Un jardin, dixit Erik Orsenna, « c’est de la philosophie rendue visible ». Et délectable, pourrait ajouter le chef Armand Arnal. La philosophie potagère de cette toque horticole n’a rien mais vraiment rien d’une passade écolo qui met du vert aux fourneaux pour mieux attirer le gastro-gogo. Voilà dix ans que l’homme cultive son jardin : deux hectares de Camargue à l’orée d’une ancienne bergerie devenue le relais de bouche de La Chassagnette.

 

Chaque matin, il y récolte légumes, fruits, fleurs, herbes et aromates qui font le florilège de ses assiettes étoilées. Seules quelques dizaines de mètres séparent cet éden gastronomique des cuisines et des tables en bois de la tonnelle, lesquelles, le soir venu, s’étoilent de loupiotes de bal popu. « Dès que j’ai passé le premier ponton, je suis tombé amoureux du lieu », sourit celui qui, durant six années new-yorkaises, a connu l’effervescence de la Grosse Pomme et de la galaxie Ducasse, avant de se poser dans ce pays d’Arles et de cocagne pour y créer une cuisine au panier. Accompagné de quatre jardiniers, il y réinvente un rapport au temps, à la terre, au végétal.

 

Au rythme des saisons

 

Alimentation 3:  La Chassagnette, un potager et un chef étoilé


Le chef, Armand Arnal, sert sous la tonnelle à l’ombre des canisses.

Chaque intitulé des plats de ce chef buissonnier est une ode à une des deux cents variétés qui s’épanouissent dans ce biotope camarguais au rythme de poussées de sève saisonnières : tomates anciennes, poireaux crayon, courges spaghetti, herbes folles, mais aussi saveurs voyageuses découvertes au détour de ses pérégrinations et qui ont trouvé là terre d’adoption. Sa carte se lit comme un herbier égrenant, semaine après semaine, le fruit de ses récoltes cuisiné à l’instinct et sur l’instant. Car dans ses assiettes, c’est bien le jardin qui donne le « la ».

 

Les recettes du chef étoilé Armand Arnal

 

Miroir inversé de la cuisine classique, viandes et poissons viennent en garniture, voire en simple assaisonnement. Et quand ces nourritures animales s’invitent au festin, elles ne mentent pas sur leur origine : locale et racée. Agneau du berger d’à côté, canard des étangs, taureau des manades, poissons pris au filet des pêcheurs de Vaccarès… Et si le gluten a disparu de son pain, ce n’est pas, là encore, par effet de mode, mais parce que le riz de Camargue donne une farine à nulle autre pareille.

 

Carte écopotagère

 

Alimentation 3:  La Chassagnette, un potager et un chef étoilé


Grenadiers aux fruits rebondis, figuiers odorants, aubergines, piments et poivrons multicolores... Quelques 350 variétés de fruits, de légumes et d’herbes sont cultivées à la Chassagnette.

En un mot, ce chef durable - chez lui, fanes de betterave ou de navet, rien se perd - est capable de vous transformer trois racines piochées dans son potager en une montagne d’émotions, en un haïku légumier à tomber. Car, à l’instar des Cent Mille Milliards de poèmes, de Raymond Queneau, c’est à cent mille milliards d’expériences gustatives qu’il vous invite. Et ces agapes à la verve potagère vont, pour peu que l’on résiste à l’appel - naturel et local - de Bacchus, jusqu’à se mettre en accord avec des jus et des décoctions maison. Avec Armand Arnal, la gastronomie est définitivement dans le pré.