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    Sciences physiques

     

    1895-1905 : la décennie prodigieuse

     

     

    Au cœur de la « Belle Époque », la physique a été en dix ans totalement bouleversée. Les certitudes du XIXe siècle volent en éclats à la suite d’une succession de découvertes fondamentales qui mettent en effervescence les laboratoires de toute l'Europe occidentale. Elles amènent pour la première fois sur le devant de la scène de grandes figures de savants : Perrin, Thomson, Röntgen, Becquerel, Pierre et Marie Curie, Rutherford, Planck, Einstein etc.

    Les scientifiques doivent alors renoncer à des dogmes bien ancrés : non seulement ils découvrent que l’atome n'est pas indestructible mais ils doivent aussi admettre l’existence de rayonnements naturels qui donneront naissance à la radiographie et à l'industrie nucléaire.

    Les évidences les plus élémentaires n'échappent pas à ce bouleversement sans précédent. On pensait que la lumière était un champ électromagnétique continu et voilà qu’elle apparaît quantifiée, c’est-à-dire discontinue ! Le temps lui-même cesse d’être un concept absolu : il dépend de l’espace dans lequel on le mesure.

    Ces découvertes vont jouer un rôle clé au XXe siècle et changer en profondeur l’économie, la vie quotidienne et l'art militaire (ce dont il ne faut pas forcément se réjouir).

    Jean-Pierre Gaspard et Jacques Villain
     

    Section polie d'uranite (ou pechblende). La partie en noir est de la pechblende pure. Les hydroxydes (jaunes) d'uranium constituent l'altération de la pechblende. Echantillon poli pour l'expérience de Becquerel. Provenance : La Commanderie, Vendée, France.

     

     

    Le triomphe éphémère des certitudes
     

    L’éminent savant Albert Abraham Michelson (dont nous reparlerons) déclarait encore en 1894 : « … il semble que la plupart des grands principes sous-jacents ont été fermement établis et que de futures avancées soient à trouver principalement dans l’application rigoureuse de ces principes… ». À la même époque, William Thomson, plus connu sous le nom de Lord Kelvin, physicien britannique renommé pour ses travaux en thermodynamique, tenait des propos similaires. En 1903, toujours aussi catégorique, Michelson concluait : « Les lois et faits les plus importants de la science physique ont tous été découverts, et ils sont maintenant si fermement établis que la possibilité qu'ils puissent être remis en cause à la suite de nouvelles découvertes est excessivement faible » (*).

     

    La science physique sens dessus-dessous

    À la fin du XIXe siècle, les machines à vapeur commencent à remplacer les animaux et les trains éclipsent peu à peu les diligences… Le monde change mais pas les certitudes des physiciens. Au contraire même : ils ont le sentiment d’être parvenus au terme de leur quête. Ils ont dissipé les mystères entourant les phénomènes naturels et découvert les mécanismes cachés au coeur de la matière.

    Tout semble conforter cette conviction : le mouvement des planètes obéit bien à la loi de l’attraction universelle proposée par Newton, l’électricité se conforme aux lois de Coulomb tandis que Fresnel puis Maxwell finissent par établir que les phénomènes lumineux sont des vibrations électromagnétiques. 

    Toutes ces certitudes si fermement établies vont être brutalement balayées, provoquant des révisions déchirantes... Cinq ans à peine avant 1900, il était encore admis que la masse des corps était invariable, que l’intensité lumineuse variait de façon continue, que le temps était le même en tout point de l’espace et que l’atome était (pour ceux qui croyaient à son existence) la plus petite particule envisageable.

    Dix ans plus tard : la masse peut se transformer en énergie. Planck et Einstein ont quantifié la lumière, Einstein a muni les planètes d’horloges différentes selon leur vitesse et une particule plus de mille fois plus légère que l’atome le plus léger a été découverte : l’électron...

    Désormais, il est possible de quantifier la charge électrique (découverte de l’électron), la matière (les atomes), et l’énergie (physique quantique) ! Une nouvelle échelle des distances est adoptée - celle de l’atome – qui révèle un monde aux comportements si contre-intuitifs que tout est à inventer. La physique quantique mettra d’ailleurs plus d'un demi-siècle à constituer un corpus cohérent.

    Cette décennie prodigieuse va chambouler de fond en comble les certitudes scientifiques. Elle débute avec la découverte d’un rayonnement étrange : les rayons X ou rayons de Röntgen. Ils émanent d’un autre rayonnement, les rayons cathodiques, dont on commence à comprendre la nature.

     

    Appareil utilisé pour découvrir l'électron.

     

     

    Jean Perrin et Joseph John Thomson découvrent l’électron

    Encore au début du XXIe siècle, nos téléviseurs et nos écrans d’ordinateur utilisaient des « tubes cathodiques » qui émettent des électrons qu’on dirige vers les divers points de l’écran grâce à un champ magnétique ou électrique.

    On connaissait depuis le milieu du XIXe siècle la possibilité de faire passer un courant électrique dans un tube où l’on a fait le vide sous l’effet d’une haute tension électrique. Mais, faute de connaître l'existence de l'électron, on en ignorait la raison. On savait seulement que la cathode émettait des rayons appelés cathodiques car on pouvait les détecter avec une plaque photographique ou un écran fluorescent.

     

    En 1895, le jeune Jean Perrin qui, à 25 ans, vient de sortir de l’École Normale Supérieure, présente une communication à l’Académie des sciences (*) : « On a imaginé deux hypothèses pour expliquer les propriétés des rayons cathodiques », dit-il. « Les uns (…) pensent que (…) c’est une lumière, à courte longueur d’onde (…) D’autres (…) pensent que ces rayons sont formés par de la matière chargée négativement. » 

     

    Jean-Baptiste Perrin en 1908, Prix Nobel de physique 1926 (30 septembre 1870, Lille ; 17 avril 1942, New York)

    Pour démontrer que la deuxième hypothèse est la bonne, Perrin fait entrer les rayons dans une boîte métallique reliée à un électroscope, qui se charge en effet d’électricité négative.

    Au cours des années suivantes, le Britannique Joseph John Thomson précise encore la nature des rayons cathodiques. Ils sont formés de « corpuscules » qu’il décrit dans la conférence qu’il fait à Stockholm en 1906 quand le prix Nobel lui est décerné : les corpuscules sont à peu près 1700 fois moins lourds que l’atome d’hydrogène.

    De nos jours, ces corpuscules sont appelés électrons et nous savons que leur masse est 1836 fois plus faible que celle du proton. Ainsi, la première particule élémentaire a été identifiée aux environs de 1900 ! Une découverte qui induit aussitôt que les atomes, eux, sont des particules complexes, contenant des électrons.

     

    Joseph J. Thomson au laboratoire Cavendish vers 1900.

    En 1903, Thomson propose le modèle plum-pudding de l’atome qu'il présente comme une sphère de charges positives avec les électrons dispersés entre elles, à l'instar des prunes dispersées dans un pudding.

    Puis, en 1904, le Japonais Hantaro Nagaoka avance un modèle alternatif dans lequel la charge positive est concentrée dans un noyau entouré d’électrons qui forment un anneau analogue à celui de Saturne.

    Ce modèle est amélioré par Rutherford, mais aussi par Niels Bohr en 1913 qui y introduit des éléments de physique quantique. Après les travaux de Thomson, la nature des rayons cathodiques est désormais bien comprise. Mais ces rayons ont engendré d’autres rayons mystérieux...

     

    Röntgen découvre les rayons X

    Wilhelm Röntgen, après ses études de physique au Polytechnicum de Zürich (où étudiera plus tard aussi Albert Einstein), devient professeur à l’université de Würzburg en 1894, et un an plus tard, le voilà recteur. Cette fonction lui laisse du temps libre qu’il met à profit pour faire des expériences.

     

    La première radiographie de l'Histoire

    En 1895, les recherches sur les rayons cathodiques passionnent les physiciens, dont Röntgen. Ces rayons s’obtiennent en accélérant sous une haute tension (quelques milliers de volts) des électrons dans un tube de verre dénommé tube de Crookes contenant un gaz sous faible pression. Ils sont absorbés par l’ampoule de verre. Les expériences se font dans une relative obscurité et Röntgen a pris soin d'entourer son tube d’un papier noir. Il observe qu’un écran fluorescent s’éclaire lors de la décharge électrique. Un rayonnement est donc produit, peu absorbé par les matériaux utilisés (verre, papier, bois...).
    Expérimentateur consciencieux, il refait ses expériences de nombreuses fois, y compris après le dîner, allant même jusqu’à dormir dans son laboratoire, ce qui inquiète fort son épouse. Pour la rassurer, il l’emmène dans son laboratoire, lui (re)demande sa main et… effectue ainsi la première radiographie. Une photo devenue très célèbre depuis !
    Toutefois, toutes les tentatives de Röntgen de déterminer la nature de ce rayonnement restent vaines : la pesanteur, le champ électrique, le champ magnétique ou encore les dispositifs classiques d’optique n’ont aucun effet sur ce rayonnement. Il le nomme donc rayons X, x désignant souvent une inconnue en algèbre.
    Le 28 décembre 1895, il publie un article intitulé : « Sur un nouveau type de rayonnement » (« Über eine neue Art von Strahlen » ), Comptes-rendus de la société de médecine physique de Würzburg, p.132, 1895). Le succès est foudroyant : très rapidement la radiographie devient une technique de diagnostic médical (par exemple pour des fractures) et même de thérapie.

    Néanmoins, des réserves apparaissent devant ce rayonnement qui traverse le corps ! Les rayons X sont alors jugés indécents puisqu’on peut voir au travers des vêtements. Ces appareils sont même interdits dans certaines salles de bal ! Ils font toutefois florès sur les foires et chez les marchands de chaussures.

    Du fait des applications médicales, le premier prix Nobel de physique de l’histoire est décerné en 1901 à W. C. Röntgen. Pas rancunier pour un pfennig, il reverse la totalité du montant de son prix à son université qui lui avait pourtant refusé un poste d’assistant au tout début de sa carrière. 

     

    « Wilhem Conrad Röntgen dans son atelier en 1900 », Mémorial Röntgen, Würzburg, Allemagne.

    Pendant 17 ans, la situation n’évolue guère : les rayons X sont de plus en plus utilisés en médecine, mais leur nature reste inconnue. À cette époque, un rayonnement devait être soit particulaire soit ondulatoire (la lumière visible restant à déterminer). En 1912, une équipe de physiciens de Munich (M. von Laue, W. Friedrich et P. Knipping) tente à tout hasard une expérience de diffraction des rayons X par un cristal de sulfure de zinc.

    Elle montre que les rayons X sont un rayonnement électromagnétique, donc analogue à la lumière visible, mais de courte longueur d’onde, mille fois plus courte que celle de la lumière visible (qui est d’environ 1/2 millième de millimètre). Les rayons X ont une longueur d’onde encore dix mille fois plus petite, comparable aux distances interatomiques.

    Sur cette base, un an plus tard, William Lawrence Bragg (23 ans), qui travaille avec son père (*) sur les rayons X, réalise que c'est une fantastique méthode de détermination de la position des atomes dans les structures cristallines. Cette observation inaugure la grande aventure de la radiocristallographie ou cristallographie avec les rayons X.

     

    Diffraction rayons X

     

    Cette technique ne va cesser de se développer, de l’étude des structures des cristaux simples jusqu’à celles des molécules d’intérêt biologique comme les protéines, en passant par l’ADN. Les sources extrêmement intenses de rayons X appelées synchrotrons jouent un rôle capital dans ces développements (*). Il s'ensuit que les mystérieux rayons de Röntgen ont été la clé d’une vingtaine de prix Nobel au cours des XXe et XXIe siècles !

     

    Henri Poincaré (29 avril 1854, Nancy ; 17 juillet 1912, Paris)

    En France, en 1896, un savant s’intéresse beaucoup à la découverte de Röntgen : c’est Henri Poincaré, éminent mathématicien et professeur de Physique Mathématique à la Sorbonne. Né à Nancy, c'est le cousin germain du futur président de la République Raymond Poincaré.

    Le 20 janvier, il fait un exposé à l’Académie des sciences sur les rayons X devant un auditeur attentif qui s’appelle Henri Becquerel.

    Nous ne connaissons pas son discours, mais la même année paraît dans la Revue générale des sciences, un article de Poincaré qui peut en donner une idée : « Ainsi c'est le verre qui émet les rayons Röntgen et il les émet en devenant fluorescent. Ne peut-on alors se demander si tous les corps dont la fluorescence est suffisamment intense n'émettent pas, outre les rayons lumineux, des rayons X de Röntgen, quelle que soit la cause de leur fluorescence ? » La suggestion, qui résulte d’une idée fausse (car les rayons X sont émis par l’anode et non par le verre), aboutit par un heureux hasard à une découverte majeure.

     

    Henri Becquerel découvre la radioactivité

    Henri Becquerel (15 décembre 1852 , Paris ; 25 août 1908, Le Croisic)

    En 1896, Henri Becquerel a 44 ans et siège à l’Académie des sciences depuis 1889. La plupart de ses articles concernent l’optique. Il s’intéresse en particulier à la phosphorescence. Un corps phosphorescent est un corps qui, quand on l’éclaire, absorbe de l’énergie et restitue la lumière avec une autre couleur au bout d’un temps plus ou moins long.

    Après l’exposé de Poincaré, Becquerel décide d’étudier un matériau phosphorescent particulier : le sulfate double d’uranium et de potassium. Et il s’aperçoit que la phosphorescence de ce matériau a des propriétés surprenantes. 

    Après plusieurs mois, il constate qu’il ne s’agit pas de phosphorescence, mais d’une propriété nouvelle due à l’uranium. Trois ans plus tard, ce phénomène sera connu sous le néologisme de radioactivité.

     

     

    Le mystérieux rayonnement de l'uranium

    En cette année 1896, chaque semaine, ou chaque mois, Becquerel se rend à l’Académie des sciences annoncer ses derniers progrès. Et il les consigne par écrit dans les Comptes Rendus de l’Académie des sciences. Chacun peut, aujourd’hui encore, les y découvrir (*).
    Dans les trois premières communications de l’hiver 1896, Becquerel annonce que son sulfate d’uranium émet des radiations capables de traverser un papier opaque à la lumière, voire même une feuille d’aluminium ou de cuivre, et d’agir sur une plaque photographique. Elles ont la propriété de décharger les corps électrisés. Le phénomène est attribué à une « phosphorescence », qui donnerait naissance à des radiations invisibles, contrairement à la phosphorescence habituelle qui est une émission de lumière.
    Dans la quatrième communication, le 25 mars, le titre n’évoque plus la phosphorescence, mais les « radiations invisibles émises par les sels d’uranium ». Becquerel compare le rayonnement de son sulfate double avec celui de matériaux phosphorescents dénués d’uranium et avec celui de composés d’uranium non phosphorescents.
    Pour le lecteur moderne, la conclusion est claire : ce rayonnement est lié à l’uranium et non à la phosphorescence. Le savant commence à le comprendre, mais il a du mal à imaginer qu’il est en train de découvrir un rayonnement totalement nouveau. « Il y a là », conclut-il, « un fait très curieux dont les expériences ultérieures nous donneront peut-être l’explication ».
    Après une cinquième communication, où il se demande (sans apporter de réponse bien claire) si les « radiations invisibles émises par les sels d’uranium » ne seraient pas identiques aux rayons X découverts un an plus tôt par Röntgen, c'est au cours de la sixième communication, à la fin du printemps 1896, que Becquerel admet qu’il ne s’agit pas de phosphorescence.
    En effet, l’uranium métallique émet une radiation encore plus intense que ses sels, même après être resté deux mois à l’abri de la lumière. On a donc affaire à des « radiations nouvelles » caractéristiques de l’uranium. À l’automne 1896, elles sont donc baptisées rayons uraniques.

    Toutefois, les « rayons uraniques » proviennent-ils seulement de l’uranium ? Une jeune femme de 30 ans, Maria Skłodowska, devenue en 1895 Marie Curie, en doute. En deux ans, elle va faire une extraordinaire série de découvertes : elle montre d’abord que le thorium est tout aussi radioactif que l’uranium, ce qui incite Pierre, son mari, à abandonner le magnétisme et à consacrer son expérience et ses instruments à la science nouvelle.

    Ensemble ils découvrent deux éléments nouveaux, très radioactifs. L’un d’eux est le radium. L’autre est baptisé polonium : un manifeste politique, car la Pologne officiellement n’existe plus et Varsovie, la ville natale de Marie, fait partie de l’empire russe.

     

    « Monsieur et Madame Curie finissant la préparation du radium », André Castaigne, illustration. Ce dessinateur français a a illustré « The Wonders of Radium » (« Les Merveilles du Radium ») de Cleveland Moffett dans « McClure's Magazine », Vol. XXII, novembre 1903.

     

     

    En 1903, le prix Nobel est décerné à Henri Becquerel, Pierre Curie et Marie Curie, laquelle devient la première femme récompensée par ce prix. Entre-temps, la radioactivité a cessé d’être une spécialité française et permet notamment à un jeune physicien britannique nommé Ernest Rutherford (1871-1937) de faire de brillants débuts. Il montre que le rayonnement uranique, devenu rayonnement de Becquerel, comporte au moins deux sortes de rayons qu’il baptise α et β.

     

    Le rayonnement de Becquerel est composé de trois types de particules : α (noyaux d’hélium), β (électrons) et γ (électromagnétique).

    Des résultats expérimentaux venus des quatre coins du monde (Paris, Vienne, Montréal…) permettent, en quelques années, de découvrir une troisième sorte de rayons qu’on appellera γ, et de caractériser les propriétés des différents rayonnements : les rayons α et β sont déviés de manière opposée par un champ électrique ou magnétique (figure 4) alors que les rayons γ ne sont pas déviés.

    Les rayons α sont en outre caractérisés par un pouvoir de pénétration très faible. Mais de quelle nature sont ces rayons α ? Associé au chimiste Frederick Soddy, Rutherford démontre que les éléments radioactifs (thorium, uranium, radium, polonium…) produisent une substance gazeuse qui s’avère être de l’hélium, et que les particules α sont donc des noyaux d’hélium.

     

    Ernest rutherford, 1908, Library of Congress, Washington.

    En 1902, Rutherford et Soddy avancent l’idée révolutionnaire que la radioactivité désintègre les atomes et donne naissance à d’autres éléments. Le rêve des alchimistes de transmuter les éléments est ainsi réalisé, mais ce n’est pas (encore) la transmutation de plomb en or. Pour cette découverte, le prix Nobel de chimie est attribué à Rutherford en 1908 « pour ses recherches sur la désintégration des éléments et la chimie des substances radioactives ».

    Pour Pierre et Marie Curie, ce nouveau phénomène reste une « cause d’étonnement profond », comme ils l’écrivent en 1902 : « On est obligé d’imaginer qu’il y a eu là autrefois un assez grand emmagasinement d’énergie sous une forme qui nous est inconnue, ou bien qu’il y a actuellement dans l’espace des sources d’énergie qui nous échappent et que ces corps savent utiliser ».

    Les Curie hésitent donc entre deux possibilités. Rutherford choisit la bonne : il y a eu autrefois beaucoup d’énergie nucléaire emmagasinée, notamment dans la terre, et ceci explique pourquoi le noyau terrestre est chaud. Jusqu’alors, on pensait que la Terre se refroidissait lentement par conduction de la chaleur et Lord Kelvin évaluait l’âge de la Terre à environ 100 millions d’années (à un facteur 4 près !) (*). Il s’opposait notamment à Darwin qui, sur la base d’observations géologiques, pensait qu’elle était bien plus vieille. Darwin avait raison et l’âge de la Terre est évalué actuellement à 4,5 milliards d’années.

     

    La plus célèbre des formules de la physique

    Cette énergie δE, qui se libère par radioactivité, correspond à une perte de masse δM de la matière ; δE = δMc2. Cette formule, aujourd’hui la plus connue de la physique sans doute, a été écrite par Einstein en 1905 (*). À ce résultat, il a été amené par la théorie de la relativité, dont il vient de jeter les bases.

     

    à suivre

     

    Physique:  Sciences physiques - 1895-1905 : la décennie prodigieuse

     

     

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    Record : une intrication de 219 ions

    pour l'ordinateur quantique !

     

     

    En attendant de résoudre un jour, peut-être, le problème de la décohérence, les physiciens augmentent toujours plus le nombre de qubits intriqués. En effet, là est le second frein à la réalisation d'ordinateurs ou de calculateurs quantiques performants. Record en date pour des ions : 219.

     
     

    Les ions de béryllium, rendus visibles par fluorescence sur cette image (il est possible d'en distinguer 91 à gauche et 124 à droite), forment un réseau cristallin de maille triangulaire. Ils constituent un simulateur quantique et ouvrent une nouvelle voie pour obtenir peut-être un jour au moins un calculateur quantique. © NIST

    Les ions de béryllium, rendus visibles par fluorescence sur cette image (il est possible d'en distinguer 91 à gauche et 124 à droite), forment un réseau cristallin de maille triangulaire. Ils constituent un simulateur quantique et ouvrent une nouvelle voie pour obtenir peut-être un jour au moins un calculateur quantique. © NIST

     
     

    Quand il explorait le concept d’ordinateur quantique au début des années 1980, Richard Feynman pensait à une machine de Turing universelle, capable d'exécuter n’importe quel algorithme, mais aussi à un simulateur quantique. Tout comme un assemblage de composants électroniques simples peut simuler le comportement d’un système mécanique oscillant compliqué (une voiture par exemple), le comportement quantique de certains systèmes permet également de reproduire celui d’un autre, qui serait beaucoup plus compliqué à simuler avec un ordinateur classique. Cela permet ainsi, comme dans une soufflerie de test pour des maquettes d'avions, d'explorer un situation physique décrite par des équations que l'on ne sait pas correctement résoudre.

     

    Par exemple, le comportement des électrons dans les supraconducteurs exotiques à hautes températures critiques est mal compris. C’est probablement la raison principale qui nous empêche de développer des supraconducteurs à température ambiante, lesquels changeraient radicalement notre technologie. Cela pourrait donc changer avec des simulateurs ou des ordinateurs quantiques.

     

     

    Deux problèmes à résoudre pour réaliser un

    ordinateur quantique

     

    Pour être performantes, ces machines imposent un grand nombre de qubits, les équivalents quantiques des bits d’informations des ordinateurs classiques. Un des supports les plus évidents d’un qubit est l’état de spin d’une particule ou d’un noyau. Un électron, par exemple, possède un moment cinétique propre, qui est un peu l’équivalent de celui d’une toupie pouvant tourner dans deux sens. En termes quantiques, on parle d’un spin dans un état haut ou bas, équivalent à un état 0 ou 1. Grâce aux propriétés foncièrement quantiques des particules (l'intrication et la superposition des états), ces qubits permettent d'effectuer des calculs ou de simuler le comportement d’autres systèmes quantiques.

     

    Cependant, lorsque le nombre de particules, donc de qubits, est grand, un phénomène physique entre en jeu : la décohérence. Elle empêche de maintenir longtemps l’intrication et la superposition quantiques. Une révolution technologique basée sur les qubits quantiques doit donc résoudre deux problèmes : obtenir un grand nombre de qubits intriqués et maintenir cette intrication pendant assez longtemps.

     


    Une vidéo expliquant quelques-unes des caractéristiques des travaux des physiciens du NIST (National Institute of Standards and Technology) concernant un simulateur quantique avec des ions piégés il y a quelques années (ces ions n'étaient pas encore intriqués). Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © usnistgov, YouTube

     

    Une bonne nouvelle pour l'informatique quantique

     

    Plusieurs voies sont explorées dans ces buts et les laboratoires battent régulièrement des records, soit du nombre de particules intriquées soit du temps de résistance à la décohérence quantique. Les physiciens sont ainsi parvenus à intriquer environ 100.000 photons et 3.000 atomes neutres. Cependant, les pièges à ions sont considérés comme de bien meilleurs candidats car semblant plus robustes pour résister à la décohérence et plus faciles à réaliser en grand nombre sur des puces pour permettre la réalisation d’ordinateurs et de simulateurs quantiques performants. Or, justement, une équipe de chercheurs menés par Justin Bohnet du NIST (National Institute of Standards and Technology) à Boulder, dans le Colorado (États-Unis), a annoncé dans un publication disponible sur arXiv l'intrication de 219 ions dans un piège de Penning.

     

    Ce travail peut être considéré comme l'aboutissement d'une autre performance réalisée par les chercheurs du NIST il y a quelques années. Ils avaient alors obtenu un simulateur quantique très similaire avec les mêmes ions de bérylium mais les qubits qu'ils portaient n'étaient pas encore intriqués. Un record avait tout de même été atteint puisque le simulateur contenait 350 de ces ions, comme Futura-Sciences l'avait expliqué en détail dans un précédent article en 2012.

     

    Aujourd’hui, tout comme en 2012, les ions béryllium sont piégés à l’aide de champs électriques et magnétiques. Ainsi, ils forment naturellement, selon les forces qu’ils exercent les uns sur les autres, un réseau cristallin en deux dimensions. Une fois cela fait, les ions sont refroidis presque au zéro absolu à l'aide de faisceaux lasers. D’autres faisceaux sont alors utilisés pour intriquer les ions au niveau de leur spin.

     

    Les champs du piège de Penning permettent de contrôler l’état du réseau cristallin d’ions, de sorte qu’il peut servir à simuler les interactions magnétiques d’ions intriqués dans un métal, ce qui pourrait conduire à des surprises en physique du solide. Surtout, les chercheurs sont en mesure de contrôler l’état de spin, donc les qubits, de chacun des 219 ions ouvrant la porte à des calculs dans le domaine des ordinateurs quantiques.

     

    À découvrir en vidéo autour de ce sujet :


    Le monde quantique est fascinant : à cette échelle, par exemple, les objets peuvent se trouver simultanément dans plusieurs états. Exploitant ce principe, un ordinateur quantique aurait des possibilités bien plus vastes qu’un modèle classique. Dans le cadre de sa série de vidéosQuestions d’experts, sur la physique et l’astrophysique, l’éditeur De Boeck a interrogé Claude Aslangul, professeur à l’UPMC, afin qu'il nous explique le fonctionnement de cette étrange machine.

    Physique:  Record : une intrication de 219 ions pour l'ordinateur quantique ! + 2 vidéos

     

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    Des quasi-cristaux naîtraient dans

    des collisions d'astéroïdes

     

     

    Considérés il y a encore quarante ans comme des impossibilités mathématiques, les quasi-cristaux font l’objet de l’attention des physiciens du solide depuis le milieu des années 80. Ils ont même conduit à un prix Nobel. On n'en connaît que deux exemples naturels dans une météorite. Une équipe de chercheurs vient de montrer qu'ils seraient le produit de collisions entre astéroïdes.

     
     

    Une vue d'artiste montrant la collision violente entre deux astéroïdes. De nombreux débris sont produits, dont certains retomberont un jour sur Terre avec, peut-être, des quasi-cristaux. © Nasa

    Une vue d'artiste montrant la collision violente entre deux astéroïdes. De nombreux débris sont produits, dont certains retomberont un jour sur Terre avec, peut-être, des quasi-cristaux. © Nasa

     
     

    Les cristaux fascinent l’Homme depuis longtemps et il suffit de voir des quartz en gerbe pour le comprendre. Le génial dessinateur Moebius a particulièrement fait écho de cet attrait. Derrière cette fascination, il y a la notion de symétrie mathématique et de réseaux cristallins à partir d’atomes en physique.

     

    La théorie des réseaux cristallins est ancienne puisqu’elle remonte au XIXe siècle, avec Bravais. Les mathématiciens ne tardèrent pas à s’y intéresser de plus près et à mobiliser la discipline alors toute récente de la théorie des groupes. C’est ainsi que Arthur Moritz Schönflies fut à l’origine d’un classement des cristaux et réseaux cristallins possibles constitués d'atomes à l’aide des groupes ponctuels de symétrie dans l’espace.

     

    Des travaux des mathématiciens, il résultait qu’un pavage périodique dans le plan avec des objets possédant une symétrie d’ordre 5, comme par exemple un pentagone, était une impossibilité. Par ordre de symétrie on entend en l’occurrence un nombre de rotations nécessaire pour amener un objet à l’identique. Ainsi, un objet avec une symétrie d’ordre 2 autour d’un axe est invariant à la suite de deux rotations de 180° autour de cet axe alors qu’un objet avec une symétrie de rotation d’ordre 4 nécessitera quatre rotations de 90°. Jusqu’au milieu des années 70, on pensait aussi que tout pavage du plan devait se réduire à un pavage périodique. Ce fut donc une surprise quand le mathématicien Roger Penrose, bien connu pour ses travaux en relativité générale, trouva un contre-exemple.

     

    Le pavage de Penrose du plan. © Ianiv Schweber
    Le pavage de Penrose du plan. © Ianiv Schweber

     

     

    Un jeu mathématique devenu une réalité physique

     

    À l’origine, il ne s’agissait que de mathématiques récréatives, du genre de celles qu’affectionnait Martin Gardner, mais ce qui est aujourd’hui connu comme le pavage du plan par des tuiles de Penrose permettait effectivement de réaliser un pavage non pas périodique mais quasi périodique du plan avec des structures possédant une symétrie d’ordre 5.

     

    Au début des années 80, les travaux théoriques du physicien et cosmologiste Paul Steinhardt ainsi que les expériences menées par le prix Nobel de chimie israélien Daniel Shechtman ont montré que les idées de Penrose avaient bien une contrepartie dans le monde réel, ce qui ne saurait surprendre le mathématicien platonicien. Il était bel et bien possible de fabriquer en laboratoire des matériaux possédant l’équivalent de ces pavages et donc, selon l’expression introduite par Steinhardt, des quasi-cristaux.

     

    Une centaine d’espèces environ ont été synthétisées par les chimistes et physiciens du solidemais, de l’avis général, on avait peu de chance d’en observer dans le monde naturel et aucun exemple n’était connu. L’explication donnée était que le processus de synthèse conduisait à des formes dites « métastables » en physique. Un arrangement des atomes constituant ces quasi-cristaux existait. Il faisait que le système se modifiait lentement pour atteindre un niveau d’énergie plus bas, à la façon d’une bille roulant sur une pente douce pour atteindre le fond d’une cuvette, où la structure quasi cristalline n’existait plus.

     

    Pourtant, à la surprise générale, en 2009, le minéralogiste Luca Bindi, du muséum d’Histoire naturelle de Florence (Italie), et Paul Steinhardt ont annoncé la découverte d’un quasi-cristal de 100 micromètres dans un fragment de roche qui s’est révélé ensuite être une météorite. Trouvée dans les montagnes Koryak, en Russie, elle faisait partie d’une chondrite aussi ancienne que le Système solaire et qui fut nommée Khatyrka.

     

    Un échantillon de la météorite de Khatyrka trouvé en Russie où un puis deux quasicristaux ont été trouvés.
    Un échantillon de la météorite Khatyrka. Un, puis deux quasi-cristaux ont été trouvés. © Paul Steinhardt

     

    Des collisions d'astéroïdes reproduites en laboratoire

     

    À l’époque, personne ne comprenait par quel processus astrophysique un quasi-cristal stable avait ainsi pu être synthétisé par la nature. Une publication récente dans le journal Pnas exposant les travaux d’une équipe menée par Paul Asimow, professeur de géologie et de géochimie au célèbre Caltech (où enseignait Richard Feynman), vient d’apporter une réponse plausible.

     

    L’étude de la météorite Khatyrka avait démontré qu’elle avait été parcourue par une onde de choc violente. Elle devait donc provenir de la collision entre deux petits corps célestes, probablement dans la ceinture d’astéroïdes. Asimow et ses collègues en avait déduit que les cycles rapides de compression-décompression et chauffage-refroidissement accompagnant les matériaux dans le phénomène avaient peut-être fait naître des quasi-cristaux stables.

     

    Pour en avoir le cœur net, les chercheurs ont prélevé des échantillons de la météorite Khatyrka pour reproduire en laboratoire la collision de deux astéroïdes, dont l’un allait donner le corps trouvé sur Terre. Pour cela, ils ont découpé des lames minces qu’ils ont bombardées avec un projectile se déplaçant à 1 km/s. Celui-ci a été tiré avec l’équivalent du canon de la Nasa (Ames Vertical Gun Range), utilisé pour simuler la formation des cratères lunaires avec des impacts de météorites.

     

    L’étude des lames après les expériences ont montré que de nouveaux quasi-cristaux s’étaient bien formés, peut-être du fait aussi que la roche contenait un alliage de cuivre et d’aluminium jamais rencontré jusqu’ici. Il est donc probable qu'au total, les deux cristaux trouvés dans la météorite Khatyrka depuis 2009 ont bien été produits par le choc de deux astéroïdes.

     

    À découvrir en vidéo autour de ce sujet :


    Les atomes sont présents tout autour de nous. Ces infimes fragments de matière forment les planètes, les objets, les êtres vivants, etc. Cependant, ils n’ont pas toujours existé sous cette forme. À l'occasion des 70 ans du CEA (Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives), Futura-Sciences a interviewé Roland Lehoucq, astrophysicien, afin qu’il nous parle de la naissance des atomes au sein des étoiles.

     

     

     

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    LHC : de nouveaux records et, peut-être,

    une future découverte

     

    L'année dernière, un nouveau boson avait pointé le bout de son nez dans les données collectées par le LHC (le Grand collisionneur de hadrons). Alors, existe-t-il réellement ? Le suspense est à son comble et la chasse se poursuit avec des taux de collisions record.

     

     
     


    À cheval entre la France et la Suisse, le Grand collisionneur de hadrons permet actuellement de faire des collisions de protons à une énergie de 13 TeV (téraélectronvolts). Découvrez le fonctionnement de cet impressionnant outil en vidéo grâce au Cern.

     
     

    Avant d’entrer dans le LHC (le Grand collisionneur de hadrons, ou Large Hadron Collider, en anglais), les protons destinés à y atteindre des énergies de 13 TeV subissent toute une série de pré-accélérations avec différentes machines.

     

    L’une d’elle est le Synchrotron à protons (ou PS, l’acronyme de Proton Synchrotron, en anglais). Il a été mis en service en 1959, si bien qu’en 2009 on a fêté son cinquantenaire en présence de nombreux prix Nobel, comme Futura-Sciences vous l’avait alors relaté. Il y a un peu plus d’une semaine, il est tombé en panne, ce qui a conduit le Cern à interrompre le second run pendant quelques jours.

     

    Cela n’aura toutefois pas d’incidence sur la chasse au nouveau boson. Celui-ci semble en effet pointer le bout de son nez dans les détecteurs Atlas et CMS. Sa masse serait d’environ 750 fois celle d’un proton, donc de 750 GeV, comme disent les physiciens dans leur jargon. Cette chasse est, bien sûr, effectuée en tenant compte des principes qui gouvernent le monde quantique.

     

    De gauche à droite, Rolf-Dieter Heuer (l'ancien directeur du Cern), Leon Lederman, Lyndon Evans, Jerome Friedman, Burton Richter, Gerardus ‘t Hooft, Sheldon Glashow, Martinus Veltman, David Gross. Ils étaients réunis en décembre 2009 pour les 50 du PS, le synchrotron à protons du Cern.
    De gauche à droite : Rolf-Dieter Heuer (l'ancien directeur du Cern), Leon Lederman, Lyndon Evans, Jerome Friedman, Burton Richter, Gerardus ‘t Hooft, Sheldon Glashow, Martinus Veltman et David Gross. Ils étaient réunis en décembre 2009 pour fêter les cinquante ans du Synchrotron à protons (PS) du Cern. © Jean-Claude Gadmer, Cern

     

    Des collisions de protons pendant un temps record

     

    Avant l’incident lié au Synchrotron à protons, les ingénieurs et physiciens en charge du LHC au Cern avaient réussi à produire le plus long temps de collisions avec des faisceaux de protons dans le géant de 27 kilomètres de circonférence, à savoir 35,5 heures. Ce record est très encourageant car il permet d’envisager le futur du LHC avec confiance. En effet, les travaux d’amélioration qui lui ont permis d’atteindre des énergies de 13 TeV et d’augmenter la luminosité des faisceaux ont visiblement porté leurs fruits : la machine semble fonctionner sans réels problèmes.

     

    La luminosité, c'est-à-dire, en gros, l’équivalent de la quantité de grains de lumière traversant par seconde une surface donnée, mais ici avec des protons, est en train d’atteindre des records. Les faisceaux contiennent maintenant 2.040 « bunches », c'est-à-dire des paquets de particules, et ceux-ci contiennent en moyenne 100 milliards de protons. La fréquence des collisions (et donc le nombre de collisions par seconde), en devenant de plus en plus élevée, permet d’espérer la découverte rapide des processus de création de nouvelles particules rares. Si cette fréquence n’est pas suffisamment importante, cela pourrait malheureusement nécessiter des décennies de fonctionnement du LHC, voire bien plus.

     

    Toujours est-il qu’actuellement ce que les chercheurs appellent « la luminosité intégrée », c'est-à-dire la luminosité cumulée sur une période donnée, a dépassé cette année 1 femtobarn inverse en début de semaine, soit un quart de la luminosité enregistrée pendant toute l’année 2015.

     

    Une vue du tunnel de 27 kilomètres de circonférence où le LHC (le Grand collisionneur de hadrons) fait circuler des protons presque à la vitesse de la lumière. Certains des phénomènes ayant eu lieu pendant le Big Bang y sont reproduits lors de collisions. © Cern

    Une vue du tunnel de 27 kilomètres de circonférence où le LHC (le Grand collisionneur de hadrons) fait circuler des protons presque à la vitesse de la lumière. Certains des phénomènes ayant eu lieu pendant le Big Bang y sont reproduits lors de collisions. © Cern

     

    Physique:  LHC : de nouveaux records et, peut-être, une future découverte + vidéo

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    Un chat de Schrödinger à la fois mort

    et vivant dans deux boîtes

     

    Le chat de Schrödinger sensé être à la fois mort et vivant semble déjà paradoxal mais des expériences montrent qu’il est peut aussi être présent dans deux endroits à la fois. Elles ouvrent de nouvelles perspectives pour les calculs quantiques.

     

     
     


    Le chat de Schrödinger est une expérience de pensée souvent évoquée en physique quantique. Ce paradoxe célèbre décrit la combinaison linéaire d’états appliquée à un sujet assez particulier : un chat. Futura-Sciences a rencontré Claude Aslangul, physicien, pour qu’il nous parle plus en détail de cette idée.

     
     

    Lorsque Einstein et Schrödinger ont mis en évidence le phénomène d’intrication quantique en 1935, le premier avec l’effet EPR et le second avec le fameux paradoxe du chat dit de Schrödinger, ils étaient sans aucun doute à mille lieues d’imaginer qu’il donnerait le jour au riche domaine de l’information quantique. Le concept le plus fascinant qui en a émergé est sans aucun doute celui d'ordinateur quantique. Malheureusement, si celui-ci peut en théorie surpasser considérablement un ordinateur classique dans la résolution de certains problèmes, sa concrétisation se heurte au redoutable phénomène de la décohérence.

     

    Rappelons que selon le paradoxe du chat de Schrödinger, l’application des règles de la mécanique quantique par un observateur extérieur à une boîte contenant un chat et un dispositif capable de le tuer, déclenché en cas de désintégration d’un atome radioactif, semble conduire à une situation violemment contre-intuitive. Tant que l’observateur n’ouvre pas la boîte, le chat est pour lui dans un état dit de superposition quantique où il est à la fois mort et vivant. La raison en est que chat et l’atome radioactif y sont intriqués alors que l’atome lui-même est dans une superposition de deux états, celui où il s’est désintégré et celui où ce n’est pas le cas. L’intrication transmet alors au chat cet état de superposition.

     

    L’un des pères de la mécanique quantique, le prix Nobel de physique Erwin Schrödinger. Sa mécanique des ondes de matière gouvernées par l’équation portant son nom a permis de comprendre les propriétés des atomes et des molécules. Il a découvert avec Einstein, en 1935, le phénomène d’intrication quantique impliqué par son équation.
    L’un des pères de la mécanique quantique, le prix Nobel de physique Erwin Schrödinger. Sa mécanique des ondes de matière gouvernées par l’équation portant son nom a permis de comprendre les propriétés des atomes et des molécules. Il a découvert avec Einstein, en 1935, le phénomène d’intrication quantique impliqué par son équation. © Cern

     

    Une nouvelle voie vers des calculs quantiques

    fiables et puissants

     

    La solution de ce paradoxe repose sur le fait que l’atome et le chat ne sont pas isolés de l’influence physique de l’environnement, qui les perturbe. De sorte que rapidement le système bascule dans un seul état. On parle de phénomène de décohérence et il a été mis en évidence expérimentalement pendant les années 1990 par le prix Nobel de physique Serge Haroche et ses collègues. Les perturbations de l’environnement introduisent également des erreurs dans les calculs quantiques que pourraient faire des ordinateurs et même empêcher leur exécution. C’est pourquoi les chercheurs tentent de résoudre ce problème avec des systèmes physiques plus résistants à la décohérence et où des algorithmes de corrections d’erreurs, cousins de ceux employés avec les ordinateurs classiques, permettraient également d’en limiter les effets.

     

    Une équipe internationale de chercheurs vient d’ailleurs d’annoncer un résultat intéressant à cet égard comme ils l’expliquent dans un article disponible sur arXiv. Ils sont parvenus à créer l’équivalent d’un chat de Schrödinger qui serait également dans une superposition quantique de deux positions dans deux boîtes quantiquement intriquées.

     

    Les deux boîtes sont des cavités en aluminium dans lesquelles sont piégés un certain nombre de photons constituant une onde électromagnétique dans le domaine des micro-ondes. On peut la décrire dans chaque boîte par des oscillations d’un champ électrique car on est presque dans le cas où la description classique de la lumière suffit pour rendre compte de l’état de ces photons. Ces oscillations peuvent être vues comme celles d’un pendule légèrement éloigné de l’équilibre. Selon qu’il est dans une position à gauche ou à droite de cet équilibre, on peut introduire une description quantique avec deux états, analogues de ceux d’un chat mort ou vivant.

     

    Dans l’expérience réalisée, le chat est dans le même état dans les deux boîtes à cause de l’intrication. Mais ces deux états sont en superposition quantique, ce qui donne bien un chat de Schrödinger à la fois mort et vivant et dans deux endroits à la fois.

     

    Son intérêt est, comme on l’a annoncé précédemment, d’ouvrir la porte à des calculs quantiques plus résistants à la décohérence et où la correction des erreurs par des codes quantiques est plus facile et plus efficace. Selon les chercheurs, cela devrait aussi être utile dans le domaine de la métrologie et des réseaux de communication quantiques.

     

    Une métaphore du chat de Schrödinger dans un état de superposition quantique où il est à la fois mort et vivant. © Mopic, Shutterstock

    Une métaphore du chat de Schrödinger dans un état de superposition quantique où il est à la fois mort et vivant. © Mopic, Shutterstock

     

    Physique:  Un chat de Schrödinger à la fois mort et vivant dans deux boîtes + vidéo

     

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