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    Le Puy-en-Velay : ville sainte

    Par Sophie Bogrow et Dominique Roger
    source : Détours en France n°174, p. 76
    Publié le 23/09/2014

    Ils sont chaque année vingt mille ou trente mille à prendre sur le grand escalier
 de la cathédrale le départ de la célèbre via Podiensis, le plus prestigieux des itinéraires vers Compostelle. La vieille ville mariale, qui a longtemps fait peu cas de ce pèlerinage concurrent, a fini par se prendre au jeu. Encore plus depuis que l’engouement pour cette longue randonnée spirituelle lui a valu d’être inscrite, en 1998, au patrimoine de l’humanité.

    Vue d'ensemble du Puy-en-Velay
    Pour apprécier pleinement la cathédrale Notre-Dame-de- France, et l‘effort à fournir avant de se lancer à l‘ascension des
137 marches qui y mènent, puis poursuivre vers le rocher Corneille où domine la statue
de la Vierge, une vue d‘ensemble s'impose.

    Les pèlerins qui partent de Puy-en-Velay s’élancent pour 1 522 kilomètres... ou un peu moins, car beaucoup jouent le jeu sur une dizaine d’étapes seulement, entre Le Puy et Conques, les plus belles aux dires des connaisseurs, ou même une journée : l’office du tourisme a mis en place
à cet effet une navette de retour ! Tous redescendront vers la ville basse en guettant au sol, tous les 50 mètres, les clous de bronze ornés d’une coquille. Rue et place des Tables, rue Raphaël, place du Plot où une plaque matérialise au mur le point de départ officiel de la via Podiensis... Tout cela est aussi récent que la restauration des quartiers anciens, rondement menée depuis une quinzaine d’années. La ville aux murs sombres et aux ruelles sales
a pris des couleurs étonnamment variées de bonbonnière, des roses, jaunes, bleus ou verts pastel, qui vont comme un gant à ces bâtisses étroites et semblent donner du ressort au pas des promeneurs.

    Place du Plot
    Le marché du samedi matin, qui envahit les abords de la fontaine de la Bidoire, apporte beaucoup d‘animation à la place du Plot. C‘est là que se dressait le pilori où les malfaisants étaient exposés. Elle fait le lien entre le chemin de Compostelle et la cathédrale.

    213 canons fondus

    Où sont dans tout cela les traces du passé jacquaire de la cité ? Inutile de chercher les coquilles aux frontons des porches médiévaux ou dans le décor des fontaines, ni d’espérer saint Jacques au fond des niches murales. Si Le Puy est bien une ville de pèlerinage, c’est à la Vierge qu’elle est vouée depuis des lustres. Face à la Vierge noire de la cathédrale, qui change de robe à chaque fête carillonnée, le saint Jacques du XVe siècle n’a été installé que vers 1990. Ce n’est d'ailleurs pas une statue de saint Jacques qui a été édifiée sur le piédestal naturel du rocher Corneille, mais bien Notre-Dame-de-France (restaurée en 2012), forgée avec la fonte des 213 canons pris à Sébastopol.

    La Vierge Noire lors de la procéssion mariale
    Lors de la procession mariale
 du 15 août,
la Vierge noire, voilée et couronnée, est présentée aux fidèles.

    La statue de la Vierge sur le rocher Corneille
    Quelque 213 canons saisis lors du siège de Sébastopol furent fondus pour réaliser la statue de la Vierge, sur le rocher Corneille, à 755 mètres d'altitude. Une prouesse pour un résultat plus spectaculaire qu'esthétique.

    À cette époque, le voyage à Compostelle de l'évêque Godescalc en 951, 150 ans après la découverte du tombeau de saint Jacques, était méconnu. À l’occasion de son millénaire, en 1951, l’idée jaillit de faire du saint homme le premier pèlerin. Après quoi, il fallut encore 20 ans pour que s’impose la mode du « trekking », et que la Fédération française de randonnée pédestre balise le désormais célèbre GR 65®, la « voie du Puy ». Quant à la rue de Compostelle, qui prolonge à la sortie de la ville les rues Saint-Jacques et des Capucins, elle n’a pris ce nom qu’en 1966. Un pèlerin de chêne y salue ses compagnons en partance. Il y a tant à découvrir dans le labyrinthe de rues étranglées et de faux escaliers qui grimpent aux flancs du vieux mont Anis, leur pavé inégal justifiant amplement les croquenots de randonneur, si bien qu’on renonce à distinguer les vrais jacquaires des simples visiteurs.

    La chapelle Saint-Clair
    En contrebas
 du dyke d’Aiguilhe, la chapelle Saint- Clair, également nommée temple de Diane, de plan octogonal, date du XIIe siècle. 
Elle servait de chapelle funéraire à l'ancien hôpital Saint-Nicolas.

    Enfilade des rues Courrerie et Pannessac
    Façades Renaissance emblématiques de l'enfilade des rues Courrerie et Pannessac. Cette dernière était la grande artère de la ville au Moyen Âge, elle comptait deux tours (XIIIe), dont une seule subsiste. Son nom évoque
le marché aux grains qui s‘y tenait.

    Tourelles médiévales, linteaux Renaissance, hôtels particuliers du XVIIe siècle, les époques s’y mêlent avec une belle désinvolture, toutes amoureusement restaurées. Noire et fêlée, la plus ancienne de toutes
– c'est l’une des bornes d’informations semées par le service Pays d’Art et d’Histoire qui le dit – attend des jours meilleurs rue de la Rochetaillade. Plus loin, l’hôtel des Juges-Mages donne à rêver, autant pour son nom que pour sa tour d’escalier ouvragée, qui s’envole en belvédère, bien au-dessus du toit. Par le bas du jardin de l’évêché et l’obscure montée du Cloître, on rejoint la place du For que ferme l’hôtel Saint-Vidal. Celui-ci abrite entre autres le Centre européen Saint-Jacques et le Camino, musée et lieu de rencontre. Chaque soir, anciens et futurs marcheurs s’y retrouvent pour échanger tuyaux et souvenirs. Un nostalgique parle du temps où le voyage au Puy valait presque celui de Rome, un couple d’Irlandais, de la variante du Jakobsweg, inaugurée en 2004, qu’ils achèvent ici depuis Genève ; on enchaîne sur le tracé d’une nouvelle voie vers Rocamadour tandis qu’un collectionneur s’emballe sur sa dernière ampoule de pèlerin, une fiole de plomb qu’on rapportait jadis pleine du sable de Compostelle.

    Chapelle Saint-MichelConsacrée au Xe siècle par l’évêque Godescalc, la chapelle Saint-Michel s’élance vers le ciel depuis le dyke d'Aiguilhe, cheminée d‘un ancien volcan.
« À Saint-Michel d’Aiguilhe, dit le dicton, on prie avec ses pieds » : c’est qu‘il
 faut gravir
 268 marches...

    Plus loin, Plus haut...

    Et quand quelqu’un entonne « Tous les matins, nous prenons le chemin », les premiers mots du chant des jacquaires modernes, tous reprennent : « Ultreïa E sus eia ! », aller plus loin, plus haut. Hmm... Très bien, demain on fera l’ascension du rocher Corneille : 100 mètres gagnés en cinq minutes, promet la pancarte, sans oublier les 262 marches en colimaçon dans l’intérieur de la statue, jusqu’à la couronne. Et s’il nous reste un peu de souffle, on y ajoutera un dernier vertige : celui de Saint-Michel-d’Aiguilhe, une chapelle minuscule. Godescalc ne l’a-t-il pas fait bâtir, de retour d’Espagne, au Xe siècle, d’où sa délicate façade quelque peu mozarabe ?

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