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    Ce que l'Alsace a apporté à la France

     

    Par Dominique Roger et Florence Donnarel
     
     
     

    Les régions et terroirs, riches de leur contraste, ont forgé l’unité de notre pays au fil des siècles. Personnalités locales aux destins qui marquèrent l’Histoire nationale, gastronomie, vocabulaire régional... Découvrez ce que l'Alsace a légué à la France.

     

    La Marseillaise 

     

    Statue de Rouget de l'Isle, compositeur de la Marseillaise, à Lons-le-Saunier (Jura)
     
    Statue de Rouget de l'Isle à Lons-le-Saunier (Jura), sa ville natale.

     

    L’hymne national de la France porte un nom trompeur. Il est né en Alsace, la nuit du 25 avril 1792, alors que l’officier du Génie Rouget de Lisle est prié par le maire de Strasbourg de composer un chant de ralliement pour galvaniser les troupes françaises en guerre contre l’Autriche. Le Chant de guerre pour l’armée du Rhin sera baptisé La Marseillaise après sa reprise par les volontaires originaires de la Cité phocéenne. Ils sont venus renforcer les rangs, tandis que les troupes doivent reculer devant la Prusse, alliée à l’Autriche. La Marseillaise est déclarée hymne national le 14 juillet 1795.

     

     

    Victor Schoelcher, l'humaniste qui abolit l'esclavage

     

    Maquette du navire négrier la Marie Séraphique exposée au musée d'Histoire de Nantes
     
    Maquette du navire négrier La Marie-Séraphique exposée au musée d'Histoire de Nantes.

     

    Né à Paris, Victor Schoelcher (1804-1893) est issu, côté paternel, d’une famille alsacienne originaire de Fessenheim (Haut-Rhin), propriétaire d’une usine de fabrication de porcelaine renommée. C’est en tant que représentant commercial de l’entreprise familiale qu’il sera pour la première fois confronté à l’esclavage lors de déplacements outre-Atlantique. Dès lors, révolté, l’homme politique humaniste, député à plusieurs reprises, fera de l’abolition de l’esclavage le combat de sa vie. L’historique décret d’abolition qu’il rédigera sera adopté le 27 avril 1848. Un musée (21, rue de la Libération, 68740 Fessenheim, 03 89 62 03 28), ouvert en 2015, salue aujourd’hui la mémoire de celui repose au Panthéon.

     

     

    Le livre imprimé de Gutenberg 

     

    Cahier d'écolier de Beatus Rhenanus exposé à la bibliothèque humaniste de Sélestat (Alsace)
     
    Cahier d'écolier de Beatus Rhenanus exposé à la bibliothèque humaniste de Sélestat.

     

    Né à Mayence, l’Allemand Johannes Gutenberg séjourna en Alsace avec sa famille de 1434 à 1445. Cette région est alors un foyer de l’humanisme rhénan, notamment grâce à son école latine de Sélestat qui rayonnait dans toute l’Europe. À Strasbourg, le jeune homme fit l’apprentissage de l’orfèvrerie. Si le premier livre qu’il imprima parut en 1454 dans sa ville natale, c’est bien dans la capitale alsacienne qu’il mit au point sa fameuse invention : l’imprimerie typographique qui révolutionnera la diffusion des savoirs en Europe. Strasbourg s’imposera comme un pôle majeur du livre imprimé.

     

     

    La choucroute

     

    Choucroute garnie servie au restaurant de la Maison des Tanneurs, à Strasbourg (Alsace)
     
    Choucroute garnie servie au restaurant de la Maison des Tanneurs, à Strasbourg.

     

     

    Avant d’incarner la gastronomie alsacienne, la choucroute a voyagé. Le chou fermenté (autrement dit: « chou aigre », soit « Sur Krut » en alsacien) aurait été inventé en Chine pour nourrir les bâtisseurs de la Grande Muraille, avant d’essaimer en Europe centrale jusqu’en Alsace. Après l’annexion de 1871 à l’Allemagne, les Alsaciens émigrés à Paris exportent la choucroute dans leurs brasseries... Toutes sortes de viandes et de poissons peuvent la garnir, chaque cuisinier a sa signature : la « tisane » d’épices qui le parfume. En Alsace, le chou est récolté entre juillet et novembre ; il fermente deux à huit semaines avec du sel.

     

     

    Des mots qui sonnent alsacien 

     

    Enseigne du musée Alsacien de Strasbourg (Alsace)
     
    Enseigne du Musée alsacien de Strasbourg.

     

    Mine de rien, l’alsacien est entré dans le langage quotidien des Français. Exemples ? Si l’on vous dit « Vous prendrez bien une chope ? », sachez que le mot est directement issu de l’alsacien « schoppe » qui désigne un « grand verre à bière »... Mais si vous en prenez trop, vous risquez d’être « schlass », un mot lui aussi venu d’Alsace, synonyme de « fatigué, mou, voire ivre »... Et pour se requinquer, le mieux est de commander une bonne choucroute – un mot dérivé de « Sürkrüt », soit « chou aigre ».

     

    Patrimoine français:  Ce que l'Alsace a apporté à la France

     

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    Le château de Puymartin, l'ombre

    de la Dame blanche

     

    Par Hugues Dérouard
     
    source : Détours en France N°224
     
     

    Entre Sarlat et les Eyzies, cette impressionnante forteresse est habitée, depuis cinq siècles, par la même famille. Depuis cinq siècles aussi, elle est associée à une légende célèbre dans le Périgord noir. Le fantôme qui hanterait ses couloirs n'a pas fini de faire tourner la tête des visiteurs !

     

     

    Le château de Puymartin, dans le Périgord

     

    Découvrir Puymartin un jour de ciel bleu, sans nuage à l’horizon, peut être trompeur. Tours rondes, donjon néogothique dominant majestueusement la vallée de la Beune, pierres blondes éclatantes au soleil. Xavier de Montbron, propriétaire des lieux, nous accueille aux côtés de sa mère, comtesse, et sa sœur Bernadette : « Le château nous habite, plus qu’on ne l’habite !, s’amuse-t-il. Édifié au XIIIe siècle, il est détruit durant la guerre de Cent Ans pour éviter qu’il ne serve de point d’appui aux Anglais. Puis il est reconstruit au XVe siècle par Radulphe de Saint-Clar, un de mes ancêtres. Le château, abandonné, a été restauré à la fin du XIXe siècle par le marquis de Carbonnier de Marzac. »

     

    Cheminée en trompe-l'œil

     

    La Grande Salle du château de Puymartin (Périgord)
     
    La Grande Salle du château.
     

    Xavier de Montbron connaît chaque porte dérobée, chaque recoin, chaque meuble de la demeure. Passé la cour Saint-Louis, qui permet d’y accéder, il désigne un tableau représentant l’un de ses aïeuls puis décrit avec minutie les tapisseries d’Aubusson du XVIIIe siècle, la cheminée « peinte en trompe-l’œil au XVIIe siècle » de la chambre d’Honneur, ou encore le « plafond à la française de la Grande Salle » ornée, elle, de tapisseries flamandes. La visite est détendue, jusqu’au moment d'aller dans la tour Nord. Laquelle reste associée, depuis le XVIe siècle, à une sombre légende.

     

     

    Rencontres avec la Dame blanche

     

    Le château de Puymartin, dans le Périgord noir

     

    On raconte que Jean de Saint-Clar, lorsqu’il rentra au château après s’être illustré aux combats, y surprit son épouse Thérèse dans les bras d’un jeune seigneur. Jaloux et rageux, il l’enferma dans la tour. Elle y mourut après « quinze longues années de repentir » et son corps y fut même, dit-on, emmuré. Depuis, son fantôme ne cesserait, à la nuit tombée, de hanter les couloirs... Xavier de Montbron affirme, calmement : « Au cours de toutes ces années, je ne l’ai jamais croisée mais mon père, Henri, décédé en 2002, si. Et à plusieurs reprises. Je dois avouer que ses rencontres avec la Dame blanche l’ont bien chamboulé. Il a eu du mal à s’en remettre. » Les propriétaires, toutefois, ne souhaitent pas s’étendre sur le sujet, qui a bien trop souvent fait tourner la tête des visiteurs. Pour les amateurs de frissons, une chambre d’hôtes, magnifique, a été aménagée dans une pièce du château. Elle est régulièrement louée par les amateurs de paranormal...

     

    Patrimoine français:  Le château de Puymartin, l'ombre de la Dame blanche

     

     

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    Les 7 plus beaux châteaux du Luberon

     

    Par Florence Donnarel & Hélène Borderies
     

    Avant d’être la retraite privilégiée des amoureux du Midi et d’estivants argentés, les villages perchés du Luberon dressaient donjons et forteresses dans le ciel azuré. Soigneusement restaurés ou en ruines bien conservées, ces sites sont le fruit d’une histoire tourmentée et de destinées étonnantes. De Lacoste à la Tour-d’Aigues, ces châteaux sont un prétexte pour découvrir des villages pleins de noblesse.

     

     

    Village de Cucuron
     
     

    Château de Lourmarin

     

    Le village surgit au milieu des champs. Ses ruelles pavées s’entortillent autour d’une colline dominée par un beffroi. Le charme de sa géographie et de ses maisons en pierre dévorées par le lierre, ou illuminées de volets bleus, le classe parmi les Plus Beaux Villages de France. Déjà au XVe siècle, Lourmarin est un lieu de villégiature. L'édifice de style Renaissance, se dresse à l'extérieur du village. La galerie de la partie médiévale respire l'influence italienne tandis que celle Renaissance, bâtie entre 1526 et 1567, avec une façade rythmée de corniches et de fenêtres à meneaux ouvrant sur terrasse haute, fait penser aux châteaux de la Loire.

     

    La pièce maîtresse de ce bâtiment ? Un escalier à vis, l’un des plus somptueux de Provence, avec 93 marches qui desservent les chambres et les espaces de réception. Percées dans la tour qui abrite l’escalier d’apparat, des meurtrières détonnent.

     

    Château de Lourmarin

     

     

    Château d'Ansouis

     

    Juché sur un piton rocheux, le château d’Ansouis domine la vallée d’Aigues et ses vignobles bien ordonnés. « Parmi tous les châteaux médiévaux du Luberon, Ansouis est le seul à toujours avoir été habité. On y retrouve ainsi des aménagements datant de toutes les époques », explique Patrick Cohen, responsable du service Architecture et Patrimoine du Parc naturel régional du Luberon. Frédérique Rousset-Rivière est le propriétaire du château depuis 2008. Ainsi, entre avril et novembre, l’heureuse propriétaire explique à ses visiteurs comment la forteresse médiévale s’est vue « enrobée » par un château de plaisance au XVIIe siècle, en se dotant d’une entrée en perspective, d’élégants jardins ou de grandes fenêtres selon le style des hôtels particuliers aixois.

     

    Une curiosité ? Un mystérieux puits d’évasion hérité de l’époque médiévale, long de 30 mètres. Les archives mentionnent également l’accès à quatre tunnels, l’un débouchant près du beffroi du village...

     

    Château d'Ansouis
     
     

    Château de Lacoste : du marquis de Sade à Pierre Cardin

     

    En 1763, le marquis de Sade reçoit de son père en cadeau de mariage cette demeure perchée, mais c’est avec sa maîtresse la Beauvoisin qu’il y réside pour la première fois. Il vient ensuite s’y réfugier entre ses emprisonnements et fait creuser un théâtre dans la carrière proche, où il organise un festival. Propriété de Pierre Cardin depuis 2001, le château de Lacoste en ruine est alors en partie restauré. Se dressent encore deux tours et une aile en pierre blanche sur un escarpement rocheux dominant le village et la vallée du Calavon. On retrouve la patte du couturier dans les œuvres d’art contemporaines égrenées sur les terrasses et l’ameublement des salons. Les carrières du château accueillent un festival d’art lyrique et de théâtre chaque été.

     

    Château de Lacoste
     
     

    Château de la Tour-d'Aigues

     

    Ici encore, c’est l’histoire d’un millefeuille de constructions érigées autour d’un donjon primitif par les seigneurs successifs de la Tour-d’Aigues dès le début du XVe siècle. Du château en quadrilatère d’autrefois, disposé autour d’une cour fermée, il ne reste plus qu’un squelette, quelques tours remaniées et deux œuvres monumentales datant de la Renaissance : le portail d’entrée, en surplomb des douves irriguées par l’étang de la Bonde, qui arbore tout le répertoire stylistique de l’Antiquité, et les deux tours d’angle ornées des bossages vermiculés piqués d’étoiles. Les grandes toitures d’ardoise, les corps de logis, les fenêtres à croisées disparaîtront lors d’un premier incendie en 1780, puis lors des saccages de la Révolution. Aujourd’hui demeure la poésie des ruines, sur un point haut qui commande toujours une vallée tricotée de vignes où chantent les cigales en été.

     

     

    Château de la Tour-d'Aigues
     
     

    Château de Gordes

     

    Gordes est un exemple parfait de construction médiévale. Il a été édifié sur les hauteurs d’une falaise afin de protéger ses habitants, à l'instar des châteaux cathares. Les maisons sont bâties en spirale.  En haut, se dresse son château encore intact. Celui-ci est de style Renaissance, il arbore de grosses tours rondes tout autour de la bâtisse principale.

     

    Château de Gordes
     
     
     

    Château de la Bastide des Jourdans

     

    Village viticole, la Bastide des Jourdans est aussi un village fortifié qui abrite un château. Il fut partiellement détruit lors de la révolution. Après plusieurs reconstruction, il reste des fortifications et un donjon carré. Son apparence actuelle est l'oeuvre d'un peintre et aussi notaire réalisé au début du XIXe siècle.

     

    Château de la Bastide des Jourdans

     

    Château de Sauvan à Mane

     

    Enfin, le dernier, celui que l'on surnomme « le petit trianon provencal », à Mane dans les Alpes du Sud, fut édifié au XVIIIe siècle. Il s'agit d'une réplique de celui de VersaillesRacheté par les frères Allibert dans les années 1980, il était en ruine. Leur objectif est de le rénover selon les plans de l'époque car il s'agit du seul château de ce style en Provence. La visite de l'édifice est ouverte au public, ainsi que le parc, qui se compose d'au moins 4 hectares de jardins à la française.

    Patrimoine français:

     

     

    Pour plus de renseignements, veuillez visiter ce site:

    www.luberoncoeurdeprovence.com/decouvrir/sites-culturels/chateau-de-lourmarin

     
    Merci

     

    Patrimoine français:  Les 7 plus beaux châteaux du Luberon

     

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    Briançon, la cité imprenable de Vauban

     

    Par Hugues Dérouard
     
     
    source : Détours en France N°227
     
     
     

    Juchée à 1 326 mètres, la sous-préfecture des Hautes-Alpes est l’une des plus hautes villes, en altitude, d’Europe. Ses fortifications ont été retenues parmi les « Sites majeurs de Vauban » inscrits au Patrimoine mondial par l’Unesco. Car Briançon garde encore, plus de trois siècles après, la trace indélébile de l’architecte militaire de Louis XIV qui s’adapta avec génie à ce relief montagnard. Elle porte haut sa devise : « Petite ville, grand renom ».

     

     

    Vue sur la vieille-ville de Briançon depuis le sommet du fort du château

     

    Lorsque le visiteur vient du col de Montgenèvre (1850 mètres), Briançon le voit arriver de loin. Les forts qui cernent la ville ont été conçus pour repérer au plus tôt l’envahisseur. Pour mieux admirer la cité, une promenade dans le parc de la Schappe, aménagé au cours du XIXe siècle en bordure de la Durance, est tout indiquée : la Vieille-Ville fortifiée s’élève sur son piton rocheux, dans un décor minéral tout simplement grandiose.

     

    Une cité imprenable

     

    Briançon, le plan d'eau du parc de la Schappe et la citadelle
     
    La citadelle et le parc de la Schappe.

     

    Même si les origines de la ville sont très anciennes – Briançon était déjà fortifiée à l’époque romaine – c’est un peu l’œuvre de Sébastien Le Prestre de Vauban (1633-1707) que l’on contemple encore aujourd’hui. À l’automne 1692, en effet, celui-ci est envoyé par Louis XIV pour protéger la ville des attaques du duc de Savoie Victor-Amédée II, lequel a rallié la Ligue d’Augsbourg contre le royaume de France et, depuis, menace les Alpes. Car Briançon est très vulnérable : « On ne peut rien imaginer de plus inégal ; ce sont des montagnes qui touchent aux nues et des vallées qui descendent aux abîmes... », constate d’ailleurs l’architecte militaire dans une lettre qu’il adresse au roi. Quoi qu’il en soit, il a su parfaitement s’adapter à ce relief escarpé, « tout bossillé ».

     

     

    Vue plongeante sur le fort des Salettes construit par Vauban, à Briançon
     
    Le fort des Salettes.

     

    La cité qu’il a dessinée, imprenable, est considérée comme un chef-d’œuvre de fortification en milieu montagnard. Comme les progrès de l’artillerie permettent désormais que les canons atteignent la ville, « il demande la réalisation de deux demi-lunes, ainsi qu’une fausse braie au front d’Embrun, note le service du Patrimoine briançonnais. Cet ouvrage, rendu obligatoire par la forte déclivité, est une sorte de gradin au tracé bastionné placé en contrebas, qui permet d’obtenir des feux beaucoup plus rasants, donc plus efficaces. » Il approfondit les fossés, consolide les courtines, créé embrasures, traverses et poternes, ajoute des portes de garde. Il fait aussi renforcer le vieux château médiéval, et y place une poudrière voûtée en berceau plein-cintre, qui est capable d’abriter 60 tonnes de poudre noire ; ce bâtiment est toujours visible.

     

    « La France » et une « gargouille »

     

    La sculpture la France de Bourdelle au sommet du fort du château de Briançon
     
    La France d'Antoine Bourdelle.

     

    Après avoir passé la porte de Pignerol, dotée d’un pont-levis et d’une herse, qui garde l’entrée de la ville haute, il faut emprunter le chemin de ronde qui mène justement jusqu’au fort du Château, transformé en totalité au XIXe siècle. Au sommet, où trône une sculpture d’Antoine Bourdelle, intitulée La France (1922), on profite d’un panorama formidable sur les environs. Surtout, on découvre que la Vieille-Ville, malgré sa vocation longtemps militaire, a su conserver un aspect souriant, avec ses cadrans solaires, ses fontaines et ses façades couleur pastel. On est tout de suite charmé par ses ruelles historiques, pavées, pleines de caractère. Artère commerçante et piétonne, la Grande-Rue dévale les pentes. En son milieu, une longue « gargouille », pittoresque rigole à ciel ouvert, d’origine médiévale.

     

     

    Une église en guise de bouclier

     

    Jolie vue sur la place d'Armes de Briançon

    La place d'Armes.

     

    En chemin, une halte s’impose place d’Armes, le cœur battant de Briançon. Unique secteur plat de la ville, l’esplanade, qui est somme toute de taille modeste, permettait aux officiers de passer en revue leurs troupes. Vauban y a fait creuser un profond puits – dont l’édicule a été récemment reconstruit – pour assurer l’autonomie en eau. C’est lui également, qui décide de pourvoir la cité d’une nouvelle l’église, la monumentale Notre-Dame-et-Saint-Nicolas ornée, sur ses deux tours, d’un beau cadran solaire et d’une horloge. À l’intérieur, elle est dotée d’une horloge supplémentaire, curieusement apposée au plafond... Les Savoyards étant extrêmement pieux, Vauban la fait bâtir délibérément sur le bastion le plus exposé de l’enceinte, renforcé d’une demi-lune. Et il cache une partie des édifices urbains derrière le sanctuaire. L’ennemi, estime-t-il à juste titre, n’osera pas bombarder une église, même si elle sert de bouclier... Tout près : la maison du Temple héberge à présent l’office de tourisme. Érigée en 1575, cette belle demeure de la Renaissance italienne est l’un des rares vestiges des immeubles anciens de la ville, ravagés par plusieurs incendies, mais aussi le plus souvent rasés, pour que leurs pierres puissent servir aux constructions militaires.

     

     

    Un pont spectaculaire 

     

    Le pont d'Asfeld construit par Vauban à Briançon

    Le pont d'Asfeld.

    « Qui tient le haut, tient le bas », formulait Vauban. Lors de son deuxième voyage à Briançon en 1700, après la fin de la guerre de la Ligue d’Augsbourg, il a envisagé plusieurs forts sur les hauteurs. La majorité d’entre eux ont été exécutés après la mort de l’ingénieur (survenue en 1707), puis modifiés au gré de l’évolution de l’artillerie. Citons d’abord la redoute des Salettes, élevée sur la montagne du Poët, dominant dangereusement la ville. Destiné à prévenir les attaques venues du nord, cet ouvrage, avec tour-réduit inspirée des tours médiévales uniquement accessible par un souterrain, fut transformé sous la monarchie de Juillet en une puissante forteresse. Juste au pied des remparts de Briançon, le pont d’Asfeld, équipement tout aussi utilitaire qu’esthétique, enjambe encore spectaculairement la Durance. Il permet d’effectuer la liaison avec le fort des Têtes. Avec ses trois portes d’accès, son ancienne chapelle, son arsenal, ses casernes pouvant loger 1 200 hommes, ce complexe aménagé sur un plateau rocheux surplombant les vallons du Fontenil, à 1 440 mètres, est sans doute le plus impressionnant. Un hôtel de luxe, en projet, devrait valoriser son potentiel patrimonial...

     

    Inscription au patrimoine mondial de l'humanité

     

    Maquette de la citadelle de Briançon exposée dans l'ancien palais de justice
     
    Maquette de la citadelle exposée dans l'ancien palais de justice.

     

    Le fort des Têtes est relié au fort du Randouillet par un ouvrage étonnant : la communication Y, construite de 1724 à 1734. Il s’agit d’une galerie longue de 200 mètres, en maçonnerie et voûtée en berceau, qui permettait aux soldats de se déplacer à l’abri des tirs ennemis. Le fort du Randouillet avait pour mission d’arrêter les d’attaques provenant des sommets de l’Infernet. C’est dans ce décor grandiose que les militaires du Cnam, le Centre national d’aguerrissement en montagne, se sont longtemps entraînés pour leurs interventions, dont certaines les ont conduits dans les massifs afghans... Les soldats ont quitté les lieux en 2009, un an après que Briançon a fait l’objet d’une inscription par l’Unesco au Patrimoine mondial de l’humanité... Comme onze autres sites Vauban en France. Mais c’est sans doute ici, que l’ingénieur a fait la démonstration la plus probante de la maîtrise de son art militaire.

     

     

    Patrimoine français:  Briançon, la cité imprenable de Vauban

     

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    Ménerbes : la passion Lubéron

     

    Par Sophie Denis
     
     
    source : Détours en France HS 12 - Les villages préférés de nos régions
     
     
     

    Parmi les villages du Luberon qui rivalisent de charme ensoleillé pour mieux séduire les visiteurs, Ménerbes est peut-être le plus secret. Long vaisseau de pierre enchâssé sur un promontoire rocheux, il a séduit de nombreux artistes et écrivains, dont Picasso et Peter Mayle. Ses ruelles rafraîchissantes et ses demeures nobles, aujourd’hui si accueillantes, ont connu jadis des épisodes mouvementés.

     

     

    Ménerbes, vue d'ensemble du village
     
     

    Parmi les villages du Luberon qui rivalisent de charme ensoleillé pour mieux séduire les visiteurs, Ménerbes est peut-être le plus secret. Long vaisseau de pierre enchâssé sur un promontoire rocheux, il a séduit de nombreux artistes et écrivains, dont Picasso et Peter Mayle. Ses ruelles rafraîchissantes et ses demeures nobles, aujourd’hui si accueillantes, ont connu jadis des épisodes mouvementés.

     

    Ménerbes a décroché la troisième place du podium de l'édition 2020 de l'émission « Le village préféré des Français»

     

    Quel est le point commun entre Nostradamus, Nicolas de Stäel, Pablo Picasso, François Nourissier et Peter Mayle ? Ménerbes. Ils l’ont habité, peint, raconté ou simplement aimé. « Navire dans un océan de vignes » pour Nostradamus, Ménerbes a abrité la dernière maison chère au coeur de l’écrivain François Nourissier, une de ses « maisons mélancolie » comme il les appelait. Il a aussi été le héros bien malgré lui d’Une année en Provence, roman mondialement connu de l’Anglais Peter Mayle, qui par le biais de sa plume trempée dans l’humour british, le transforma en village d’irréductibles Gaulois, à la sauce provençale.

     

    Ménerbes, vue d'ensemble

     

    Le tsunami déclenché par le best-seller est désormais un souvenir, mais Ménerbes reste aux yeux du monde l’archétype du village provençal : vaisseau de pierre chapeauté de tuiles, proue devant la citadelle et poupe à l’opposé, du côté du cimetière, il tutoie la montagne du Luberon depuis l’Antiquité. Ou peut-être même plus tôt, puisqu’on a découvert l’abri Soubeyras, du paléolithique supérieur à moins de 4 kilomètres vers le village de Beaumettes, et le dolmen de la Pitchoune, daté de 2 500 ans avant notre ère, à 2 kilomètres à l’est.

     

    Un siège de cinq ans

     

    Parcours des villages perchés du Lubéron à Ménerbes

     

    Vu d’en bas, le village impressionne toujours, avec ses façades ocre au corps-à-corps avec la pierre, et la silhouette orgueilleuse de la citadelle, plantée sur un rocher à pic. On sent que Ménerbes a eu par le passé l’âme guerrière, loin de l’image charmante des ateliers d’artistes et des pastis pris en terrasse devant les cafés aux volets bleus : la faute à son nom, qui vient de Minerve, déesse romaine des conflits ? Ménerbes a eu l’occasion de mériter son nom pendant les guerres de Religion. À l’époque fidèle au pape, qui avait remercié les habitants en les dispensant de certaines taxes seigneuriales, le village est conquis par 150 huguenots, commandés par un certain Scipion de Valavoire, en 1573. Les catholiques ripostent en mettant le siège avec… 15 000 hommes ! Il leur faudra quand même cinq ans et plus de 900 coups de canon pour récupérer Ménerbes…

     

    Le sacre de Clovis

     

    Une école porte son nom, un monument orné de son buste lui est dédié, rue du Maupas : Clovis Hugues est un enfant de Ménerbes. Si aujourd’hui on a oublié son nom, il eut son heure de gloire. Né en 1851 dans le village, fils d’un meunier, il se lança dans la carrière politique suite à la Commune de Marseille et fut le premier député du P.O.F, parti ouvrier français. Admirateur de Victor Hugo, il était aussi poète et félibre de Frédéric Mistral. Ses prises de position politique lui attirèrent la haine d’une comtesse, qui tenta de le déstabiliser en déshonorant sa femme, la sculptrice Jeanne Royannez, via un homme de paille. Celle-ci finit par abattre le délateur, et fut acquittée. Une histoire mouvementée, racontée en 1962 par Gérard Oury dans Le Crime ne paie pas, avec Michèle Morgan et Philippe Noiret !

     

    C’est à sa situation escarpée que le village doit d’avoir tenu si longtemps ; et aussi aux galeries souterraines dont son sol est truffé, qui ont sans doute permis aux habitants de se ravitailler à la barbe des catholiques. Par bonheur, le siège n’a pas détruit le village, à l’exception d’une tour de défense dite la Cornille. Vous avez donc tout loisir de grimper au gré de ses ruelles pour découvrir son patrimoine riche d’hôtels particuliers des XVIIe siècle et de maisons Renaissance, pomponnées sans ostentation et habillées de pierre patinée par le soleil.

     

    Ruelle de Ménerbes

     

    Pas de tape-à-l’oeil ici, tout respire l’harmonie paisible : le fracas des armes s’est éteint, on écoute le chuchotement d’une fontaine, on remarque un linteau gravé, une fenêtre Renaissance, on savoure la fraîcheur d’une treille, la modestie d’un clocheton. La perspective d’une ruelle offre une échappée sur le beffroi (XVIe siècle) et son campanile de fer forgé surmonté de cinq croix.

     

     

    La dernière demeure d'un comte danois 

     

    Au passage, on admire la chapelle Saint-Blaise, édifiée au XVIIIe siècle par des Pénitents blancs. Sur son tympan abîmé, on peut encore distinguer deux moines agenouillés devant une croix. L’intérieur conserve un plafond sculpté et peint, une rareté dans la région. La citadelle a fière allure mais n’a pas connu le siège de Ménerbes, car construite juste après. Aujourd’hui domaine privé, elle ne se visite pas. À côté, l’hôtel de Tingry, du XVIIIe siècle, fut la maison de campagne d’une puissante famille d’Avignon, les Laurents. La dernière héritière épousa un prince de Tingry et hébergea entre 1781 et 1789 le comte de Rantzau : ce capitaine du roi du Danemark s’exila en Provence après avoir comploté contre la reine de son pays. Il est enterré dans le jardin de la citadelle.

     

    L'ancien hôtel d'Astier de Montfaucon à Ménerbes

     

    L'ancien hôtel d'Astier de Montfaucaon, construit au XVIIe et au XVIIIe siècle, devenu maison de la Truffe et du Vin.

     

    Avant d’arriver à la mairie, voici la maison de Dora Maar : à la fin de la Seconde Guerre mondiale, Picasso acheta l’ancienne demeure du baron d’Empire Louis Benoît Robert pour l’offrir à cette photographe, qui fut aussi sa muse. Elle est aujourd’hui devenue une résidence d’artistes. En face de la mairie, l’hôtel d’Astier de Montfaucon, du XVIIe siècle, fut un hospice puis une école de garçons avant d’abriter la maison de la Truffe et du Vin, deux gloires gourmandes du Luberon. Profitez-en pour visiter le bel hôtel particulier et profiter de sa terrasse pour un déjeuner ou une dégustation avec vue sur les vignes.

     

    Le souvenir d'un passé guerrier 

     

    En poursuivant votre chemin en direction du cimetière, vous allez croiser la porte Saint-Sauveur, du XVIe siècle. Elle est la rescapée des deux qui gardaient autrefois le village et dont on retrouve le souvenir sur les armes de la ville, représentées par deux clés, comme sur le beffroi. À côté, la Carméjane est une des plus belles demeures de Ménerbes, reconstruite au XVIIIe siècle par une vieille famille du village. Sa façade raconte son histoire, avec des emprunts au Moyen Âge, des fenêtres de la Renaissance, un balcon en encorbellement et une échauguette.

     

    L'abbaye Saint-Hilaire à Ménerbes

     

    L'abbaye Saint-Hilaire, bâtiment conventuel carme du XIIIe siècle, en partie troglotytique, abrite des trésors : une remarquable fresque du XVe siècle de la chapelle latérale, l'escalier à cage cylindrique du XVe sicèle dans la tour du clocher du cloître, entre autres merveilles. 

     

    Campée au bout du promontoire, l’austère église Saint-Luc porte sur son campanile la date de 1594 . Elle fut rebâtie après les guerres de Religion, à l’emplacement d’un ancien prieuré Saint-Sauveur. En contrebas du cimetière attenant, le Castelet garde le souvenir de son passé guerrier, quand il servait d’avant-poste à la citadelle ; il devint ensuite demeure de plaisance de la famille de Staël, le peintre Nicolas y a séjourné.

     

    En dessous du village, la chapelle Notre-Dame-des-Grâces offre sur les toits d’où émerge le beffroi une bien jolie vue. Reconstruite en 1720 par les habitants en action de grâce pour avoir épargné la peste au village, elle contient un triptyque et des peintures murales de Georges de Pogédaïeff, un peintre russe qui a entrepris en 1955 sa restauration.

     

    Patrimoine français:  Ménerbes : la passion Lubéron

     

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