• Géologie: Des traces du manteau de la Terre avant la formation de la Lune

     

     

    Des traces du manteau de la Terre avant la formation de la Lune

     

    D'après de nouvelles études des abondances relatives de certains isotopes de gaz rares dans le manteau de la Terre, celui-ci n'aurait pas été homogénéisé par l'impact de Théia. Une partie ne serait donc pas devenue un océan de magma sous l'effet de ce choc gigantesque à l'origine de la Lune. Nous pouvons donc consulter des archives de la Terre datant d'avant la formation de notre satellite.

     

     
     

    Vue d'artiste de la Terre après sa collision avec Théia. La jeune Lune est visible à droite. Les deux planètes subissaient encore un fort bombardement météoritique, ce qui explique la présence de zones couvertes de magma à leur surface. © Fahad Sulehria

    Vue d'artiste de la Terre après sa collision avec Théia. La jeune Lune est visible à droite. Les deux planètes subissaient encore un fort bombardement météoritique, ce qui explique la présence de zones couvertes de magma à leur surface. © Fahad Sulehria

     
     
     
     

    Les isotopes sont de remarquables traceurs de l’histoire des corps célestes, précieux pour la géochimie et la cosmochimie. Sujoy Mukhopadhyay aime à faire parler ceux des gaz rares comme l’hélium et le xénon. Il s’en sert pour consulter les archives de la Terre datant de l’Hadéen, l’ère de l’histoire de notre planète s’étendant du commencement de sa formation jusqu’au début de l’Archéen, voilà environ quatre milliards d’années. Avec ses collègues, il vient de présenter les derniers résultats de travaux sur ce sujet lors de laGoldschmidt Conference à Sacramento, en Californie. Il s’agit d’un colloque international annuel dont le nom honore la mémoire de Victor Moritz Goldschmidt (1888-1947), un chimiste suisse considéré comme le cofondateur avec le russe Vladimir Vernadski de la géochimie moderne et de la cristallochimie (incidemment, 2014 est l’année mondiale de la cristallographie).

     

    Voilà quelque temps déjà, Mukhopadhyay et ses collègues avaient affirmé qu’il n’y avait probablement pas eu un mais plusieurs océans magmatiques pendant l’Hadéen. Le manteau de la Terre n’aurait pas été totalement fondu, même après la collision de notre planète avec Théia, comme on le pensait. Si les chercheurs ont raison, cela pose de nouvelles contraintes à la fois sur cet événement qui aurait été à l’origine de la Lune et sur l’histoire de la Terre primitive.

     

    Sujoy Mukhopadhyay tenant deux échantillons de basaltes provenant d'Hawaï. Il étudie la composition chimique et les isotopes contenus dans de telles laves avec un spectromètre de masse.
    Sujoy Mukhopadhyay tenant deux échantillons de basaltes provenant d'Hawaï. Il étudie la composition chimique et les isotopes contenus dans de telles laves avec un spectromètre de masse. © The President and Fellows of Harvard College, 2014

     

    Un océan de magma révélé par les gaz rares

     

    Dans le communiqué de la Goldschmidt Conference, les géochimistes expliquent qu’ils ont analysé des roches provenant de magmas ayant pris naissance dans le manteau inférieur et supérieur. Le rapport isotopique de l’hélium 3 sur le néon 22 (3He/22Ne) s’est révélé plus élevé dans le manteau inférieur que dans le manteau supérieur. On retrouve le même phénomène avec le rapport du xénon 129 sur le xénon 130 (129Xe/130Xe).

     

    Il semble que l’on ne puisse expliquer ces différences que si le manteau de la Terre ne s’est pas transformé en un gigantesque océan de magma global après la collision de Théia avec la Terre. Si tel avait été le cas, de grands mouvements de convection auraient tellement brassé l’intérieur de la Terre au-dessus de son noyau qu’ils auraient dû homogénéiser les isotopes des gaz rares.

     


    Ce film d'animation représente la naissance de la Terre et de la Lune. Tout commence il y a environ 4,56 milliards d'années, avec un disque protoplanétaire dans lequel des protoplanètes se forment et entrent en collision. © TriSkull666, YouTube

     

    Mukhopadhyay en tire plusieurs conclusions. « La quantité d'énergie libérée par la collision entre la Terre et Théia a dû être énorme, certainement assez pour faire fondre toute la planète. Mais nous pensons que l'énergie de l'impact ne s’est pas répartie uniformément dans toute la Terre primitive. Cela signifie que la majeure partie de l'impact aurait probablement complètement vaporisé un hémisphère, mais l'hémisphère opposé aurait été partiellement protégé, et n'aurait pas subi une fusion complète. »

     

    Il y a quelques années, des analyses avaient été réalisées sur des komatiites de Kostomuksha. Les géochimistes en avaient aussi déjà conclu qu'il devait exister dans le manteau des vestiges des roches formées avant la collision avec Théia. On reste rêveur devant la possibilité que semble nous offrir la nature d'avoir partiellement accès à l'état de la Terre avant la formation de la Lune.

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