• Patrimoine français - 3: Que faire en Cornouaille ? 8 sites incontournables

     

     

    Que faire en Cornouaille ?

    8 sites incontournables

     

    Par Philippe Bourget
     

    Le cap Sizun et le Pays bigouden, parties ouest de ce grand territoire finistérien, comptent une palette chamarrée d’emblèmes bretons. Entre les rias, les ports, les cités de caractère, les pointes, les phares et les îles qui constituent son patrimoine, nous avons choisi huit lieux. Autant de sites emblématiques de l’identité d’une région marquée par sa force de caractère et son lien indéfectible avec l’océan.

     

    Cap Sizun, fervente péninsule

     

    La pointe du Raz : lande sauvage

     

    La pointe du Raz, Finistère, Bretagne

    « L’homme n’est pas fait pour vivre là, pour supporter la nature à haute dose. » Ainsi écrivait Gustave Flaubert à propos de la pointe du Raz. On adhère. Comment sinon vivre serein sur ce plateau rocheux où l’océan, les vents et la pluie vous étreignent et éreintent jusqu’à devoir crier pouce ? Bien sûr, l’été, il y a foule. Grand site de France, la pointe du Raz draine des flots d’autocars éparpillant leurs passagers sur la dernière poussée de l’Europe continentale – Espagne et Portugal exceptés. Au-delà, ce sont les ultimes soubresauts rocheux, les phares de la Vieille, Tévennec et Ar-Men, l’île de Sein et puis… plus rien, juste 3 700 km de houle jusqu’à Saint-Pierre-et-Miquelon. Mettre le pied sur cette lande désolée un jour de mauvais temps, quand le gris de la roche s’entremêle à celui du ciel, réveille de vieilles terreurs enfantines. Vite, un abri, loin du sémaphore et de l’oppressante statue de Notre-Dame-des-Naufragés ! La pointe du Raz est fascinante mais n’est guère humaine… Et même la grande plage de sable de la baie voisine des Trépassés – nom tragique – ne peut faire oublier la poignante déréliction des lieux.

     

    Pont-Croix : petite cité de caractère

     

    Pont-Croix

    Sur la ria du Goyen, fleuve côtier liant la ville à Audierne et à l’océan, Pont-Croix s’affiche en Petite cité de caractère sur le coteau nord du cours d’eau. Adorable bourg, jadis bastion des seigneurs de Pont-Croix et Rosmadec. Depuis le fond de vallée, les ruelles pavées de la Grande et de la Petite Rue Chère, grimpent au coeur de la cité en dévoilant de splendides maisons de granit aux murs percés de petites fenêtres. Maisons prébendales et du marquisat, vieilles échoppes médiévales, linteaux sculptés… les rues de la Prison, aux OEufs et de Rosmadec livrent un authentique patrimoine médiéval, jalonné de quelques galeries. Points d’orgue de la visite : l’ancien couvent des Ursulines, abritant désormais appartements et médiathèque, et la collégiale Notre-Dame-de-Roscudon. Celle-ci, bâtie aux XIIe et XIIIe siècles puis plusieurs fois remaniée, abrite sur son flanc droit un remarquable porche sculpté. L’intérieur présente de beaux vitraux et un Cêne du XVIIe siècle en bois.

     

    Le Goyen, évasion sur la ria

     

    Le Goyen

    11 km. C’est la distance de cet itinéraire en boucle qui longe depuis Pont-Croix les deux rives du Goyen et glisse jusqu’à son embouchure, à Audierne. 11 km d’évasion entre chemin de halage et sentier de versant, suivant le rythme des marées qui emplissent ou vident la ria. À mer montante, le spectacle est fascinant. Le puissant courant entrave le flux timide de la rivière, formant une écume blanche propulsée vers l’amont. Mouettes et cormorans se régalent de ce brassage dans lequel les poissons s’empêtrent. À mesure que Pont-Croix s’éloigne, le bourg apparaît comme un écrin de rivage. Un paysage romantique pour impressionnistes, dominé par les 67 mètres du clocher de la collégiale. Il faut une heure pour atteindre Audierne, après avoir longé des lagunes et une anse. L'agitation qui règne sur le port breton dénote dans cette balade plutôt silencieuse. Pont traversé, il convient de grimper à gauche jusqu’au château de Locquéran pour retrouver le sentier. Le retour est vallonné. En partie en sous-bois, il ouvre des vues nouvelles. Vierge de bateaux, le Goyen forme à pleine marée un estuaire olympien, troublé par les cris menaçants de choucas s’en prenant à une buse. Pont-Croix réapparaît. On rejoint la cité par l’ancien port et le pont, précédé de l’antique moulin à mer du XVIe siècle.

     

    Le ports-abris, ces secrets de côte

     

    Port-Abri dans la baie des Trespassés

    Ils s’appellent Le Vorlen, Bestrée, Feunteun Aod, Pors Loubous. Depuis Plogoff et la baie des Trépassés, on y accède par des routes anonymes, comme s’ils voulaient rester cachés. Au bout de quelques virages, la route descend subitement, découvrant la lande rocheuse et l’immensité océane. Voilà donc ces échancrures, à demi-protégées dans les falaises du Raz, seuls abris de fortune contre les violentes tempêtes. Les canots de mer y sont relevés par treuil, hauts sur les rochers, histoire d’échapper à la furie atlantique. Les ligneurs de bars s’y abritent. Les pêcheurs amateurs viennent y boire des canons dans des cabanons de bric et de broc. Jadis, l’abri de Bestrée fut le port de départ pour ravitailler les gardiens du phare de la Vieille. Un quai d’embarquement à peine moins secoué que le fanal planté au large.

     

    Quelques faits d'histoire

     

    Leur discrétion a valu à ces anses de connaître quelques faits d’histoire. Ainsi, en février 1944, Feunteun Aod accueillit un bateau en perdition, Le Jouet des Flots. À son bord, 32 résistants et aviateurs, recueillis après une tentative avortée de rallier l’Angleterre par la Manche. Parmi eux se trouvait Pierre Brossolette, héros de la Résistance. Il se suicidera un mois plus tard dans les locaux de la Gestapo parisienne, pour ne pas avoir à trahir ses secrets. Avant lui, le 22 décembre 1940, Honoré d’Estienne d’Orves avait débarqué dans le port-abri voisin, Pors-Loubous. Lui venait de traverser la Manche envoyé par de Gaulle pour organiser un réseau de renseignement dans l’ouest de la France. Son destin ne sera pas moins tragique : il sera fusillé par les Allemands en août 1941 au Mont-Valérien.

     

    Pays Bigouden

     

    Sainte-Marine , mère des lieux

     

    Sainte Marine

    Un petit port lustré, coqué, enrubanné du bleu pâle de l’Odet, bordé de pins frisés avec comme toile de fond les maisons roses.

    Ainsi parlait Victor Segalen de Sainte-Marine, au tournant du XXe siècle. Rien n’a beaucoup changé depuis. Il y a toujours le bleu pâle de l’Odet, prolongé rive gauche par le quai gris de Bénodet, dont l’écho des cloches de l’église parvient à nos oreilles. Les pins sont là, aussi, du côté de la rue des Glénan menant à la pointe de Combrit. Y trônent un fort (1862), un phare à tourelle rouge et une casemate (Ti Napoléon), ultime batterie contre les attaques anglaises. Le port est soigné, protégé des assauts de l’Atlantique par sa place en retrait de l’embouchure de l’Odet, la « rivière de Quimper ». La maison rose de l’Abri du Marin, construite en 1910 par Jacques de Thézac, est restée. Soucieux d’améliorer le sort des hommes de mer par l’éducation et les loisirs, il fut à l’origine des 15 abris ouverts sur le pourtour finistérien, de 1900 à 1952. Celui de Sainte-Marine, l’un des derniers à fermer en 1985, est désormais un musée. Du XVe à la fin du XVIe siècle, le merlu et le congre furent traqués. En complément, les marins transportaient les vins de Bordeaux vers la Manche et la mer du Nord. Vers 1850 vint le temps de la pêche aux crustacés. Elle fut supplantée par les bains de mer et les villégiatures, dont profita Zola.

     

    Eckmühl, phare princier

     

    Le phare d'Eckmühl

    Son nom est une intrigue. À la pointe de Saint-Pierre, à Penmarc’h, ce phare carré en granit de 64,80 mètres de haut porte le patronyme d’un village bavarois où eut lieu en 1809 une bataille napoléonienne, remportée par le maréchal d’Empire Louis Nicolas Davout contre l’armée d’Autriche. À sa mort en 1823, sa fille, Louise Davout, fit don de 300 000 francs pour la construction d’un phare, à condition qu’il porte le nom de ce bourg allemand, dont son père avait été fait prince. « Les larmes versées par la fatalité des guerres, que je redoute et déteste plus que jamais, seront rachetées par les vies sauvées de la tempête », disait-elle. Bâti de 1893 à 1897, le phare se dresse sur l’un des rivages les plus dangereux du sud Finistère, constellé de nombreux récifs. Depuis le sommet, accessible par les 307 marches d’un escalier dont la cage est recouverte d’opaline, il offre une vue grand-angle sur la baie d’Audierne. Son éclat blanc lancé toutes les 5 secondes porte jusqu’à près de 50 km. En 2007, les gardiens ont laissé la place à un système automatisé. Monument historique depuis 2011, il découvre à ses pieds le reste de la pointe de Saint-Pierre : le local du canot de sauvetage Papa Poydenot, embarcation centenaire classée monument historique ; le Vieux Phare rond de 1835, transformé en Centre de découverte maritime, avec expositions sur les phares et balises ; la chapelle fortifiée de Saint-Pierre, du XVe siècle ; le blanc sémaphore, à l’extrémité de la pointe.

     

    Pont-l'Abbé : surcroît d'estuaire

     

    Pont l'Abbé

    Encore une ville de fond d’estuaire ! Si Pont-l’Abbé n’échappe pas aux poncifs associés à cette situation (commerce maritime important au XIXe siècle, ville de marchés, de foires et d’artisans), elle le fait avec un supplément d’âme qui lui vaut d’incarner une forme de quintessence bretonne. Les costumes brodés les plus beaux, la coiffe la plus haute, la tristesse la plus grande face aux marins disparus, la révolte exemplaire du peuple contre les impôts royaux (les fameux Bonnets rouges, en 1675)… tout, ici, semble marqué du sceau de l’intensité. On le découvre en arpentant les deux rives de la rivière de Pont-l’Abbé, séparant le centre-ville du quartier populaire de Lambour. Le pont est ainsi inédit. À la fois barrage hydraulique et axe de passage, il a abrité au XIXe siècle l’une des plus grandes minoteries de France. De nos jours, il reste l’un des seuls ponts habités de France, avec ceux de Landerneau et de Narbonne. Prolongeant le pont, l’ancien château et sa tour du XVe siècle révèlent la puissance des seigneurs locaux. L’édifice fut dévasté par les Bonnets rouges, puis restauré. Le coeur de ville vaut une balade, notamment la place Gambetta, aire de marché (le jeudi) arborée entourée de maisons des XVIe-XVIIe siècles. On s’attardera devant l’église Notre-Dame-des-Carmes et son imposante rosace de plus de 7 mètres de diamètre (encore un excès local !). Et devant le célèbre monument Aux Bigoudens, tragique désespoir de femmes ayant perdu leurs maris et pères en mer…

     

    Loctudy, île-Tudy : face-à-face portuaire

     

    Vue aerienne de Loctudy

    L’un est célèbre pour ses « Demoiselles », les langoustines qui sont la spécialité du port. L’autre est connue pour sa pêche à pied et ses huîtres, ramassées et élevées à l’embouchure de la rivière de Pont-l’Abbé. Loctudy, fin de matinée. Bateaux hauturiers et côtiers sont au bercail, rangés à quai ou en bataille le long d’un ponton. Des filets sèchent. Les armements et poissonneries nettoient ou rangent leur matériel. Reine du port, la langoustine est surtout pêchée d’avril à octobre. Elle donne le La d’une criée où la vente s’effectue chaque matin en semaine à 6 heures. En face, avec ses maisons bâties jusqu’à l’ultime pointe, c’est l’Île-Tudy. Un port de tradition sardinière, antérieur à Loctudy. La pêche à pied a aussi fait la bonne fortune de l’Île-Tudy. Côté océan, les plages de l’Île-Tudy drainent les foules. Le village aux ruelles et maisons de charme passe de 700 habitants à 10 000 l’été. C’est le prix à payer quand on est séduisant.

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