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    L'illusion d'un fantôme mise à jour

    en laboratoire

     

     

    La sensation d’une présence invisible a été reproduite dans le cadre d’une expérience scientifique. Cette impression émanerait d’une altération des signaux cérébraux dits sensimoteurs. Cette meilleure compréhension du phénomène ouvre des pistes de soin aux patients atteints de troubles neurologiques ou psychiatriques et souffrants de ce genre d’expérience.

     

     

     
     

    On appelle fantôme une apparition, une vision ou une illusion interprétée comme la manifestation surnaturelle d'une personne décédée. Les fantômes sont également appelés revenants, spectres, poltergeist pour « esprit frappeur » ou, plus rarement, ombres. © Le buveur d'absinthe (1901) par Viktor Oliva

    On appelle fantôme une apparition, une vision ou une illusion interprétée comme la manifestation surnaturelle d'une personne décédée. Les fantômes sont également appelés revenants, spectres, poltergeist pour « esprit frappeur » ou, plus rarement, ombres. © Le buveur d'absinthe (1901) par Viktor Oliva

     
     
     

    L’expérience fantomatique est passée au crible des scientifiques. Et rationalisée. Des chercheurs de l’École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), en Suisse, ont effectivement réussi à recréer en laboratoire la sensation d’une présence invisible sur une douzaine de volontaires.

     

    Ces derniers sont invités, yeux bandés, à mouvoir devant eux leur index encapsulé dans un manchon relié à un robot. L’ordinateur reproduit tout d’abord à l’identique les gestes du sujet humain de telle sorte qu’un bras informatique lui touche le dos de façon synchrone. La sensation ressentie ? Se toucher soi-même dans le dos... « Pour le cerveau, il y a un conflit spatial », analyse Olaf Blanke, directeur du centre de neuroprothèses de l’EPFL et auteur principal de l’article paru dans Current Biology. « Un mouvement effectué devant soi ne doit pas se traduire par une sensation dans le dos. Mais ce conflit, il le résout. »

     

    Dans un second temps, les mouvements reproduits artificiellement sont légèrement désynchronisés de sorte que le dos du sujet est titillé avec une demi-seconde de retard par rapport à sa propre gestuelle. Cette fois, plusieurs témoignent d’une impression d’être touchées par une ou plusieurs autres personnes, à des degrés divers de gène, allant jusqu’à demander l’arrêt de l’expérience. Rapidement, ils ne ressentent alors plus rien d’étrange.

     

    Le thème des morts revenant hanter les vivants est aussi ancien qu’universel. Le bâ égyptien (âme) représenté avec un corps d’oiseaux possède la faculté de continuer à vivre sur Terre et de faire souffrir ceux qui ont commis le mal envers le défunt. © The Egyptian Book of the Dead : The Book of Going Forth by Day par James Wasserman et al.
    Le thème des morts revenant hanter les vivants est aussi ancien qu’universel. Le bâ égyptien (âme) représenté avec un corps d’oiseaux possède la faculté de continuer à vivre sur Terre et de faire souffrir ceux qui ont commis le mal envers le défunt. © The Egyptian Book of the Dead : The Book of Going Forth by Day par James Wasserman et al.

     

    La technique robotique pourrait soulager des malades

     

    Pour les chercheurs, ces résultats s’expliquent par une perturbation du mécanisme de perceptionspatio-temporelle des individus. Elle génère alors une difficulté à conjuguer différents sens pour établir une perception cohérente et unitaire de leur propre corps.

     

    En effet, le cerveau possède plusieurs représentations du corps humain. En temps normal, il les rassemble en une perception unitaire de chaque individu. Mais en cas de dysfonctionnement, « une deuxième représentation de notre corps est parfois induite et n’est pas ressentie comme "moi" mais comme autrui, comme une présence », explique Giulio Rognini, coauteur de l’étude et chercheur en neurosciences cognitives à l’EPFL.

     

    Pour savoir quelles parties du cerveau fonctionnent mal, les chercheurs se sont penchés sur celui de douze épileptiques. Ces patients ont le profil, avec ceux atteints de schizophrénie ou de fortes migraines, pour vivre de telles expériences fantomatiques. L’imagerie à résonance magnétique a montré des lésions encéphaliques dans trois régions impliquées dans la conscience de soi, le mouvement et la position, à savoir les cortex insulaire, pariéto-frontal et temporo-pariétal. Ces lésions pourraient donc être responsables de ce type d’illusion. Les chercheurs envisagent à présent d’adapter leur robot chatouilleur pour aider ces patients à se libérer de sensations de présence en corrigeant certaines discordances qu’ils subiraient.

     

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    de la revue La Semaine

     

    Médecine: Un cerveau en 3D et en très haute définition

     

    Médecine: Un cerveau en 3D et en très haute définition

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    Le virus Zika, nouvelle menace véhiculée par le moustique-tigre ?

     

    Après la dengue et le chikungunya, faut-il craindre un troisième arbovirus, nommé Zika ? Si on le pensait rare mais émergent, à l’origine de seulement deux épidémies dans le Pacifique depuis 2007, une étude révèle qu’il pourrait être bien plus courant. La preuve au Gabon en 2007, où ce qu’on croyait être une épidémie concomitante de dengue et de chikungunya était en réalité complétée par tout autant de cas de fièvre Zika. Pas étonnant puisque les trois maladies partagent le même vecteur, le moustique-tigre, qui progressivement s’installe en France.

      

     
     

    Le moustique-tigre Aedes albopictus est déjà connu pour être le vecteur de deux arbovirus, entraînant la dengue et le chikungunya. À ceux-ci il faut en ajouter un troisième, le virus Zika, plus fréquent qu’on ne le pensait jusque-là. © James Gathany, CDC, DP

    Le moustique-tigre Aedes albopictus est déjà connu pour être le vecteur de deux arbovirus, entraînant la dengue et le chikungunya. À ceux-ci il faut en ajouter un troisième, le virus Zika, plus fréquent qu’on ne le pensait jusque-là. © James Gathany, CDC, DP

     
     
     

    Dans le groupe des virus de la dengue et du chikungunya, un nouveau venu commence à faire parler de lui. Originaire lui aussi d’Afrique, Zika a été isolé chez l’Homme dans les années 1960. Il y a quelques années encore, seuls quelques cas humains avaient été rapportés. Il faut attendre 2007 pour que le virus révèle sa capacité épidémique, avec 5.000 cas en Micronésie, dans le Pacifique, puis surtout, fin 2013 en Polynésie, où 55.000 personnes ont été touchées. À la lumière de ces récents événements, des chercheurs de l’IRDet du CIRMF au Gabon se sont repenchés sur l’épidémie concomitante dedengue et de chikungunya survenue en 2007 dans la capitale Libreville et qui a affecté 20.000 personnes. Présentant quasiment les mêmes symptômes que ses deux redoutés cousins, Zika est-il passé inaperçu aux yeux des scientifiques ?

     

     

    Pour lever ce doute, les chercheurs ont analysé une seconde fois les échantillons sanguins prélevés il y a sept ans chez les malades. Les résultats parus dans Plos Neglected Tropical Diseases révèlent que de nombreux cas étaient dus au virus Zika. Les habitants de Libreville ont été infectés par lui avec la même fréquence que par les virus de la dengue ou du chikungunya. La capitale a donc en réalité connu en 2007 une épidémie concomitante de dengue, de chikungunya et de Zika. Par ailleurs, l’analyse de l’arbrephylogénétique des virus Zika détectés à Libreville confirme qu’il s’agit d’une souche appartenant à la lignée africaine ancienne. En d’autres termes, cette dernière se révèle plus virulente que prévu.

     

    Le virus Zika est souvent asymptomatique, mais entraîne parfois quelques lésions, comme des éruptions cutanées. Néanmoins, sur les cas avérés, aucun n’a nécessité une hospitalisation, et la maladie a reculé d’elle-même en quelques jours.
    Le virus Zika est souvent asymptomatique, mais entraîne parfois quelques lésions, comme des éruptions cutanées. Néanmoins, sur les cas avérés, aucun n’a nécessité une hospitalisation, et la maladie a reculé d’elle-même en quelques jours. © FRED, Wikipédia, cc by sa 3.0

     

    La France sous la menace de la fièvre Zika ?

     

    Les scientifiques ont également ré-analysé les moustiques capturés en 2007. Ces travaux attestent pour la première fois de la présence de Zika chezAedes albopictus, mieux connu sous le nom de moustique-tigre. Celui-ci, connu comme vecteur de la dengue et du chikungunya, véhicule donc aussi le virus Zika. C’est l’espèce prédominante à Libreville, où elle représente plus de 55 % des moustiques collectés. Le moustique-tigre prospère dans les petites retenues d'eau telles que bouteilles cassées, boîtes de conserve, pots de fleurs, pneus usagés à l’abandon, etc.

     

    Originaire d’Asie, ce moustique a été introduit en Afrique en 1991 et détecté en 2007 au Gabon, où son arrivée a sans doute contribué à l’émergence de la dengue, du chikungunya et, comme le révèle cette nouvelle étude, de Zika. L’expansion géographique rapide de cette espèce invasive en Afrique, en Europe et en Amérique laisse craindre un risque de propagation de la fièvre Zika dans le monde, y compris dans le sud de la France, où l’insecteailé s’installe progressivement.

    Médecine:  Le virus Zika, nouvelle menace véhiculée par le moustique-tigre ?

     

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    L'étrange syndrome de Kawasaki serait dû à un champignon venu du vent

     

     

    D’où vient le curieux syndrome de Kawasaki, un mal qui, comme son nom le suggère, frappe surtout l’Extrême-Orient, mais pas seulement ? Une étude suggère que le responsable serait un champignon microscopique amené depuis la Chine par le vent.

     

     
     

    L’étrange maladie de Kawasaki, touchant surtout le Japon bien que celle-ci progresse aux quatre coins du monde, pourrait être due à des champignons microscopiques du genre Candida, répandus par les vents. © Djspring, Wikipédia, cc by sa 3.0

    L’étrange maladie de Kawasaki, touchant surtout le Japon bien que celle-ci progresse aux quatre coins du monde, pourrait être due à des champignons microscopiques du genre Candida, répandus par les vents. © Djspring, Wikipédia, cc by sa 3.0

     
     
     

    Le syndrome de Kawasaki a été pour la première fois décrit en 1967 au Japon. Même si depuis, il a été observé dans le monde entier, son incidencereste plus élevée en Asie. Il se traduit par une fièvre prolongée associée à des éruptions cutanées, une rougeur des yeux, de la bouche, des lèvres et de la langue, ainsi qu’à un gonflement des mains et des pieds et une desquamation.

     

    En 2011, une équipe de l’université de Californie de San Diego (UCSD) avait démontré que l’agent infectieux responsable du syndrome était véhiculé par les vents. Pour cela ils s’étaient appuyés sur des relevés atmosphériques et océanographiques effectués au Japon, juste avant le début de chacune des épidémies récentes, à savoir celles de 1979, 1982 et 1986. Il ne leur restait plus qu’à trouver le potentiel agent infectieux.

     

    Le syndrome de Kawasaki est une maladie infantile immunologique, se caractérisant par une forte fièvre qui dure et qui ne baisse pas malgré les médicaments antipyrétiques, avec inflammation de la muqueuse buccale et de l’épiderme. Elle n’est qu’exceptionnellement mortelle.
    Le syndrome de Kawasaki est une maladie infantile immunologique, se caractérisant par une forte fièvre qui dure et qui ne baisse pas malgré les médicaments antipyrétiques, avec inflammation de la muqueuse buccale et de l’épiderme. Elle n’est qu’exceptionnellement mortelle. © Dong Soo Kim, Wikipédia, cc by 2.0

     

    Un Candida candidat

    Peut-être viennent-ils de le découvrir. En continuant sur leur hypothèse, ils ont cette fois analysé la présence de particules dans les vents en provenance du nord-est de la Chine. Le temps d’incubation très court du syndrome (moins de 24 heures) leur faisant soupçonner une origine fongique. Résultat, ils y ont retrouvé une concentration « remarquablement élevée d’un champignon de type Candida ».

     

    « C’est le meilleur indice que nous ayons jusqu’ici, indique Jane Burns, principale auteure de ce travail publié dans PnasMais il faut rester prudent. C’est une situation à la Sherlock Holmes. Nous devons découvrir ce qui a évolué dans les habitudes du nord-est de la Chine – notamment en matière d’agriculture – depuis 60 ans. » Seules de futures recherches nous le diront.

     

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    Effacer et réactiver la mémoire, c'est possible !

     

     

    Des chercheurs de l’université de Californie à San Diego ont réussi à effacer et réactiver de manière sélective une mémoire chez le rat. Cette prouesse a été possible en stimulant des circuits neuronaux à des fréquences qui renforcent ou affaiblissent les synapses.

     

     

    La mémoire est la capacité à réactiver rapidement des circuits neuronaux, grâce au renforcement de certaines synapses. © PYP, Wikimedia Commons, cc by sa 3.0

    La mémoire est la capacité à réactiver rapidement des circuits neuronaux, grâce au renforcement de certaines synapses. © PYP, Wikimedia Commons, cc by sa 3.0

     
     
     

    Dans le cerveau, la mémoire serait codée par des modifications de la force des synapses, les connexions entre les neurones : les circuits où les synapses sont renforcées grâce à la potentialisation à long terme (PLT) participeraient à la mémoire. La dépression à long terme (DLT) aurait l’effet inverse. Mais les liens entre ces processus synaptiques et la mémoire sont parfois difficiles à démontrer expérimentalement.

     

    Une étape vient d'être franchie grâce à ces travaux présentés en ligne dans la revue Nature : pour la première fois, des scientifiques ont utilisé la DLT et la PLT pour effacer et réactiver un souvenir chez le rat. Pour Robert Malinow, professeur de neuroscience et auteur de l’article, « nous pouvons former une mémoire, l’effacer et la réactiver à volonté, en appliquant un stimulus qui renforce ou affaiblit de manière sélective des connexions synaptiques ».

     

    Pour arriver à ce résultat, les chercheurs ont utilisé l’optogénétique, une méthode consistant à stimuler des neurones qui ont été modifiés génétiquement pour être sensibles à la lumière. Tout d'abord, les scientifiques ont délivré un choc électrique au pied de l’animal et en même temps un stimulus optique au cerveau, plus précisément dans l’amygdale. En effet, l’amygdale est une région importante dans le conditionnement de la peur. Les rats ont ainsi appris à associer la stimulation optique des neurones avec une douleur, par un mécanisme de mémoire associative. Résultat : la stimulation optique de ces neurones conduisait à des comportements exprimant la peur, même si le rat ne recevait pas de choc au pied.

     

    Cerveau d’un patient souffrant d’Alzheimer : pourra-t-on un jour réactiver les souvenirs de ces malades ?
    Cerveau d’un patient souffrant d’Alzheimer : pourra-t-on un jour réactiver les souvenirs de ces malades ? © US National Institute on Aging, Alzheimer's Disease Education and Referral Center, administration américaine, DP

     

    Des impulsions renforcent ou affaiblissent les synapses

     

    Ensuite, les chercheurs ont stimulé les neurones avec des impulsions à faible fréquence pour effacer cette mémoire. Les rats ne montraient alors plus de comportement craintif lorsque les neurones étaient stimulés par optogénétique : la mémoire associée à la douleur avait été effacée. Avec un conditionnement de DLT, les chercheurs ont inactivé la mémoire. Encore plus étonnant : les scientifiques ont réactivé la mémoire perdue en stimulant à nouveau les mêmes nerfs avec un train d’impulsions à haute fréquence. La mémoire se reformait ! Les rats reconditionnés ont à nouveau répondu à la stimulation optique en montrant de la crainte.

     

    Les chercheurs ont donc pu provoquer la peur chez l’animal, l’arrêter puis la provoquer à nouveau en stimulant les neurones à des fréquences qui renforcent ou affaiblissent les synapses. Ces expériences montrent que la mémoire associative peut être inactivée et réactivée par la DLT et la PLT respectivement.

     

    Pour les applications, on peut imaginer réactiver des souvenirs chez des patients souffrant d’Alzheimer. En effet, le peptide bêta-amyloïde qui s’accumule dans le cerveau des malades affaiblit les connexions synaptiques d’une manière similaire à la stimulation basse fréquence qui a effacé la mémoire des rats. « Puisque notre travail montre que nous pouvons inverser le processus qui affaiblit les synapses, nous pourrions potentiellement neutraliser certains effets du peptide bêta-amyloïde chez les patients Alzheimer. »

     

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