ennuis. Les chevaux, pas habitués à tirer à la bricole, ruaient, reculaient, se cabraient.

    Dans ces villages, construits à flanc de coteau, chaque compagnie dut, par suite du mauvais vouloir des chevaux qui avaient mis les voitures dans les fossés et dans les ruelles obscures, décharger les voitures. Aussi était-il onze heures lorsque l’installation fut terminée.

    J’eus le bonheur de trouver chez une femme de Dombasle en Argonne, un lit. Et je m’en félicite, lorsque je pense que nous sommes restés quatre jours à la Chalade.
    Ces quatre jours étaient nécessaires pour la concentration de notre armée. A l’abri de l’Argonne, elle devait se constituer. Or, depuis, j’ai appris qu’à cette date, vendredi 7, le 4e corps était à Dugny et environs ; Coloniaux vers Clermont en Argonne ; 12e corps dans l’Argonne ; 17e corps entre Suippes et Varennes – quand je dis corps, j’entends premiers éléments de chacun des corps.

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    Positions des Corps d’Armées de la IVeArmée début août 1914
    Détail agrandi de la carte des zones de concentration des armées françaises tirée des mémoires du Maréchal Joffre (1932)

    La Chalade – 8 août

    Réveil à 6 heures. Une vive fusillade a été entendue à minuit vers le Neuffour. Ce n’était qu’une alerte ; des sangliers étaient passés près d’un petit poste. Ils n’avaient pu s’arrêter à la sommation de la sentinelle, ni donner le mot (de passe) et chacun avait vidé son magasin dans le vide. Ce fut une leçon ; j’en profitai pour réunir ma section et lui recommander pour la nuit la baïonnette ; ainsi on ne se fusille pas les uns les autres.

    Je profitai ensuite de la matinée pour prendre contact avec mes hommes. Les réservistes étaient tous anciens chasseurs à pied ou anciens soldats de l’Est. Dans une prairie à proximité du cantonnement, je fis de l’École de Section : comme en temps de paix et la matinée se passa ainsi.

    A la pluie de la veille avait succédé une chaleur torride ; chaleur pénible dans l’Est et qui, plus d’une fois pendant que j’étais au 151e à Verdun, [8]nous obligeât à arrêter des exercices pour les reprendre deux heures après.

    Le colonel affecte à ma section une garde d’issues. Je comprends alors l’importance de ce service :

    1° - arrêter ( ou faire feu dans le cas de non arrêt, une automobile bleu foncé, n° …, conduite par deux officiers d’État-Major, aiguillettes, fantassins). C’étaient des Allemands ; ils furent tués à Varennes. Dans le coffre de la voiture, il y avait encore 20 pigeons voyageurs.

    2° - arrêter un homme du Neuffour (suivait le nom) très dangereux, ne pas hésiter à le fusiller en cas de rébellion. Cet homme borgne, boiteux, est au service de l’Allemagne. C’est un contrebandier, doublé d’un braconnier ; il est de petite taille. Il a sur lui trois brassards, un de convoyeur, un de garde de voie de communication et un de la Croix Rouge.

    Suivaient d’autres ordres.J’organise une barricade et personne ne passe plus sans montrer patte blanche.

    Le soir, je vois mes hommes un à un ; je me fais dire leur vie ; je les connais, je sais ce que je puis attendre d’eux. Mais combien mes sergents de l’active sont peu brillants. Il va falloir les guider, mon sergent réserviste est très bien. Je le charge de me suppléer dans tous les cas où je pourrais être occupé ailleurs qu’à la compagnie.

    Ce samedi n’en finissait pas. Pas de lettres, pas de journaux ; on ne sait rien de droite, ni de gauche. Devant l’église, nous causons jusqu’à la nuit et l’on va se coucher.

    La Chalade – dimanche 9 août

    C’est dimanche aujourd’hui. Mais on va travailler. Je refais de l’École de Section ; j’habitue mes gradés à aller reconnaître un point ; j’organise un éperon, mais la chaleur est aussi lourde que la veille. A neuf heures, je suis au cantonnement et par une causerie sur l’Allemagne, j’intéresse ma section.

    On déjeune, non sans avoir été dans l’église adresser au Tout Puissant une fervente prière. Il n’y a plus personne dans la Chalade ; le Pasteur, le Maire, l’Instituteur sont à l’Armée. Il ne reste comme gens du sexe fort que les enfants jusqu’à 13 ans et les hommes au dessus de 60 ans. Tout est parti : comme soldats, conducteurs, pourvoyeurs, etc.

    Le soir, avec mon capitaine, nous allons dans la forêt. Et avec la compagnie, nous organisons défensivement la lisière face au village. Grand bien nous a pris de faire ce travail, car dans la suite nous en avons eu des quantités à organiser.

    Puis retour au logis. L’auto du corps d’Armée est devant l’église. Nous nous y portons. Nous sommes encore là pour 24 heures. Un train du 107 a déraillé à Brienne  ; pas trop de mal, mais les voitures du train de combat sont en miettes. L’artillerie de corps est en retard.

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    Tamponnement de Brienne



    « 8 août (1914) le débarquement du régiment s’effectue le 8 août à la gare de Valmy pour les 1er et 2e bataillons et à Ste-Ménéhould pour le 3ebataillon.En cours de transport, le train du 3e bataillon a été tamponné à la gare de Brienne à 21 h 45. Les voitures ont été endommagées et n’ont pas pu accompagner le bataillon » (extrait du JMO du 107e régiment d’infanterie 26 N 677/12).

    On a enfin des nouvelles et nous savons enfin qu’il nous faut gagner la Meuse, pour ensuite marcher droit au Nord.

    Mais il y a encore 24 heures à passer presque dans l’inaction. Car nous avons beau occuper les hommes, il ne se font pas idée de l’état de guerre et se croient au cantonnement, comme aux grandes manœuvres.

    Le soir, alerte. Mon poste aux issues me signale un dirigeable. J’y cours. Le Lieutenant Colonel, les docteurs sont près des sentinelles. Mais encore une fois, l’imagination a travaillé et en fait de dirigeable, il n’y a que l’Étoile du Berger qui fait son ascension dans le firmament crépusculaire. Nous en avons bien ri et le lendemain tous les officiers à la même heure étaient réunis au même endroit pour voir revenir le dirigeable.

    La Chalade – 10 août

    Enfin nous allons gagner la Meuse. Les voitures seront chargées à 16 heures. En attendant, mon peloton est désigné pour les avant-postes ; mais l’adjudant assurera le service le jour ; à l’aube l’officier s’y portera et sera chargé du cantonnement du Régiment à Bourreuilles et Petit Bourreuilles.

    Libre la journée, je suis chargé par le Colonel d’un exercice de brancardier, relèvement de blessés dans une zone donnée. Avec les docteurs et la musique, nous gagnons les bois. Je sème mes pseudos blessés dans la zone donnée et une heure après l’exercice proprement dit commence. Ce fut pour moi intéressant car j’ai appris ce jour là à soigner grand nombre de blessures et surtout à arrêter la circulation de sang en cas de coupures d’artères.

    Ceci fait, je suis allé prendre congé de mon hôtesse, Madame Desmoulins [9], j’ai fermé ma cantine, je suis allé chercher les instructions du Colonel pour le cantonnement du lendemain et, une fois encore, j’ai joui des douceurs d’un bon lit.

    La Chalade – 12 août

    Deux heures du matin. On vient de me réveiller. Le régiment part à trois heures. Avec quelques hommes, je gagne la Maison Forestière ( 5 km de la Chalade). J’y trouve mes hommes s’acquittant fort bien de leurs missions. J’organise ma petite colonne qui, en somme, est flanc garde [10] du Régiment, puisque ce dernier passe par le Four de Paris et Bourreuilles.

    Rien de saillant pendant cette marche plutôt lente sous bois. Les aéroplanes ronronnent sur nos têtes, mais impossible de reconnaître leur nationalité, on ne les voit pas, tellement la voûte feuillue est touffue.

    J’arrive à Boureuilles vers 9 h 30. Le maire très aimable me facilite le travail de l’installation au cantonnement. Je me trouve un peu en famille dans cette région où mon beau père [11] était très connu.

    La chaleur est épouvantable. Le régiment arrive à midi. Deux coups de chaleur et grand nombre de traînards. J’ai fait consigner les cafés ; bien m’en a pris car en un rien de temps, le village fut envahi.

    Je m’étais logé chez le buraliste. Bien entendu, j’y étais bien, mais pour me coucher la chose ne fut pas aisée. Il n’y avait pas de lit, mon ordonnance eut vite fait de trouver le nécessaire et c’est dans le saloir, au milieu de plus de quinze porcs bien salés, que je me suis endormi.

    12 août – Petit Bourreuilles

    Nous restons la journée ici : mais à trois heures nous étions debout. Il en sera ainsi chaque jour, à moins d’ordre contraire. L’inaction étant un gros défaut j’emmène mon peloton à travers les champs. Il faut bien se connaître pour travailler ensemble et chercher le moyen d’arriver à un bon résultat sans travail inutile.

    La chaleur nous oblige à rentrer de bonne heure, mais il y a à faire au cantonnement. Je fais nettoyer mon monde, changer et laver le linge, et je m’assure de l’existence de tout le matériel et des vivres distribués à Guéret.

    Puis avec mon Capitaine nous allons chercher ou essayer d’avoir quelques tuyaux près du Colonel. Ils sont bien vagues mais calment notre impatience.

    Et voilà que tout à coup une sonnerie se fait entendre, le Garde à Vous ! Nous sommes prévenus et chacun de disparaître et dans les maisons et sous les arbres. Une vigie placée dans le clocher a aperçu un Taübe et suivant les ordres chacun se dissimule dégageant les surfaces planes et claires sur lesquelles la présence de troupes rassemblées doit certainement bien être révélée.

    Quelques coups de feu sont tirés sur cet indiscret : il prend de suite de la hauteur et il file ensuite sur Verdun.

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    Vue du Taübe
    Dessin de Charles Rungs

    Le soir après diner nous allons retrouver l’État-Major. Des ordres arrivent : on conservera le cantonnement demain. Mais, comme en tout temps, on doit se lever à 3 heures. Je rejoins mon saloir et je passe une bonne nuit au milieu de mes porcs salés.

    Cierges – 13 août

    Une heure du matin, réveil un peu brusque, surtout lorsque l’on s’attendait à reposer un peu plus longtemps : « Par une marche de nuit, l‘armée gagnera la Meuse ».
    Mais nous ne pouvons nous mettre en route avant deux heures ; aussi, au petit jour, le mouvement sera commencé, mais les aéroplanes verront nos colonnes chenillant par toutes les routes.

    Je suis à l’avant-garde ; comme cela m’arrive et m’arrivera souvent les hommes de ma section s’intitulent « la lanterne du Régiment ».

    Itinéraire : Varennes – Cheppy ; côte je ne sais plus combien – Cierges.

    Je file dès deux heures, à 2 h 45 je suis à Varennes. Impossible d’avancer ; 63e (régiment d’infanterie), artillerie de corps, ambulances, convois : tout le monde est rassemblé, mais personne n’est encore parti et l’artillerie n’est pas attelée.

    Je préviens le Colonel ; nous découvrons un pont au sud de Varennes, nous suivons la Vallée de l’Aire et par un chemin très convenable, nous gagnons par l’Est de Varennes notre itinéraire (allongement de l’étape 3 km, gain de temps : deux bonnes heures et comme la journée s’annonce chaude, chacun s’en réjouit.)

    Après la première halte horaire, nouvel arrêt, notre cavalerie et notre artillerie n’ont pas rejoint. On prend la formation de halte gardée.

    Les officiers de la 9e Cie me font appeler pour m’offrir le champagne : on vous doit bien cela pour nous avoir sorti de cette salade.

    On rit, on cause ; notre cavalerie, enfin arrivée, assure une vague couverture (j’ai eu toutes les peines à avoir la liaison avec eux – peloton du 21echasseurs) puis nous repartons.

    Tout le terrain a été organisé pour une défensive serrée. Nous franchissons tranchées de toutes sortes, épaulements pour mitrailleuses, réseaux de fils de fer, etc… 
    Les jours de repos ont été employés par le XVIIe Corps. Au carrefour de la route de Cierges à Dun – Doulcon, une compagnie du 14e est encore au travail.
    Il est dix heures, pas un aéroplane ne nous a survolé ; la chaleur est horrible.

    Pour comble, Cierges est au fond d’une cuvette boisée ; il n’y a pas 200 habitants, le régiment, les services de la brigade , l’ambulance divisionnaire, l’artillerie, notre cavalerie, s’y entassent : mais l’ennemi doit être loin.

    On se case comme l’on peut. Les hommes se font des abris de bivouac, je déniche un grenier : je cherche les camarades et à onze dans cette serre surchauffée, nous nous installons, cherchant un repos que nous n’aurons pas.

    Un jeune Saint Cyrien, Lialle, 18 ans ½, déniche chez le maire 6 bouteilles de champagne. Nous dînons au champagne à la santé de notre Cyrard (il a conservé la tenue) qui sera l’étoile du bataillon [12].

    Mais nous ne savons rien. On a cependant promis aux soldats de leur distribuer un bulletin, mais ce bulletin est comme les lettres, il attend son jour de distribution.
    La journée se termine bien ; la nuit serait bonne sans les beuglements de toutes les vaches que nous avons mises à la porte des étables pour nous y installer. Et dire que ce 13 août est le jour anniversaire de mon mariage. En priant pour la famille, je m’endors.

    14 août 1914 – Dun

    Il est nuit noire. 3 heures quand nous continuons notre marche vers la Meuse. Cette fois ci, je suis en queue du Régiment. Mais la marche est lente, très lente. On se bat dans les environs de Longwy. Des canons et des mitrailleuses sont passés à Dun ; canons et mitrailleuses ennemis ; des prisonniers sont enfermés à Doulcon.

    Enfin nous marchons à l’ennemi. Les hommes sont plus nerveux, mais on voit qu’ils demandent la lutte et qu’ils ne marchanderont pas leur vie.

    Halte, encore halte ! L’auto du corps d’armée nous arrête près du canal. On y rassemble le Régiment dans une prairie près de la gare ; plus au sud, dans la même formation, se place le 63e. Le génie seul pénètre à Dun ; l’artillerie et les services restent sur les routes abritées des vues verticales par les immenses peupliers et platanes qui bordent ces routes.

    A quatorze heures (2 heures) la brigade et tous ses accessoires envahit Dun. Les services du Corps d’Armée y sont aussi, et chacun sait ce qu’il leur faut de place.
    On se case comme on peut. Des chasseurs m’offrent une place près de leurs chevaux qui ont une écurie (chevaux d’officiers d’État Major) ; j’en profite et j’en fais profiter le médecin à 4 galons du Régiment et mon sous-lieutenant. Il faut être bien avec le service de santé ; la chose m’est aisée, parce queM. Taste est de Saint Die et que ma femme a retrouvé dans sa femme presque une compatriote ; du reste nos ménages sympathisent beaucoup.

    Mais alerte, vive fusillade à 17 heures 35 (5 h35). Deux Taübes survolent la ville. L’artillerie se met de la partie, mais nous manquons d’entraînement pour ce « tir au pigeon » et, de nouveau, vers Verdun, les deux gros aéroplanes dirigent leur vol.

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    A la date du 14 août, dans le JMO du 63erégiment d’infanterie (26 N 656/7)

    Le calme revenu ; l’ordre est donné de ne plus tirer que sur l’ordre d’un officier supérieur. Nous sommes contents de cette solution, car la quantité de poudre brûlée pour rien, a été considérable pendant ce quart d’heure.

    J’ai vu, de mes yeux vu, des douaniers décharger leur revolver sur les aéroplanes qui étaient bien à 2.000 mètres.

    Après un dîner convenable pris chez un jardinier très aimable qui nous avait autorisé à popoter chez lui (mais après trois heures de pourparlers) je suis allé au poste de police chercher un réserviste de ma compagnie, qui avait répondu un peu vertement au Général en chef qui lui faisait des observations sur sa tenue.

    En revenant je trouve le docteur Taste qui me cherchait. Nous sortons des lignes des sentinelles pour nous isoler, lorsqu’un cliquetis de verre, dans un parc, attire notre attention. Nous nous approchons et nous voyons à table, dans une vaste et splendide salle à manger, l’État-major du bataillon et la 9e et 10e Cie en train de faire honneur à la cuisine du châtelain. Le docteur, interpelle son sous-ordre à 3 galons, et nous voilà introduit dans la salle à manger.

    Et chacun de causer. L’hôte, un ancien capitaine au long cours, nous met dans les mains, une pièce curieuse : un ordre d’appel de réserviste allemand, convoqué à Chalons le 18e jour de la mobilisation ; un homme qu’il croyait Luxembourgeois, et qu’il employait, avait laissé traîner cet appel, et il s’en était emparé.

    Avez vous lu « l’Avant-Guerre » de Daudet ? [13]. Cette anecdote y aurait sa place.
    Il était bien près de onze heures lorsque nous avons gagné notre écurie. Pas pour longtemps, minuit ½ sonnait lorsque l’ordre suivant nous est arrivé :
    « Immédiatement l’armée va poursuivre son mouvement vers le Nord, notre division par la rive droite de la Meuse. »

     

     

     

     

     

     

    Notes

    [1Sur la composition de la IVe Armée, voir le document Pdf en Post-Scriptum ci-dessus extrait des « Armées françaises dans la Grande Guerre ». Vous trouverez dans cet organigramme les régiments cités au fil du récit.

    [2A certains endroits, j’ai corrigé la ponctuation et ajouté quelques mots, entre parenthèses, pour une meilleure compréhension du texte. J’ai également souligné en gras les noms de personnes, de lieux (rétablis dans leur orthographe d’aujourd’hui) et les régiments cités.

    [3Le JMO du 78e donne comme étapes : St Sulpice Laurière, St Florent, Bourges, Cosne, Sancerre,Troyes.

    [4Sur la composition du XVIIe Corps d’Armée, voir ce lien très pratique : http://www.fortiffsere.fr/armee1914...

    [5Les défilés de Granpré coupent la forêt d’Argonne d’est en ouest. Valmy est la première victoire de l’armée française le 20 septembre 1792 : l’armée prussienne du Duc de Brunswick fut mise en déroute par les troupes des Généraux Kellermann et Dumouriez.

    [6Mesure de camouflage destinée à éviter le scintillement au soleil d’une gamelle ou d’un ustensile brillant

    [7L’État-Major du 78e est cantonné à La Chalade, deux compagnies du 1er Bataillon également, les autres sont au Four de Paris ; le 2e Bataillon est à Claon.

    [8Entre juin 1900 et juillet 1907. Voir ses états de services dans l’encadré plus haut.

    [9Charles Rungs écrit probablement son nom de manière phonétique. A La Chalade, on trouve plusieurs couples Démoulain, dont beaucoup sont bûcherons.

    [10Flanc-garde, avant-garde, arrière-garde : nous reviendrons en détail sur ces termes dans notre prochain épisode.

    [11Jules Edouard Lapanne, négociant, marié à Marie Ernestine Pierrard.

    [12Nous le retrouverons dans un autre de nos épisodes... Patience !

    [13Léon Daudet, le fils d’Alphonse, publie en 1913 son livre politique le plus important : « L’Avant- guerre. Études et documents sur l’espionnage juif-allemand en France depuis l’affaire Dreyfus » 
    Il s’agit d’une refonte d’articles publiés dans L’Action française entre 1911 et 1913. Le quotidien royaliste soutient cette violente campagne d’opinion, qui reçoit un accueil très favorable de l’opinion.

     

    Généalogie:  Les « Mémoires de guerre » du Lieutenant Charles Rungs (1er épisode)

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    19 avril 1914 : Un beau discours en faveur de la Loi des trois ans

     

    Ce jour-là, le Petit Journal reproduit le discours patriotique du député Joseph Reinach en faveur de la Loi des trois ans. La pêche à la ligne à travers l'histoire. Paris se prépare à la visite du roi George V. Programme complet des réceptions du Roi. Ultimatum des États-Unis au Mexique. Création d'un port franc à Salonique. Le passé du général mexicain Pancho Villa. Le général Villaret nommé chef de la mission militaire en Grèce. Un coup de tonnerre vaut 1 fr. 50 au prix où est l'électricité.




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    Supplément du dimanche :

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    Généalogie:  19 avril 1914 : Un beau discours en faveur de la Loi des trois ans

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    21 avril 1914 : l'empereur d'Autriche est très malade

     

    Ce jour-là, le Petit Journal consacre presque toute sa Une à la venue du roi George V d'Angleterre, publie des photos des souverains, un article sur les festivités du jour et sur la Reine Mary. On se préoccupe de la santé très altérée de l'empereur d'Autriche François-Joseph. Présentation biographique de Sir Edward Grey. Description du retour à Paris du Président de la République.



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    Généalogie:  21 avril 1914 : l'empereur d'Autriche est très malade

     

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