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    Alexandre à la bataille de Gaugamèles

    (1er octobre 331 av JC)

     

    Batailles mémorables de l’Histoire de l’Europe. Deuxième partie

     
     
    Alexandre à la bataille de Gaugamèles (1er octobre 331 av JC)

    Jan Brueghel l’Ancien, La Bataille de Gaugamèles, 1602. Coll. Musée Du Louvre. Domaine public.

     

    Fils du célèbre Philippe de Macédoine, Alexandre hérite de ce dernier un royaume qui avait vaincu tant ses ennemis du nord, les Thraces, que ceux du sud, les cités-États helléniques, y compris les puissantes cités d’Athènes et de Thèbes battues à la bataille de Chéronée (338 av JC).

     

    Contexte et personnage

    Après l’assassinat de Philippe à l’été 336, Alexandre monte sur le trône et, dès l’année suivante, entreprend les dix années de campagne qui lui permettront de conquérir un gigantesque empire. Commençant par achever la pacification de la Grèce (Thèbes, la rebelle, est rasée définitivement à l’automne 335), Alexandre se tourne à partir de 334 vers le véritable but de ses ambitions, la conquête de la Perse, déjà projetée par son père. Selon ses biographes, on peut penser que ses motivations étaient tant de venger les invasions du Ve siècle que de vaincre une civilisation perse considérée comme un ennemi héréditaire, incarnant l’exact opposé de la civilisation hellénique en termes d’attachement à la liberté des peuples ; bref, il s’agissait de renverser l’empire achéménide pour garantir définitivement les libertés des Grecs.

     

    Au printemps 334, après avoir traversé le Bosphore et être passé par le site de Troie afin d’honorer les héros homériques (dont il fut éminemment inspiré par son précepteur, Aristote), il commence par remporter la victoire du Granique, petit cours d’eau situé non loin de la côte derrière lequel s’étaient retranchées les troupes perses. Pacifiant ensuite toute l’Asie mineure (siège des cités portuaires de Milet et d’Halicarnasse), Alexandre bat l’armée perse commandée par le roi Darius en personne, à la bataille d’Issos. Dès lors, maître d’une bonne moitié de l’Empire, Alexandre profite des deux années qui suivent pour anéantir la puissance navale perse en Méditerranée et conquérir la Judée, puis la lointaine Égypte. En 331, de retour d’Égypte, il décide de supplanter définitivement Darius en allant le vaincre au cœur même de son royaume, en Mésopotamie. La rencontre décisive des deux armées a lieu juste à l’est de la ville actuelle de Mossoul, sur une plaine découverte que l’on dénomme Gaugamèles.

     

    À l’époque de cette bataille, Alexandre a déjà atteint et même dépassé les ambitions que nourrissait son père. Doté d’une éducation princière (instruction dans les disciplines de la musique, de la poésie, de la chasse, de l’équitation et de l’art oratoire), élevé par son précepteur Aristote dans l’imaginaire des poèmes homériques et instruit des disciplines intellectuelles de son époque (géométrie, rhétorique…), Alexandre a démontré très tôt une aptitude certaine au commandement. Ainsi à la bataille de Chéronée, il commande la cavalerie et mène, sur le flanc gauche de l’armée macédonienne, une charge victorieuse contre l’armée coalisée des cités de Thèbes et d’Athènes. L’histoire le décrit par ailleurs comme un jeune homme à l’esprit et au physique avantageux, doté d’un caractère impétueux, fougueux et impatient, toutes qualités qui prédestinent celui qui se disait fils de Zeus à vivre l’un des destins les plus glorieux de l’histoire européenne.

     

    La bataille

    À Gaugamèles, le rapport de force s’établit largement en faveur de Darius, qui rassemble environ cinq fois plus de combattants qu’Alexandre. « Roi des rois », il dispose notamment d’une infanterie d’élite composée de mercenaires grecs, de chars équipés aux roues de longues faux tournantes, d’une quinzaine d’éléphants de guerre et d’une cavalerie à la fois lourde (cavaliers perses équipés de cottes de maille) et légère (cavaliers des steppes scythes et bactriens, habitués à vivre à cheval). En outre, parvenu sur place en premier, Darius a veillé à préparer le terrain à son avantage, allant jusqu’à faire enlever les broussailles et autres obstacles pouvant freiner les charges de sa cavalerie.

     

    Bataille de Gaugamèles

    Bataille de Gaugamèles et fuite de Darius, gravure de la fin du XVIIe siècle. Domaine public.

     

    Tout laisse présager une victoire perse

    Pourtant, au matin de la bataille, Alexandre, vêtu d’une simple tunique de lin blanc, épée à son flanc et casque à plumes blanches sur la tête, enfourche Bucéphale, son noir destrier, pour passer en revue le front de ses troupes et aller se placer sur son aile droite avec ses Compagnons, cavalerie d’élite dont les membres, issus de l’aristocratie macédonienne, lui sont attachés par un serment de fidélité personnelle. Le plan de Darius est à l’évidence de compter sur le caractère beaucoup plus étendu de sa ligne de troupes, comparé à celle des Macédoniens, pour déborder ces derniers sur leurs ailes et les prendre à revers. Il est donc vital que les ailes du dispositif grec tiennent bon et que le centre ne soit pas enfoncé par les chars, les éléphants perses ou plus sûrement par les bataillons de mercenaires grecs.

     

    Les chars comme les éléphants s’avèrent inefficaces pour rompre la ligne macédonienne, notamment parce que, grâce à leur grande discipline, les rangs grecs s’ouvrent pour laisser passer leurs ennemis non sans avoir criblé, au passage, les équipages des uns et des autres de flèches et javelines.

     

    Puis les troupes macédoniennes commencent à avancer dans un silence parfait qu’Alexandre leur a imposé afin de mieux entendre ses ordres tandis que, comme prévu, la cavalerie perse entame sa charge aux extrémités. À partir de ce moment, les versions divergent quelque peu sur le déroulement exact de la bataille. Selon certaines sources, c’est en exploitant une brèche ouverte dans le dispositif perse par la charge de leur cavalerie, qu’Alexandre peut s’y engouffrer, provoquant une rupture fatale des lignes ennemies. Pour d’autres, Alexandre mène, depuis son aile droite, une charge selon une trajectoire oblique qui prend Darius complètement au dépourvu. Motivé par le sens tactique d’Alexandre mais aussi par la nécessité de venir secourir son aile gauche malmenée, cette charge, menée à bride abattue à l’image de celles qui avaient apporté la victoire à l’armée macédonienne dans les précédentes batailles, permet à Alexandre de se rapprocher du char de Darius, reconnaissable à son étendard impérial. Il n’en faut pas davantage pour que le monarque achéménide fasse faire demi-tour à ses chevaux et s’enfuie dans la plus totale confusion. Darius ne doit en effet sa sauvegarde qu’à la situation critique des troupes grecques dont la situation, au centre, nécessite qu’Alexandre revienne desserrer l’étau dans lequel son infanterie s’est retrouvée. Cette survie ne sera toutefois que de courte durée puisque Darius mourra assassiné dix mois plus tard.

     

    Darius ne doit en effet sa sauvegarde qu’à la situation critique des troupes grecques dont la situation, au centre, nécessite qu’Alexandre revienne desserrer l’étau dans lequel son infanterie s’est retrouvée. Cette survie ne sera toutefois que de courte durée puisque Darius mourra assassiné dix mois plus tard.

    Relief en ivoire représentant la bataille de Gaugamèles (fuite de Darius, détail). Travail du début du XVIIIe siècle. Coll. Museo Arqueológico Nacional, Madrid. Source : Wikimedia (cc)

     

    Ce qu’il faut retenir

    Cette victoire sans appel, doit autant au génie tactique d’Alexandre qu’à son audace et à son courage.

     

    Lors de la bataille de Gaugamèles, Alexandre se révèle à nouveau comme un grand chef de guerre. Face au risque d’enveloppement auquel l’infériorité numérique de son armée l’expose, il décide cette imprévisible charge de cavalerie par laquelle il prend définitivement l’initiative sur ses adversaires acculés à réagir plus qu’à profiter de leur surnombre.

     

    Mais Alexandre s’illustre aussi par sa manière de conduire ses troupes sur le champ de bataille.

     

    Ainsi, pour saisir les opportunités comme celle qu’il exploite à la bataille de Gaugamèles, Alexandre se doit d’être au plus fort des combats, à l’endroit où se font les choix décisifs.

     

    C’est aussi pourquoi, au mépris du danger que cela lui fait courir (et qui lui vaudra quelques blessures assez sérieuses), il s’efforce toujours d’être bien visible de ses troupes et porte à cet effet casque à cimier blanc et armure rutilante.

     

    Nicolas L. — Promotion Marc Aurèle

     

    Histoire Ancienne 2:  Alexandre à la bataille de Gaugamèles (1er octobre 331 av JC)

     

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    La nature comme médicament

     

     

    Un billet du médecin pour aller jouer dans le bois? De plus en plus de scientifiques croient que le contact avec l’air pur et les petits oiseaux est parfois aussi efficace qu’une pilule.


    Marie-Hélène Proulx du magazine Châtelaine

     

     

    Santé 3:  La nature comme médicament

     


    Faire du camping ne correspondait pas à la définition du bonheur de Jacinthe (prénom fictif), plus portée sur les draps en soie des quatre étoiles à Paris que sur les toilettes sèches. Ce sont pourtant les expéditions en roulotte qui l’ont sauvée, il y a huit ans. Ça, et charrier des roches, de l’engrais et encore des roches à travers les 13 acres de son lopin de terre situé au pied d’une montagne en Estrie.


    « Je ne vivrai jamais assez longtemps pour payer ma dette à la nature », confie-t-elle alors que nous arpentons sa propriété enclavée dans des vergers, escortées de Valentin, son guilleret pitou. De sa maison deux fois centenaire s’échappe une odeur de rôti de palette à corrompre une végétarienne. Des sources souterraines se déversent dans l’étang, des rectangles de bonne terre grasse attendent les semis et des scilles frondeuses percent le sol malgré le froid de canard. « Dans une couple de semaines, ça va faire un beau tapis bleu ! Faudra que tu reviennes. »


    Difficile d’imaginer que cette sexagénaire pétulante, cultivée et curieuse ait un jour avalé une dose potentiellement létale de morphine, dégoûtée qu’elle était de son quotidien miné par la dépression et l’alcoolisme. « Moi-même, je m’explique mal pourquoi je me suis rendue là. J’avais tout pour être heureuse – des gens qui m’aimaient, une belle carrière, une vie confortable… Une chose est sûre, c’est en m’en remettant à mon jardin et à la beauté sauvage des parcs nationaux que je suis peu à peu passée de la noirceur à la lumière. Ces paysages m’ont apaisée. Et je n’ai jamais rechuté. »


    La pilule verte

    Que les sceptiques se rhabillent : Jacinthe ne se raconte pas d’histoire. Des centaines d’études publiées dans les revues scientifiques les plus sérieuses démontrent que le contact avec la nature aide à prévenir certaines maladies mentales et physiques, et même à s’en rétablir. « Mais c’est méconnu et sous-utilisé, affirme François Reeves, cardiologue d’intervention au CHUM et auteur de Planète Cœur – Santé cardiaque et environnement (Éditions MultiMondes et du CHU Sainte-Justine, 2011). Quand je suis invité dans les facultés de médecine pour en parler, j’ai droit à une standing ovation. Sauf que les médecins n’ont pas encore intégré cette approche. Ils ont plutôt le réflexe d’envoyer leurs patients à la pharmacie. »


    La docteure Melissa Lem, de Vancouver, est l’une des rares au pays à prescrire des promenades en milieu naturel à titre de traitement, entre autres pour les troubles de l’humeur et de l’attention, l’anxiété et la dépression. « Lorsque j’ai commencé à proposer ça, il y a cinq ans, j’étais un peu inquiète de la réaction des gens, témoigne l’omnipraticienne. Mais ils ont été super réceptifs. Il semble que ça leur fait beaucoup de bien. » Bien sûr, ces « moments verts » s’accompagnent souvent d’une ordonnance pour des médicaments ou d’autres recommandations, comme faire davantage de sports ou modifier son alimentation. Bien malin qui saurait dire ce qui contribue le plus à remettre les gens sur le piton. « Chose certaine, des études prouvent que les gens sont plus portés à faire de l’exercice quand ça se passe au grand air qu’au gym, dit-elle. Aussi, des patients m’ont confié avoir vu leur niveau de stress augmenter à la suite d’un déménagement dans une ville moins verdoyante. »


    Cet état de bien-être en nature, on le doit beaucoup au bon air qu’on y respire, a constaté François Reeves, alors qu’il préparait un livre sur les facteurs de risque des maladies du cœur, il y a 10 ans. « Avant, si vous m’aviez demandé à quel point l’environnement a un impact sur la santé, j’aurais répondu : “Bof, peut-être un peu…” Jusqu’à ce que je réalise que la possibilité de subir une crise cardiaque ou un AVC peut être multipliée par 10 quand on habite un endroit où le béton a chassé le vert. »


    C’est que les particules en suspension crachées par les usines et les voitures ont des effets dévastateurs sur nos systèmes immunitaires et cardiovasculaires. Comme les arbres ont la faculté de purifier l’air de ces saletés, plus on en retrouve dans son milieu, mieux on se porte. D’ailleurs, une vaste enquête menée au début des années 2000 auprès de 40 millions de Britanniques a démontré que, peu importe son revenu, le fait de vivre dans un secteur vert – y compris en ville – réduit de 6 % le taux de mortalité prématurée. Et ce, même si on n’y pratique pas d’activités physiques. En plus de jouer les super purificateurs d’air, les arbres auraient le pouvoir de booster notre production de « cellules tueuses de cancer ». Ils permettraient aussi d’abaisser la tension artérielle et le niveau d’hormones du stress, grâce aux composés organiques volatils qu’ils émettent pour se protéger des insectes et des microbes. Ces molécules, dont certaines sont merveilleusement odorantes – pensons au parfum revigorant des pins, par exemple –, auraient un effet protecteur qui perdure une semaine après un séjour de trois jours dans la forêt.


    Du vert, svp !

    Plus de la moitié de la planète réside aujourd’hui en zone urbaine. Au Québec aussi, les régions métropolitaines se densifient. Or, une tonne d’études montrent que le trafic, le bruit et la pollution affectent gravement la santé mentale et physique. « D’où l’importance de ramener la nature en ville pour des raisons sanitaires », insiste le cardiologue François Reeves.


    Une saucette dans le bois

    Ce sont des Japonais qui ont fait cette découverte, eux qui croient depuis longtemps aux vertus thérapeutiques du contact avec la nature. On leur doit notamment le concept du shinrin-yoku ou « bain de forêt ». Des chercheurs nippons ont observé que passer 40 minutes au milieu des arbres deux fois par jour diminue la fatigue, l’anxiété, la déprime, la tension et la confusion. Une sorte de Prozac naturel, quoi. C’est tout à fait ce que ressent Anick Gaucher dès qu’elle sort du tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine pour regagner sa vieille maison de bois au milieu des champs, à Saint-Antoine-sur-Richelieu. « Ma façon de respirer change au fur et à mesure que je me rapproche. C’est comme si je me déposais », raconte l’enseignante en psychologie au cégep Ahuntsic, à Montréal.


    Son amoureux n’en revient pas encore de voir son ex-citadine de blonde revêtir des guenilles pour ramasser des feuilles et corder du bois, elle qui était plutôt escarpins, rouge à lèvres et tailleur chic. Mais ce n’est pas la métamorphose la plus étonnante à laquelle il a assisté. « Ça faisait 20 ans que je prenais des médicaments pour contrôler mon trouble d’anxiété généralisée, dit-elle. Avant qu’on déménage ici, il y a huit ans, je faisais deux ou trois attaques de panique par jour. Mon chum ne savait plus quoi faire pour m’aider. Mais depuis quatre ans, c’est fini. J’ai cessé toute médication. »


    Son quotidien n’est pas dénué de stress pour autant. Mais elle trouve désormais en elle les ressources pour le maîtriser. Les heures de voyagement entre le cégep et sa campagne valent le coup, juge-t-elle. « Je suis sortie de la bulle artificielle dans laquelle je vivais pour me reconnecter au rythme des saisons. Là, tu vois, les bernaches sont arrivées. En face de la maison, il y a un boisé où je peux observer l’évolution des feuilles. À côté, mon voisin va bientôt semer… Assister à tout cela aux premières loges me calme. » Au-delà des bénéfices qu’apporte l’air pur produit par les arbres, le spectacle de la nature permet aussi au cerveau de se remettre de l’attention soutenue qu’on exige de lui pour résoudre des problèmes au travail et effectuer de multiples tâches.

     

    Santé 3:  La nature comme médicament

     

    Photo : Jean-Philippe Sirois


    Côté jardin

    Les centres-villes, aussi admirables soient-ils pour leur architecture, n’ont pas cette action restauratrice – les rues grouillantes de monde, les klaxons, les feux de circulation, les façades des boutiques sollicitent nos sens à l’extrême. Tandis qu’observer le fourmillement des insectes, le débit d’une rivière ou le vent dans les arbres exerce une fascination douce qui, en plus de tirer peu de jus, nous divertit de nos ruminations. Au terme de ce répit mental, on raisonne mieux, on est moins anxieux, et peut-être même plus altruiste, selon des recherches coréennes.


    Il y a longtemps d’ailleurs que les hôpitaux psychiatriques ont compris ça. « Ce n’est pas un hasard si la plupart ont été construits à la campagne, explique Rob Whitley, spécialiste de la psychiatrie sociale au centre de recherche de l’Institut universitaire en santé mentale Douglas, à Montréal. À l’époque, la décision de s’y établir s’appuyait surtout sur des croyances folkloriques quant aux propriétés curatives de la nature mais, aujourd’hui, les preuves scientifiques s’accumulent. »


    C’est pour cette raison que Douglas tient tant à son programme de thérapie par l’horticulture. L’établissement, qui opérait une ferme au temps où l’arrondissement Verdun était rural, possède toujours deux vieilles serres bien entretenues et des ­jardins extérieurs.

     

    Santé 3:  La nature comme médicament


    Photo: iStock

     

    On y est à peine depuis quelques secondes que déjà les épaules se relâchent. Effet ­combiné de l’odeur du terreau, de Chopin à la radio et des sourires bienveillants de Marielle Contant et Jacques St-Hilaire, horticulteurs en résidence. Sous leur supervision, des groupes de personnes souffrant de problèmes de santé mentale se succèdent pour bichonner les plantes. Aujourd’hui, des filles aux prises avec des troubles alimentaires viennent préparer 150 boutures de coléus. D’autres s’activent à monter de ravissantes jardinières en papotant.


    Cela fait plus de 20 ans que Marielle et Jacques travaillent aux serres et jamais ils n’ont eu de « code blanc », cet appel d’urgence lancé à la sécurité quand un patient devient trop agressif. Une situation tout à fait exceptionnelle, selon leur patronne Christianne Bourgie, chef du rétablissement et de l’intégration sociale. « Ça arrive régulièrement à l’hôpital, et à l’occasion dans les autres ateliers qu’on offre, dit-elle. C’est dire à quel point l’environnement ici est apaisant. » Assez pour faire baisser la tension artérielle, améliorer la concentration et rendre plus tolérant au stress, selon les tests effectués.


    « Beaucoup nous disent que le fait de repiquer, désherber, arroser, ça chasse leurs idées noires, dit Jacques St-Hilaire. Il faut voir leur fierté à la fin de l’été, quand leurs efforts se matérialisent en belles grosses tomates ! » Certains ne les mangent même pas, trop heureux d’avoir enfin l’occasion d’en faire cadeau aux autres, eux qui ont souvent bien peu de moyens. « J’ai travaillé longtemps comme préposé aux bénéficiaires en psychiatrie avant d’aboutir aux serres, ajoute-t-il, et je peux affirmer que je n’ai jamais vu autant d’entraide entre les patients. » C’est le contact étroit avec la vie qui leur fait tant de bien, estiment ses collègues. « Il y a quelque chose de magique dans le fait de planter une graine, qui n’a l’air de rien au début, puis de la voir croître et donner des fruits, avance Christianne Bourgie. Ça tient du miracle. Et ça suscite de l’espoir. L’espoir qu’on peut croître, nous aussi. »

     

    Santé 3:  La nature comme médicament

     


    La géographie du bonheur

    Où se trouve-t-on précisément lorsqu’on se sent le mieux ? C’est ce que deux chercheurs anglais ont entrepris de découvrir grâce à l’application pour téléphone intelligent mappiness (une contraction des mots map et happiness). Les gens qui la téléchargent doivent communiquer leur état d’esprit, ce qu’ils font et avec qui ils sont au moment où ils reçoivent une notification du système. Un GPS détermine leurs coordonnées géographiques. À ce jour, l’analyse des données fournies par 20 000 participants indique que c’est lorsqu’ils sont en pleine nature que les gens sont le plus heureux.

     

    Santé 3:  La nature comme médicament

     

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    Léonidas et les spartiates à la bataille

    des Thermopyles (18–20 août 480 av. JC)

     

    Batailles mémorables de l’Histoire de l’Europe. Première partie

     
     
    Batailles mémorables de l’Histoire de l’Europe. Première partie : Léonidas et les spartiates à la bataille des Thermopyles (18-20 août 480 av. JC)

    Introduction

    L’ouvrage collectif « Ce que nous sommes » édité par l’Institut Iliade nous rappelle qu’être européen c’est avant tout « transmettre l’héritage ancestral, défendre le bien commun ». C’est tout l’enjeu de notre combat : transmettre nos valeurs pour les défendre mais aussi transmettre en les défendant. Car il existe un lien indéniable entre la vitalité d’un peuple et sa volonté de combattre.

     

    Dominique Venner l’avait parfaitement illustré dans un article intitulé « Guerre et Masculinité », paru dans La Nouvelle Revue d’Histoire. Au risque de choquer, il y soulignait le caractère en quelque sorte tragique qu’avait revêtu pour les Français la conjonction entre la fin de la guerre d’Algérie, « ressentie comme la fin de toutes les guerres » et l’évolution vers une société entièrement vouée aux valeurs marchandes et au consumérisme.

     

    Dans Le Choc de l’Histoire il écrivait encore que « les lieux de paix ne survivent que par les vertus exigées dans la guerre ».

     

    Tout ceci nous ramène au constat suivant : si la guerre est un grand malheur pour celui qui doit la subir, elle constitue non seulement une nécessité pour tout peuple qui a la volonté de survivre mais aussi un phénomène qui fait (re)naître chez l’Homme les qualités les plus exaltantes.

     

    D’ailleurs, dans la tradition spirituelle des anciens peuples d’Europe, la guerre avait une fonction transcendantale au travers des promesses d’immortalité faites aux guerriers qui tombaient sur le champ de bataille.

     

    Plus proche de nous, le sociologue français Gaston Bouthoul, fondateur de la polémologie, reconnaît « qu’il existe dans les guerres un aspect moral incontestable. Même les plus déterminés des pacifistes ne peuvent nier que la guerre n’exalte des vertus émouvantes : le courage, le dévouement, la fidélité, l’amitié entre combattants, la camaraderie, la loyauté. C’est dans la guerre que se manifestent à leur plus haut degré l’amour de la patrie et la fidélité à ses lois ».

     

    C’est au rappel de ces vérités immuables que souhaite contribuer la présente étude au travers d’une anthologie, largement partielle, des batailles mémorables qui ont marqué l’Histoire de la civilisation européenne.

     

    Elle se compose de fiches qui abordent chacune une bataille en décrivant son contexte, le ou les personnages clés ainsi que les qualités qu’ils ont illustrées.

     

    Bien sûr, y sont largement dépeints le sens du devoir, celui des responsabilités qui incombent à tout chef de guerre ou encore l’esprit de sacrifice qui permet au combattant européen de se battre pour une idée ou une représentation qui lui est supérieure (Rome, l’Empire, la Chrétienté…).

     

    Mais le lecteur y retrouvera aussi, notamment à travers l’évocation de certains corps d’élite, le souvenir d’une tradition martiale que les Européens d’aujourd’hui ont tout intérêt à entretenir dans la perspective des épreuves futures.

     

    Dominique Venner n’écrivait-il pas dans Le Choc de l’Histoire :

     

    « Je crois aux qualités spécifiques des Européens qui sont provisoirement en dormition. Je crois à leur individualité agissante, à leur inventivité et au réveil de leur énergie. »

     

    Bonne lecture !

    Léonidas et les spartiates à la bataille des Thermopyles (18–20 août 480 av. JC)

     

    Contexte et personnage

     

    Au Ve siècle avant Jésus-Christ, le monde grec étend son influence à travers toute la Méditerranée grâce à ses 1500 cités-États et aux colonies qu’elles implantent en bord de mer. Deux cités prédominent : Athènes et Sparte. Pour Athènes, le siècle de Périclès va bientôt s’ouvrir. Cette cité décide de soutenir les Etats grecs de la côte ouest de l’Asie, en lutte avec le très puissant empire perse, doté d’un réservoir humain gigantesque et disposant de ressources financières et matérielles à la mesure de sa dimension — un territoire vingt fois plus grand que celui de la Grèce ! Après la répression des cités ioniennes et la défaite de l’Erétrie, principale alliée d’Athènes, le roi perse Darius décide de punir Athènes pour le soutien que cette cité a apporté à ses ennemis. Il envoie donc une expédition attaquer les Grecs en débarquant à Marathon où l’armée perse connaît néanmoins, en 490 av JC, une cuisante défaite sans parvenir à inquiéter la cité athénienne. Une décennie plus tard, Xerxès, deuxième fils de Darius, décide d’une nouvelle expédition pour laquelle il mobilise les gigantesques moyens de son empire. C’est ainsi qu’après quatre ans de préparation, une armée estimée à 210 000 hommes, accompagnée de 1200 navires de guerre, traverse l’Hellespont (détroit des Dardanelles) en mai 480 av. JC pour entamer l’une des plus grandes invasions qu’ait connues l’Europe. Traversant la Grèce du nord au sud, l’impressionnante armée perse avance en direction d’Athènes et de Sparte. Grâce à l’action diplomatique de Thémistocle, chef militaire et homme politique athénien influent, la plupart des cités qui composent alors la Grèce, acceptent de faire front commun au sein de la Ligue de Corinthe pour défendre ce qu’ils ont en commun : « une race, une langue et une religion ». Une fois fixée sur les cités ralliées à la résistance et après les atermoiements de ses membres quant à la définition de la meilleure stratégie à adopter, la ligue décide d’envoyer sa flotte remonter la côte à hauteur d’une ligne reliant le défilé des Thermopyles au détroit de l’Artémision.

     

    C’est alors que Léonidas, roi de Sparte, accepte la lourde charge de mener une troupe de quelques milliers d’hommes dont 300 guerriers issus du corps d’élite des hoplites, afin de retarder la gigantesque armée Perse au fameux défilé des Thermopyles. Cette décision devait avoir la double vertu de faire gagner du temps à l’armée grecque et d’encourager les dernières cités hésitantes du Sud à rallier la ligue de Corinthe.

     

    A cette époque, Léonidas règne déjà à Sparte depuis dix ans. Il a démarré sa carrière militaire à 20 ans comme tous ses compatriotes. En tant que chef de guerre, il dirige la redoutée phalange hoplitique, infanterie d’élite de l’armée grecque, à laquelle n’accèdent que certains citoyens en fonction de leur classe sociale et de leur âge. Pratiquant une existence très austère (nourriture simple, vie familiale réduite, interdiction d’exercer leurs droits politiques, entrainement militaire constant), les guerriers à la célèbre cape rouge étaient réputés dans toute la Grèce pour leur valeur guerrière et surtout pour leur courage. Incitant à s’inspirer de leur exemple, Maurice Bardèche écrit, dans son livre « Sparte et les Sudistes » (1969) : « [A Sparte] le précepte de courage était clair et résolvait toutes les difficultés. Le courage donnait accès à l’aristocratie et l’on était exclu de l’aristocratie si l’on manquait de courage… L’éducation n’avait pas d’autre but que d’exalter le courage et l’énergie. » L’auteur nous rappelle aussi que, loin d’une littérature qui, majoritairement, réduit Sparte à une caricature de société militarisée, Sparte doit en réalité d’abord être vue comme une idée basée sur le fait qu’un homme ne vaut que par le destin qu’il se donne et que son statut tient bien plus à ses actes qu’aux richesses qu’il possède. Pour Bardèche, Sparte incarne aussi une certaine idée de la liberté : c’est la cité où la liberté consiste justement à faire le choix de renoncer à une part de sa liberté individuelle pour consacrer celle-ci à la protection du groupe, de ses mœurs et de ses lois.

     

    La bataille

     

    Les combats se déroulent du 18 au 20 août de l’an 480 av JC, ce qui donne déjà une idée de la résistance des Spartiates qui retiennent durant 3 jours une armée dont la dimension était sans comparaison possible avec celle des Grecs. Toutefois, la supériorité numérique des Perses est rendue inopérante par la configuration des lieux. L’étroitesse du passage des Thermopyles contraint les fantassins perses à se jeter sur les larges boucliers et les armures de bronze des hoplites et à s’empaler sur leurs longues lances. Durant les journées des 18 et 19 août 480, de plus en plus éreintés mais gardant, grâce à leur discipline et leur endurance, une combativité inébranlable, les combattants de la phalange grecque repoussent tous les contingents envoyés contre elle, y compris les troupes d’élite de Xerxès, les fameux Immortels. Mais la trahison d’un Grec, Ephialte, permet à Xerxès de prendre connaissance d’un sentier montagneux qui peut lui permettre de contourner la position défendue par Léonidas et de faire prendre à revers sa troupe, pendant que l’armée perse continue à mettre la pression sur le mur de défense des Lacédémoniens. Il est dit alors que Léonidas, se sachant condamné, préféra préserver une grande partie de son armée en lui ordonnant la retraite tandis qu’avec un bataillon de 300 de ses hoplites et quelques autres braves, il choisit de se sacrifier non seulement pour donner le temps à ses soldats d’exécuter leur retraite, mais aussi pour que son sacrifice, véritable acte de devotio avant l’heure, serve d’électrochoc capable d’emporter le ralliement des cités réticentes à rejoindre la ligue de Corinthe.

     

    Après un solide déjeuner et la promesse que Léonidas leur avait faite « qu’ils souperaient le soir même dans l’Hadès », les Spartiates se mettent pour la dernière fois sur le pied de guerre, attendant silencieusement le choc des lignes perses. Mais afin de rendre leur défaite aussi coûteuse que possible pour Xerxès et de ne pas attendre les volées de flèches des troupes chargées de les prendre à revers, Léonidas fait charger ses hommes droit sur l’ennemi. Même après la mort de leur roi, les Spartiates se battent jusqu’à la fin, avec toutes les armes qu’il leur reste et jusqu’au dernier.

     

    Demeuré comme l’un des exemples les plus illustres du dévouement à la patrie, ce combat, bien qu’étant une défaite tactique qui n’empêcha pas l’armée perse de reprendre sa progression, fut une victoire stratégique puisqu’elle provoqua une sorte de sursaut qui conduisit aux victoires grecques décisives de Salamine (480) et de Platées (479).

     

    Ce qu’il faut retenir

     

    Le sacrifice de Léonidas et des Spartiates aux Thermopyles est l’exemple même de l’engagement pour la défense de sa terre, le choix entre « vivre libre ou mourir ».

     

    Mais il est aussi une illustration de la capacité à privilégier l’intérêt commun. En effet, Léonidas ne se faisait sans doute aucune illusion sur sa capacité à stopper l’armée achéménide mais il savait que son geste offrirait non seulement du temps mais surtout un exemple à suivre pour les Spartiates et plus largement pour tous les Grecs.

     

    Nicolas L. — Promotion Marc Aurèle

    Dessin : John Steeple Davis (1900), illustration tirée du livre The story of the greatest nations, from the dawn of history to the twentieth century : a comprehensive history, founded upon the leading authorities, including a complete chronology of the world, and a pronouncing vocabulary of each nation. Source : Wikimedia (cc)

     

    Histoire Ancienne 2:  Léonidas et les spartiates à la bataille des Thermopyles (18–20 août 480 av. JC)

     

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    Permanence de la tradition en Alsace,

    voyage du champ à l’assiette (1/3)

     

     

    L’Alsace foisonne d’initiatives individuelles ou collectives qui révèlent un lien fort avec une tradition qui, loin de mourir, paraît renaître sous des formes inattendues, parfois même inconscientes. Première partie.

     
     
    Permanence de la tradition en Alsace, voyage en images du champ à l’assiette (1/3)
     
     

    Région riche et attachée à sa culture singulière, carrefour entre la France et l’Allemagne, terre celte puis romaine et germanique, l’Alsace est entrée de plain-pied dans la mondialisation. Pourtant, ce territoire foisonne d’initiatives individuelles ou collectives qui révèlent un lien fort avec une tradition qui, loin de mourir, paraît renaître sous des formes inattendues, parfois même inconscientes. À travers l’exemple de l’alimentation, de l’agriculture jusqu’à la façon de cuisiner, nous essaierons de montrer à quel point ce sujet nous offre une actualité étonnante et réjouissante. Première partie.

     

     

    La tradition, qu’est-ce que c’est ?

     

    Pour clarifier la chose, nous devons d’abord définir la tradition. Selon le Petit Larousse, il s’agit d’une « manière d’agir ou de penser transmise de génération en génération ». Paul Sérant ajoute que la tradition, « c’est l’ensemble des vérités permanentes », tandis que Dominique Venner nous rappelle que « la tradition ce n’est pas le passé, c’est ce qui ne passe pas ». Parler de « permanence de la tradition » est donc presque un pléonasme.

     

    Nous nous intéresserons ici au côté matériel de la tradition, soit une partie seulement de celle-ci. On peut ajouter les parties éthiques, ethniques et linguistiques. La culture matérielle se définit in extenso par tout ce que produit une culture : objets manufacturés, produits raffinés… tout ce qui est fait de la main de l’homme. Chaque culture produit une tradition différente, et donc il y a une particularité, une singularité et parfois une unicité de ces productions. La tradition dans l’alimentation, c’est donc l’ensemble de gestes, de techniques, de croyances, de savoir-faire qui se transmettent de génération en génération, de la glèbe jusqu’aux fourneaux, et qui forment ainsi une continuité avec le passé.

     

     

    L’Alsace rurale, une véritable terre promise de l’agriculture

     

    Commençons par nous enfoncer dans la campagne alsacienne pour obtenir une vision globale de la situation actuelle. Dans cette belle région, on cultive un peu de tout : raisin bien sûr, mais aussi fruits (cerises, mirabelles, quetsches, pommes, poires…), céréales, choux… On élève des vaches et des chèvres, des abeilles. L’Alsace est historiquement une région fertile aux climats et écosystèmes différents (montagnes, zones humides, coteaux), avec un ensoleillement et des précipitations supérieures à la moyenne nationale qui contribuent à la prospérité de l’agriculture.

     

    Fleuves et rivières (Rhin, Bruche, Ill, Zorn…), forêts (dans les Vosges, le Ried), pâturages, l’Alsace est un véritable microcosme qui, malgré les assauts de la monoculture intensive qui a pris une place considérable dans le plaine, recèle encore une belle diversité.

     

    La chambre d’agriculture nous apprend que « l’Alsace est à la fois la plus petite région française métropolitaine et une des plus denses et des plus urbaines. […] L’agriculture régionale occupe près de 40 % du territoire avec 336 640 ha de surface agricole utilisée ». L’Alsace est donc avant tout urbaine : située sur l’axe économique rhénan extrêmement dynamique, la bétonisation est un des sujets d’actualité qui alimente les débats de la région.

     

    Élevage en montagne, vigne et fruits sur les coteaux vosgiens, céréales et choux dans la plaine : tel serait le tableau quelque peu caricatural mais assez vrai que l’on pourrait dresser de la région. Nous allons voir que cela n’a guère changé depuis des siècles, preuve de la persistance des choix agricoles en Alsace.

     

    Débarrassons-nous des chiffres tout de suite : 150 millions de bouteilles de vin produites par an, 7 500 tonnes de munster, 40 000 tonnes de choux à choucroute… Derrière ces quantités monstrueuses se cachent bien souvent des producteurs industriels, parfois peu soucieux de préserver et transmettre la tradition à l’origine de leurs produits. Mais aussi de petits producteurs qui mettent en œuvre des pratiques qui nous renvoient à des savoirs immémoriaux, perfectionnés par l’amélioration des connaissances scientifiques de ces dernières décennies. D’ailleurs, plus d’un quart des exploitations vendent en circuit court, c’est-à-dire directement au consommateur, sans intermédiaire. Preuve de la volonté de conserver ou de retisser un lien entre habitants et producteurs.

     

    Nous détaillerons ici trois exemples : la viticulture, l’élevage bovin et la culture du chou à choucroute. Ce choix n’est pas arbitraire : le vin est incontournable en Alsace et les vignes marquent son paysage ; les vaches donnent à la fois de la viande et du lait (pour le fromage) ; le chou à choucroute, une fois fermenté, compose la célèbre choucroute alsacienne. Ces trois exemples offrent une diversité dans les modes d’action qui permet de couvrir à peu près tout le champ de la production alimentaire de matière première. Ces trois exemples auraient d’ailleurs pu être pris quelques siècles plus tôt et traités d’une manière similaire.

     

     

    La viticulture

     

    La vigne contribue quasiment pour moitié à la valeur économique tirée de l’agriculture en Alsace. Sa culture s’étend, hors exceptions (notamment au nord vers Wissembourg), sur une bande de terre large de quelques kilomètres tout au plus qui s’étire des environs de Marlenheim jusqu’à hauteur de Mulhouse, vers Thann. Cela forme la célèbre Route des Vins. Inaugurée en 1953, celle-ci court sur 170 kilomètres, traversant 70 villages viticoles. Il est à noter que l’Alsace produisait déjà au Moyen Âge une quantité de vin sensiblement équivalente à celle d’aujourd’hui. Vin qui était déjà à l’époque exporté par tonneaux entiers sur le Rhin à destination de pays sans vignes (actuels Pays-Bas, Belgique, Allemagne, Scandinavie…). Ce savoir-faire de la viticulture et de la vinification s’est donc transmis pendant des siècles. Les mêmes familles travaillent la vigne depuis des générations, parfois depuis le Moyen Âge.

     

    Certains viticulteurs tentent de renouer avec des formes traditionnelles de culture : labour à cheval, moins profond qu’avec un tracteur et surtout efficace dans les côtes raides du Piémont des Vosges, travail en harmonie avec des plantes comme les orties pour protéger la vigne des maladies, unissant à la fois un savoir ancestral et de nouvelles connaissances scientifiques. Souvent en agriculture biologique (plus de 15 % des vignobles d’Alsace sont labellisés AB, tout comme 20 % des vergers) et orientés vers la biodynamie, ils cultivent un raisin non standardisé, dont le goût va s’exprimer dans le vin chaque année de manière différente. Ils font vivre la tradition alsacienne en cherchant à offrir un vin spécifiquement d’Alsace, inimitable donc, à l’heure où l’on trouve du gewurztraminer en provenance d’Amérique latine ou d’Afrique du Sud.

     

    Deux exemples pour mieux comprendre. D’un côté, Jean et Pierre Dietrich, qui ont lancé le domaine Achillée à Scherwiller, aux côtés de leur père. Le but : faire du vin de qualité, avec un goût exceptionnel, en biodynamie. Respect de la terre, travail avec les plantes et les saisons, à rebours de la viticulture chimique décriée aujourd’hui. Les deux fils ont un parcours complémentaire : école de commerce pour l’un, œnologie pour l’autre. Parfait pour se lancer dans une telle aventure. Pas de levurage, le moins de sulfitage possible, cette approche réconcilie le vin et la santé. Ils accueillent les curieux et les locaux, les touristes et autres amateurs de vin pour les initier à leur art. Renouer le lien entre les voisins et les viticulteurs, c’est évidemment renouer avec la tradition qui unissait les habitants d’une commune à leur terroir.

     

    D’un autre côté, le domaine Lissner à Wolxheim, mené par Bruno Schloegel. Anciennement dans les assurances, il a tout arrêté pour reprendre le domaine d’un grand-père. Il travaille de la manière la plus naturelle possible, ses vignes regorgent d’une biodiversité remarquable. Il n’utilise pas plus de produits chimiques que ne le faisait un paysan alsacien du XIIIe siècle. Toute la récolte se fait à la main, dans la bonne humeur. Il passe des heures avec ses clients de passage, leur expliquant les nuances de ses grands crus de l’Altenberg et la rondeur de ses gewurztraminer. Il connaît parfaitement la moindre de ses parcelles, la composition du sol, l’exposition au soleil, l’humidité qui y règne, à la manière des paysans d’autrefois… Il mêle convivialité, excellence, professionnalisme et générosité, et l’on ne ressort pas de chez lui sans avoir goûté au minimum une dizaine de bouteilles. Il ne vend qu’à des particuliers, fuyant la grande distribution et sa standardisation, recréant en cela le lien qui existait naguère entre les Alsaciens et les viticulteurs. Véritable exemple à suivre, il montre qu’une culture traditionnelle et non chimique de la vigne peut exister, tout en améliorant le contact communautaire, en renouant avec les locaux.

     

    L’agriculture et l’exemple du chou à choucroute

     

    Le fléau de l’Alsace s’appelle le maïs. Sa culture encouragée par la PAC (politique agricole commune) contribue à la sécheresse, du fait que cette plante est très gourmande en eau, et nécessite une quantité monstrueuse d’intrants chimiques. Malgré ce grand bouleversement, quelques parcelles de blés sont cultivées par des paysans-boulangers, travaillant à faire renaître des variétés oubliées comme le blé rouge d’Altkirch, en agriculture biologique. Des champs plus petits, des variétés endémiques : hormis le tracteur, on pourrait se croire revenu en arrière de quelques siècles. Le reste n’a plus rien à voir avec l’agriculture d’antan, pratiquée durant des siècles en Alsace. Les céréales représentent 56 % de la surface agricole utile (SAU) en Alsace.

     

    Le chou échappe quelque peu à cette règle, car il en existe de nombreuses variétés, toutes intéressantes pour la production de choucroute. C’est aussi un légume très résistant, qui ne nécessite pas autant de « soins » que d’autres légumes. Et la choucroute est emblématique de l’Alsace ! Capitale autoproclamée de la choucroute, Krautergersheim tire son nom du légume même cultivé alentour, le Kraut/Krüt, qui signifie « chou » en alémanique. La production de choux s’étend effectivement sur 500 hectares à peine, principalement autour de ce village. La récolte s’étale de fin août à décembre selon les variétés, pour un rendement moyen de 80 tonnes à l’hectare en temps normal.

     

    Le domaine Bingert à Erstein travaille uniquement en agriculture biologique. Attentifs à leurs choux, Arsène et Alice Bingert agissent avec des solutions naturelles, cherchant un produit de qualité plus qu’un rendement toujours supérieur. Avec 40 tonnes à l’hectare seulement, ces pionniers du bio souhaitent s’inscrire dans une harmonie totale avec la Nature. Comme les autres producteurs de choux, bio ou non, ils réutilisent les déchets organiques pour enrichir la terre. La partie extérieure du chou n’est pas conservée pour la production de choucroute, pas plus que le trognon.

     

    Ces producteurs de choux maintiennent donc une tradition multiséculaire en Alsace, utilisant parfois des méthodes qui remontent au Moyen Âge, époque à laquelle la choucroute s’est imposée comme légume essentiel du régime alsacien. Et elle reste jusqu’à aujourd’hui, malgré tous les changements techniques et culturels, l’emblème de la région. Néanmoins la consommation alsacienne de choucroute diminuant, la pérennité de cette culture pourrait être en danger.

     

    L’élevage

     

    L’élevage se concentre dans les zones vallonnées ou montagneuses, c’est-à-dire à l’ouest de la région. On dénombre 2 410 exploitations bovines et une totalité de 160 000 têtes, soit en moyenne 66 animaux par ferme. Vaches à lait ou à viande, l’élevage a un avantage indiscutable : la pâture n’est pas labourée, des arbres parsèment parfois les prés, les haies sont toujours présentes. Pour la biodiversité et le maintien des paysages, la pâture est bien plus positive que l’agriculture.

     

    Grâce à une AOP (appellation d’origine protégée), le munster, fromage célèbre pour sa forte odeur, ne peut être produit qu’en Alsace et alentour, à partir de lait provenant exclusivement d’exploitations situées sur ce territoire. Cela favorise des circuits courts, et en définitive un modèle tout à fait traditionnel : le fermier élève et trait ses vaches avant d’en apporter le lait à un transformateur local, qui en fait du fromage pour le revendre principalement dans les environs (marchés, vente directe, grande distribution, épiceries fines…). On est proche des circuits courts qui existaient autrefois, lorsqu’on achetait son fromage aux paysans des alentours. La réintroduction des circuits courts, aujourd’hui à la mode, est à bien des égards un retour en arrière, avant l’époque du supermarché.

     

    Pour ce qui est de la vache à viande, nous pouvons suivre à Westhoffen les traces de Stéphane Laugel qui a repris l’exploitation de son père. Il travaille uniquement en circuit court, via un système d’Amap. Il vend à quelques Alsaciens, ainsi qu’à un restaurateur local, une fois tous les deux mois des colis de viande. Il élève ses vaches en plein air et, lorsqu’elles rentrent à l’étable, ne sont nourries qu’au foin. Pas de tourteau de soja ou de granules de maïs. Pas d’antibiotiques, pas d’hormones de croissance. Pas vraiment de différence marquante avec les éleveurs du Moyen Âge, si ce n’est le tracteur. Il pratique les mêmes gestes, ses enfants grandissent dans le même environnement fermier que lui et ses aïeux, et il perpétue en cela, peut-être sans le savoir, une immémoriale tradition qui se passe de père en fils. Faire paître les bêtes, les ramener à l’étable, surveiller mères et veaux, donner une brassée de foin, tout cela n’a guère changé depuis des siècles. C’est là toute la vitalité de la tradition, vécue presque sans le vouloir.

     

    Ce système lui permet de dégager un salaire correct, qu’il arrondit avec les fruits des arbres situés sur les pâtures : pommes, poires, mirabelles, cerises… Des merveilles de goût dont une soixantaine de familles des environs profitent. La situation dramatique des éleveurs français contraste avec la ferme Laugel. La solution : revenir à un élevage plus traditionnel et à des cultures diversifiées ? La tradition est souvent assimilée au bon sens paysan : nous en avons la preuve ici…

     

    Dans un prochain article, nous verrons la permanence de la tradition dans la transformation alimentaire en Alsace.

     

    Art de Vivre 3:  Permanence de la tradition en Alsace, voyage du champ à l’assiette

     

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    A la recherche des dieux celtes du Donon

     

    du site:  https://institut-iliade.com

     

    De la Préhistoire à l’Antiquité, le sommet a occupé un double rôle : place forte et lieu de culte. Lieu exceptionnel par ailleurs aisément défendable, le Donon se situe sur un axe de passage entre la vallée du Rhin et le plateau lorrain.

     

    « Tu trouveras plus dans les forêts que dans les livres. Les arbres et les rochers t’enseigneront les choses qu’aucun maître ne te dira. »
     
    Le mont Beuvray, une montagne occupée par un oppidum gaulois et recouverte par une forêt 
     
    Pays : France
    Région : Alsace, Vosges.
    A la recherche des dieux celtes du Donon
    Thématique générale du parcours : Partir à la découverte des sites gallo-romains et de leurs dieux au cœur des Vosges. Parcourir un massif, où les traces des combats de la Grande Guerre sont encore visibles en de nombreux endroits.

    Mode de déplacement : Se déplacer à pied est ici le plus adapté pour avancer dans les étroits sentiers et se faufiler dans les bunkers.

    Durée du parcours : La durée du parcours est adaptable. D’une demi-journée à une journée et demie en fonction des boucles choisies. Le parcours décrit ci-dessous s’accomplit en 7 à 8 heures de marche.

    Difficulté du parcours : Les quelques routes qui sillonnent le massif du Donon permettent de s’approcher des différents points remarquables en moins d’une heure de marche. Les chemins sont bien entretenus, une balade en famille est donc tout à fait possible. Pour ceux qui le souhaitent, il est également possible de partir du fond de la vallée de la Bruche, le dénivelé est alors plus conséquent (de 400 m à 1000 m d’altitude pour le Donon) et il faut savoir s’orienter parmi les innombrables sentiers qui se croisent.

    Un conseil : faites confiance au balisage du Club Vosgien, qui fait un travail remarquable dans ce massif.

     

    Période possible

     

    Toute l’année, voire plusieurs fois par an, tant l’atmosphère est différente selon la saison ! En hiver, renseignez-vous sur l’enneigement : des raquettes peuvent être utiles.

     

     

    Présentation géographique

    Le massif du Donon se situe au cœur des Vosges, en amont de la vallée de la Bruche, dans le département du Bas-Rhin. Le Donon, avec une altitude de 1008 mètres, est le point culminant des environs. Ici, bien que le terrain ne soit pas escarpé, il est difficile de trouver du plat ! À perte de vue se succèdent monts et vallées vosgiennes. Sur les sommets du Donon et du Petit Donon, on trouve une roche caractéristique de l’Alsace : le grès rose. Cette roche emblématique de la région est le témoin d’une chaîne de montagnes aujourd’hui disparue. Autour de ces sommets, ce sont les noirs sapins qui recouvrent le massif. Néanmoins, il est possible de traverser en certains endroits de grands chaumes, qui témoignent du temps où l’agriculture montagnarde se pratiquait encore. Ces zones, où les hautes herbes se mêlent aux bruyères, sont autant d’endroits où il fait bon profiter des rayons du soleil, qui ne percent jamais les épaisses sapinières.

     

    Histoire Ancienne 2:  A la recherche des dieux celtes du Donon

     

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