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    Ouessant et Molène, les îles du

    bout du monde

     

    Par Philippe Bourget

    Vraies « Finis Terrae », les deux îles plantées au grand large de la pointe Saint-Mathieu possèdent une histoire et une identité uniques dans cette mer d’Iroise soumise aux outrances de la météo. Aperçu...

     

    Ouessant, séjour tempête...

     

    Les vagues déferlant contre les rochers de la pointe de Pern, sur l'île d'Ouessant, Finistère, Bretagne

    Sur la plage de Yusin (sur la côte nord) un jour de tempête, le spectacle des vagues fracassant les rochers de l'île d'Ouessant est fascinant. Gerbes d’écume inouïes. Furia de la mer intimant l’homme au silence et à la prudence. Puissant, dantesque... les qualificatifs manquent pour décrire ce théâtre d’autant plus étonnant qu’il n’y a ni pluie ni vent. C’est en fait la conséquence d’une tempête au large. Au phare du Créac’h, le show est aussi envoûtant. C’est à la pointe de Pern que la pièce atteint des sommets. Plein ouest, le cap reçoit avec une abnégation muette – il en a l’habitude – toute la colère accumulée par l’océan. Paquets d’eau explosant sur la roche, bouillies d’écumes hirsutes, déflagrations iodées giflant les visages. Hypnotique ! 

     

    Les charmes de Lampaul

    Dans la « capitale » d’une île aux 860 habitants (mais jusqu’à 4 000 l’été et pas plus de 500 en janvier, des Ouessantins passent l’hiver sur le continent), il existe des rites : aller acheter Le Télégramme dès qu’on a vu l’avion de Brest arriver ; prendre un café au bar-tabac Ty Butun ; regarder la vitrine de la galerie Ouessant Image, du photographe Dominique Baot, infatigable arpenteur de l’île ; finir la journée au pub Ty Korn (le « Tyk »), juge de paix des soirées ouessantines. Qu’il est bon alors d’être à l’abri la nuit tombée quand l’océan déchaîné harcèle la dernière terre habitée de l’ouest de la France.

     

    Le paysage de l'île d'Ouessant, dans le Finistère, Bretagne
    Moutons en liberté, petits moulins à vent « chandeliers », en pierre et bois, dotés « d’ailes râteau » (Karaes, Run-Glaz), hameaux aux maisons basses traditionnelles, façades au sud, sans murs intérieurs (écomusée de la Maison du Niou)... Tels sont les paysages d'Ouessant, entre landes et prairies.

    Molène, les yeux dans la mer

     

    Vue aérienne de l'île de Molène, dans le Finistère, Bretagne
    En partant d’Ouessant, il faut 30 minutes à peine pour atteindre Molène en bateau.

     

    Que fait-on la première fois que l'on vient à Molène ? Le tour de l’île à pied ! (Il n’y a pas de voiture). Une petite randonnée d'1h15 pour prendre l'air marin. Depuis le port très tranquille, le sentier longe la côte est puis sud. Des monceaux de goémon frais s’accrochent au rivage. L’odeur puissante plaît aux goélands, qui plongent le bec avec avidité. Devant l’amer pyramidal et jusqu’à Beg ar Loued (pointe sud de l’île), le soleil en contre-jour irise la mer d’un bleu verdâtre. Le fort vent d’ouest, lui, fait danser une nuée de limicoles tournepierre. Ils volettent au-dessus de cailloux blanchis par l’océan, qui font un bruit de roulement dans le ressac. Il y a là quelques murets de pierre sèche qui donnent à cette île bretonne un air d’Irlande... 

     

    Cap sur le bourg

     

    Bourg, île de Molène, Finistère, Bretagne

    À la pointe du Roëlen, un rocher plus haut que les autres – l’île culmine à 26 mètres – dégage la vue sur Ouessant, les îlots et la ligne de toits gris du village de Molène, surmontée de la flèche de l’église Saint-Ronan. Cap sur le bourg, en bouclant le tour par une ribine (sentier) et la statue Notre-Dame-du-Bon-Retour. Il reste à voir l’église, son cimetière des Anglais et le musée du Drummond Castle. Et puis les fresques de l’Abri Roussin, le calvaire, le sémaphore, les fours à soude – utilisés jadis pour brûler le goémon. Tout un petit patrimoine témoin d’une économie de subsistance et d’entraide tournée vers l’océan.

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    Un Noël féerique aux châteaux

    de la Loire

     

    Par Clio Bayle
     

    Y-a-t-il écrin plus majestueux pour les fêtes de Noël que les décors Renaissance des châteaux de la Loire ? Amboise, Azay-le-Rideau, Chenonceau, Chinon, Langeais, Loches et désormais Villandry... Sept des plus beaux joyaux du Val de Loire proposent, du 4 décembre 2021 au 2 janvier 2022, de découvrir leur patrimoine exceptionnel dans une atmosphère festive et merveilleuse. De quoi enchanter les petits, comme les grands enfants !

     
    Château de Loches à Noël
     
     

    Nouveauté 2021

     

    L'ensemble des châteaux participants proposent des nocturnes à certaines dates.

     

    Noël au château de Villandry

     

    Le château de Villandry à Noël

    Bichonné par la famille Carvallo depuis le début de XXe siècle, le Château de Villandry est réputé pour ses jardins exceptionnels. Depuis plusieurs générations, Noël est synonyme de décoration fastueuse et d’ambiance féerique où la nature est reine !

    Infos pratiques

    Le thème de cette année : À Noël, la nature s'invite au château.
    Horaires : du 4 au 17 décembre, de 10h à 17h30 ; du 18 décembre au 2 janvier, de 10h à 18h.
    Tarifs : 12€, 7€ en tarif réduit, gratuit pour les moins de 8 ans.
    Nocturne : 28 décembre 2021 jusqu'à 20h.

     

     Noël à la cité royale de Loches

     

    La cité royale de Loches à Noël

    Composée d’un donjon millénaire et d’un logis royal, la Cité royale de Loches conte au visiteur plus de 500 ans d’Histoire. Chaque année, au moment des fêtes de Noël, elle revisite les contes populaires qui ont façonné l’imaginaire collectif. Cet hiver, en écho à sa programmation 2021 sur le thème des animaux, elle invite à plonger dans l’univers musical de " Pierre et le Loup " de Prokofiev.

    Infos pratiques

    Le thème de cette année : Les contes d'hiver : Pierre et le loup.
    Horaires : de 9h30 à 17h exceptés les 25/12 et 01/01.
    Tarifs : 10,50€ , 8,50€ en tarif réduit, gratuit pour les moins de 7 ans.
    Nocturne : 29 décembre 2021 de 17h00 à 21h00

     

    Noël au château de Chenonceau

     

    Le château de Chenonceau à Noël

    Surnommé le "Château des Dames", parce qu’il était la résidence favorite des reines, le Château de Chenonceau s’est  toujours distingué par de sublimes et nombreuses compositions florales. Imaginé par Laure Menier, propriétaire, il y a 25 ans, l’Atelier Floral, unique en Europe, et son designer, Jean-François Boucher, Meilleur Ouvrier de France imaginent à chaque Noël des créations toujours originales et surprenantes.

    Infos pratiques

    Le thème de cette année : Un paradis royal.
    Horaires : de 9h30 à 17h.
    Tarifs : 15€, 12€ en tarif réduit, gratuit pour les moins de 7 ans.
    Nocturnes : les samedi 18 et mercredi 22 décembre jusqu'à 20h.

     

    Noël au château d’Amboise

     

    Château d'Amboise à Noël

    Pouponnière des rois de France, c’est au château d'Amboise que Charles VIII et François Ier passèrent leur jeunesse et qu’ils célébrèrent Noël. Avec le blanc pour thématique 2021, Amboise a choisi de raviver les souvenirs d’enfance, les joyeuses glissades, d’évoquer les paysages immaculés et les jours de neige à la Cour !

    Infos pratiques

    Le thème de cette année : Noël, les rêves blancs des rois.
    Horaires : de 9h à 12h30 et de 14h à 16h45.
    Tarifs : 13,30€, 11,50€ pour les étudiants, 9,10 € pour les moins de 18 ans, gratuit pour les moins de 7 ans.
    Nocturne : 27 décembre 2021 jusqu'à 19h.

     

    Noël au château de Chinon

     

    Chinon sous la neige

    Dernier refuge d’Henri II Plantagenêt, roi d’Angleterre, la Forteresse royale de Chinon et ses murs millénaires ont accueilli Aliénor d’Aquitaine, Charles VII et Jeanne d’Arc lors de tournants majeurs de l’histoire de France. En écho à ces personnages mythiques, le monument a choisi de narrer l’histoire de légendes telles que Saint- Nicolas, le Père Fouettard et... le Père Noël !

    Infos pratiques

    Le thème de cette année : Mythes et légendes de Noël.
    Horaires : 
    de 9h30 à 17h.
    Tarifs : 10,50€, 8,50€ en tarif réduit, gratuit pour les moins de 7 ans.
    Nocturne : le 23 décembre 2021 jusqu'à 21h.

     

    Noël au château d’Azay-le-Rideau

     

    Le château d'Azay-le-Rideau à Noël

    Véritable immersion dans l’atmosphère des Biencourt, famille qui fut propriétaire du château durant quatre générations, Azay-le-Rideau est un château qui charme autant le regard, les coeurs que les papilles ! Pour cette nouvelle édition, la gourmandise reste le thème conducteur de la mise en ambiance du monument où des mets de papier côtoient avec malice les collections historiques de vaisselle et d’art de la table.

    Infos pratiques

    Le thème de cette année : Noël de papier : rêves gourmands.
    Horaires : de 10h à 17h15.
    Tarifs : 11,50 €, gratuit pour les moins de 25 ans.
    Nocturne : le 21 décembre 2021 de 17h à 20h.

     

    Noël au château de Langeais

     

    Le château de Langeais à Noël

    Privilège réservé aux grandes demeures seigneuriales, à l’instar de Langeais, la lumière a toujours été au coeur des fêtes de Noël. Pour cette édition 2021, le château a choisi de décliner la lumière sous ses différentes facettes (bougies, lanternes, feu de cheminée, animations lumineuses…) pour plonger les visiteurs dans une atmosphère chatoyante et
    fastueuse !

    Infos pratiques

    Le thème de cette année : Noël de Lumières.
    Horaires : de 10h à 17h. Ouvert l'après-midi du 25 décembre.
    Tarifs : 10€, 8€ pour les 18-25 ans, 5€ pour les moins de 18 ans, gratuit pour les moins de 10 ans.
    Nocturne : le 30 décembre 2021 de 17h à 20h.

     

    Patrimoine français - 3:  Un Noël féerique aux châteaux de la Loire

     

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    Eguisheim, au coeur du vignoble d'Alsace

     

    Par Détours en France
     

    Avec ses rues pavées et ses façades Renaissance abondamment fleuries, Eguisheim, au coeur du vignoble d'Alsace, est un coquet bourg du Haut-Rhin qui compte parmi les villages les plus visités d'Alsace. 

     

     

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    ​Dans les ruelles d'Eguisheim, les façades des maisons à colombages rivalisent de couleurs et de décorations florales.

    L'archétype du village alsacien

     

    Le visiteur tombe immédiatement sous le charme de ce village situé sur les derniers contreforts du massif des Vosges. Ses ruelles pavées si parfaites, ses maisons à colombages fleuries, ses boutiques aux enseignes en fer forgé, ses fontaines... Tout concourt à faire d'Eguisheim l'un des hauts lieux du tourisme.

     

     

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    Oriels, inscriptions sur les linteaux, écus gravés au-dessus des portes, fenêtres à meneaux : toutes les maisons sont uniques

    Certaines habitations comptent deux, trois, voire quatre siècles d'existence !

    Le plan urbain laisse apparaître une configuration particulière. En effet, en s'y promenant, on découvre facilement le tracé du village, l'arrondi de ses ruelles entourant le château primitif et le centre historique. Vues du ciel, les rues médiévales s'enroulent autour du cœur historique et dessinent trois cercles concentriques. Ainsi se dévoilent les remparts du XIIIe siècle, largement occultés par les maisons qui s'y sont adossées.

     

    L'importance du patrimoine culturel

     

    Dans le coeur historique du village, une sorte de plate-forme octogonale réunit le château des comtes d'Eguisheim, la chapelle Saint-Léon et la monumentale fontaine au-dessus de laquelle se dresse la statue, imposante, du pape Léon IX, né à Eguisheim en 1002. 

     

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    Les cigognes, emblématiques de l'Alsace. Au fil de la balade, on aperçoit sur le clocher roman de l'église Saint-Pierre-et-Saint-Paul qu'Hansi à maintes fois dessiné surmonté d'un nid de cigognes.

    Construit en grès dans un style néoroman à la fin du XIXe siècle, le sanctuaire porte une lumineuse toiture de tuiles vernissées, dont le dessin géométrique marie le jaune et le vert. Plus proche dans l'architecture d'une grande maison bourgeoise que d'une forteresse, le château du XIIIe siècle est un héritage de l'édifice construit au VIIIe siècle par le comte Eberhardt, petit-fils du troisième duc d'Alsace et dont l'arbre généalogique nous révèle qu'il est l'ancêtre de Léon IX et le neveu d'Odile, la sainte patronne d'Alsace. Une raison supplémentaire de s'attarder dans ce bourg du Haut-Rhin est sa tradition viticole.

    Joyau de la Route des vins, le Pfersigberg et l'Eichbergles, deux grands crus, font la fierté de ce bourg. De quoi rendre votre visite inoubliable.

    Qualifié de "berceau du vignoble alsacier", Eguisheim dispose de la plus importante cave coopérative de la région et de nombreuses caves, aux portes grandes ouvertes, où l'on se délecte des deux grands crus locaux, bien fruités : l'eichberg, marno-calcaire, et le pfersigberfg, silicieux, qui produisent des rieslings, gewurztraminers et pinots gris.

     

    Patrimoine français - 3:  Eguisheim, au coeur du vignoble d'Alsace

     

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    Nos plus belles photos d'Alsace-Lorraine

     

    Par Détours en France
     

    Disputée entre la France et l'Allemagne de 1870 à 1945, l'Alsace-Lorraine a hérité de cette période une personnalité qui lui est propre, héritage de ses multiples changements de mains. Outre son patrimoine historique extraordinairement riche, la région décline une multitude de paysages splendides et de villages fleuris, sans oublier ses parcs naturels, son somptueux massif des Vosges, ses routes superbes, et l'architecture grandiose de villes comme Metz ou Nancy.

     

    La Route des vins d'Alsace

     

    De Marlenheim à Thann, la Route des vins d’Alsace permet de traverser une quarantaine de ravissants villages viticoles. Ici, Westhoffen dans le Bas-Rhin.

     

    Les villages fleuris dont Eguisheim

     

    C'est l'un des joyaux du Haut-Rhin ! Élu village préféré des Français 2013, Eguisheim enroule ses ruelles pavées autour d’un château du XIIIe siècle. Ici, les maisons à pans de bois de la rue du Rempart-Sud.

     

    Le château du Haut-Koenigsbourg

     

    Du haut de son promontoire rocheux, le château du Haut-Koenigsbourg surplombe la plaine d’Alsace.  Rebâti pour célébrer la grandeur de Guillaume II, empereur d’Allemagne, la forteresse est devenue l'un des monuments les plus visités de France.

     

    Strasbourg et ses façades à colombages

     

    Depuis la rue Mercière, la façade occidentale de la cathédrale Notre-Dame s'offre au regard dans toute sa splendeur. Autour de l'édifice, le quartier du « Carré d’Or » se compose d'un maillage ténu de rues, ruelles et places à l'architecture flamboyante. 

     

    Le massif des Vosges et ses trésors

     

    Dans la forêt de Haslach, au cœur d'une région que l'on surnomme "la Suisse d'Alsace", en hommage à ses paysages verdoyants de moyenne montagne, au pied de deux châteaux en ruines, la cascade du Nideck est l'un des plus beaux sites naturels des Vosges. 

     

    Metz et ses façades de miel

     

    Les abords du Temple Neuf, sanctuaire néoroman, cernés d'un écrin de verdure et d'eau verte, ressemblent à un navire. À la sévérité de l'architecture, s'oppose la beauté altière des façades couleur miel. Comment une si belle ville a-t-elle pu souffrir, des décennies durant, d’une aussi mauvaise réputation ?

     

    Nancy et sa place Stanislas 

     

    La place Stanislas, classée à l'Unesco, est peut-être la plus belle place de France. À elle seule, elle justifie un détour par Nancy. Il se dégage de cette esplanade carrée, aux pavés clairs, une harmonie saisissante, que renforce ses pavillons d'un classicisme élégant, ses grilles d'or et son arc de triomphe.

     

    Verdun ou la mémoire de la Grande Guerre

     

    Au cœur de la forêt domaniale de Verdun, l'ossuaire de Douaumont découvre une large clairière plantée de milliers de croix. Derrière, se trouvent les trois ailes blanches de l’ossuaire de Douaumont. Sous les arbres, plantés au lendemain de la guerre, la mémoire des batailles qui ont fait rage ici, subsiste.

     

    Patrimoine français - 3:  Nos plus belles photos d'Alsace-Lorraine

     

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    La route des abbayes catalanes

     

     

    Par Vincent Noyoux
     

    Du massif des Corbières aux contreforts du Canigou, les hommes du Moyen Âge ont bâti des abbayes. L’art roman méridional, le gothique languedocien, le baroque, s’y sont déployés tout au long de siècles tumultueux. Sauvées de l’abandon et du pillage, restaurées, ces abbayes revivent désormais grâce au tourisme et à la musique.

     

    L’abbaye Saint-Martin-du-Canigou

     

    L’abbaye Saint-Martin-du-Canigou est un joyau du premier art roman régional.

    De l’autre côté du mont Canigou, l’abbaye Saint-Martin-du-Canigou offre une ambiance contemplative. Bâtie en 1009 par Guifred II, comte de Cerdagne, l’abbaye accrochée à son piton rocheux, surplombe les gorges du Cady, au pied du Canigou. Le spectacle des falaises à pic est grandiose. Une quinzaine de frères, soeurs et laïcs vivent à l’année dans cet ancien ermitage bénédictin. C’est ici qu’est apparu le premier art roman méridional en Roussillon. Pour s’adapter à l’étroitesse du promontoire, les architectes ont réussi un coup de maître : superposer deux églises (une rareté) et édifier une chapelle haute dans un clocher indépendant. Le charmant cloître aux chapiteaux sculptés s’étageait lui aussi sur deux niveaux. À l’origine, les moines ne pouvaient voir que le ciel ; aujourd’hui, ils profitent de la vue sur les promontoires pyrénéens.

     

    La crypte souterraine de l'ancienne abbaye Saint-Martin du Canigou

    Le bijou de Saint-Martin-du-Canigou reste la crypte, miraculeusement préservée des outrages du temps et des hommes. On y admire une belle série d’arcades en berceau. Juste au-dessus, l’église abrite les reliques de saint Gaudéric, patron des paysans catalans. Les chapiteaux massifs, un peu frustes ont été taillés dans le marbre blanc de Conflent ou celui, veiné de bleu, de la vallée de Céret. Au début du XXsiècle, l’abbaye, qui n’était plus que ruines, fut sauvée par la poésie et un peu d’huile de coude. Le poète catalan Jacint Verdaguer la fit d’abord sortir de l’oubli dans son poème Canigó (1886). Par la suite, l’évêque de Perpignan, Jules de Carsalade du Pont, passa trente années de sa vie à relever l’édifice et y organisa en 1902 les jeux floraux de Barcelone, alors interdits par l’autorité militaire. Depuis, l’abbaye vit.

     

    L’abbaye Sainte-Marie d’Arles-sur-Tech

     

    Le cloître de l’abbaye Sainte-Marie d’Arles-sur-Tech

    Deux simiots, créatures diaboliques de la mythologie pyrénéenne et catalane, gardent l’entrée de l’abbaye Sainte-Marie d’Arles-sur-Tech. L’étrange s’invite dans ce sanctuaire chrétien du Vallespir. Les textes nous parlent d’une première fondation en 778 par Castellanus, un moine d’Espagne, puis d’une seconde sur le site actuel un siècle plus tard. À la fin du Xe siècle, l’abbé Arnulfe rapporte de Rome des reliques de deux saints martyrs originaires de Perse. Entreposées dans un sarcophage paléochrétien, les reliques provoquent un phénomène surnaturel : le tombeau se remplit d’une eau qui se renouvelle sans cesse. La « Sainte Tombe » se trouve toujours près de l’entrée de l’église, qui abrite de magnifiques fresques romanes et du mobilier baroque, notamment le retable en bois sculpté montrant la passion des deux saints, qui sont toujours vénérés le 30 juillet de chaque année. Avec ses colonnes en marbre blanc veiné de bleu, le cloître de l’abbaye est un exemple unique de l’art gothique languedocien en Catalogne.

     

    l’abbaye Saint-Michel de Cuxa

     

    Abbaye Saint Michel de Cuxa, vue aérienne

    Vie, mort et résurrection… À 15 km de là, située en dehors de Prades, l’abbaye Saint-Michel de Cuxa (prononcez « coucha ») a connu un destin similaire. Au IXe siècle, au lendemain de la reconquête carolingienne, une communauté de moines s’y installe et, bien vite, se développe. Au XIsiècle, elle devient un haut lieu de pèlerinage grâce à l’action de l’abbé Oliva, fils du comte de Cerdagne et promoteur de la « trêve de Dieu » contre les violences féodales. C’est à lui que l’on doit le déambulatoire, les clochers, la crypte en rotonde et les fresques de l’église. Novateur, il diffuse de nouveaux modèles d’architecture : clocher et arcatures lombardes, dents d’engrenage… Vers 1130, le cloître en marbre rose marque la naissance de la sculpture romane roussillonnaise. Hélas, à la Révolution, les marbres sont vendus et les chapiteaux du cloître démontés et dispersés.

     

    Histoire d'une résurrection

     

    Comme à Saint-Martin-du-Canigou, l’abbaye est en ruines au début du siècle dernier. En 1907, un collectionneur américain d’art médiéval, George Grey Barnard, acquiert plus de trente chapiteaux du cloître et tous les fragments qu’il peut trouver à Prades et à Cuxa. Ces achats seront à l’origine du musée des Cloîtres (The Cloisters) de New York. Mais grâce à la mobilisation de la population, une partie de Cuxa est sauvée. L’abbaye renaît véritablement de ses cendres en 1919 grâce aux moines cisterciens de Fontfroide, qui y demeureront jusqu’en 1965. Entre temps, le violoncelliste Pablo Casals, fuyant le franquisme, s’est réfugié à Prades. En 1950, il donne, dans l’église dépourvue de toit, un concert resté célèbre, qui servira à financer en partie les travaux de restauration. Par la suite, Pablo Casals s’y produira à de nombreuses reprises, accompagné de musiciens prestigieux comme Vladimir Horowitz et Yehudi Menuhin. Chaque année en août, des concerts sont donnés dans l’abbaye lors du festival qui porte son nom.

     

    L’abbaye de Fontfroide

     

    Abbaye de Fontfroide ou L'Abbaye Sainte-Marie de Fontfroide

    L’histoire de Cuxa se répète à l’abbaye de Fontfroide, dans les Corbières. Où l’on retrouve George Grey Barnard… « En 1908, Fontfroide a été mise en vente et le collectionneur américain s’y est intéressé. Heureusement Gustave Fayet, mon arrière-grand-père, a remporté les enchères à la bougie et a fait classer le cloître », explique Laure d’Andoque. Cette ancienne avocate dirige aujourd’hui l’abbaye, restée entre les mains de la famille Fayet. « Nous sommes près de 80 descendants de Gustave Fayet, sur six générations ! » L’aïeul ne laisse pas de fasciner. « C’était un touche-à-tout : vigneron, artiste, chef d’entreprise, mécène et collectionneur d’art : il détenait des Gauguin, Picasso, Van Gogh, Cézanne. Fontfroide fut son chef-d’oeuvre. »

    Fayet restaure et embellit l’abbaye, merveilleusement tapie au creux des collines pierreuses, parmi les chênes, les vignes et les oliviers. Surtout, il en fait un lieu de vie en y invitant ses amis artistes : Maurice Ravel, Déodat de Séverac, Aristide Maillol, et Odilon Redon, qui décore la bibliothèque de deux superbes peintures. Richard Burgsthal signe les vitraux de l’église cistercienne. Fontfroide devient une petite Villa Médicis. Dans les années 1960, les violons de Yehudi Menuhin et Isaac Stern résonnent dans le réfectoire des frères convers. En 2005, Jordi Savall y crée le festival Musique et Histoire. Fontfroide continue d’accueillir des artistes en résidence. L’abbaye produit aussi de l’huile d’olive et du vin, un des jolis noms de l’appellation Corbières. Ici, comme à Arles-sur-Tech, Saint-Martin et Cuxa, l’histoire n’est pas finie.

     

    Patrimoine français - 3:  La route des abbayes catalanes

     

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