• Riom : un patrimoine préservé

    Par Sophie Bogrow et Dominique Roger
     

    La rivalité entre Riom et Clermont-Ferrand a imprimé dans la pierre de chacune un caractère singulier. « Riom le beau, Clermont le riche », affirme le dicton. Riom, tout en retenue, peaufine son patrimoine.

    Église Notre-Dame-du-Marthuret
    Église Notre- Dame-du-Marthuret. Elle arbore le style gothique languedocien. Sur sa façade, on peut admirer une copie de la Vierge à l'oiseau en calcaire polychromé, l'original étant à l’intérieur.

    Les caractères opposés de Riom et Clermont, s’illustrent à partir du XVIIIe. Riom, qui détient la cour d’appel depuis le début du XVe siècle, a l’opulence de bon aloi et la parcimonie des notaires. De l’architecture nouvelle, elle ne retient que les façades. Elle les plaque astucieusement sur des demeures presque toutes rebâties à la fin du XVe siècle, après un grand incendie qui fit aussi table rase des ruelles tortueuses. Ici, tout est orthogonal.

    Vue de la chaussée, la rue du Commerce, l’artère principale, vous frappe par l’élégance rectiligne des perspectives, l’harmonie régulière des étroites façades, leurs trois étages réglementaires de fenêtres soulignés de ferronneries délicates et de la pierre sombre de Volvic. La ligne de fuite se perd sur fond de ciel vacant, parce que la ville est bâtie sur une butte en dos d’âne. Au sommet, les demeures les plus singulières se rassemblent autour du carrefour des Taules : une ultime construction à pans de bois datant du XVe siècle, conservée comme un témoignage ; l’hôtel Soubrany et sa superposition d’encadrements ouvragés ; la noire maison des Consuls (XVIe siècle), une des rares à rompre avec éclat l’alignement, riche d’une galerie à forte colonnade et d’une haute toiture Renaissance...

    La maison des ConsulsEn pierre brune de Volvic, la maison des Consuls, rue Soubrany 
à Riom, a été construite au
x VIe siècle. Sa façade est ornée d’une salamandre, l’animal emblématique de François Ier.

    La ville de Riom depuis le sommet de la tour de l'Horloge
    Sculptée dans l’andésite, la pierre noire typique de la région, la ville de Riom se laisse découvrir depuis le sommet de la tour de l’Horloge, l’ancien beffroi médiéval reconstruit à la Renaissance. On distingue,
à gauche, le clocher de Notre-Dame-du- Marthuret et, à droite, la basilique Saint-Amable.

    Entre deux boutiques, les portes sculptées se parent de rouge sombre, de bleu pétrole ou de vert céladon. On en pousse une, dans une épaisse muraille : c’est la tour de l’Horloge, tour octogonale Renaissance, qui se termine très haut en kiosque campanile. Le mieux est encore d’enquiller les cent trente marches du colimaçon étriqué menant à son belvédère en plein vent : sur trois cent soixante degrés d’horizon − tranchés nettement entre la Limagne cultivée, à l’est, et les premières collines boisées de la chaîne des Puys à l’ouest − on comprend d’un seul coup cette histoire de façades. Toute cette sobriété est une mise en scène, et cache, sur la profondeur des maisons, un enchevêtrement complexe de toits roses, de terrasses, de courettes en puits, d’appentis et de tourelles...

    Hôtel AmableL'hôtel de ville
 de Riom occupe l'ancien hôtel Amable de Cériers depuis la fin du XIXe siècle. Ici, la cour intérieure marquée par l'influence italienne.

    Cela donne envie d’y voir de plus près, de pousser les rares portails ouverts, comme celui de l’hôtel Guimoneau (XVIe siècle), révélant tour d’escalier à claire-voie, galeries en arches et décors sculptés de statuettes et de médaillons.
 À deux rues de là, c’est la cour de l’hôtel Amable de Cériers, siège de l’hôtel de ville, qui mélange gothique et Renaissance italienne. Ou encore les hôtels voisins Dufraisse (XVIe siècle) et Desaix qui abritent le musée des Beaux-Arts Mandet, fraîchement réorganisé. Mais la statue qui compte, ici, est celle de la « Vierge à l’oiseau » (XIVe siècle) conservée en l’église Notre-Dame-du-Marthuret (XIVe-XVe siècles) de style gothique languedocien. Elle a l’air de trôner sous le grand portail, blanche sur la dentelle noire et gothique de la façade, mais ne vous y fiez pas. Celle-ci est une copie, souvenir du temps où l’original était caché là en pleine vue, sous un badigeon gris : la vraie, à l’intérieur, est restaurée dans sa polychromie d’origine.

    Église de Marthuret
    Gracieuse et élancée, élevée à partir de 1308, voici l'église Notre-Dame-du- Marthuret. La tour gauche (à droite sur la photo) est surmontée d’un dôme reposant sur huit colonnes.

    Riom l’oubliée aimerait bien qu’on ne vienne plus chez elle par hasard, parce que la halte est plus commode et rapide que dans la métropole clermontoise. « On a plus à offrir qu’une prison et un palais de justice, vous savez ! Le quartier populaire des tanneries par exemple, au sud-ouest de la ville ancienne : peu de maisons y ont gardé leur grenier séchoir ouvert, mais si on marche en tendant l’oreille, on entend la rivière qui coule par-dessous, et au fond des cours closes, invisible. Et puis, avez-vous vu la Sainte-Chapelle ? ». Cette chapelle poussée en graine qui desservait jadis le palais du duc de Berry n’est accessible qu’à dates fixes, et par le premier étage de la cour d’appel, qui a remplacé celui-ci. Un des rares ajouts du XIXe siècle à la ville, avec la caserne Vercingétorix et la manufacture des tabacs, toutes deux désaffectées...

     

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  • Clermont-Ferrand : ville de modernité

    Par Sophie Bogrow et Dominique Roger
    source : Détours en France n°174, p. 32
    Publié le 17/09/2014

    La rivalité entre Riom et Clermont-Ferrand a imprimé dans la pierre de chacune un caractère singulier. « Riom le beau, Clermont le riche », affirme le dicton. Clermont, elle, assume son tempérament dynamique, industrieux, en perpétuelle mutation.

    Cathédrale Notre-Dame-de-l'Assomption
    Vue panoramique sur la ville depuis la colline de Montjuzet, avec au premier plan, la cathédrale Notre-Dame-de-l'Assomption, érigée au XIIIe siècle, tel un gros bijou noir avec ses murs de lave.

    Autant Riom semble avoir dédaigné la nouveauté et les symboles urbains, autant Clermont, a contrario, les aura accumulés. Pour s’étendre, se gonfler, assurer dans la pierre noire du volcan sa légitimité de capitale... Chaque époque a élargi son périmètre, mais aussi biffé allègrement le décor ancien au profit du plus moderne. Autour de la cathédrale, dont les flèches noires et épineuses semblent surgir à l’horizon de chaque rue comme des témoins du temps qui passe, bienheureux s’il reste un hôtel Savaron ou une maison Fontfreyde pour nous prouver, escaliers et galeries sur cour à l’appui, de quoi le gothique finissant et la Renaissance étaient capables ici. Le premier s’ouvre en crêperie sur la rue de la Chausseterie, le second, qui abritait rue aux Gras un musée d’ethnographie, est depuis peu dédié à la photographie contemporaine.


    Hôtel de Fontfreyde
    L'Hôtel de Fontfreyde : escalier à vis Renaissance.

    La place Jaude

    Au XVIIIe siècle, on rasait ces vieilleries, pour bâtir à leur place des merveilles de classicisme. Surtout, on rasait les remparts pour faire courir des avenues. Un meilleur endroit pour construire que « ce lacis de ruelles noires qui se tordent et s’enchevêtrent autour de la cathédrale comme un paquet de lacets de souliers », pour citer Alexandre Vialatte, le caustique chroniqueur du journal La Montagne. La proximité d’hôtels bourgeois fait de la place de Jaude une promenade, et non plus une foire aux chevaux et aux planches, malodorante et fangeuse.

    Place de JaudeLa place de Jaude, c’est l’agora clermontoise ! Là où tout se passe. Aux alignements de boutiques (dont les Galeries de Jaude, bel édifice de pierre blanche du tout début XXe siècle) et de cafés aux terrasses invitantes, se concentrent deux monuments majeurs : le théâtre à l’italienne, ancienne halle aux toiles du XIXe siècle, et l’église Saint-Pierre-les-Minimes (1630), surmontée de son dôme. Entièrement paysagée, la place, jalonnée de 27 jeux d’eau, est réservée aux piétons.

    L'Opéra Nouveau
    Sur la place de Jaude, face à l'Opéra Nouveau, la statue équestre de Vercingétorix conquérant et vainqueur des Romains à Gergovie, une œuvre signée Bartholdi.
     

    LEVER DE RIDEAU SUR L’OPÉRA NOUVEAU 

    Élevé en bordure de 
la place de Jaude, il y
 a cent vingt ans tout juste,
    le vieil Opéra était fermé depuis qu’un morceau de plafond s’y était effondré, en 2007. Des réparations n’auraient pas suffi : pour transformer ce vieux vaisseau, qui fonctionnait toujours avec sa machinerie du XIXe siècle, en salle conforme aux normes 
et aux technologies 
du XXIe siècle, six années de travaux ont été nécessaires. Déconstruit puis reconstruit, il a retrouvé sa salle à l’italienne, ses escaliers d'honneur et le foyer dont on avait oublié le décor peint d’origine. Il est à nouveau le fer de lance de la vie musicale et théâtrale clermontoise.

    On est au XIXe siècle : de la promenade aux cafés chics, il n’y a qu’un pas ; un autre des cafés aux grands magasins « à la parisienne » : le Paris-Clermont, les Galeries de Jaude (aujourd’hui Lafayette) ; l’Opéra qui remplace bientôt une halle aux toiles pas encore centenaire... Le XXe siècle se bouscule à la suite : immeubles Art déco, béton déprimant des trente glorieuses, cubes d’avant-garde tout de verre et d’acier... Le centre de gravité de Clermont a glissé au pied de la butte. Cette 
« Jaude » qui s’affirme aujourd’hui comme le rendez-vous obligé de tous les grands événements − trente mille personnes devant l’écran géant pour suivre l’équipe de rugby, cent mille si c’est une finale − est comme une métaphore des transformations de la ville : décousue, parfois foutraque, jamais à court d’un mélange hasardeux, mais toujours en mouvement. On se prend à chercher la cité ténébreuse et janséniste, annoncée encore un coup par Vialatte. Il est vrai qu’il parlait aussi d’une « ville à surprises, pleine de trappes d’où tout peut sortir (...) de souks caverneux et grouillants, hétéroclites et discuteurs » !

    La fontaine du Terrail
    Halte fraîcheur, à la fontaine
 du Terrail, sur la place éponyme. Construite 
fin XVIe début XVIIe siècle en pierre de lave, elle comporte quatre niches abritant les génies des eaux assis sur des dauphins.

    Rue des Gras
    Perspective sur le puy de Dôme depuis la rue des Gras, dont l’aménagement piétonnier a remis en valeur les paliers marchands qui divisaient la rue en degrés.

     

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  • Clermont-Ferrand : la cathédrale Notre-Dame-de-l'Assomption

    Par Sophie Bogrow et Dominique Roger
    source : Détours en France n°174, p. 34
    Publié le 18/09/2014

    Cathédrale Notre-Dame-de-l'Assomption
    Depuis les toits de la cathédrale, on peut voir au loin, le puy de Dôme.

    La cathédrale gothique, dont l’architecture s’inspire des sanctuaires majeurs de l’Île-de-France, cache un intérieur riche : maître-autel en cuivre doré, fresques des chapelles de l’abside, horloge à jacquemarts et surtout, un ensemble de vitraux (du XIIe au XXe siècle) aux tons rouges et bleus, sans oublier les deux rosaces inondant de lumière rouge ou violine le transept. Hissez-vous d’une cinquantaine de mètres au-dessus de la ville en escaladant les marches de la tour de la Bayette, panorama imprenable garanti !

    Cathédrale Notre-Dame-de-l'Assomption
    Vue panoramique sur la ville depuis la colline de Montjuzet, avec au premier plan, la cathédrale Notre-Dame-de-l'Assomption, érigée au XIIIe siècle, tel un gros bijou noir avec ses murs de lave.

    Pas moins
 de trois équipes architecturales ont veillé sur
 la construction de la cathédrale, depuis le
 XIIIe siècle, la dernière en date étant menée par Viollet-le-Duc au XIXe siècle. L’édifice n’a peut- être pas encore fini de dévoiler tous ses secrets...

    Gargouille de la cathédrale Notre-Dame-de-l'Assomption

    La cathédrale aux mystères
    Miraculeux.
    Voilà qu’au printemps dernier Notre-Dame-de-l’Assomption, la sombre cathédrale qu’on croyait connaître sur le bout des doigts, a révélé un secret insoupçonné : une baie intérieure dissimulée sous l’enduit du transept nord, à un mètre soixante-quinze du sol... L’ouverture en plein cintre, qui donne sur une ancienne chapelle, est munie d’une forte grille forgée, et encadrée d’une voussure délicatement sculptée de rinceaux de figuier et dorée à la feuille. « Les spécialistes », s’enthousiasme Jérôme Auger, conservateur de l’édifice, « pensent qu’elle aurait pu servir à exposer le trésor. » Si cela se confirme − et après une restauration soignée − celui-ci pourrait y reprendre place...
     

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  • Le Puy-en-Velay : ville sainte

    Par Sophie Bogrow et Dominique Roger
    source : Détours en France n°174, p. 76
    Publié le 23/09/2014

    Ils sont chaque année vingt mille ou trente mille à prendre sur le grand escalier
 de la cathédrale le départ de la célèbre via Podiensis, le plus prestigieux des itinéraires vers Compostelle. La vieille ville mariale, qui a longtemps fait peu cas de ce pèlerinage concurrent, a fini par se prendre au jeu. Encore plus depuis que l’engouement pour cette longue randonnée spirituelle lui a valu d’être inscrite, en 1998, au patrimoine de l’humanité.

    Vue d'ensemble du Puy-en-Velay
    Pour apprécier pleinement la cathédrale Notre-Dame-de- France, et l‘effort à fournir avant de se lancer à l‘ascension des
137 marches qui y mènent, puis poursuivre vers le rocher Corneille où domine la statue
de la Vierge, une vue d‘ensemble s'impose.

    Les pèlerins qui partent de Puy-en-Velay s’élancent pour 1 522 kilomètres... ou un peu moins, car beaucoup jouent le jeu sur une dizaine d’étapes seulement, entre Le Puy et Conques, les plus belles aux dires des connaisseurs, ou même une journée : l’office du tourisme a mis en place
à cet effet une navette de retour ! Tous redescendront vers la ville basse en guettant au sol, tous les 50 mètres, les clous de bronze ornés d’une coquille. Rue et place des Tables, rue Raphaël, place du Plot où une plaque matérialise au mur le point de départ officiel de la via Podiensis... Tout cela est aussi récent que la restauration des quartiers anciens, rondement menée depuis une quinzaine d’années. La ville aux murs sombres et aux ruelles sales
a pris des couleurs étonnamment variées de bonbonnière, des roses, jaunes, bleus ou verts pastel, qui vont comme un gant à ces bâtisses étroites et semblent donner du ressort au pas des promeneurs.

    Place du Plot
    Le marché du samedi matin, qui envahit les abords de la fontaine de la Bidoire, apporte beaucoup d‘animation à la place du Plot. C‘est là que se dressait le pilori où les malfaisants étaient exposés. Elle fait le lien entre le chemin de Compostelle et la cathédrale.

    213 canons fondus

    Où sont dans tout cela les traces du passé jacquaire de la cité ? Inutile de chercher les coquilles aux frontons des porches médiévaux ou dans le décor des fontaines, ni d’espérer saint Jacques au fond des niches murales. Si Le Puy est bien une ville de pèlerinage, c’est à la Vierge qu’elle est vouée depuis des lustres. Face à la Vierge noire de la cathédrale, qui change de robe à chaque fête carillonnée, le saint Jacques du XVe siècle n’a été installé que vers 1990. Ce n’est d'ailleurs pas une statue de saint Jacques qui a été édifiée sur le piédestal naturel du rocher Corneille, mais bien Notre-Dame-de-France (restaurée en 2012), forgée avec la fonte des 213 canons pris à Sébastopol.

    La Vierge Noire lors de la procéssion mariale
    Lors de la procession mariale
 du 15 août,
la Vierge noire, voilée et couronnée, est présentée aux fidèles.

    La statue de la Vierge sur le rocher Corneille
    Quelque 213 canons saisis lors du siège de Sébastopol furent fondus pour réaliser la statue de la Vierge, sur le rocher Corneille, à 755 mètres d'altitude. Une prouesse pour un résultat plus spectaculaire qu'esthétique.

    À cette époque, le voyage à Compostelle de l'évêque Godescalc en 951, 150 ans après la découverte du tombeau de saint Jacques, était méconnu. À l’occasion de son millénaire, en 1951, l’idée jaillit de faire du saint homme le premier pèlerin. Après quoi, il fallut encore 20 ans pour que s’impose la mode du « trekking », et que la Fédération française de randonnée pédestre balise le désormais célèbre GR 65®, la « voie du Puy ». Quant à la rue de Compostelle, qui prolonge à la sortie de la ville les rues Saint-Jacques et des Capucins, elle n’a pris ce nom qu’en 1966. Un pèlerin de chêne y salue ses compagnons en partance. Il y a tant à découvrir dans le labyrinthe de rues étranglées et de faux escaliers qui grimpent aux flancs du vieux mont Anis, leur pavé inégal justifiant amplement les croquenots de randonneur, si bien qu’on renonce à distinguer les vrais jacquaires des simples visiteurs.

    La chapelle Saint-Clair
    En contrebas
 du dyke d’Aiguilhe, la chapelle Saint- Clair, également nommée temple de Diane, de plan octogonal, date du XIIe siècle. 
Elle servait de chapelle funéraire à l'ancien hôpital Saint-Nicolas.

    Enfilade des rues Courrerie et Pannessac
    Façades Renaissance emblématiques de l'enfilade des rues Courrerie et Pannessac. Cette dernière était la grande artère de la ville au Moyen Âge, elle comptait deux tours (XIIIe), dont une seule subsiste. Son nom évoque
le marché aux grains qui s‘y tenait.

    Tourelles médiévales, linteaux Renaissance, hôtels particuliers du XVIIe siècle, les époques s’y mêlent avec une belle désinvolture, toutes amoureusement restaurées. Noire et fêlée, la plus ancienne de toutes
– c'est l’une des bornes d’informations semées par le service Pays d’Art et d’Histoire qui le dit – attend des jours meilleurs rue de la Rochetaillade. Plus loin, l’hôtel des Juges-Mages donne à rêver, autant pour son nom que pour sa tour d’escalier ouvragée, qui s’envole en belvédère, bien au-dessus du toit. Par le bas du jardin de l’évêché et l’obscure montée du Cloître, on rejoint la place du For que ferme l’hôtel Saint-Vidal. Celui-ci abrite entre autres le Centre européen Saint-Jacques et le Camino, musée et lieu de rencontre. Chaque soir, anciens et futurs marcheurs s’y retrouvent pour échanger tuyaux et souvenirs. Un nostalgique parle du temps où le voyage au Puy valait presque celui de Rome, un couple d’Irlandais, de la variante du Jakobsweg, inaugurée en 2004, qu’ils achèvent ici depuis Genève ; on enchaîne sur le tracé d’une nouvelle voie vers Rocamadour tandis qu’un collectionneur s’emballe sur sa dernière ampoule de pèlerin, une fiole de plomb qu’on rapportait jadis pleine du sable de Compostelle.

    Chapelle Saint-MichelConsacrée au Xe siècle par l’évêque Godescalc, la chapelle Saint-Michel s’élance vers le ciel depuis le dyke d'Aiguilhe, cheminée d‘un ancien volcan.
« À Saint-Michel d’Aiguilhe, dit le dicton, on prie avec ses pieds » : c’est qu‘il
 faut gravir
 268 marches...

    Plus loin, Plus haut...

    Et quand quelqu’un entonne « Tous les matins, nous prenons le chemin », les premiers mots du chant des jacquaires modernes, tous reprennent : « Ultreïa E sus eia ! », aller plus loin, plus haut. Hmm... Très bien, demain on fera l’ascension du rocher Corneille : 100 mètres gagnés en cinq minutes, promet la pancarte, sans oublier les 262 marches en colimaçon dans l’intérieur de la statue, jusqu’à la couronne. Et s’il nous reste un peu de souffle, on y ajoutera un dernier vertige : celui de Saint-Michel-d’Aiguilhe, une chapelle minuscule. Godescalc ne l’a-t-il pas fait bâtir, de retour d’Espagne, au Xe siècle, d’où sa délicate façade quelque peu mozarabe ?

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  • Compostelle : d'Aumont-Aubrac à Nasbinals

    Par Hugues Dérouard
    source : Hors-série Compostelle
    Publié le 26/11/2014

    Sur le chemin de Compostelle, d'Aumont-Aubrac à Nasbinals. Etape redoutable, étape redoutée... Témoignage. Dans les pas d'un pélerin.

    Sur les plateaux de l'Aubrac, chaos granitique parcouru par La FolleDans l'Aubrac, chaos granitique parcouru par la Folle.

    Le plateau de l’Aubrac. Voici l’étape que l’on redoute mais que l’on espère toujours ! «Dans ces lieux d’horreur et de vaste solitude, les jacquets souffriront mille morts», avertissait Aymeri Picaud dans son guide, au XIIe siècle. Depuis près de mille ans, les récits des pèlerins ont en fait un véritable mythe. Aujourd’hui encore, lorsque l’on demande aux marcheurs l’étape qui les a le plus marqués, ils citent bien souvent l’Aubrac…


    À partir du gros bourg d’Aumont-Aubrac, recroquevillé au pied du plateau, le GR65 chemine durant de longs kilomètres à travers des forêts de pins que l’on a déjà longuement côtoyées les jours précédents…Il faudra attendre le carrefour des Quatre-Chemins, quelques kilomètres plus loin, pour avoir l’impression de se lancer dans l’aventure. Ici, une dernière halte s’impose «Chez Régine», bistrot-institution, ultime oasis avant d’attaquer le désert de l’Aubrac.

    Plateau de l'Aubrac sur le chemin de CompostelleSur les hauts-plateaux de l'Aubrac

    «Alors, on va dans la pampa?», lance, moqueur, un paysan du coin à des marcheurs. Le chemin s’élève ensuite vers les prairies. Nous empruntons les drailles, ces sentes bordées de murets de pierres sèches tracées au cours des siècles par les troupeauxde moutons, venant paître pendant l’estive.

    Aujourd’hui, vaches et taureaux aubrac les ont remplacés, matant de leur regard andalou – «de grands yeux charbonneux de mauvaise femme», disait l’écrivain Henri Pourrat – les improbables visiteurs. Les kilomètres qui vont suivre seront beaux mais désolés, solitaires, hostiles.


    Les étés sont brefs, les hivers rudes et longs sur cette grande table basaltique de l’Aubrac, qui s’étire sur quarante kilomètres et découpée en montagnes. Bientôt, il n’y aura plus aucun arbre à l’horizon, mais une prairie infinie, à l’herbe jaunie balayée par les vents. Les clôtures se confondent avec les roches et, quand le brouillard s’en mêle, les chaos granitiques deviennent fantomatiques, réveillent les légendes.

    Surtout, ne quittez pas le chemin sur la ligne de crête… si le brouillard persiste, nous glissait la veille l’hôtelier.

    Jadis, les pèlerins devaient ici se garder des loups – quelques-uns ont été aperçus récemment, venant d’Italie et rejoignant probablement les Pyrénées –, des aubergistes malhonnêtes, des bandits prêts à détrousser ceux qui s’égaraient dans la nuit, le brouillard ou la neige.

    Pelerins sur les routes de l'AubracPélerins sur les routes de l'Aubrac. Ici, à Saint-Chély-d'Aubrac, le pont sur la Boralde.


    Le marcheur ne compte plus les kilomètres. Son regard cherche à s’accrocher à quelque chose. En vain. Les hameaux sont rares et seuls quelques burons rappellent la présence de l’homme. L’immensité saisit la gorge. Un «morceau de continent chauve», écrivait Julien Gracq. Mais le paysage est splendide. Impossible de s’en lasser. Julien Gracq, encore : « Sur ces hauts plateaux déployés où la pesanteur semble se réduire comme sur une mer de la Lune, un vertige horizontal se déclenche en moi qui, comme l’autre à tomber, m’incite à courir, à perte de vue, à perdre haleine.»

    Sur cette grande table basaltique de l’Aubrac, l’immensité est saisissante. Un «morceau de continent chauve», disait Julien Gracq, mais les paysages sont splendides.

    Nasbinals, près du toit de l’Aubrac à 1470 mètres d’altitude, est d’un premier secours pour les marcheurs avec son église romane, typiquement auvergnate aux murs de basalte brun et au toit de schiste. Épuisés et heureux, ils profitent ici d’une halte bien méritée. Demain, les derniers pas sur le plateau de l’Aubrac ne seront pas les moindres.

    Le village de Saint-Chély-d'Aubrac, étape sur le chemin de CompostelleSaint-Chély-d'Aubrac, halte sur le chemin de Compostelle.

     

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