• Éphéméride du Jour 4: Guillaume le Bâtard conquiert l'Angleterre - 14 octobre 1066

     

    14 octobre 1066

    Guillaume le Bâtard conquiert l'Angleterre

     

     

    Le 14 octobre 1066, une petite armée féodale, à peine débarquée en Angleterre, bat les troupes du roi en titre. La victoire à Hastings du duc de Normandie Guillaume le Bâtardsur le roi Harold marque la naissance de l'Angleterre moderne.

    À noter qu'après le débarquement de Guillaume, toutes les tentatives ultérieures de conquête de l'Angleterre échoueront, dont celle de Louis, fils de Philippe Auguste, en 1215, celle de Philippe II et l'Invincible Armada en 1588 et celle de Napoléon en 1805.

    André Larané
     
    Bataille d'Hastings (1066) : l'infanterie saxonne fait front à la cavalerie normande sous une volée de flèches (tapisserie de Bayeux, droits réservés : Musée de Bayeux)

    Fils de Viking

    Le nouveau maître de l'Angleterre, Guillaume, est un robuste guerrier qui ne s'en laisse pas conter. Il descend d'un chef viking, Rollon.

    Cent cinquante ans plus tôt, par le traité de Saint-Clair-sur-Epte (911), Rollon a obtenu du roi carolingien de Francie occidentale, le faible Charles le Simple, le droit de s'établir à l'embouchure de la Seine, en échange du baptême et de l'hommage de vassalité.

    Le duc Rollon et ses Vikings étendent très vite leur domination à l'ensemble de la région, à laquelle ils donnent leur nom, Normandie («pays des hommes du Nord»). Ils adoptent dans le même temps les moeurs féodales et la langue de leur pays d'adoption, la France.  

    Guillaume, un bâtard formé à la dure

    L'un des successeurs de Rollon, le duc Robert 1er le Magnifique (ou Robert le Diable), est un homme à poigne qui ne s'en laisse pas conter. Deuxième fils du duc Richard II, on le soupçonne d'avoir fait empoisonner son frère Richard III. Contre ses vassaux rebelles et leur protecteur le duc Alain de Bretagne, il s'allie au roi capétien Henri 1er, ce qui lui vaut de recevoir le Vexin français. 

    Il a de nombreuses concubines mais sa préférée est la fille d'un tanneur de Falaise, Arlette, qui donne naissance au futur Guillaume le Conquérant vers 1027.

    Le 13 janvier 1035, le duc Robert, qui a décidé de faire un pèlerinage en Terre sainte, réunit tous ses vassaux à Caen et leur fait solennellement jurer fidélité à son fils Guillaume, alors âgé de sept ans ! Les barons prêtent serment, et comme Robert meurt sur le retour, à Nicée, le 22 juillet 1035, voilà son jeune fils bâtard duc de Normandie...

    Pendant plusieurs années, le duché sombre dans l'anarchie. Dans la presqu'île du Cotentin en particulier, des seigneurs normands, attachés à leurs anciennes traditions et au paganisme, prennent les armes contre le nouveau duc. Guillaume et ses partisans font appel au roi de France Henri 1er, leur suzerain.

    Avec une force de caractère remarquable, le jeune Guillaume rétablit son autorité. En 1047, il bat les insurgés au val-des-Dunes, près de Caen, et impose enfin par les armes sa domination sur l'ensemble de la Normandie. Il s'empare même de la province voisine du Maine. Enfin, avec le concours du clergé clunisien, il proclame la «paix de Dieu» sur ses terres. Sous sa férule, la Normandie ne tarde pas à devenir la principauté la mieux administrée d'Europe, l'une des plus paisibles et des plus riches.

    La cousine Mathilde, sa première conquête

    Mais Guillaume a plus de mal à conquérir les faveurs d'une bien-aimée cousine, Mathilde de Flandre, fille du comte Baudouin IV, qui hésite à convoler avec un bâtard. Il use de violence pour s'emparer de la jeune fille et il semble que celle-ci ne lui en ait pas longtemps tenu rigueur.

    Le duc, qui a gardé un mauvais souvenir de sa bâtardise et veut s'affirmer comme un grand seigneur chrétien, va avoir huit enfants avec sa chère Mathilde. On ne lui connaît qui plus est aucun bâtard ni aucune maîtresse ou amante de rencontre ! Il fait aussi suffisamment confiance à sa femme pour lui confier la régence du duché pendant ses campagnes militaires.

    Le pape Léon IX, toutefois, rechigne à agréer le mariage de Guillaume et Mathilde pour cause de cousinage et aussi par méfiance à l'égard des Normands de Sicile qui menacent sa sécurité. Après maintes tractations, le couple obtient de son successeur Nicolas V qu'il valide leur union. Il promet en contrepartie de construire deux abbayes à Caen. Dédiées la première à la Sainte Trinité, la deuxième à Saint Étienne, elles sont plus connues sous le nom d'abbaye aux Dames et d'abbaye aux Hommes. Mathilde et Guillaume prévoient de se faire inhumer dans le choeur de l'église de leur abbaye respective.

    Caen est une ville nouvelle créée par Guillaume lui-même près du littoral de la Manche et non loin de sa ville natale de Falaise pour remplacer Rouen comme capitale de son duché. Une cité fortifiée d'environ neuf hectares, l'une des plus grandes d'Europe, est bâtie sur un piton rocheux, avec les deux fameuses abbayes de part et d'autre. Caen va grandir très vite et devenir la véritable capitale de l'ensemble des possessions anglo-normandes.

    Un trône convoité

    Le destin de Guillaume et Mathilde bascule avec la mort du roi d'Angleterre Édouard le Confesseur, le 5 janvier 1066.

    Ce pieux roi avait fait voeu de chasteté et était mort sans descendance.

    Les seigneurs anglo-saxons, qui dominent l'île depuis les invasions barbares, lui cherchent un successeur. Ils élisent l'un des leurs, Harold Godwinsson (la succession héréditaire est encore une exception à cette époque).

    Mais le feu roi d'Angleterre avait de son vivant promis la couronne à beaucoup de prétendants, dont Guillaume, qui était son neveu. Or, Harold, suite à un naufrage sur la côte normande, s'était un jour retrouvé prisonnier du duc. Pour retrouver sa liberté, il avait juré qu'il défendrait le jour venu les droits de celui-ci à la couronne anglaise. Sans le savoir, il avait juré au-dessus d'un coffre rempli de saintes reliques, ce qui rendait son serment irrécusable, du point de vue des témoins normands.

    Guillaume le Bâtard conteste donc avec force l'élection de Harold comme roi d'Angleterre. Il plaide ses droits auprès des cours d'Europe. Le pape Alexandre II lui donne raison et, pour preuve de son appui, lui fait envoyer un étendard consacré et des reliques.

    Sans attendre, le duc lance la construction d'une flotte de débarquement à l'embouchure de la Dive, près de Cabourg. De là, la flotte (un millier de navires) se dirige vers Saint-Valéry-sur-Somme et attend les vents favorables.

    La bataille de Hastings

    Apprenant qu'Harold a dû se rendre vers le Nord de son royaume à la rencontre d'envahisseurs norvégiens, Guillaume quitte enfin la Normandie pour l'Angleterre avec quatre à six milliers d'hommes, y compris des mercenaires bretons, français et flamands, et de nombreux chevaux. Le duc débarque le 29 septembre 1066 sur la plage de Pevensey, là même où Jules César débarqua avec ses légions onze siècles plus tôt.

    Harold arrive à sa rencontre avec ses troupes, au total sept ou huit mille hommes. Il dispose d'une infanterie réputée, les Housecarls. Il s'agit de Danois armés d'une longue hache. Mais ceux-ci sortent fourbus de leur victoire sur les Norvégiens, à Stanfordbridge, le 25 septembre 1066. Le roi d'Angleterre attend l'assaut de Guillaume sur la colline de Senhac, dans les environs de Hastings.

    Le 14 octobre 1066, après un début de combat indécis, le duc de Normandie lance sa chevalerie (trois mille hommes) à l'assaut des lignes anglaises. Celles-ci résistent tant bien que mal aux chevaliers normands, pratiquement invincibles sur les champs de bataille.

    À la fin de la journée, Guillaume ordonne à ses archers d'abandonner le tir en cloche pour adopter le tir tendu. C'est ainsi qu'Harold est blessé à l'oeil par une flèche. Aussitôt, un groupe de chevaliers se ruent sur lui et l'achèvent. La mort du roi entraîne la dispersion de ses troupes et la victoire définitive de Guillaume.

    Sitôt après la victoire d'Hastings, le jour de Noël 1066, Guillaume est couronné roi d'Angleterre à l'abbaye de Westminster, à Londres, en présence d'un évêque anglais et d'un évêque normand. Les guerriers présents dans l'abbatiale lancent chacun des acclamations dans leur langue. À l'extérieur, les gardes normands, croyant à une bagarre, brûlent des maisons pour faire diversion. Toute l'assistance de l'église s'enfuit à l'exception des deux évêques et du duc, troublé, qui achèvent la cérémonie ! 

    Mathilde, qui n'a pu arriver à temps pour la cérémonie, est à son tour couronnée deux ans plus tard.

    La première bande dessinée de l'Histoire

    À Bayeux, en Normandie, on peut voir une célèbre broderie dite «tapisserie de la reine Mathilde», du nom de l'épouse de Guillaume. Elle raconte l'histoire de la Conquête sur 70 mètres de long et environ 50 centimètres de haut.

    Cette broderie a été commandée à des artisans saxons par l'évêque de Bayeux, Odon de Conteville, demi-frère du duc Guillaume, pour orner le choeur de sa cathédrale. C'est la première bande dessinée connue. Elle constitue un inestimable témoignage sur les moeurs et la mode vestimentaire de l'époque.

     

    Un réformateur hardi

    Le nouveau souverain a beaucoup de mal à imposer sa domination sur l'Angleterre, alors peuplée d'environ deux millions d'hommes de toutes origines : Celtes, Anglo-saxons, Danois, Normands... (l'Angleterre en compte aujourd'hui près de 60 millions).

    Il commence par construire une puissante forteresse sur les bords de la Tamise pour maintenir ses nouveaux sujets dans l'obéissance : l'actuelle Tour de Londres ! Il impose aussi une loi commune («Common Law») à l'ensemble de ses sujets.  Il lance la construction de cinq cents forteresses pour tenir le pays, divise celui-ci en comtés ou  «shires» et en confie l'administration à des officiers royaux ou «sheriffs»

    Guillaume ordonne par ailleurs un recensement des terres pour faciliter la collecte des impôts. Ce recensement, le premier du genre, est conservé dans un document célèbre, le «Doomsday Book»(en vieil anglais : le Livre du jugement dernier). Ce registre a été ainsi baptisé parce que l'on considérait qu'il était impossible de dissimuler quoi que ce soit aux enquêteurs... comme ce sera le cas au jour du Jugement dernier !

    Les conquérants normands, au nombre d'une dizaine de milliers seulement, se partagent les seigneuries anglaises. Ils éliminent la noblesse issue des précédents envahisseurs, les Angles et les Saxons, et ils introduisent leur langue d'adoption, le français. Unies et protégées par leur insularité, les différentes populations du royaume ne vont pas tarder à fusionner en un seul peuple.

    Amère vieillesse

    Le roi Guillaume (en anglais William) a une fin de vie difficile... Veuf et privé du soutien de Mathilde, la seule femme qu'il ait jamais aimée, il doit faire face à de multiples séditions, y compris celle de son fils aîné Robert Courteheuse. Celui-ci s'irrite que la couronne d'Angleterre ait été promise à son frère puîné, Guillaume le Roux (ou Guillaume Rufus), le préféré de Guillaume.

    Pressé de recueillir la Normandie et le Maine, ses héritages, Robert combat son propre père avec l'opportun concours du capétien Philippe 1er.

    C'est ainsi que Guillaume le Conquérant meurt en 1087, suite à une glissade de son cheval, en combattant le roi de France. Il est enterré dans la discrétion à Saint-Étienne de Caen, l'abbaye de son conseiller Lanfranc, un éminent théologien originaire d'Italie devenu après la conquête archevêque de Cantorbéry.

    Avec la fin de Guillaume débute une longue hostilité entre la France et l'Angleterre : pendant plus de 700 ans, les deux royaumes ne vont pratiquement jamais cesser de lutter l'un contre l'autre.

    Une succession agitée

    Guillaume est, après sa mort, surnommé le Conquérant mais lui-même refusait ce surnom car il se considérait comme l'héritier légitime de la couronne anglaise et non comme un usurpateur ou un conquérant.

    Sa descendance directe règne brièvement sur l'Angleterre.

    Le roi Guillaume II le Roux, encore célibataire, a du mal à s'imposer face aux barons. Après la mort de Lanfranc, il laisse vacant l'archevêché de Cantorbéry de même que maints autres sièges ecclésiastiques. Cela lui permet de s'en approprier les revenus. Face à la pression du clergé et du pape, il finit par nommer à la tête de l'archevêché un disciple de Lanfranc, l'abbé de Bec-Hallouin, Anselme, un saint homme plus tard canonisé. 

    Les relations entre l'archevêque et le roi se tendent très vite. Guillaume le Roux est tué le 2 août 1100 d'une flèche au cours d'une chasse, peut-être à l'instigation du troisième fils du Conquérant, Henri Beauclerc. Celui-ci devient roi d'Angleterre au nez et à la barbe de l'aîné, Robert Courteheuse, parti à la croisade.

    En 1106, le roi Henri Beauclerc trouve moyen d'enlever aussi à son frère le duché de Normandie. Mais il a le malheur de perdre ses propres fils dans le naufrage de la Blanche Nef, à la Noël 1120. À sa mort, le 1er décembre 1135, il lègue la couronne d'Angleterre à sa fille Mathilde mais elle est contestée par un cousin de celle-ci, Étienne de Blois. Il s'ensuit quinze ans d'anarchie avant qu'Étienne ne se résigne à désigner comme héritier le fils de Mathilde, Henri II Plantagenêt. Celui-ci ceint la couronne le 19 décembre 1154.

    Les îles britanniques : 2000 ans d'Histoire

     

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    Cette série de 9 cartes illustre 2000 ans d'Histoire...

    Elle nous mène de la conquête romaine à nos jours en passant par les invasions successives (Angles et Saxons, Danois, Normands) et les péripéties du dernier millénaire : guerres dynastiques, assaut espagnol et révolutions, unification de la Grande-Bretagne, crises irlandaises...

    Bibliographie

    Pour une approche de cette histoire, je ne saurais trop recommander le livre célèbre d'André Maurois, romancier français très anglophile : Histoire de l'Angleterre. C'est un excellent ouvrage de vulgarisation.

     

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