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    Les Milandes, le château « arc-en-ciel »

     

    Par Hugues Dérouard
     
     
    source : Détours en France N°224
     
     

    « J’ai deux amours, mon pays et Paris », chantait Joséphine Baker en 1930. Si elle avait interprété cette chanson quelques années plus tard, elle y aurait sans doute ajouté les Milandes. L’Américaine, reine du music-hall français, transforma cette demeure Renaissance périgourdine en « capitale de la fraternité universelle ». Rien de moins.

     

     

    Le château des Milandes, dans le Périgord

     

    L’aventure des Milandes commence en 1937. L'Américaine Joséphine Baker est devenue célèbre en France, douze ans plus tôt, grâce à la Revue nègre. Lors d'un séjour dans le Périgord, elle découvre un château construit à la fin du XVesiècle pour Claude de Cardaillac, l’épouse du seigneur de Castelnaud qui ne supportait plus l’austérité de sa forteresse féodale. Élégantes tourelles, larges fenêtres à meneaux laissant pénétrer la lumière... L’artiste a un coup de foudre pour cette silhouette Renaissance dominant, depuis sa colline, la vallée de la Dordogne. Elle loue les lieux et, durant la guerre, y abrite même clandestinement des résistants.

     

     

    Le premier complexe touristique de la Dordogne

     

    Le château des Milandes, dans le Périgord

     

    Dix ans plus tard, en 1947, elle achète les Milandes, en même temps qu'elle épouse le chef d’orchestre Jo Bouillon. Leur mariage est célébré dans la chapelle du château. Les douze enfants qu’elle a adoptés, de nationalités, cultures et religions différentes – sa tribu « arc-en-ciel » comme elle l’appelle – grandissent là, dans l’harmonie. Mieux, la star, qui milite contre la ségrégation raciale aux États-Unis, souhaite faire de son domaine un « village du monde ». Le premier complexe touristique de la Dordogne, baptisé « capitale de la fraternité universelle », voit le jour le 4 septembre 1949. Un vaste ensemble, ultramoderne pour l’époque, est créé avec ferme, hôtel de luxe, restaurants, parc de loisirs, minigolf, piscine, théâtre... Il attire les familles, venues de toute l’Aquitaine pour y passer ne serait-ce qu'une journée. « Pendant que les parents se détendent en buvant un verre ou devant un spectacle, les enfants sont confiés à des nurses et disposent d’aires de jeux », explique Angélique de Labarre de Saint- Exupéry, responsable actuelle du site.

     

     

    Son village utopique 

     

    Vue aérienne du château des Milandes, dans le Périgord
     
     

    Dans la chanson Mon village, Joséphine Baker résume son utopie périgourdine : « Si mon village pouvait servir un jour de témoignage et symbole d’amour / Si tous les gens, d’ici, de là, si tous les peuples ici-bas / sans s’occuper de leur couleur n’avaient qu’un cœur / Tous les villages alors seraient heureux / (...) Et peu à peu, le monde entier serait meilleur. » Jean-Claude, adopté par le couple Bouillon-Baker, vécut seize années aux Milandes. Il se souvient: « C’était idyllique de grandir dans ce lieu, avec ces valeurs de tolérance, d’antiracisme. Elle envisageait même d’y bâtir “un collège de la fraternité universelle“, qui aurait accueilli des enfants boursiers du monde. Hélas, elle n’en aura pas eu le temps. La chute fut vraiment terrible... »

     

    Le rêve brisé

     

    Façade du château des Milandes, dans le Périgord noir
     
     

    L’histoire se termine mal, en effet. Car Joséphine Baker dépense tant pour son domaine et l’aménagement de son château – exigeant de la pâte de verre de Murano avec incrustations d’or pour sa salle de bains – qu’elle finit ruinée. « Elle avait plus de 100 employés ! Elle a été victime de la malhonnêteté d’artisans, qui devaient la juger, à raison, légère et naïve... On raconte que certains d’entre eux arrivaient à vélo le matin, et repartaient en voiture le soir... », détaille Angélique de Saint-Exupéry. L’artiste est jetée hors de chez elle par ses créanciers. Dans les journaux, les photos la montrent, résistant à l’expropriation en robe de chambre, sur les marches du château. Brigitte Bardot, Fidel Castro ou Charles De Gaulle tenteront, tour à tour, de l’aider. En vain. Expulsée manu militari en 1969, elle s’installe à Roquebrune, sur la Côte d’Azur, soutenue par la princesse Grace de Monaco. Loin de son utopique village « arc-en-ciel ».

     

    Patrimoine français:  Les Milandes, le château « arc-en-ciel »

     

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    Le Mont-Saint-Michel : d'Aubert

    à la Merveille de l'Occident

     

    Par Dominique Le Brun
     
    source : Détours en France HS - 40 balades pour redécouvrir notre patrimoine
     
     

    Au tout début du VIIIe siècle, saint Michel devra se manifester à trois reprises dans les rêves d’Aubert, évêque d’Avranches, pour que celui accepte de bâtir un oratoire sur ce qui s’appelle alors le mont Tombe. Dès l’origine, le Mont-Saint-Michel s’entoure de mystères.

     
     
     
    Vue aérienne du Mont-Saint-Michel

    Histoire du Mont-Saint-Michel

     

    Les songes d'Aubert 

     

    En 709, si l’on en croit la tradition, saint Michel apparaît dans le sommeil d'Aubert, pour lui demander d’établir un lieu de culte sur le mont Tombe. Bien visible au milieu de la baie qu’Avranches domine du haut de la falaise, ce gros rocher accessible à marée basse était désert, abritant à l’occasion des ermites. Aubert préfère ne pas prêter attention à ce rêve qui l’encourage à une ruineuse entreprise. Mais saint Michel revient vers lui en songe, quelques nuits plus tard. L’évêque, alarmé, y voit une manifestation du Malin. Il prie et jeûne, dans l’espoir de retrouver la paix. En vain : l’archange lui apparaît à nouveau. Cette fois, le rêve vire au cauchemar puisque, tout en réitérant sa demande, le saint appuie très fort son index sur la tête d’Aubert. Réveillé par la douleur, celui-ci constate que son crâne est enfoncé. Le message, on l’aura compris, est passé ! Pure légende ?

     

    Le Mont-Saint-Michel et sa passerelle

    Le mystère du crâne percé de saint Aubert

     

    Le crâne de saint Aubert, précieusement conservé dans une châsse dorée se trouvant dans la basilique Saint-Gervais d'Avranches, présente une caractéristique spectaculaire : il est percé d’un orifice de 2 centimètres de diamètre. En 2019, le carbone 14 date avec précision ce crâne. C’est celui d’une personne ayant vécu entre 662 et 770. S'agit-il d'Aubert ? Il n’existe pas de preuves formelles, certes, mais alors le trou ? Auparavant, aussi, une analyse paléopathologique avait conclu à un kyste épidermoïde affectant un homme âgé d'une soixantaine d'années… Suite à l'injonction de l’archange – quelle que soit sa réalité ! –, un chantier hallucinant va être lancé.

     

    Mont-Saint-Michel, toits d'ardoise

    Premiers miracles de la construction

     

    En contemplant le mont Tombe, Aubert se sent perdu. Où et comment édifier le lieu de culte exigé ? Il invoque saint Michel qui, dans un nouveau songe, le tranquillise. Au sommet du rocher, il trouvera un taureau attaché à un piquet, et l’aire qu'il aura foulée déterminera la situation et la dimension de l’église. Sur place, en effet, un bovin a dessiné le plan de l’église. Il y a également une énorme pierre cultuelle païenne. Comment la dégager ? Une force divine se manifeste alors, et la pierre roule dans la pente pour s’effondrer au pied du mont. C’est sur elle que sera dressée la chapelle Saint-Aubert. Non loin, d’ailleurs, se trouve une fontaine, apparue par miracle, dit-on. C'est pour cette raison qu'elle est dédiée à l’évêque… L’église, capable d’accueillir une centaine de fidèles, est consacrée en 709. Avant cela, Aubert a pris soin d’envoyer des moines en Italie, et plus précisément dans la région des Pouilles, pour rapporter de précieuses reliques du monte Gargano, le plus ancien sanctuaire en Occident consacré à l'archange Michel. À son tour, le mont Tombe deviendra une destination de pèlerinage… Ainsi est né le Mont-Saint-Michel, en même temps que s'y installe un chapitre de douze chanoines.

     

     

    La Mont-Saint-Michel dans l'immensité de sa baie

    La marque de l'archange

     

    À ce stade, une question demeure : pourquoi l’archange désirait-il un lieu de culte situé précisément sur le mont Tombe ? Rien n’empêche d’y lire un épisode de sa lutte éternelle contre le Démon. En effet, à 20 kilomètres du Mont-Saint-Michel, au milieu du polder créé à partir du Moyen Âge, se dresse le mont Dol. Une légende s’attache à cette colline : le duel homérique qui opposa le saint au Diable. Sur le rocher, à gauche de la chapelle, on distingue la marque laissée par le séant et les griffes du diable terrassé par l’archange. Celuici aurait alors creusé une faille (dite « Trou du Diable », de l’autre côté de la chapelle), où il aurait précipité son adversaire. Lequel, s' enfonçant dans les entrailles de la terre, aurait ressurgi… sur le mont Saint-Michel ! D’un saut, l’archange se serait jeté sur lui. L’empreinte, laissée par son pied en se propulsant, apparaît dans un rocher, près de la tour qui porte la statue de la Vierge. On y croit, ou pas.

     

    Une abbaye édifiée à la verticale

     

    Le Mont-Saint-Michel et sa passerelle

     

    Rien de plus difficile que d'appréhender l’agencement de l’abbaye du Mont-Saint-Michel. Il faut comprendre que, de siècle en siècle, les édifices se sont ajoutés à la verticale, sur les flancs du rocher. Ils ont pris appui sur les plus anciens, comme s'ils cherchaient à atteindre le ciel. D’où ces cryptes, dont les piliers soutiennent l’église abbatiale. Ainsi la chapelle Notre-Dame-sous-Terre, qui est l’ancienne église où officiait Aubert ; ou la crypte des Gros- Piliers, dont chacune des 10 colonnes mesure 5 mètres de circonférence. Comment les moines bâtisseurs du Moyen Âge sont-ils parvenus à calculer les forces mises en oeuvre ? Pour nombre d’ingénieurs et de constructeurs, que l’abbaye tienne debout relève du miracle ! L’autre originalité du sanctuaire est d'avoir adapté l'architecture bénédictine traditionnelle au relief du mont.

     

    Le cloître de la l'abbaye du Mont-Saint-Michel

     

    Au lieu d’occuper le centre du monastère, le cloître est à son sommet : on y médite entre ciel et mer. Il communique avec le réfectoire, lequel constitue le troisième étage des pièces où les hôtes de l’abbaye se restauraient. Au-dessous, se trouvent la Salle des hôtes, réservée aux pèlerins de noble ascendance, et l’aumônerie (au premier niveau), qui accueillait les plus pauvres. Sans oublier le cellier et la Salle des chevaliers, servant de scriptorium. On appelle « Merveille », l’ensemble que forment ces six lieux.

     

    Les toutes dernières découvertes

     

    Le Mont-Saint-Michel est bien loin d’avoir livré tous ses secrets. Aussi, de temps à autre, le hasard apporte-t-il des réponses à des questionnements très anciens. Par exemple, on ignorait quelle valeur historique il fallait accorder à un événement qui serait survenu en 1204 : des Bretons, alliés au roi de France Philippe-Auguste, ont pris d’assaut le Mont, pillé les maisons et incendié l’abbaye.

     

    Mont-Saint-Michel, toits d'ardoise

     

    Or, en 2017, la remise en état de canalisations, dans la rue principale, a mis au jour les fondations d'une enceinte et de la porte du village du XIIIe siècle, que l'on pensait disparues à jamais. Ainsi que, à la surprise générale, une nécropole médiévale. Elle recelait une trentaine de corps, vraisemblablement en rapport avec l'attaque de 1204. 

     

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    Les jardins d'Eyrignac, le vert

    à la Française

     

    Par Clio Bayle
     
     

    Quelle que soit la saison, ce joyau végétal à la française conserve intactes ses teintes de vert. Ordonnés selon une réinterprétation à l'italienne de l'esprit du XVIIIe siècle, ses 10 hectares de charmes, buis, ifs et cyprès, taillés à la cisaille à main, au cordeau et au fil de plomb, plongent le visiteur dans un véritable voyage dans le temps. 

     

     

    Le manoir d'Eyrignac et ses jardins
     
     

    Le manoir d'Eyrignac, bâti à partir de 1653.

     

    Le jardin à la française d'Eyrignac est l'un des rares et sans conteste l'un des plus prodigieux représentants du genre dans le monde. De dimensions plus humaines que Versailles, ses chamilles et ses perspectives n'en sont pas moins saisissantes d'ordre et d'équilibre. L'histoire du domaine commence il y a 500 ans, vers 1653 lorsqu'un certain Antoine de Costes de la Calprenède décide de faire bâtir un manoir sur les ruines d'un ancien château. 22 générations plus tard, le domaine appartient toujours à la même famille.

     

     
    Les jardins d'Eyrignac, l'allée des Charmes
     
     

    L'allée des Charmes, allée principale du jardin à la Française d'Eyrignac, et ses sculptures végétales comme ses ifs au carré.

     

    Au XVIIIe siècle, Antoine Gabriel de la Calprenède y crée les premiers jardins la française , mais le goût pour les jardins romantiques à l'anglaise du XIXe siècle aura raison de ces premiers parterres. Ils ne renaîtront qu'à partir de 1965, sous l'impulsion d'un descendant, Gilles Sermadiras de Pouzols et de son fils. Admiratifs de l'architecture transalpine, ils y mêlent harmonieusement une influence italienne, que trahissent notamment les vases en terre cuite, surmontés d'ifs en topiaire, de l'allée principale des jardins. 

     

    Le jardin blanc d'Eyrignac

     

    Le jardin Blanc d'Eyrignac, planté de près de 500 rosiers blancs.

     

    Si les parterres du manoir d’Eyrignac sont surtout connus pour leurs teintes de vert et leurs topiaires, ils renferment également un espace en ode à la flore, le Jardin Blanc, où s’épanouissent près de 500 rosiers blancs. En 2020, pour fêter l’anniversaire de ce petit joyau, de nouvelles variétés y ont été plantées ; de quoi assurer une floraison spectaculaire. 

     

    Patrimoine français:  Les jardins d'Eyrignac, le vert à la Française

     

     

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    Paris secret : les plus beaux

    trésors cachés

     

     

    Par Dominique Lesbros
     
    source : Détours en France N°220
     
     
     

    Les frontières de l’insolite sont mouvantes et variables en fonction des individus. Le sujet intrigue et passionne mais fatalement, une fois divulgué, un lieu perd de son caractère singulier. Les adresses livrées ci-après sont encore préservées et pour certaines vraiment très confidentielles, protégées par des ouvertures exceptionnelles. Leur visite se mérite mais ne se regrette pas.

     

    La face cachée de la Sorbonne 

     

    Grand amphithéâtre de l'université de la Sorbonne, à Paris

     

    Que les années fac soient proches ou lointaines, qu’importe ! Mettre un pied « en Sorbonne » est toujours émouvant tant ce lieu impressionne par sa majesté, le poids de son histoire et les grands noms qui s’y sont succédé. Une visite guidée révèle une (petite) partie de ses trésors. Elle débute dans la chapelle, devant le cénotaphe du cardinal Richelieu, bizarrement surmonté de son chapeau, suspendu dans le vide. Cela matérialise une vieille tradition : le jour où la ficelle cède, dit-on, l’âme du cardinal s’élève aux cieux. Vient ensuite le palais académique, siège de la chancellerie des universités de Paris. Majestueux, il est organisé comme une salle de spectacle avec son grand vestibule, son escalier d’honneur à double révolution et son péristyle. Il évoque l’Opéra Garnier et pour cause : son architecte Henri-Paul Nénot était un élève de Charles Garnier. Le palais de Nénot est celui de la Connaissance, laquelle palpite dans le grand amphithéâtre où s’effectuent solennellement les remises de diplômes.

     

     

    Hôtel de la Païva

     

    Escalier en onyx jaune dans l'hôtel de la Païva, à Paris

     

    La Païva était une demi-mondaine dont Émile Zola se serait inspiré pour le personnage de Nana. Mettant sa séduction au service de son ambition, elle amassa une fortune considérable et fit construire sur les Champs-Élysées un somptueux hôtel particulier. Décoré par les meilleurs peintres, sculpteurs et bronziers du Second Empire, il devait par son luxe inouï éblouir les visiteurs, exclusivement masculins. L’escalier en onyx est somptueux, de même que la baignoire en bronze argenté et ciselé où la marquise prenait, selon son humeur, des bains de lait, de tilleul ou de champagne.

     

     

    Design et nature

     

    Bestiaire insolite dans le cabinet de curiosités d'Anne Orlowska, à Paris

     

    L’univers d’Anne Orlowska est peuplé de poules roses, de bouquets de pigeons jaunes et d’animaux hybrides tel ce lapin blanc aux ailes de colombe. Elle a dirigé pendant sept ans la maison Deyrolle, un fabuleux cabinet de curiosités naturelles. Puis l’envie est venue de donner libre cours à sa fantaisie. Design et Nature est une sorte de Deyrolle sous extasy ! Les animaux provenant de zoos, de cirques ou de parcs animaliers, tous morts naturellement, sont mis en scène avec poésie, parfois affranchis des lois naturelles. Cette galerie s’apparente à un bestiaire fantastique à la Lewis Caroll, à toucher (seulement) des yeux.

     

     

    Crypte de Saint-Sulpice 

     

    Crypte de l'église Saint-Sulpice, à Paris

     

    Sous les dalles de l’église Saint-Sulpice se déploie une crypte d’une superficie de 5 000 m2, la plus vaste de Paris. L’église actuelle fut construite au XVIIe siècle sur un ancien sanctuaire devenu trop exigu. Le bâtiment primitif n’a pas été rasé – tout ce qui existait jusqu’à 4 m de haut a été conservé. Les substructures de l’église rurale demeurent : sa nef, son chœur et le départ de l’escalier conduisant au clocher. La crypte de Saint-Sulpice était, aux XVIIe et XVIIIe siècles, une nécropole convoitée par les aristocrates dépendant de la paroisse du bourg Saint-Germain car les cadavres, disait-on, s’y desséchaient en trois jours et que par conséquent, ils se conservaient mieux que partout ailleurs. Au milieu du XVIIIe siècle, des curieux venaient par centaines, de toute l’Europe, visiter « la grande cave des morts de Saint-Sulpice », célèbre pour son « sol en sciure de pierre » et sa gestion modèle.

     

     

    Musée François-Tillequin

     

    Substances médicinales exposées dans le musée François-Tillequin, à Paris

     

    Rattaché à la faculté de Pharmacie de Paris, il rassemble plus de 25 000 « drogues » – soit des substances naturelles (d’origine végétale, animale ou minérale) séchées et destinées à la préparation de médicaments. Ce trésor résulte du cumul des collections des maîtres apothicaires du siècle des Lumières ; des butins rapportés par les explorateurs du XIXe siècle ; des lots en provenance d’expéditions scientifiques coloniales et de la récupération des spécimens exhibés lors des expos universelles de Paris, Bruxelles, Amsterdam et Marseille, de 1867 à 1931. L’écrin est une vaste salle où tout n’est que bois, verre et matières naturelles. Clou du spectacle : la pagode centrale, héritage de l’Exposition universelle de 1889, tapissée de poisons de flèches.

     

    Patrimoine français:  Paris secret : les plus beaux trésors cachés

     

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    Que faire dans le Minervois et

    le Cabardès ?

     

     

    Par Philippe Bourget
     
    source : Détours en France n°226
     
     
     

    Ces deux territoires discrets, ravinés par l’Histoire, prennent place entre le canal du Midi et le Parc naturel régional du Haut-Languedoc. Hautement viticoles, jalonnés de villages rudes parfois couronnés de châteaux ruinés, ils font la césure entre l’est et l’ouest. Si le Minervois assume clairement son penchant méditerranéen, le Cabardès subit déjà les influences atlantiques.

     

     

    Le village d'Azillanet
     
    Le village d'Azillanet, village autrefois fortifié.

     

    Manque de curiosité ou déficit de notoriété ? Nul ne sait pourquoi les touristes ne sont pas plus nombreux à visiter le Minervois et le Cabardès, régions sudistes dont les paysages n’ont pourtant rien à envier à ceux de la Provence ou du Roussillon. Depuis le canal du Midi, le Minervois tout proche affiche d’emblée sa belle rusticité méridionale.

     

     

    Les vignes du Minervois

     

    À partir de Homps, la route vers Minerve met vite le visiteur au pli : des vignes, des vignes, et encore des vignes ; des villages ramassés au pied de coteaux ; une terre calcaire âpre, que domine au loin le Parc naturel régional du Haut-Languedoc et les monts du Somail. Ici, plaines, versants et hauteurs forment trois terroirs de valeur dont chacun exprime sa typicité à travers des vins pour l’essentiel rouges, qui sont réputés tanniques et puissants. Produits par 19 caves coopératives et 216 caves particulières, ils font la réputation des appellations d’origine (AOC-AOP) Minervois et La Livinière.

     

     

    Des villages aguichants 

     

    Le village de Minerve

     

    Minerve est le joyau de ce paysage entièrement dévolu à Bacchus. Au confluent des gorges de la Cesse et du Brian, cours d’eau à sec dès le mois de mai, le village déploie des ruelles médiévales et une tour, vestige d’un antique château. Site défensif naturel, il servit de refuge aux Cathares et fut pris par Simon de Montfort en 1210. Minerve recèle une église, possédant la plus vieille table d’autel de France (456). Et… une curiosité naturelle. La Cesse a coupé son méandre en perçant la roche et coule dans un tunnel immense, que l’on peut emprunter à pied quand il n’y a pas d’eau ni d’orage. Autour de Minerve, d’autres villages aguichent les touristes. Aigne est une « circulade » : les maisons font rempart autour de l’église, nichée au coeur d’un cercle villageois accessible seulement par des passages sous voûtes. Charmant. La Caunette s’étire le long de la Cesse et ne s’ouvre que par une porte fortifiée du XIIIe siècle. Maisons vigneronnes à balcons fleuris et masures abandonnées rappellent les aléas ruraux du secteur. La route de Minerve à Félines-Minervois, elle, est clairement méridionale : dans un décor de garrigue rase, elle offre des points de vue plongeants sur la vallée de la Cesse et sur l’alter ego du Minervois au sud : le massif des Corbières, visible par-delà le canal du Midi.

     

     

    Les oliviers concurrents de la vigne

     

    La Chapelle Notre-Dame de Centeilles à Siran
     
    La chapelle Notre-Dame de Centeilles à Siran.

     

    Au gré des routes départementales, le patrimoine se révèle plus riche qu’il n’y paraît. Cesseras abrite sous une pinède la belle chapelle romane Saint-Germain, érigée au XIe siècle. Siran cache la chapelle de Centeilles dans les vignes, au bout d’une route bordée de murets et de quelques capitelles (cabanes) de pierres sèches. Pépieux se déploie autour de l’église Saint-Étienne, au clocher carré fortifié. À Rieux-Minervois, l’église romane Sainte-Marie est bâtie sur un curieux plan heptagonal. À l’ouest, le Minervois héraultais devient audois. Rien ne change, ou presque. Des oliviers, concurrents de la vigne, affirment un caractère méditerranéen bien trempé.

     

    La fontaine place de la République à Caunes-Minervois
     
    La fontaine place de la République à Caunes-Minervois.

     

    Ici, se cache une perle : Caunes-Minervois. Son ancienne abbaye bénédictine, Saint-Pierre-Saint-Paul, bâtie du XIe au XIVe siècles, possède un chevet d’église encadré de deux tours, fleuron de l’art roman méridional. Elle a été agrandie d’un nouveau cloître au XVIIIe siècle. Le choeur des moines abrite les reliques des saints martyrs de Caunes (Armand, Luce, Alexandre et Audalde), honorés depuis le Xe siècle, et célébrés chaque année en juin.

     

     

    Caunes-Minervois, un marbre royal

     

    Caunes-Minervois peut également se prévaloir d’un sceau royal. Déjà exploité au temps des Romains, le marbre rouge, « incarnat », de ses carrières a été choisi par Louis XIV. Le château de Versailles et, plus tard, l’Opéra Garnier de Paris, en ont été décorés. La carrière du Roy nous raconte cette épopée. Elle est aujourd’hui abandonnée, et un sentier y mène, au milieu de falaises rouges. À présent extrait dans d’autres sites, ce marbre est toujours recherché pour la décoration. Une balade dans le village montre qu’il a été utilisé en abondance, localement : pour l’autel de l’église abbatiale, pour la fontaine de la place de la République, pour celle de la rue d’Aiguebelle…

     

     

    La haute vallée de l'Orbiel, parenthèse de fraîcheur

     

    Vignes du Cabardès

     

    Toujours vers l’ouest, l’arrivée dans le Cabardès annonce un début de changement. La vigne y est moins obsédante : les prairies et les champs de blé lui font concurrence. Normal : ce territoire de collines, au nord-est de Carcassonne, est au pied de la montagne Noire pluvieuse. Il subit les influences croisées des climats méditerranéen et atlantique. Les cépages, d’ailleurs, évoluent. Grenache et viognier sont toujours présents, mais cabernet, malbec, merlot et chardonnay font leur apparition.

     

    Le village de Roquefère

     

    Les vins de Cabardès sont plus souples, moins tanniques. Et plus on grimpe au nord, plus le paysage verdit. La haute vallée de l’Orbiel offre ainsi une parenthèse de fraîcheur dans la fournaise de l’été. Au-dessus du microvillage de Roquefère tapi dans le vallon, une route étroite grimpe dans les bois jusqu’à la cascade de Cubserviès : une chute vertigineuse, dont le débit est rarement perturbé par la canicule.

     

     

    Lastours, l'influence cathare

     

    Site Cathare, chateaux de Lastours, Quertinheux, Surdespine, Tour Régine et Cabaret

     

    Comme en Minervois, les villages du Cabardès racontent des histoires. Saissac, dont la forteresse en ruine (XIIIe siècle), posée en vigie en avant du village, témoigne d’anciens fiefs seigneuriaux influencés par les Cathares. Une citadelle l’illustre mieux que d’autres : Lastours. Comme Quéribus, Montségur ou Peyrepertuse, ces châteaux-tours ruinés rappellent la puissance d’un bastion : celui de Cabaret, défenseur des « hérétiques » et repris par Simon de Montfort, lors de la croisade contre les Albigeois. À la place des trois châteaux du XIIe siècle, détruits sur ordre du roi de France, quatre forteresses sont bâties, afin de montrer la mainmise du royaume. Cet ensemble posé dans des collines du Haut-Cabardès, le public le découvre,au fil d’un parcours pédestre reliant les châteaux médiévaux de Quertinheux, Surdespine, Régine et Cabaret.

     

     

    Montolieu, le village du livre et des arts 

     

     

    Montolieu

     

    Reste à découvrir un dernier village à l’Histoire plus contemporaine, mais non moins remarquable : Montolieu. Depuis les années 1990, ce bourg traversé par la Dure et l’Alzeau – le ruisseau capté par Riquet pour alimenter le canal du Midi – est connu comme le « Village du livre ». Un relieur de Carcassonne, Michel Braibant, en a d’abord fait un pôle d’artisans du papier, comme l’évoque le musée des Arts et Métiers du livre. La commune est devenue ensuite une terre d’accueil pour les librairies. Une quinzaine de ces commerces, ouverts toute l’année, se partagent les rues. Prouvant le dynamisme des lieux, boutiques d’artisans, échoppes de créateurs et restaurants les ont rejoints. Depuis 2015, Montolieu accueille aussi le musée Cérès-Franco. Installé dans l’ancienne coopérative viticole, il abrite la collection d’art brut rassemblée par cette galeriste brésilienne ayant mené carrière à Paris. Sur ces vieilles terres du Minervois et du Cabardès, l’Histoire se régénère aussi par la culture.

     

    Patrimoine français:  Que faire dans le Minervois et le Cabardès ?

     

     

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