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    Disparition de Néandertal : la piste des

    maladies tropicales

     

     

    Vivant probablement en petits groupes de quelques dizaines de personnes tout au plus, les néandertaliens n’étaient pourtant pas protégés par la propagation lente d’épidémies. Ils auraient été affaiblis par les maladies tropicales contractées au contact d’Homo sapiens ce qui expliquerait partiellement leur disparition.

     
     


    L’homme de Néandertal est un représentant aujourd'hui bien connu du genre Homo. La paléoanthropologue Silvana Condemi évoque pour nous la disparition mystérieuse de cette espèce.

     

     
     

    Ce n’est pas l’un des moindres charmes de la Science qu’un progrès dans un domaine et une discipline donnés se trouve brutalement et de façon inattendue fournir la clé d’un problème dans une autre branche de l’activité scientifique. On en a une nouvelle preuve avec une publication dans American Journal of Physical Anthropology des résultats de travaux menés par des chercheurs des universités de Cambridge et d’Oxford. Elle ouvre de nouvelles perspectives sur les causes de la disparition des néandertaliens.

     

    Il s’agit d’une question épineuse qui a donné lieu à de multiples spéculations. On constate en effet que ces hominines déclinent puis disparaissent relativement rapidement après l’arrivée en Europe d’Homo sapiens, il y a environ 35.000 ans. En 5.000 ans, il remplace Néandertal sur l’ensemble de l’Europe et il y a 24.000 ans, il quitte la scène en laissant ses dernières traces dans la grotte de Gorham à Gibraltar.

     

    Que s’était-il donc passé ? Les chercheurs ont d’abord pensé à une supériorité intellectuelle et technologique de Sapiens mais cette hypothèse a été écartée au fur et à mesure que furent découverts par exemple que Néandertal pratiquait des rites funéraires et qu’il disposait d’outils comparables à ceux de l’Homme de Cro-Magnon. On a avancé la particulière agressivité d’Homosapiens dont il a malheureusement laissé bien trop d’exemples dans l’Histoire. Cro-Magnon se serait tout simplement fait la main question génocide avec Néandertal.

     

    L'Homme de Néandertal, dont on voit ici une reconstitution réussie (à gauche, bien sûr) a légué des gènes à Homo sapiens (à droite, évidemment). Notre espèce a aussi en elle les gènes d'une autre lignée, celle de Denisova, et les a conservés ou non, selon les régions. La génétique éclaire ainsi l'histoire de la famille humaine, faite de migrations, de métissages et d'adaptations à des environnements multiples.
    L'Homme de Néandertal, dont on voit ici une reconstitution réussie (à gauche, bien sûr) a légué des gènes à Homo sapiens (à droite, évidemment). Notre espèce a aussi en elle les gènes d'une autre lignée, celle de Denisova, et les a conservés ou non, selon les régions. La génétique éclaire ainsi l'histoire de la famille humaine, faite de migrations, de métissages et d'adaptations à des environnements multiples. © Neanderthal Museum, Mettmann, Allemagne, CC by 4.0

     

    Des maladies chroniques d’origine tropicale amenées par Homo sapiens

     

    Mais il n’existe aucune trace d’extermination systématique sur les squelettes retrouvés, pas même de guerres. Certains ont donc plutôt proposé une hypothèse « à la Woodstock ». Néandertal n’aurait pas vraiment disparu, il se serait métissé avec Homo sapiens qui l’aurait absorbé.

     

    De fait, les progrès des techniques de la PCR et du séquençage du génome ont montré ces dernières années qu’il y avait eu des flux génétiques entre les deux hominines qui n’étaient donc pas des espèces rigoureusement séparées.

     

    C’est là qu’intervient l’hypothèse des chercheurs britanniques. Qui dit hybridation dit contact physique proche, ce qui favorise la transmission de maladie. Si Neandertal était initialement, naturellement résistant à des maladies de son environnement comme la septicémie d’origine bactérienne et l’encéphalite amenée par des tiques qui peuplaient les forêts de Sibérie, il ne devait pas l’être par rapport à certaines maladies d’origines tropicales amenées par Homo sapiens avec lui. Il devait bien évidemment en être de même dans l’autre sens pour Cro-Magnon mais le métissage aurait conduit à une asymétrie de telle sorte que les résistances, ou les fragilités, acquises par les transferts degènes auraient défavorisé les néandertaliens.

     

    En combinant les études génétiques sur le génome de pathogènes et l’ADN d’hominidés anciens, les chercheurs sont finalement arrivés à soupçonner que certaines maladies chroniques comme le ténia, la tuberculose, les ulcères d’estomac et quelques types d’herpès ont, à défaut d’être vraiment mortelles, contribué à affaiblir les néandertaliens.

     

    Il est probable que les causes de leurs disparitions sont en réalité multifactorielles.

     

    Les Néandertaliens avaient vécu en Europe et dans l’ouest de l’Asie pendant 200.000 ans avant l’arrivée des humains modernes. Ils étaient probablement bien adaptés au climat, à l’alimentation et aux pathogènes et en s’accouplant avec eux, nous humains modernes avons hérité de ces adaptations avantageuses . © Erich Ferdinand, Flickr, CC BY 2.0Les Néandertaliens avaient vécu en Europe et dans l’ouest de l’Asie pendant 200.000 ans avant l’arrivée des humains modernes. Ils étaient probablement bien adaptés au climat, à l’alimentation et aux pathogènes et en s’accouplant avec eux, nous humains modernes avons hérité de ces adaptations avantageuses . © Erich Ferdinand, Flickr, CC BY 2.0

    Paléontologie:  Disparition de Néandertal : la piste des maladies tropicales + vidéo

     

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    Le régime paléolithique de Néandertal :

    mammouth aux petits légumes

     

     

    Pourquoi l'Homme de Néandertal a-t-il disparu ? Faut-il en chercher la raison dans son régime alimentaire ? Encore faudrait-il le connaître avec précision. Grâce à la chimie isotopique on en sait désormais plus sur le régime paléolithique des néandertaliens. Au menu : 80 % de viande de mammouth et de rhinocéros, plus 20 % de végétaux.

      

    L'Homme de Néandertal aurait vécu en Europe et en Asie de -120.000 à -30.000 ans avant notre ère. Sa taille moyenne devait être comprise entre 1,55 et 1,65 mètre. Il fabriquait des outils et maîtrisait le feux. © Bocherens

    L'Homme de Néandertal aurait vécu en Europe et en Asie de -120.000 à -30.000 ans avant notre ère. Sa taille moyenne devait être comprise entre 1,55 et 1,65 mètre. Il fabriquait des outils et maîtrisait le feux. © Bocherens

     
     

    Le « régime paléolithique » est très à la mode mais quelle est la réalité ? Que mangeaient les humains il y a des dizaines de milliers d’années ? La dentition des hommes préhistoriques ainsi que les restes de repas nous en donnent aujourd'hui une idée mais elle reste vague, faute de disposer d'une machine à remonter dans le temps. Il en existe tout de même une de ce genre, découverte au début du XXe siècle : la chimie isotopique. Cette technique fournit des informations étonnantes.

     

    Il existe plusieurs isotopes d’éléments comme le carbone, l’azote, le soufre et l’oxygène. Selon la physiologie des animaux et leurs régimes alimentaires, leurs os et leur collagène contient des proportions particulières de ces isotopes, ou d’autres. Les isotopes de l’oxygène, par exemple, sont intervenus dans le débat sur le caractère homéotherme ou poïkilotherme des dinosaures et de certains reptiles marins qui étaient leurs contemporains. Ces mêmes isotopes ont également permis de déterminer le mode de vie des fameux spinosaures : il était semi-aquatique.

     

    Plus récemment, la chimie isotopique a été utilisée pour connaître l’alimentation du roi britannique Richard III. Cette année, des membres du Centre de recherche sur l’évolution humaine et le paléoenvironnement à Tübingen l’ont appliquée à l’étude du régime alimentaire des néandertaliens, ce cousin d'Homo sapiens avec lequel, le fait est aujourd'hui avéré, il y a eu des hybridations.

     

    Une comparaison entre les différentes proies dont se nourrissaient les prédateurs contemporains des néandertaliens il y a 40.000 ans environ. © Bocherens
    Une comparaison entre les différentes proies dont se nourrissaient les prédateurs contemporains des néandertaliens il y a 40.000 ans environ. © Bocherens

     

    Néandertal, un gros mangeur de viande de mammouth et de rhinocéros

     

    Plus généralement, les chercheurs se sont penchés sur le collagène retrouvé dans des os provenant de deux sites en Belgique et qui appartenaient à des Hommes de Néandertal et à des mammouths, des bisons, des ours et des lions des cavernes mais aussi à des chevaux et des rhinocéros laineux. Tout ce petit monde vivait il y a de 45.000 à 40.000 ans. Le collagène est une protéine abondante chez les animaux, où elle est présente dans les cartilages, les tendons, la peau et les os.

     

    Il est apparu que les prédateurs de l’époque se nourrissaient essentiellement de proies plus petites qu’eux et occupant des niches écologiques spécifiques Mais il n’en était pas de même pour les néandertaliens. Leur régime paléolithique était composé à environ 80 % de viande de mammouth et de rhinocéros laineux. Pendant le Pléistocène, ces animaux habitaient essentiellement les steppes froides qui couvraient une grande partie de l'Eurasie, depuis le centre de l'Espagne et le Sud de l'Angleterre jusqu'en Mongolie et dans le Sud de la Sibérie.

     

    De plus, environ 20 % de la diète des néandertaliens étaient constituée de végétaux. Ces conclusions sont peu différentes de celles des études du régime alimentaire des Hommes modernes. Puisque Néandertal mangeait la même chose, il semble donc que sa disparition il y a 30.000 ans ne soit pas attribuable à son alimentation.

     

    À découvrir en vidéo autour de ce sujet :


    L’homme de Néandertal est un représentant aujourd'hui bien connu du genre Homo. La paléoanthropologue Silvana Condemi évoque pour nous la disparition mystérieuse de cette espèce.

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    En Chine, le chat aurait été domestiqué il

    y a plus de 5.000 ans

     

    Il y a près de 5.000 ans, des petits félins ont été apprivoisés en Chine. C'est ce que révèle une équipe après avoir identifié l'espèce à laquelle correspondent les restes de chat datant d'environ 3.500 ans avant J.-C. : tous ces ossements appartiennent au chat du Bengale, un cousin éloigné du chat sauvage occidental (ce dernier étant à l'origine de tous les chats domestiques modernes). Un processus comparable à celui ayant eu lieu plus tôt au Proche-Orient et en Égypte s'est donc développé indépendamment dans l'Empire du Milieu suite à la naissance de l'agriculture.

     

    Sans doute attiré dans les villages chinois par la prolifération des rongeurs, voici plus de 5.000 ans, au début de l’agriculture, le chat du Bengale (Prionailurus bengalensis) fut adopté par la population. © Shvaygert Ekaterina, shutterstock.com

    Sans doute attiré dans les villages chinois par la prolifération des rongeurs, voici plus de 5.000 ans, au début de l’agriculture, le chat du Bengale (Prionailurus bengalensis) fut adopté par la population. © Shvaygert Ekaterina, shutterstock.com

     
     

    Le chat est aujourd'hui l'animal domestique le plus courant avec plus de 500 millions de représentants. Tous les chats domestiques actuels descendent de la forme africaine et proche-orientale du chat sauvage (Felis silvestris lybica). Selon des travaux publiés en 2004, les débuts du rapprochement entre l’Homme et le chat se sont déroulés au Proche-Orient dès 9.000 à 7.000 avant J.-C., avec la naissance de l'agriculture.

     

    En 2001, des chercheurs de l'Académie des sciences de Pékin ont découvert des ossements de chat dans le nord de la Chine (province de Shaanxi), datés d'environ 3.500 avant J.-C., dans des villages d'agriculteurs. Est-ce la preuve d'un rapprochement entre des petits félins chinois et l’Homme dès le IVe millénaire avant J.-C. en Chine ou est-ce le résultat d'une importation des premiers chats domestiques depuis le Proche-Orient jusqu'en Chine ? Impossible de trancher entre ces hypothèses sans avoir identifié l'espèce à laquelle appartiennent les ossements trouvés. Il existe en effet au moins quatre formes différentes de petits félidés en Chine mais la sous-espèce à l'origine du chat moderne (F. silvestris) n'y a jamais été répertoriée.

     

    Vue latérale du crâne de chat domestique du site néolithique de Wuzhuangguoliang (province de Shaanxi) datant de 3.200-2.800 avant notre ère. © J.-D. Vigne, CNRS, MNHN
    Vue latérale du crâne de chat domestique du site néolithique de Wuzhuangguoliang (province de Shaanxi) datant de 3.200-2.800 avant notre ère. © J.-D. Vigne, CNRS, MNHN

     

    Identification de l’espèce par morphométrie géométrique

    Afin de résoudre cette question, une collaboration de scientifiques (principalement du CNRS, du MNHN, de l'université d'Aberdeen, de l'Académie des sciences sociales de Chine et de l'Institut d'archéologie de la province de Shaanxi) a entrepris une analyse de morphométrie géométrique(celle-ci permet d’étudier et analyser la forme d'une structure, par exemple de comparer des crânesde différentes espèces aux morphologies très proches), seule à même, en l'absence d'ADN ancien, de différencier les ossements de ces petits félins, aux morphologies très similaires et aux différences souvent indiscernables avec les techniques classiques.

     

    Les scientifiques ont ainsi analysé les mandibules de cinq chats du Shaanxi et du Henan datés d'une période comprise entre 3.500 et 2.900 avant J.-C.. Leurs travaux ont été déterminants : ces ossements appartiennent tous au chat du Bengale (Prionailurus bengalensis). Encore très répandu aujourd'hui en Asie orientale, ce chat sauvage, cousin éloigné du chat sauvage occidental (F. silvestris), est connu pour sa propension à fréquenter les zones à forte présence humaine. Tout comme au Proche-Orient ou en Égypte, le chat du Bengale a sans doute été attiré dans les villages chinois par la prolifération des rongeurs qui profitaient des stocks de céréales.

     

    Mesure, à l'aide de grains de riz, de la capacité du crâne de chat néolithique de Wuzhuangguoliang. © J.-D. Vigne, CNRS, MNHN
    Mesure, à l'aide de grains de riz, de la capacité du crâne de chat néolithique de Wuzhuangguoliang. © J.-D. Vigne, CNRS, MNHN

     

     

    La domestication du chat liée aux débuts de l'agriculture

     

    Les conclusions de ces travaux publiés le 22 janvier 2016 dans la revue Plos One démontrent qu'un processus comparable à celui connu au Proche-Orient et en Égypte s'est développé indépendamment en Chine suite à la naissance de l'agriculture qui y est apparue au VIIIe millénaire avant notre ère. En Orient, c'est le chat du Bengale (P. bengalensis) et non le chat sauvage occidental (F. silvestris), qui s'est engagé dans un rapprochement avec l’Homme. La domestication du chat est donc bien, au moins dans trois régions du monde, étroitement connectée aux débuts de l'agriculture.

     

    Il n'en reste pas moins que les chats domestiques actuels de Chine ne sont pas des descendants du chat du Bengale, mais de son cousin F. silvestris lybica. Ce dernier a donc remplacé le chat du Bengale dans les villages chinois après la fin du Néolithique. Serait-il arrivé en Chine avec l'ouverture de la route de la soie, au moment où les Empires de Rome et des Han ont commencé à établir des liens ténus entre Orient et Occident ? C'est la prochaine question à résoudre.

     

     

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    Un mammifère unique : à poils et à

    épines... vieux de 127 millions d'années

     

    Ce petit mammifère vieux de 127 millions d'années, découvert en Espagne, portait des épines alors que cet apanage semblait apparu bien plus tard. Pour autant, appartenant à un groupe totalement décimé lors de la grande extinction de la fin du Crétacé, qui a vu disparaître aussi les dinosaures, il n'a aucun lien avec nos hérissons. De quoi devoir réécrire l'histoire du poil.

     

     

    Reconstitution de Spinolestes xenarthrosus basée sur le fossile exceptionnellement bien préservé découvert à Las Hoyas. L'animal mesurait environ 25 cm. © O. SanisidroReconstitution de Spinolestes xenarthrosus basée sur le fossile exceptionnellement bien préservé découvert à Las Hoyas. L'animal mesurait environ 25 cm. © O. Sanisidro

     
     

    Un poids entre 50 et 70 g, des dents à trois pointes acérées, une colonne vertébrale et des pattes fouisseuses semblables à celles des tatous, une crinière tout le long du dos et des épines similaires à celles du hérisson : voici à quoi devait ressembler, il y a 127 millions d’années, le mammifèrenommé Spinolestes xenarthrosus, dont le fossile, parfaitement conservé, a été découvert en Espagne par une équipe internationale.

     

    Alors que cet animal possède des caractéristiques classiques de sa famille, comme le pelage, la présence d’épines bien particulières le rend unique en son genre et suggère que l’acquisition de poils épineux ne s’est pas faite progressivement au cours de l’évolution mais indépendamment et de manière distincte dans différentes lignées évolutives. Ces résultats, auxquels a contribué Romain Vullo du laboratoire Géosciences Rennes1 (CNRS, université Rennes 1), ont été publiés le 15 octobre 2015 dans la revue Nature.

     

    Le fossile de Spinolestes xenarthrosus transféré dans une plaque de résine époxy et dégagé à l’acide. Barre d’échelle : 1 cm. © G. Oleschinski
    Le fossile de Spinolestes xenarthrosus transféré dans une plaque de résine époxy et dégagé à l’acide. Barre d’échelle : 1 cm. © G. Oleschinski

     

    Le style de vie des tatous

     

    La découverte a été réalisée sur le site exceptionnel de Las Hoyas, un gisement du Crétacé inférieur(-127 millions d’années) situé en Espagne près de la ville de Cuenca. Ce dépôt sédimentaire, unique en Europe, contient une grande diversité de fossiles, emprisonnés dans un ancien environnement marécageux, semblable aux Everglades, en Floride.

     

    Il est fouillé depuis 1986 et a déjà fourni un grand nombre de fossiles de plantes aquatiques et terrestres, de crustacés, d’insectes, de poissons, mais aussi de crocodiles, de dinosaures et d’oiseaux primitifs. 25 ans plus tard, en 2011, le premier mammifère a enfin été mis au jour, complétant ainsi la structure de cet écosystème.

     

    Ce fossile vient d’être décrit par les paléontologues. Ils en ont conclu qu’il s’agit d’une nouvelleespèce, baptisé Spinolestes xenarthrosus, appartenant à l’ordre des eutriconodontes, une lignée de mammifères disparus à la fin de l'ère Mésozoïque (-252,2 à -66 millions d’années) et à la famille des gobiconodontes. C’est un petit animal de 25 centimètres de long, caractérisé par des dents à trois pointes acérées et des vertèbres du même type que celles des xénarthres.

     

    Les proportions de ses pattes sont proches de celles d’animaux fouisseurs, suggérant un style de vie semblable à celui des tatous modernes, se nourrissant d’insectes et de larves. Les marécages de Las Hoyas permettant à la fois un enfouissement et une minéralisation rapide des corps, de nombreux morceaux de peau avec des poils et des épines ont été parfaitement conservés.

     

    Les calcaires laminés du site de Hoyas où le petit mammifère a été découvert. © R. Vullo
    Les calcaires laminés du site de Hoyas où le petit mammifère a été découvert. © R. Vullo

     

    Un pelage doux, mais aussi des épines

     

    À partir de ces restes, les chercheurs ont déterminé que Spinolestes possédait une crinière dense de poils longs (de 3 à 5 mm) de la tête à l’omoplate, des poils longs et fins sur la région dorsale et sur la majeure partie de la queue, de petites épines et quelques écussons dermiques (de petites plaques ovales sans poils, faites de kératine). Le reste de son corps était couvert par un pelage doux et dense.

     

    L’analyse microstructurale de portions de pelage montre qu’il est composé d’un mélange de poils primaires relativement épais, de poils secondaires plus petits, et d’épines sur la région dorsale. Ces dernières possèdent une surface écailleuse et sont composées de poils primaires et secondaires modifiés, c’est-à-dire plus courts, rigides et en forme de bâtonnet, qui ont fusionné ensemble, un processus similaire à ce que l’on observe chez certains mammifères modernes tels que les hérissons ou les porcs-épics.

     

    Les « proto-épines » de Spinolestes xenarthrosus, situées sur le dos, au niveau de la ceinture pelvienne. Barre d’échelle : 1 mm. © R. Vullo
    Les « proto-épines » de Spinolestes xenarthrosus, situées sur le dos, au niveau de la ceinture pelvienne. Barre d’échelle : 1 mm. © R. Vullo

     

    Un mammifère unique

     

    À partir du cas de Spinolestes, les chercheurs estiment donc que les poils et les épines sont différenciés depuis le Crétacé inférieur. De plus, le fait que plusieurs spécimens d’eutriconodontes possèdent bien une fourrure dense mais dépourvue d’épines, fait de Spinolestes une espèce unique en son genre, dont l’évolution s’est faite indépendamment d’espèces à épines comme les hérissons et a abouti à cette surprenante convergence avec les espèces épineuses modernes.

     

    Par ailleurs, le fossile possédant encore des bronchioles pulmonaires et des restes du foie, les chercheurs ont délimité l'emplacement du diaphragme de l’animal, une première preuve fossile que le système respiratoire unique des mammifères était bien fonctionnel dès le Mésozoïque. Pour les chercheurs, la diversité des fossiles de Las Hoyas représente une clé pour comprendre la révolution évolutive du Crétacé, correspondant à l’émergence de la flore et la faune qui constituent la biodiversité d’aujourd'hui. Ils poursuivent donc leur analyse de Spinolestes xenarthrosus pour mieux comprendre son mode de vie et sa place dans cet écosystème, figé depuis 127 millions d’années.

     

     

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    La plus ancienne plante à fleurs connue

    était... aquatique

     

    Plus ancienne plante à fleurs connue, Montsechia était aquatique et vivait en eau douce il y a 130 millions d'années. C'est beaucoup pour une angiosperme, ce qui oblige à revoir l'histoire de cette lignée de végétaux qui domine depuis les terres émergées du Globe.

     
     

    Les restes fossilisés de Montsechia vidalii (Zeiller) Teixeira que l'on voit sur cette photo, appartenaient à une plante qui vivait en Espagne entre 130 et 125 millions d’années. On sait maintenant que Montsechia est la plus ancienne angiosperme connue. © Bernard Gomez

    Les restes fossilisés de Montsechia vidalii (Zeiller) Teixeira que l'on voit sur cette photo, appartenaient à une plante qui vivait en Espagne entre 130 et 125 millions d’années. On sait maintenant que Montsechia est la plus ancienne angiosperme connue. © Bernard Gomez

     
     

    Certaines phylogénies des plantes à fleurs placent les nénuphars (les Nymphéales) comme les angiospermes aquatiques les plus basales. Cependant, les Nymphéales n’apparaissent pas dans le registre fossile avant 115 millions d’années. Cette nouvelle étude, publiée dans les Pnas, révèle que les angiospermes colonisaient déjà les milieux aquatiques d’eau douce il y a 130 millions d’années. C'est en étudiant une plante fossile à la morphologie atypique, Montsechia vidalii (Zeiller) Teixeira, qui vivait en Espagne entre 130 et 125 millions d’années, qu'une équipe française (laboratoire de Géologie de Lyon-Terre, Planètes, Environnement) a pu montrer que Montsechia est la plus ancienne angiosperme connue.

     

    Montsechia est un fossile de plante localement abondant, trouvé dans des roches calcaires d’âge Barrémien (130 millions d'années), représentant des sédiments d’anciens lacs d’eau douce, dans deux localités bien connues, El Montsec dans les Pyrénées et Las Hoyas dans la Chaîne Ibérique, en Espagne. L’âge très ancien de Montsechia a été déterminé par une analyse biostratigraphique (charophytes corrélées avec foraminifères et ammonites), et démontre que Montsechia est l’une des toutes premières plantes à fleurs connues.

     

    Les restes fossilisés d'un fruit de Montsechia vidalii (Zeiller) Teixeira.
    Les restes fossilisés d'un fruit de Montsechia vidalii (Zeiller) Teixeira. Pour la légende, voir le texte ci-dessous). © Bernard Gomez

     

     

    Une plante aquatique d’eau douce

     

    Montsechia est sans équivoque une angiosperme, ayant une enveloppe protectrice fermée et d’origine foliaire, le carpelle ne s’ouvre jamais pour libérer la graine. Le fruit contient une graine unique qui est portée inversée avec le micropyle (m) pointant vers la zone d’attachement et avec le funicule (f) courant ventralement à partir du placenta (pl) situé tout en bas, le hile (h) étant situé presque tout en haut.

     

    Cette même anatomie est trouvée chez Ceratophyllum, une angiosperme aquatique vivant de nos jours. Les « fleurs » qui se développaient sous l’eau n’ont pas de pièces florales typiques telles quepétales ou glandes excrétant du nectar pour attirer les insectes pollinisateurs.

     

    Une reconstitution de l'aspect probable de Montsechia vidalii (Zeiller) Teixeira.
    Une reconstitution de l'aspect probable de Montsechia vidalii (Zeiller) Teixeira. © Oscar Sanisidro

     

     

    Les fossiles bousculent la phylogénie des angiospermes

     

    Montsechia était une angiosperme aquatique vivant et se reproduisant sous la surface de l’eau pareillement à une autre plante aquatique bien connue, Ceratophyllum. Elle présente des axes flexibles, une cuticule fine, et de rares appareils stomatiques. Le fruit a un pore près de l’apex à travers lequel le tube pollinique peut entrer. Montsechia est plus ancienne ou contemporaine de la plante aquatique Archaefructus de Chine. Ceci indique que les plantes aquatiques étaient localement communes à une étape très précoce de l’évolution des angiospermes et que les habitats aquatiques peuvent avoir joué un rôle majeur dans la diversification de certaines lignées des premières angiospermes.

     

    La morphologie et l’anatomie de Montsechia, incluant plusieurs traits reproducteurs, suggèrent que Montsechia est groupe frère de Ceratophyllum. De plus, son âge très ancien soulève des questions sur la divergence très précoce du clade de Ceratophyllum par rapport à sa position basale comme groupe frère des eudicotes (le groupe de plantes le plus commun ayant des fleurs voyantes) dans beaucoup d’analyses cladistiques récentes. Cette étude ouvre de nouvelles questions sur l’ancienneté et le rôle des plantes à fleurs aquatiques dans la diversité des premières angiospermes et la domination du monde par cette végétation.

     

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