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    Mars : y a-t-il eu un lac dans le cratère Gusev ?

     

    Bien que le rover Spirit n’ait pas apporté de preuves suffisantes concluant à l’existence passée d’un lac au fond du grand cratère d’impact qu’il a arpenté durant six ans, une étude publiée dans la revue Geology relance le débat. Certains affleurements rocheux sur les collines Columbia témoigneraient d’inondations et d’assèchements successifs. Recouvertes de dépôts volcaniques, les sédiments sont en grande partie inaccessibles.

     

     
     

    Illustration du lac Gusev formé par l'inondation d'un cratère vaste de plus de 160 km de diamètre. © Nasa, JPL, Sci-News

    Illustration du lac Gusev formé par l'inondation d'un cratère vaste de plus de 160 km de diamètre. © Nasa, JPL, Sci-News

     
     

    Arrivé le 3 janvier 2004 dans le vaste cratère Gusev (166 km de diamètre, situé sur Mars à 14,5° de latitude sud), le rover Spirit et toute l’équipe scientifique derrière lui comptaient bien mettre au jour les preuves que ce bassin d’impact fut, jadis, un lac. Cependant, à travers son parcours de 7 km (Spirit est définitivement immobilisé depuis 2010) dans un environnement jonché de roches volcaniques, le rover a eu beaucoup de difficultés à apporter des indices tangibles, principalement parce qu’ils sont ensevelis sous une épaisse couche de cendres pyroclastiques (téphras, ou éjectas). Malgré tout, toujours dans l’espoir d’y trouver les éventuels sédiments d’un ancien lac, Spirit arpenta les collines Columbia, hautes de quelque 90 m et situées dans le delta du sud. Certes, les roches qui y affleurent ont révélé une activité hydrothermale d’origine volcanique, mais rien qui ressemble aux sédiments lacustres recherchés.

    Remise en question, l’existence d’un lac qui fut vraisemblablement alimenté par les eaux qui cheminaient le long de l’immense canyon de Ma'adim Vallis (800 km de longueur, jusqu’à 20 km de largeur et une profondeur qui atteint 2 km) vient d’être relancée par une équipe de chercheurs états-uniens. Publiée dans la revue spécialisée Geology (sous l’égide de la Geological Society of America, GSA), leur étude porte tout particulièrement sur un affleurement rocheux nommé Comanche. Riche en carbonates de magnésium et de fer, de nouvelles explications sont avancées pour son origine. « Nous avons examiné de plus près la composition et le contexte géologique de Comanche, ainsi que les affleurements voisins, raconte Steve Ruff qui a conduit cette nouvelle enquête. Il y a de bonnes preuves que les eaux à basse température en surface ont introduit les carbonates dans Comanche plutôt que les eaux plus chaudes des profondeurs. »

    Long de plus de 800 km, Ma’adim Vallis est l'un des plus grands canyons de Mars après le célèbre Valles Marineris. En haut, le canyon débouche sur le cratère Gusev (166 km de diamètre) où demeure le rover Spirit. Faute d'indices tangibles, l'existence d'un ancien lac reste à confirmer.
    Long de plus de 800 km, Ma’adim Vallis est l'un des plus grands canyons de Mars après le célèbre Valles Marineris. En haut, le canyon débouche sur le cratère Gusev (166 km de diamètre) où demeure le rover Spirit. Faute d'indices tangibles, l'existence d'un ancien lac reste à confirmer. © Nasa, JPL, USGS

     

    L’hypothèse d’un lac martien dans le cratère Gusev ressurgit

    Le professeur de l’université d’État de l’Arizona propose le scénario suivant : une éruption volcanique explosive dans la région aurait provoqué une crue qui, en se précipitant vers le cratère d’impact, aurait brisé ses remparts sud et envahi le bassin. L’eau serait restée ainsi « suffisamment longtemps pour modifier les éjectas de roches et produire des solutions salées ». Aussi, « lorsque ces saumures se sont évaporées, elles auraient laissé des résidus de minéraux carbonatés ». C’est en se remplissant puis se séchant plusieurs fois que des sites comme Comanche ou le voisin Algonquin se seraient enrichis en carbonates. Par chance, l’érosion éolienne les a lentement nettoyés de l’écorce d’éjectas qui les recouvrait.

    Si l’existence du lac Gusev se confirme, celui-ci daterait du Noachien (« âge de Noé »), une période qui débute avec la naissance de la planète, concomitante à celle de la Terre, et s’est achevée voici 3,5 ou 3,8 milliards d’années. Hélas, prisonnier des sables, Spirit ne peut plus poursuivre ses recherches, au contraire de son jumeau Opportunity. Ce dernier, en pleine forme et les panneaux solaires récemment nettoyés par les alizés, prospecte également dans un milieu autrefois en contact avec de l’eau.

     

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    Une astuce et Hubble pourra mesurer les distances d'étoiles plus lointaines

     

    L’un des découvreurs de l’énergie noire, le prix Nobel de physique Adam Riess, vient de donner un nouveau souffle à la méthode de la parallaxe en compagnie de son collègue Stefano Casertano. En utilisant Hubble de façon ingénieuse, les deux chercheurs ont étendu d’un facteur dix le domaine d'application de la méthode d’Hipparque pour évaluer les distances en astronomie.

     

     
     

    Une illustration d'artiste du bond que vient de faire la méthode de la parallaxe grâce à Hubble. Introduite en astronomie par Hipparque il y a plus de 2.000 ans, elle permet d'estimer la distance des astres dans le Système solaire et dans la Voie lactée. © Nasa, Esa, A. Feild

    Une illustration d'artiste du bond que vient de faire la méthode de la parallaxe grâce à Hubble. Introduite en astronomie par Hipparque il y a plus de 2.000 ans, elle permet d'estimer la distance des astres dans le Système solaire et dans la Voie lactée. © Nasa, Esa, A. Feild

     
     

    Comme l’explique Michel Serres dans le deuxième épisode de Tours du monde, tours du ciel, célèbre documentaire de la fin des années 1980, l’astronomie scientifique et la géométrie se sont étroitement développées l’une par l’autre dans les mains des savants Grecs de l’Antiquité. C’est le mathématicien et astronome Hipparque, peut-être le fondateur de la trigonométrie, qui a semble-t-il utilisé pour la première fois la méthode dite de la parallaxe pour mesurer les distances des planètes dans le Système solaire. Mais c’est Copernic qui le premier a eu l’idée de transposer la méthode à l’échelle des étoiles. Les tentatives en ce sens restèrent vaines jusqu’au début du XIXe siècle, lorsque Friedrich Bessel réussit enfin, en 1838, à mesurer la parallaxe de 61 Cygni.

    La méthode est simple : il suffit de mesurer le changement de position apparent d’une étoile sur la sphère céleste au cours de l’année. Comme on peut le voir sur le schéma ci-dessous, la simple mesure de l’angle p, la parallaxe, à deux positions sur l’orbite terrestre formant une base triangulaire, permet de connaître la distance de l’étoile à notre Système solaire, si l’on connaît la distance moyenne Terre-Soleil, la fameuse unité astronomique (UA).

     

    La méthode la parallaxe, illustrée ici, ne permettait pas de faire des mesures de distance précises au-delà de quelques centaines d'années-lumière. Hubble permet maintenant d'estimer des distances de plusieurs milliers d'années-lumière sans problème.

    La méthode la parallaxe, illustrée ici, ne permettait pas de faire des mesures de distance précises au-delà de quelques centaines d'années-lumière. Hubble permet maintenant d'estimer des distances de plusieurs milliers d'années-lumière sans problème. © Nasa, Esa, A. Feild

     

    La mesure des distances, une clé de l'astronomie

    Toutefois, cette méthode ne fonctionne bien que pour des étoiles relativement proches, comme Alpha du Centaure ou Tau Ceti. Elle devient de moins en moins précise avec la distance et de plus en plus difficile à mesurer, car p devient de plus en plus petit. Il existe en réalité toute une série de méthodes qui prennent le relais, en s’appuyant les unes sur les autres, au fur et à mesure que l’on sonde l’espace profond dans la Voie lactée et au-delà.

    Pour faire simple, la méthode de la parallaxe permet d’abord de calculer la distance des étoiles variables particulières que sont les céphéides. On peut relier la magnitude absolue de ces étoiles à la variation périodique de leur luminosité. En mesurant leur luminosité apparente, on peur en déduire leur distance. Avec la méthode de la parallaxe, on calibre la méthode de mesure des distances basée sur les céphéides, ce qui permet d’évaluer des distances dans toute la Voie lactée et au-delà. Pour les galaxies lointaines, les céphéides servent à leur tour à calibrer d’autres chandelles standard, comme on dit en astronomie. Ainsi, via ce que l’on appelle la loi de Tully-Fisher, il est possible de connaître la luminosité intrinsèque des galaxies spirales qui vont alors jouer dans le royaume des galaxies le même rôle que les céphéides. On peut se servir de cette loi pour calibrer des mesures de distance à l’échelle cosmologique au moyen des supernovae SN Ia.

    Comme l’incertitude sur la valeur exacte des distances peut croître, il est vital d’essayer d’augmenter autant que faire se peut la précision sur les estimations de distance pour assurer de bonnes bases à tout l’édifice de l’astrophysique et de la cosmologie.

     

    Quelques méthodes d'estimation des distances en astronomie sont présentées ici. Elles prennent appui les unes sur les autres. On commence par estimer avec un radar des distances de planètes dans le Système solaire. La taille de l'orbite terrestre permet alors d'appliquer la méthode de la parallaxe pour mesurer les distances de céphéides à quelques milliers d'années-lumière du Soleil. Les céphéides sont ensuite employées pour estimer les distances entre les galaxies jusqu'à environ une centaine de millions d'années-lumière. La loi de Tully-Fisher et les supernovae SN Ia prennent ensuite le relais pour des distances de l'ordre du milliard d'années-lumière.
    Quelques méthodes d'estimation des distances en astronomie sont présentées ici. Elles prennent appui les unes sur les autres. On commence par estimer avec un radar des distances de planètes dans le Système solaire. La taille de l'orbite terrestre permet alors d'appliquer la méthode de la parallaxe pour mesurer les distances de céphéides à quelques milliers d'années-lumière du Soleil. Les céphéides sont ensuite employées pour estimer les distances entre les galaxies jusqu'à environ une centaine de millions d'années-lumière. La loi de Tully-Fisher et les supernovae SN Ia prennent ensuite le relais pour des distances de l'ordre du milliard d'années-lumière. © Open University

     

    Les céphéides, éléments précieux pour la cosmologie

    Nul doute que l’un des astronomes les plus sensibilisés à cette nécessité d’avoir des mesures de distances de plus en plus précises est le prix Nobel de physique Adam Riess, l’un des codécouvreurs de l’expansion accélérée de l’univers sous l’effet de la mystérieuse énergie noire. Le chercheur vient de publier un article sur arxiv avec ses collègues dans lequel les astronomes exposent les résultats d’une nouvelle méthode pour mesurer la parallaxe des étoiles dans la Voie lactée. Plus de 2.000 ans après son application par Hipparque, la méthode de la parallaxe était jusqu’ici limitée en efficacité aux étoiles distantes de quelques centaines d’années-lumière. Mais en utilisant de façon ingénieuse la Wide Field Camera 3 de Hubble, les astronomes viennent d’étendre sa portée à plusieurs milliers d’années-lumière. Ils ont pu mesurer la distance d’une céphéide à environ 7.500 années-lumière du Soleil, SY Aurigae dans la constellation du Cocher.

    Au lieu d’empiler les images de la céphéide prises à six mois d’intervalle, lorsque la Terre était en des positions opposées de part et d’autre du Soleil, Riess et ses collègues ont enregistréà chaque fois le mouvement de l’étoile avec la Wide Field Camera 3, ce qui donnait des segments de droite. Ces segments permettaient d’avoir plus facilement accès à un subtil décalage de position causé par la parallaxe de l’étoile. En traitant correctement les images obtenues, il devenait possible de faire des mesures de position avec une précision de l’ordre du millième de la taille d’un pixel de ces images.

    Dans les années à venir, 18 autres céphéides vont être étudiées. Les mesures obtenues devraient permettre d'améliorer la méthode d'évaluation des distances dans l'univers basée sur ces étoiles et donc, au bout du compte, toutes les méthodes permettant de sonder l'univers profond. Il sera alors peut-être possible de mieux comprendre la nature de l'énergie noire.

     

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    La surface des trous noirs ressemblerait parfois à une fractale

     

    En explorant une mystérieuse connexion mathématique entre les équations décrivant la physique des fluides turbulents et celle décrivant la courbure de l'espace-temps, un groupe de chercheurs du MIT a fait une découverte fascinante. La surface d'un trou noir absorbant un objet matériel se déformerait à tel point qu'elle deviendrait une fractale.

     
     

    La révolution des ordinateurs a permis d'explorer le contenu de travaux portant sur les équations différentielles et l'analyse complexe du début du XXe siècle. D'étonnantes figures géométriques sont alors apparues, comme celle que l'on voit sur cette image, et qui découle des travaux du mathématicien Benoît Mandelbrot. Il les a baptisées fractales. On les retrouve dans des domaines inattendus en physique. Aujourd'hui, c'est en relativité générale avec la physique de l'horizon des trous noirs. © Wikipédia, cc by sa 3.0

    La révolution des ordinateurs a permis d'explorer le contenu de travaux portant sur les équations différentielles et l'analyse complexe du début du XXe siècle. D'étonnantes figures géométriques sont alors apparues, comme celle que l'on voit sur cette image, et qui découle des travaux du mathématicien Benoît Mandelbrot. Il les a baptisées fractales. On les retrouve dans des domaines inattendus en physique. Aujourd'hui, c'est en relativité générale avec la physique de l'horizon des trous noirs. © Wikipédia, cc by sa 3.0

     
     
     

    On se souvient de l’agitation médiatique déclenchée par Stephen Hawking il y a quelques mois lorsqu’il semblait remettre en cause l’existence des trous noirs. Pour ses collègues, il en était autrement, car l’article publié par Hawking était particulièrement vague et aucunement étayé par des calculs. Ce qui semblait parfaitement clair en revanche, c’est que le physicien ne rejetait pas en bloc tous les travaux sur les trous noirs et en particulier dans le domaine de l’astrophysique. L’ancien titulaire de la fameuse chaire de professeur lucasien de l'université de Cambridge (en anglais Lucasian Chair of Mathematics) proposait simplement de modifier légèrement la théorie des trous noirs pour résoudre un problème épineux en rapport avec le paradoxe de l’information, problème rencontré dans le cadre des théories quantiques de la gravitation en chantier.

    En fait, Hawking suggérait visiblement d’explorer une voie déjà ouverte il y a des décennies, notamment par John Wheeler et Thibault Damour, et qui consiste à rapprocher le comportement d’un trou noir de celui d’un fluide turbulent. Par exemple, on s’est aperçu au cours des années 1970 que le comportement de l’horizon d’un trou noir, et finalement le trou noir lui-même, pouvait être décrit sous la forme d’une bulle de fluide visqueuse, une membrane fermée douée de propriétés thermodynamiques et électromagnétiques. Thibault Damour a ainsi découvert une sorte d’équation de Navier-Stokes pour la surface d’un trou noir. Or, on sait que les scientifiques se servent d’une équation mathématiquement similaire pour décrire le comportement des fluides turbulents.

     

    L'horizon d'un trou noir, membrane fluide et dissipative

     

    Une autre connexion entre physique des trous noirs et physique des fluides turbulents a émergé de façon inattendue d’abord pendant les années 1990, et surtout dans les années 2000. Tout a commencé avec la célèbre correspondance AdS-CFT de Maldacena. Elle établit une sorte de dictionnaire entre une théorie quantique des champs ressemblant à la chromodynamique quantique (QCD), une théorie des champs de Yang-Mills des forces nucléaires fortes, et la théorie des cordes.

     

    Ce dictionnaire reliant une théorie dans un espace-temps plat à quatre dimensions à celle de la théorie des cordes dans un espace-temps courbe à dix dimensions ayant la géométrie d’un espace-temps dit anti-de Sitter (AdS), on a rapproché la correspondance de Maldacena de la physique des hologrammes. À la fin des années 1990, on a découvert que ce dictionnaire établissait un pont entre la physique d’un trou noir s’évaporant dans l’espace AdS et le comportement d’un fluide ressemblant au plasma de quarks et de gluon de la QCD. En creusant pour mieux comprendre cette correspondance, on en a finalement découvert une autre reliant les solutions des équations d’Einstein, comme celle décrivant des trous noirs, et les solutions des équations de Navier-Stokes pour les fluides. Il s’agit de ce que l’on appelle désormais la correspondance fluide-gravité.


    Un voyage au pays de Mandelbrot. Il s'agit de structures fractales que l'on peut générer facilement avec des ordinateurs à partir de règles mathématiques simples. On remarque un emboîtement de structures qui se répètent à toutes les échelles au fur et à mesure que l'on effectue un zoom sur ces structures géométriques. Dans un fluide turbulent, un emboîtement similaire avec les tourbillons peut exister. © MichaelHoggUK, YouTube

     

    Un groupe de physiciens du Massachusetts Institute of Technology (MIT) aux États-Unis vient de publier sur arxiv un article dans lequel ils sont arrivés à la conclusion que l’horizon d’un trou noir devait effectivement se comporter comme un fluide turbulent selon la correspondance fluide-gravité. Le phénomène se produirait lorsqu’un trou noir absorbe un objet, et donc modifie l’état de son horizon en réponse à sa capture. On sait depuis longtemps par exemple que l’horizon d’un trou noir sans rotation à l’équilibre doit être parfaitement sphérique, mais qu’il se déforme lorsqu’il avale uneétoile ou tout autre corps matériel. L’horizon se met alors à vibrer à la façon d’une cloche qui résonne en émettant des ondes gravitationnelles jusqu’à ce qu’il redevienne lisse et sphérique.

     

    Horizon fractal de dimension fractionnaire

     

    Dans le cas étudié par les chercheurs, le même phénomène doit se produire. Ils ont donc étudié le comportement d’un fluide turbulent en relation avec l’état de l’horizon d’un trou noir perturbé par l’absorption d’un corps matériel. Il se trouve que la description de la turbulence dans un fluide fait intervenir des structures que l’on retrouve dans la théorie des fractales du mathématicien Benoît Mandelbrot. Les chercheurs du MIT ont découvert des indications convaincantes qui laissent penser que ce caractère fractal d’un fluide turbulent se retrouve dans la géométrie de l’horizon perturbé d’un trou noir. Le résultat le plus spectaculaire qu'ils ont mis en évidence est que la dimension de l'horizon du trou noir n'est alors plus donnée par un nombre entier, mais par une fraction.

     

    Si les chercheurs ont raison, on peut penser qu’une nouvelle fenêtre sur les propriétés des trous noirs est en train de s’ouvrir en utilisant la fameuse géométrie fractale de la nature, selon les mots de Mandelbrot. Si l’horizon d’un trou noir se comporte bien comme un fluide turbulent avec une structure fractale, cela a sûrement d’intéressantes implications pour mieux comprendre l’entropie des trous noirs et le paradoxe de l’information. Voilà peut-être de quoi reconsidérer la pertinence des déclarations de Stephen Hawking en début d'année.

     

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    Ganymède posséderait un sandwich de glaces et d'océans en profondeur

     

    Selon un modèle développé en laboratoire, la structure interne de la plus grosse lune du Système solaire, Ganymède, serait plus complexe qu’escompté. Il y aurait ainsi un empilement de couches d’océans liquides et d’épaisseurs de glace, évoquant un immense club sandwich. Ces couches seraient de plus en plus denses et compactées au fur et à mesure que l’on s’enfonce dans les profondeurs. Pour les chercheurs, les couches d’eau salée en contact avec le noyau rocheux constituent un milieu potentiellement favorable à l’apparition de la vie.

     

     

    La structure intérieure de Ganymède (plus grand que la Lune, Moon, et Mercure, Mercury) proposée par un nouveau modèle développé en laboratoire. Intercalés entre les couches de glace (Ice I, Ice III snow, Ice V, Ice VI), toujours plus denses et plus salés à mesure qu’on s’enfonce (more saline with depth), des océans d’eau liquide (liquid ocean layers) pourraient exister. Le plus profond, comprimé entre une couche de glace très dense et un sol rocheux, représente pour les astrobiologistes un milieu favorable à l’apparition de la vie, à l’image de ce qui a pu se produire sur Terre voici 3,8 milliards d’années. © Nasa, JPL-Caltech

    La structure intérieure de Ganymède (plus grand que la Lune,Moon, et Mercure, Mercury) proposée par un nouveau modèle développé en laboratoire. Intercalés entre les couches de glace (Ice IIce III snowIce VIce VI), toujours plus denses et plus salés à mesure qu’on s’enfonce (more saline with depth), des océans d’eau liquide (liquid ocean layers) pourraient exister. Le plus profond, comprimé entre une couche de glace très dense et un sol rocheux, représente pour les astrobiologistes un milieu favorable à l’apparition de la vie, à l’image de ce qui a pu se produire sur Terre voici 3,8 milliards d’années. © Nasa, JPL-Caltech

     
     

    Dans notre Système solaire, la Terre n’est pas le seul endroit habitable. En effet, selon les enquêtes de terrain opérées par le rover Curiosity, Mars la Rouge a pu l’être voici plusieurs milliards d’années. Quant au présent, citons les satellites naturels Titan et Encelade (autour de Saturne) ainsi qu’Europe, Callisto et Ganymède (autour de Jupiter), tous considérés par les astronomes et les exobiologistes comme autant de milieux favorables. Cependant, en attendant de pouvoir explorer les profondeurs de ces mondes gelés, les chercheurs travaillent sur des modélisations en laboratoire afin de mieux comprendre la structure interne de chacun. Ganymède, le plus gros de tous, apparaît particulièrement complexe, ainsi que le révèle une étude récemment publiée dans la revue Planetary and Space Science.

     

    Plus grand que Mercure et gravitant autour de Jupiter, Ganymède (5.268 km de diamètre) est la plus grosse lune du Système solaire. Sa surface de glace et de roches (silicates) mêlées, rayée et émaillée d’une pléthore de jeunes cratères d’impact, pourrait cacher en réalité un impressionnant empilement d’eau liquide et solide jusqu’au plancher rocheux. « L’océan de Ganymède pourrait être organisé comme un véritable sandwich Dagwood », déclarait à ce propos Steve Vance, spécialiste des mondes glacés au Jet Propulsion Laboratory. L’astrobiologiste fait ici référence à la bande dessinée Blondie où apparaissent de gigantesques sandwichs multicouches… Un millefeuille ferait aussi bien l’affaire.

     

    En assemblant les images de Ganymède, plus gros satellite naturel de Jupiter, recueillies par les sondes spatiales Voyager 1 et 2 avec celles collectées par Galileo (qui explora Jupiter dans les années 1990), des chercheurs ont élaboré la carte géologique la plus précise riche en informations sur sa surface.
    En assemblant les images de Ganymède, plus gros satellite naturel de Jupiter, recueillies par les sondes spatiales Voyager 1 et 2 avec celles collectées par Galileo (qui explora Jupiter dans les années 1990), des chercheurs ont élaboré la carte géologique la plus précise riche en informations sur sa surface. © USGS Astrogeology Science Center, Wheaton, Nasa, JPL-Caltech

     

    Dans l’étude menée en laboratoire, le chercheur et ses collègues ont constaté que contrairement à ce que de précédents modèles postulaient, le taux de sels dans une eau liquide peut accroître significativement sa densité dans les conditions qui règnent à l’intérieur. Aussi, renfermant 25 fois le volume d’eau de la Terre, le satellite galiléen (découvert par Galilée le 11 janvier 1610) se composerait-il de plusieurs océans intercalés d’épaisses couches de glace. Selon l’étage, celles-ci auraient des densités de plus en plus importantes à mesure que l’on s’enfonce vers le noyau. Qualifiée de glace de niveau I, la première couche est donc la plus légère et flotterait au-dessus de l’eau, comme c’est le cas sur notre planète. Pour les suivantes, la pression les ferait littéralement couler. La plus lourde de toutes est notée glace de niveau VI.

     

    Profondeurs océaniques favorables à la vie sur Ganymède

     

    Certes plus complexe, ce modèle rompt avec le précédent qui représentait un océan prisonnier entre (seulement) deux couches de glace. Avec cette nouvelle configuration, il apparaît qu’un important volume d’eau liquide peut être en contact avec le manteau rocheux, lequel, rappelons-le, enveloppe un noyau ferreux liquide (Ganymède est la seule lune connue à posséder un champ magnétique). Des conditions qui retiennent l’attention des chercheurs, car beaucoup soupçonnent qu’elles sont favorables à l’émergence de la vie, à l’instar de ce qui a pu se passer sur Terre il y a environ 3,8 milliards d’années. « Notre compréhension de la façon dont la vie est née sur Terre implique l’interaction entre l’eau et la roche, résume Steve Vance. Cette étude fournit une forte possibilité pour que ces types d’interactions aient lieu sur Ganymède. » Cependant, « nous ne savons pas combien de temps cette structure en sandwich peut exister », remarque Christophe Sotin, autre membre de l’équipe, qui s’interroge sur sa stabilité.

     

    In extenso, ces recherches peuvent s’appliquer à la compréhension des exoplanètes lointaines, superterres (certaines pourraient être des planètes océans) ou exolunes, que l’on découvre toujours plus nombreuses et diversifiées. Il ne nous reste plus qu’à patienter l’arrivée en 2030 de la sonde spatiale Juice (Jupiter Icy Moon Explorer), dont la mission sera d’enquêter sur les trois grandes lunes de Jupiter chargées de glace d’eau, respectivement Europe, Ganymède et Callisto.

     

    Signalons également que la Nasa a récemment lancé un appel à idées pour la réalisation d’une mission vers Europe dont le coût, hors véhicule d’exploration, serait inférieur à un milliard de dollars. « Europe est un des sites les plus intéressants pour la recherche de la vie ailleurs que sur Terre », explique John Grunsfeld, administrateur adjoint au bureau des missions scientifiques de la Nasa à Washington. « Le défi d’explorer Europe n’est pas seulement stimulant pour son intérêt scientifique, mais aussi pour l’ingéniosité de ses ingénieurs et les concepts innovants de ses scientifiques. »

     

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    Les trous de ver, de nouveau un espoir pour des voyages interstellaires ?

     

    Selon le physicien Luke Butcher de l'université de Cambridge (Royaume-Uni), si l'on parvenait à créer un trou de ver macroscopique, il générerait de lui-même un effet Casimir capable de le maintenir ouvert pendant une longue période avant de se refermer. Ce n'est probablement pas le dernier rebondissement d'un débat qui dure depuis la fin des années 1980 sur la possibilité du voyage interstellaire à l'aide d'un trou de ver.

     

     
     

    Une représentation d'un trou de ver qui serait traversable contrairement à un pont d'Einstein-Rosen. Une telle déformation de l'espace-temps connectant deux régions permettrait, en théorie, de voyager en n'importe quel point de l'espace et du temps instantanément ou presque. © Wikipédia, CC by 3.0

    Une représentation d'un trou de ver qui serait traversable contrairement à un pont d'Einstein-Rosen. Une telle déformation de l'espace-temps connectant deux régions permettrait, en théorie, de voyager en n'importe quel point de l'espace et du temps instantanément ou presque. © Wikipédia, CC by 3.0

     
     
     

    La théorie des trous de ver, sortes de ponts entre deux régions différentes de l’espace-temps au sein d'un même univers ou entre deux univers, a focalisé l’attention de nombreux physiciens de premier plan à la fin des années 1980 et au début des années 1990. Stephen Hawking et ses collègues avaient alors obtenu des résultats remarquables sur la physique quantique des trous noirs en développant la gravitation quantique euclidienne. Il s’agissait d’une tentative pour combiner les lois de la relativité générale avec celles de la théorie quantique, un travail fortement inspiré et motivé par les succès remportés par la théorie quantique des champs de Yang-Mills, l’épine dorsale du modèle standard en physique des particules.

     

    En 1987, fort de ces résultats et inspiré par la possibilité de résoudre avec la théorie de trou de ver de John Wheeler le paradoxe de l’information qu’il avait découvert avec les trous noirs, Stephen Hawking s’est mis à étudier l’impact de ces trous de ver en régime quantique sur le reste de la physique. Il en déduisit que le boson de Higgs devait soit être inobservable soit composite.

     


    Interstellar est un film de science-fiction écrit, produit et réalisé par Christopher Nolan, dont la sortie est prévue fin 2014. Le grand spécialiste de l'astrophysique relativiste, Kip Thorne, s'est impliqué dans ce film qui devrait donc être particulièrement réaliste. © Warner Bros. France

    Trou ver et énergie du vide quantique

    Sydney Colman et Leonard Susskind lui ont emboîté le pas en étudiant avec les trous de ver le problème de la valeur de l’énergie du vide quantique, c'est-à-dire celui de la valeur de la constante cosmologique. Il s’agissait toujours de comprendre pourquoi les calculs issus de la théorie quantique des champs étaient si fantastiquement en désaccord avec la valeur observée que l’on considérait comme probablement nulle à l’époque. Nous savons aujourd’hui qu’elle ne l’est pas, grâce à la découverte de l’énergie noire, mais le problème subsiste presque en l’état.

     

    L'événement qui a le plus contribué à placer sur le devant de la scène la théorie des trous de ver est la publication d'un article par Kip Thorne et ses collègues en 1988. Les chercheurs y montraient que les équations de la théorie de la relativité générale contenait une solution décrivant un trou de ver macroscopique traversable maintenu ouvert par la présence d’un état du vide quantique analogue à celui que l’on peut induire par l’effet Casimir. Les solutions que l’on connaissaient auparavant, comme le trou de ver d’Einstein-Rosen, une sorte de goulot connectant deux feuillets d’espace-temps, contenaient en leur centre une singularité détruisant les voyageurs qui auraient eu l’imprudence d'y pénétrer. En clair, les lois de la physique semblaient autoriser les voyages dans le temps et dans l’espace de la science-fiction, comme dans 2001, l’Odyssée de l’espace d’Arthur Clarke ouContact de Carl Sagan.

     

    Les champs scalaires, l'effet Casimir et les trous de ver

    Depuis lors, l’effervescence autour des trous de ver a largement cessé et les articles se répondent d’année en année pour expliquer pourquoi les trous de ver censément traversables ne le sont pas vraiment... avant que cette conclusion ne soit à nouveau contredite par une nouvelle contribution d’un physicien. À cet égard, l’article récemment mis en ligne sur arxiv par Luke Butcher en poste à l’université de Cambridge, là ou Michael Green a succédé à Stephen Hawking, ne fait pas exception. Mais comme le dit l’un des spécialistes les plus réputés de la théorie des trous de ver, Matt Visser, ce travail pourrait redonner un second souffle à cette théorie fascinante.

     

    Butcher est parti de l’existence dans l’univers d’un champ scalaire macroscopique. On sait qu’il en existe au moins un, celui du boson de Brout-Englert-Higgs. Mais il pourrait en exister bien d’autres comme celui de l’inflaton si les résultats de Bicep2 devaient être confirmés par Planck ou une autre expérience. On peut aussi penser à celui des particules caméléons et plus généralement à tous les champs scalaires postulés pour rendre compte de l’énergie noire ou de l’unification des forces.

     

    Selon les calculs du chercheurs, si la taille de l’ouverture d’un trou de ver est plus petite que sa longueur, point ne serait besoin de l’alimenter en énergie exotique négative pour le maintenir ouvert. Des problèmes graves surgissent en effet avec la théorie des trous de ver traversables. Il faudrait tout d'abord disposer des quantités d’énergie exotique faramineuses pour les ouvrir et les empêcher de se refermer. Enfin, ils sont probablement tellement instables qu’ils s'évanouiraient avant même que l’on puisse les traverser. Mais selon Butcher, si on arrivait à ouvrir un trou de ver, un champ scalaire le rendrait automatiquement suffisamment stable en générant un effet Casimir au moins pendant le temps nécessaire pour pouvoir envoyer à travers lui une impulsion lumineuse passant par le centre de son ouverture.

     

    Des trous de ver fossiles ?

    Le physicien incite tout de même à la prudence. Il ne sait pas encore vraiment si des objets plus gros qu’un simple paquet de photons pourraient voyager sans risque à travers le trou de ver. En tout état de cause, la possibilité de pouvoir, peut-être, envoyer des informations dans le passé avec des ondes lumineuses ne peut manquer de poser les problèmes de causalité bien connus, symbolisés par le paradoxe du grand-père.

     

    Toutefois, sans parler de voyage dans le temps, les lois de la physique autorisent peut-être de simples voyages dans l’espace et on peut imaginer qu’il existe dans l’univers des trous de ver fossiles créés pendant les phases très primordiales de l’histoire du cosmos. Certains pensent qu’il pourrait s’agir de certains quasars et on se prépare à vérifier ces hypothèses avec RadioAstron. En tout état de cause, on ne sait toujours pas comment ouvrir un trou de ver. Le voyage interstellaire par ce moyen reste encore hors de portée.

     

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