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    Le mur d'Hadrien: ici s'arrêtait

    l'Empire romain

     

    Mesurant jusqu'à 5 m de hauteur à l'origine, le... (Photo Jean-Christophe Laurence, La Presse)

     

    Mesurant jusqu'à 5 m de hauteur à l'origine, le mur d'Hadrien ne dépasse plus guère que les 2 m aujourd'hui, mais fait parfois jusqu'à 3 m de largeur.

    PHOTO JEAN-CHRISTOPHE LAURENCE, LA PRESSE

     

    (CARLISLE, Angleterre) Le mur d'Hadrien reste un incontournable en Grande-Bretagne, tant pour les amoureux d'histoire que pour les amateurs de randonnées pédestres.

    Comme un long serpent de pierres, il s'étire depuis près 2000 ans entre la côte est et la côte ouest du nord de l'Angleterre. On a tendance à l'oublier, tant il se confond avec le paysage. Mais on aurait tort de le tenir pour acquis.

    Long d'environ 120 km, le mur d'Hadrien est le monument historique le plus étendu d'Europe du Nord. Le visiteur pourrait n'y voir qu'un autre de ces nombreux murs de pierres s'élevant au milieu les vallées pleines de moutons. Mais on mesure assez vite l'importance de ce vestige archéologique, classé par l'UNESCO au patrimoine mondial de l'humanité.

    Et pour cause: construite entre l'an 122 et l'an 126 de notre ère par l'empereur Hadrien, cette fortification militaire, qui servait de rempart contre les Pictes venus d'Écosse, a été, pendant 300 ans, la frontière la plus au nord de l'Empire romain, qui s'étendait alors jusqu'à l'Égypte. On ose à peine imaginer comment ont réagi les barbares devant cette imposante merveille d'ingénierie. Mais elle devait être efficace, vu sa longévité.

     

    Photos-Pays du Monde 3:  Le mur d'Hadrien: ici s'arrêtait l'Empire romain

    Long d'environ 120 km, le mur d'Hadrien est le monument historique le plus étendu d'Europe du Nord.

    PHOTO JEAN-CHRISTOPHE LAURENCE, LA PRESSE

     

    Le temps a forcément élimé cette muraille, d'où les légionnaires surveillaient l'horizon. Mesurant jusqu'à 5 m de hauteur à l'origine, le mur d'Hadrien ne dépasse plus guère que les 2 m aujourd'hui, mais fait parfois jusqu'à 3 m de largeur.

    Plusieurs pans du mur ont également disparu dans les brumes de l'histoire. Des pierres auraient été volées au fil du temps pour des constructions environnantes. Mais on en trouve encore de grands tronçons dans la partie centrale, à mi-chemin entre les villes de Carlisle et Newcastle, longue colonne de vestiges pierreux, jalonnée de forts romains en ruine (Housesteads, Vindolanda) et de musées divers (Senhouse, Hancock, Roman Army Museum) qui témoignent de la présence romaine au Royaume-Uni. Si le mur en lui-même est accessible gratuitement en des centaines de points, les forts et les centres d'interprétation, eux, sont payants.

     

    Une randonnée inoubliable

    Pas trop porté sur Astérix? Sachez qu'au-delà de sa valeur historique, le mur d'Hadrien offre aussi l'une des plus belles randonnées pédestres d'Angleterre. Si vous partez de la ville de Newcastle vers l'ouest, il vous faudra entre trois et huit jours pour traverser les comtés de Northumberland et de Cumbria, avant d'arriver à l'embouchure du fleuve Solway, qui se jette dans la mer d'Irlande.


    Photos-Pays du Monde 3:  Le mur d'Hadrien: ici s'arrêtait l'Empire romain

    Le promeneur ne peut qu'être enchanté par ce parcours en montagnes russes, résolument bucolique, parsemé de rivières, de lacs, de vallons verdoyants et de petits villages.

    PHOTO JEAN-CHRISTOPHE LAURENCE, LA PRESSE

     

    Le promeneur ne peut qu'être enchanté par ce parcours en montagnes russes, résolument bucolique, parsemé de rivières, de lacs, de vallons verdoyants, de petits villages, de troupeaux divers et de points de vue parfois imprenables, voire vertigineux, sur la région environnante (rappelons que le mur a en partie été construit dans les hauteurs). On a croisé des dizaines de randonneurs pendant notre visite au fort romain de Housesteads. Certains faisaient le trajet au complet, armés de leurs bâtons de marche, tentes et autres sacs à dos. D'autres avaient plutôt choisi l'excursion d'un jour et laissé leur voiture en amont, à quelques kilomètres de là.

    Quelle que soit l'option choisie, l'internet ne manque pas de suggestions d'itinéraires. Mais que ces trajets soient longs ou courts, les amateurs de plein air seront comblés.

    Attraction touristique la plus populaire du nord de l'Angleterre, le mur d'Hadrien est accessible en voiture ou en train, quoique cette dernière option exige plus de logistique et de préparation, on en témoigne. C'est aussi un excellent prétexte pour découvrir une région moins connue de l'Angleterre, ce «no man's land» intrigant se trouvant juste au-dessous de la frontière écossaise. Plaisir garanti, que vous soyez plein air ou vieilles pierres.

     

    Photos-Pays du Monde 3:  Le mur d'Hadrien: ici s'arrêtait l'Empire romain

     

     

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    Autour du globe sans avion

     

    Le long du canyon Fraser, en Colombie-Britannique... (PHOTO FOURNIE PAR ALINE CHARLES ET BENJAMIN GAUCHER)

     

    Le long du canyon Fraser, en Colombie-Britannique

    PHOTO FOURNIE PAR ALINE CHARLES ET BENJAMIN GAUCHER

     
     

    74 101 km plus tard, la boucle est bouclée. Sauf celle des ceintures d'avion: les Montréalais Aline Charles et Benjamin Gaucher viennent de faire un tour du globe complet sans avoir emprunté un seul vol. Récit d'une aventure terre-à-terre.

     

    Le monde... vu d'en bas

    Deux silhouettes se dessinent à l'horizon. Un tandem de cyclistes chargés comme des mules effectuent un dernier tour de roue. Le matin même, ils étaient à bord d'un train en provenance d'Halifax.

    Les parents de Benjamin, bras ouverts sur le fil d'arrivée, sont venus assister au retour de leur fils et de sa conjointe Aline, partis il y a un peu plus d'un an de ce lieu précis, le seuil de leur domicile dans Rosemont. En dépit de la fatigue, les voyageurs semblent ravis; ils planent. Et pourtant, ils ont traversé le monde de bout en bout sans décollage ni atterrissage. Leurs alliés non ailés: trains, bateaux, autobus et vélos.

     

    Peur de l'avion? Pas du tout. «On s'est rendu compte qu'avec le tourisme de masse, les voyageurs tendaient à se concentrer dans certains lieux, sans jamais voir ce qu'il y a entre deux destinations. Nous, on voulait prendre notre temps et observer ce qu'on allait parcourir», expliquent Aline et Benjamin, tous deux âgés de 33 ans, et qui n'ont pas hésité à prendre un congé sans solde pour réaliser leur périple. « On s'est détachés d'une certaine pression des autres, qui demandent systématiquement: "Avez-vous vu telle affaire? C'est incontournable!"»

    «Les meilleurs souvenirs que nous rapportons sont justement hors de cette liste d'incontournables sécurisants. Sans avion, tout est plus plaisant et grandiose», expliquent-ils.

     

    Rencontres à toute vapeur

    Et des souvenirs, ils en ont rempli de pleines valises au gré d'un trajet par monts et par eaux. Depuis le Québec, ils ont atteint New York, sont embarqués sur le bateau Queen Mary 2 pour rallier l'Europe, ont traversé la Russie et l'Asie en empruntant les rails du transsibérien et du transmongolien, avant de voguer sur le Pacifique à bord d'un porte-conteneurs, remonter la côte ouest des États-Unis et boucler leur odyssée en traversant le Canada à vélo. Le tout ponctué de tours et détours tantôt programmés, tantôt improvisés: le Tibet, les pays baltes, Taiwan, les campagnes cambodgiennes...

    «L'itinéraire de nos six premiers mois était à peu près clair, mais après la Chine, il y a eu des choses non prévues, comme faire du vélo au Cambodge et en Thaïlande. La traversée du Canada à vélo n'était pas planifiée au départ non plus», précise Benjamin.

    Consignant chacune de leurs étapes sur leur blogue Eastbound Express, ils font part de leurs expériences et des vertus des moyens de transport terrestre et maritime.

     

    Partir à l'Aventure:  Autour du globe sans avion

    Aline Charles et Benjamin Gaucher bouclent les derniers mètres de leur tour du monde, et ce, sans avoir vu l'ombre du moindre aéroport.

    PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

     

    «À vélo et en train, c'est beaucoup plus facile de parler aux autres. À vélo, c'est sûr que les gens viennent vers toi, et ça permet de comprendre un peu mieux la réalité d'un pays», confient-ils. Idem pour les cabines de train, où les compagnons de voyage temporaires sont prompts à nouer des liens, par-delà les barrières linguistiques.

    «Contrairement à l'avion, qui est utile mais complètement standardisé, le train est un produit de la culture dans lequel il existe, qu'il s'agisse de la nourriture à bord, de la manière dont les gens les empruntent ou des toilettes.»

    De retour à leur routine quotidienne, ils dressent le bilan des bénéfices de leur expédition, tirés en partie des situations inconfortables liées à leur choix de modes de transport. «C'est difficile de croître dans la facilité», lance Benjamin.

    Est-il trop tôt pour esquisser de nouveaux projets sur le même mode? L'Inde et le Népal sont subrepticement évoqués, mais c'est toujours la même philosophie qui s'applique: prendre son temps. «Là, on est en vacances de notre voyage!»

     

    De l'aide pour voyager sans ailes

    Si vous êtes tenté par une aventure du genre, sachez qu'elle requiert une solide organisation. Aline et Benjamin disposent de plus d'un conseil dans leur poche. «Il faut épargner tôt! Mais aussi prévoir la sécurité du retour et ne pas trop se mettre la pression sur la route», indiquent-ils. Et si l'improvisation est plutôt facile avec les avions, il n'en va pas de même avec trains et bateaux. La planification doit donc être minutieuse pour les réservations, de même que pour les visas, car les demandes - ou quelquefois un simple renouvellement - peuvent représenter un travail colossal. Russie, Chine et même États-Unis ont fait partie des défis administratifs du couple.

    Enfin, il faut s'attendre à ce que les ports, a fortiori ceux à l'étranger, soient bien moins bien conçus que les aéroports pour guider les passagers.

    En outre, leur blogue fourmille d'informations utiles à tout voyageur inspiré.

    eastboundexpress.com

     

    Partir à l'Aventure:  Autour du globe sans avion

    Depuis les fenêtres du train se rendant à Lhassa, on peut se régaler des paysages tibétains époustouflants.

    PHOTO FOURNIE PAR ALINE CHARLES ET BENJAMIN GAUCHER

     

    Les coups de coeur sur terre et sur mer

    Boucler un tour du monde sans avion, c'est à coup sûr découvrir des tronçons de route hors de l'ordinaire. Aline et Benjamin nous divulguent leurs deux segments favoris selon le moyen de transport utilisé.

     

    Train: 35 793 km au total

    Tronçon 1: Haute voltige sur le plateau tibétain

    La liaison entre Xining et Lhassa est l'une des rares lignes ferroviaires en haute altitude, atteignant un pic à 5230 m. Les voitures du train sont même équipées de distributeurs d'oxygène! On traverse le plateau tibétain et ses mythiques panoramas, parsemés de yaks, de gazelles ou de faucons, des paysages qui n'ont pas manqué d'époustoufler les deux voyageurs. Durée du trajet: 21 heures. Aline et Benjamin conseillent de partir en soirée pour pouvoir profiter des meilleures vues le lendemain.

    Tronçon 2: De l'Europe à l'Asie

    De Saint-Pétersbourg à Pékin en passant par la Mongolie : voilà une traversée au grand cours d'un mois qui aura permis de se régaler du passage de l'Europe vers l'Asie, tout en expérimentant l'accueil quasi maternant des hôtesses ferroviaires russes. Les moments marquants: longer le lac Baïkal, se ressourcer à Irkoutsk, puis s'élancer vers les steppes mongoles émaillées de yourtes. «On sent vraiment que l'on change de pays et de paysages, tout à coup, il n'y a plus aucun arbre!», se souvient Aline.

     

    Partir à l'Aventure:  Autour du globe sans avion

    Les couchers et levers de soleil vus à partir du cargo étaient inoubliables.

    PHOTO FOURNIE PAR ALINE CHARLES ET BENJAMIN GAUCHER

     

    Bateau: 21 378 km au total

    Tronçon 1: Traverser le Pacifique à bord d'un cargo

    Relier Xian'men à Los Angeles en porte-conteneurs, voilà une expérience que peu de voyageurs peuvent se targuer d'avoir vécue. «Nous étions avec 22 membres d'équipage de diverses nationalités. La particularité de la traversée, c'est que personne n'est tourné vers nous, les gens travaillent et on est laissé à soi-même», raconte Aline. Depuis le pont (casque et bottes de sécurité obligatoires!), aux quatre points cardinaux, une infinité d'eau. «Les levers et couchers de soleil y étaient incroyables, les vues étaient tellement apaisantes et silencieuses», évoque Benjamin.

    Tronçon 2: Chine et Japon, côte à côte

    Quarante-huit heures à bord d'un traversier vieillot reliant Shanghai à Osaka, ça peut avoir son charme. «Au moment d'arriver dans les eaux japonaises, parsemées de petites îles, ça devient magnifique», assure Aline. Avec, en prime, des onsens à bord, ces relaxants bains communs nippons. «Il est encore temps de prendre ce genre de traversier. Les voyageurs ne les utilisent plus, ils sont voués à disparaître», prévoit Benjamin.

     

    Partir à l'Aventure:  Autour du globe sans avion

    Crevaison en pleine campagne cambodgienne. La réparation n'aura pas manqué d'intriguer les enfants du coin!

    PHOTO FOURNIE PAR ALINE CHARLES ET BENJAMIN GAUCHER

     

    Vélo: 7383 km au total

    Tronçon 1: Explorer la campagne cambodgienne

    Enfourcher des vélos entre le Cambodge et la Thaïlande ne figurait pas dans les plans initiaux du couple. Une improvisation qui ne laissera aucun regret, tant ils ont été charmés par l'arrière-pays et le contact avec les villageois cambodgiens; loin, très loin du champignon touristique qui s'est formé autour du temple d'Angkor Wat.

    Tronçon 2: Braver le canyon du Fraser (Colombie-Britannique)

    «Juste avant d'arriver dans les Rocheuses, nous avons eu droit à l'une des plus belles vues de notre voyage. Le côté désertique, les falaises, les rivières... c'était dramatique!» s'enthousiasme le couple, qui a aussi été séduit par ce lieu permettant de mieux comprendre la jeune histoire de la Colombie-Britannique. Les deux cyclistes ont ainsi suivi le cours des rivières Fraser et Thompson en empruntant l'Old Road, au gré de ranchs, et n'ont pas rechigné à se ressourcer dans les vignobles locaux.


    Partir à l'Aventure:  Autour du globe sans avion

    Entre le Laos et la Chine, le trajet en autocar a duré 25 heures.

    PHOTO FOURNIE PAR ALINE CHARLES ET BENJAMIN GAUCHER

     

    Bus et voiture: 9547 km au total

    Tronçon 1: Du Laos à la Chine, entre les collines

    Pendant 25 heures, Aline et Benjamin ont relié Luang Prabang à Kunming, ce qui leur a permis de découvrir notamment les superbes paysages collinaires laotiens... ainsi que les joies de la crevaison à 2 h du matin. «C'est actuellement le seul moyen de rejoindre la Chine depuis le Laos par voie terrestre», expliquent-ils. À bord, ils ont dû côtoyer des travailleurs chinois peu habitués à voir des étrangers parmi eux.

    Tronçon 2: Échappée dans le désert de Gobi

    «Notre trajet favori en auto serait nos huit jours off road en Mongolie, durant lesquels on a pu explorer une portion du désert de Gobi», se rappellent les voyageurs. «La notion de grand espace y prend un tout autre sens! On roulait des heures chaque jour, sans jamais croiser âme qui vive de la journée, mais en profitant de sublimes paysages.» Le soir venu, Aline et Benjamin logeaient dans des yourtes pour profiter du feu et jouer aux cartes avec leurs hôtes. «Les Mongols sont de gros parieurs!», notent-ils.

     

    Partir à l'Aventure:  Autour du globe sans avion

     

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    Voyager il y a 100 ans au Québec

     

     

    Cette brochure destinée aux automobilistes, parue entre 1926... (Illustration fournie par Maude-Emmanuelle Lambert, tirée de sa collection personnelle)

     

    Cette brochure destinée aux automobilistes, parue entre 1926 et 1933, illustre parfaitement toutes les rencontres folkloriques que recherchait le touriste de l'époque: clochers, paysans, nature, femmes boulangères sur le bord de la route, etc.

    ILLUSTRATION FOURNIE PAR MAUDE-EMMANUELLE LAMBERT, TIRÉE DE SA COLLECTION PERSONNELLE

     

     
     

    Quelles étaient les pratiques touristiques du Québec il y a un siècle? Nous avons voyagé dans le passé pour tenter de dépoussiérer ces vacances en noir et blanc.

     

    DANS LE BON VIEUX TEMPS...

    Depuis nos sièges d'avion, difficile de concevoir à quoi pouvait ressembler le tourisme de naguère. Et de s'imaginer qu'il y a un siècle, nos arrière-grands-parents s'adonnaient déjà aux joies des vacances et de la découverte. À leur façon, s'entend. Où allaient-ils? Pourquoi?

     

    Premier constat: c'est justement à cette période, dans les années 20, que le Québec amorce un virage dans ce domaine, avec les balbutiements de l'automobile. «C'est le début d'une transition entre tourisme de villégiature et tourisme automobile, qui va permettre aux gens de pénétrer dans les régions selon leurs propres choix», observent les bibliothécaires Michèle Lefebvre et Danielle Léger, coauteures de l'ouvrage Destination Québec.

     

    Jusqu'alors, voies fluviales et ferroviaires dominaient l'échiquier touristique: elles avaient créé une myriade de pôles au gré du Saint-Laurent, au sommet desquels trônaient le Saguenay et Charlevoix. En 1918, le parc automobile est encore très restreint et réservé aux nantis, mais grossira de façon exponentielle dans les décennies suivantes, ce qui a entraîné l'essor d'infrastructures durant l'entre-deux-guerres: hôtels (le Château Montebello date de 1930), plages, routes, cabines (les ancêtres des motels), guides automobiles touristiques...

     

    Des régions autrefois peu accessibles sont désenclavées, telles que la Gaspésie. «À partir de 1929, le tourisme s'y est vraiment développé avec l'ouverture de la route 6, devenue la 132 aujourd'hui. C'est la création du tour de la Gaspésie, qui prenait deux à trois semaines à l'époque», rappelle l'historienne Jacinthe Archambault.

     

    De plus, le gouvernement mettra les bouchées doubles pour encourager le tourisme intérieur afin de relancer une économie frappée de plein fouet par la crise économique.

     

    Entre fuite et aspirations 

    À une époque sans aviation de masse ni réseaux sociaux, quelles étaient les aspirations des Canadiens français privilégiés pouvant se permettre des vacances? Un désir de fuite urbaine semble impulser les départs et les villégiatures.

    «C'est un phénomène avant tout urbain, et au départ sanitaire. À la fin du XIXe siècle, la ville est insupportable, elle grossit très rapidement, et de graves épidémies sévissent», explique Philippe Dubé, historien.

     

    «À cette époque, il y avait un courant idéologique, l'antimodernisme, qui critiquait l'urbanisation et le tenait responsable de problèmes sanitaires: pollution, maladies, confirme Jacinthe Archambault. Les gens vont chercher à s'éloigner de la ville pour trouver un mode de vie et un environnement plus naturels.»

     

    Une fuite, certes, mais qui ne saurait occulter certaines attractions. M. Dubé a forgé le terme d'«empaysement» pour décrire les aspirations du villégiateur d'antan.

    «Autant le touriste se dépayse, le villégiateur cherche à "s'empayser", à s'ancrer dans un lieu, à prendre contact avec les gens, à construire», avance-t-il.

     

    Art de Vivre 3:  Voyager il y a 100 ans au Québec

    Une tout autre philosophie de la plage pour ces vacanciers à Cacouna. Cette dernière était très populaire au début du XXe siècle, surtout auprès des anglophones.

    PHOTO FOURNIE PAR BANQ, P560,S1,P368/FONDS J. E. LIVERNOIS LTÉE/VACANCIERS À LA PLAGE DE CACOUNA/PHOTOGRAPHE NON IDENTIFIÉ/VERS 1900

     

    «En Gaspésie, les touristes vont chercher à se rapprocher des paysages, des plages, de la nature, mais désirent aussi connaître des personnages du folklore: pêcheurs, femmes qui font du pain sur le bord de la route, enfants... C'est ce qu'ils mettaient de l'avant dans leurs écrits», complète Mme Archambault.

     

    La plage, ça ne date pas d'hier

    En ce début de siècle, pas question de Caraïbes ni de Floride. Ce n'est pas pour autant que les vacanciers se privaient des joies de la plage. La fraîcheur des rives était même recherchée, ce qui a amené l'aménagement de lieux aussi bien dans les environs de Montréal qu'au gré du Saint-Laurent, comme Kamouraska (privilégié par les francophones) et Cacouna (qui séduisait les anglophones), alors très en vogue. «Les plages ont été fréquentées dès le début, surtout que les médecins recommandaient le bain, jugé bon pour la santé», note Philippe Dubé.

     

    Des activités et des périodes d'oisiveté qui n'étaient pas vues d'un bon oeil par l'Église. Mais il en aurait fallu plus pour refroidir les Canadiens français et les dissuader de profiter de ces eaux souvent frisquettes.

     

    Le ski prend son envol

    L'été sur les rivages, mais quid de l'hiver? Si le patinage et la raquette sont déjà pratiqués depuis belle lurette, le ski local fait une percée. «Au cours des années 20, il devient à la mode et participe au développement de la région des Laurentides. Les activités les plus populaires sont alors le ski de fond et le saut à ski», nous apprend Danielle Léger. Plus désuet : on pratique aussi le ski-joring, tracté par un cheval ou un attelage de chiens! «Le ski alpin sera introduit à la fin des années 20, avec les premiers remonte-pentes, qui n'étaient que de simples câbles tirés par un moteur.»

     

    L'étranger, si lointain

    De nos jours, un coup d'avion, et on atterrit au Japon. Malgré des moyens de transport plus limités, nos aïeux avaient-ils soif de nouveaux horizons?

     

    «C'est minime», atteste Philippe Dubé, qui cite les destinations de Paris, Londres et Rome; cette dernière attirait surtout les fervents pèlerins. «Aux États-Unis, on se rend en train dans le Maine et le Massachusetts où les plages, de sable et non de galets, sont plus agréables. C'était aussi l'occasion de regroupements pour les familles dont certains membres avaient émigré en Nouvelle-Angleterre.»

     

    Un portrait qui semble anachronique, tout comme nos pratiques touristiques le paraîtront en 2120, quand nos petits-enfants ricaneront: «Tu imagines, à l'époque, ça prenait sept heures d'avion pour aller en Europe...»

     

    Art de Vivre 3:  Voyager il y a 100 ans au Québec

    La famille de Blanche Lacoste et de Joseph Philippe Landry, accompagnée d'amis, en villégiature en 1919 à la Pointe de Rivière-du-Loup. Farniente, plage, tennis, tricot et promenade sont notamment au programme de leurs activités.

    PHOTO FOURNIE PAR BANQ, FONDS FAMILLE LANDRY

     

    LE TOURISTE D'ÉPOQUE

    Col blanc ou un notable

    Le touriste ou villégiateur d'époque est généralement un col blanc ou un notable, qui dispose de longs congés et de moyens financiers: juriste, intellectuel, médecin, professeur, homme d'affaires. Souvent, ces derniers «déposaient leur famille, retournaient travailler en ville puis revenaient chercher leur famille à la fin du séjour», nous apprend l'historien Philippe Dubé.

     

    Urbain

    Il est urbain et cherche à échapper à sa grande ville jugée trop chaude, trop polluée et malsaine.

     

    Les francophones et les anglophones

    Contrairement à un cliché tenace, les francophones tout comme les anglophones s'adonnaient au tourisme.

     

    En famille

    Il se déplace et séjourne en famille, plus rarement en couple.

     

    Motorisé

    Au début du siècle, il se déplace essentiellement en bateau et en train. À partir des années 20, les automobiles se multiplient (on en compte 100 000 environ en 1926), mais il faut attendre les années 50 pour qu'elles deviennent majoritaires.

     

    Art de Vivre 3:  Voyager il y a 100 ans au Québec

    Bons baisers de Québec! En souvenir, une petite carte postale de l'effondrement du pont de Québec qui a coûté la vie à plus de 76 ouvriers en 1907. De nombreuses cartes de la sorte circulaient à l'époque, car les catastrophes et tragédies, humaines ou naturelles, étaient des attractions pour les curieux.

    IMAGE FOURNIE PAR BIBLIOTHÈQUE ET ARCHIVES NATIONALES DU QUÉBEC

     

    ÇA PEUT FAIRE SOURIRE AUJOURD'HUI

    En un siècle, les moeurs touristiques ont beaucoup évolué. En épluchant ouvrages et documents évoquant cette époque de plus en plus lointaine, nous avons relevé certains faits ou pratiques qui, de nos jours, peuvent paraître bien insolites.

     

    Cartes postales macabres

    Au début du siècle, la tante Babette pouvait très bien vous envoyer de ses nouvelles avec une carte postale... catastrophique. En effet, drames et explosions constituaient de véritables attractions touristiques. Les archives de BAnQ détiennent ainsi une carte de 1909 figurant l'effondrement du pont de Québec qui avait eu lieu un an plus tôt. Une autre carte postale montre les résultats de l'explosion d'une usine à Hull, en 1910, ou encore l'incendie du Château Frontenac en 1926.

     

    Routes et déroutes

    L'état des routes du Québec a mauvaise presse, et ça ne date pas d'hier! Dans les années 1910, La Presse dénonçait leur piteuse condition et lançait des appels à ses lecteurs pour récolter des photos des tronçons les plus mal en point. L'ouvrage Trois siècles de tourisme au Québec nous apprend même que le journal ira jusqu'à construire une portion de route à ses frais en 1912, dans la paroisse de Longueuil en direction de la frontière américaine, pour presser le gouvernement à développer les infrastructures!

     

    Sous la tente sur les plaines

    Avant le 400e anniversaire de Québec, il y a eu... le 300e, évidemment. Et il n'en a pas moins été un événement fortement célébré. En 1908, 150 000 visiteurs ont convergé vers la ville, soit plus du double de sa population. Les structures d'accueil étant pleines, l'histoire s'est terminée sur les plaines. «On aménage un village éphémère de tentes sur les plaines d'Abraham», nous apprend le livre Destination Québec. Les particuliers louaient même leurs chambres: c'était Airbnb avant l'heure!

     

    Que cela se sache: j'y étais!

    Aujourd'hui, pour faire savoir où on passe ses vacances, on diffuse des égoportraits à foison sur les réseaux sociaux. Autour des années 20, les divers journaux de l'époque publiaient plutôt des listes de noms de notables ou de gens «importants», en précisant leur lieu de vacances, voire leur hôtel. Certains envoyaient même les détails de leur destination aux journaux pour qu'ils en fassent mention. «Il était socialement bien accepté de voir son nom dans une liste de vacanciers qui se démarquaient des autres», lit-on dans Villégiatures et tourisme au Québec.

     

    Un journal acheté, un terrain offert

    Dès 1925-1926, le journal La Patrie a fondé et fait la promotion de son propre lieu de villégiature, Plage-Laval, et offrait des terrains à prix cassés à ses abonnés. «En s'abonnant pour six mois à La Patrie, on obtient automatiquement le privilège de pouvoir acheter un ou plusieurs terrains à Plage-Laval, situé sur les bords de la rivière des Mille Îles», relate le même ouvrage. Désolé, un siècle plus tard, La Presse n'offre pas à ses lecteurs de lots bradés à Mont-Tremblant...

     

    Art de Vivre 3:  Voyager il y a 100 ans au Québec

     

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    Les 15 images insolites de la semaine !!

     

    Quand t’as une grande soif, la fontaine à bière ..

    Fontaine de bières

     

     

    Tunning improbable !

    Tuning low cost

     

     

    La coiffure de la mort !

    Coupe de cheveux tête de mort

     

     

    L’angle de vue parfait !

    Il est gay

     

     

    Encore un fan de Borat !

    Sérieusement

     

    Une création de la nature, au top !

    Dauphin-rocher

     

    Après les Tortues, voici les Pommes Ninja !

    Pommes Tortues Ninja

     

     

    Suffit d’avoir un peu d’imagination …

    Presque dans sa maison

     

     

    A la base c’était un sac à main de filles ?!

    Sac à dos XXL

     

     

    La photo prise au moment parfait !

    Mais comment fait-il ?

     

     

    Quand t’es encore un enfant dans ta tête, et que tu fais des cabanes partout !

    Solution pour être tranquille dans un open space

     

     

    Intervention de l’homme, ou juste un délire de mère nature ?

    Propriété en forme de guitare

     

     

    Pas moyen que l’on rate l’école ! Même si la classe est inondée !

    École maintenue pendant les inondations

     

     

    Sans explication ..!

    Faire ses courses en scooter

     

     

    Au moins cela ne se renversera pas !

    McDo bien attaché

     

     

    Après le coca light, le Coca L’ail ?!

     

    Insolite 3:  Les 15 images insolites de la semaine !!

     

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    Violence en ligne : les trois quarts des femmes

    en sont victimes, dit Pénélope McQuade

     

    Menaces de viol, intimidation, vidéos obscènes, l’animatrice Pénélope McQuade a tout vu sur ses réseaux sociaux. Elle a décidé de contre-attaquer.

     

    Anne Fleischman de la revue Châtelaine

     

    Société 3:   Violence en ligne : les trois quarts des femmes en sont victimes, dit Pénélope McQuade


    Pénélope McQuade. Photo: Productions Esperamos II


    «Ta gueule, salope». «Je te crisserai un coup de batte de base-ball». «J’espère que vous allez avoir le cancer.» Les propos haineux, racistes ou misogynes d’une extrême violence polluent de plus en plus les réseaux sociaux. Et leurs auteurs, appelés des trolls, s’attaquent à bien des personnalités publiques, dont Pénélope McQuade. En 2014, elle recevait régulièrement des menaces de viol. Cette violence verbale lui a donné envie de comprendre le phénomène du trollage et la multiplication de messages orduriers sur les réseaux sociaux. Avec le réalisateur Hugo Latulippe, elle est partie à la rencontre des trolls et de leurs victimes dans Troller les trolls, un documentaire-choc. Châtelaine s’est entrenu avec elle quelques jours avant la diffusion.

     

     

    Qu’est-ce qui vous a le plus surpris dans votre enquête?

    Je n’avais pas mesuré l’ampleur du phénomène, même si je savais parfaitement que les réseaux sociaux véhiculaient des idées haineuses. Ça a été une découverte choquante. Le fait qu’il s’agisse d’un phénomène toléré et même banalisé par les victimes est aussi très dérangeant. Quant aux trolls eux-mêmes, ils ne sont pas du tout ce à quoi je m’attendais. J’imaginais des hommes jeunes, seuls dans leurs sous-sols avec leur méchanceté au bout des doigts. J’ai rencontré des pères de famille, des personnes qui ont toute l’apparence de la normalité, des dames qui posent avec des chatons sur leur profil Facebook… Bref, monsieur et madame Tout-le-monde. Mais quand l’un deux m’a lu en direct et sans même sourciller ses propres commentaires racistes publiés sur les réseaux sociaux, des propos d’une vulgarité inouïe, j’ai été estomaquée!


    Qu’est-ce qui autorise les gens à se comporter si mal sur Internet?

    On a tous été élevés avec un certain sens de la civilité, avec à l’esprit les limites à ne pas franchir dans la vraie vie. Mais sur les réseaux sociaux, les trolls ont complètement perdu ces notions de savoir-vivre et n’hésitent pas à sauter par-dessus la clôture pour aller insulter leur voisin. C’est comme si les mots se désincarnaient parce qu’ils passaient par un clavier. De véritables personnalités médiatiques haineuses prennent ainsi vie sur Internet, et l’impact sur les victimes peut être dévastateur.


    Quel est le point commun de tous ces trolls?

    Une haine profonde envers les femmes, les personnes différentes, en particulier les musulmans, la société en général… Ce mouvement est né d’une grogne latente parmi une certaine frange de la population persuadée que les gouvernements ne la représentent pas et que les médias ne lui laissent jamais la parole. Chaque page Facebook, chaque blogue, chaque commentaire devient une manière de dire: «On ne me demande jamais mon opinion aux nouvelles, mais, moi, je vais la donner!» C’est devenu leur façon d’exister. Un bon nombre est même convaincu de se porter à la défense du Québec.

     

    Société 3:   Violence en ligne : les trois quarts des femmes en sont victimes, dit Pénélope McQuade


    Dalila Awada. Photo: Productions Esperamos II

     

    Vous consacrez la première partie de votre documentaire aux femmes. Sont-elles toujours des victimes désignées?

    Les trois quarts des femmes ont déjà été confrontées d’une manière ou d’une autre à des violences en ligne, selon l’ONU. C’est hallucinant. Il ne s’agit pas juste de personnalités publiques, mais aussi de femmes anonymes en position d’autorité dans les entreprises, le monde de l’éduction, ou encore la recherche scientifique. Les femmes ont une immense vulnérabilité sur les réseaux sociaux. Quand j’ouvre la messagerie Facebook et qu’apparaît tout d’un coup une vidéo d’un gars qui se masturbe, il y a une prise de contrôle totale et complète de mon univers, avec un réel désir de domination. La technologie rend la chose encore plus violente. Prendre possession du sentiment de sécurité des femmes, même pendant quelques secondes, est intolérable.


    Une raison de plus pour ne pas banaliser ces situations?

    C’est vraiment une question de sécurité! On a décidé d’éclairer certains quartiers de Montréal pour rassurer les gens. Pourquoi ne pas faire de même pour tout un pan de notre vie virtuelle? Beaucoup de personnes ne se sentent pas en sécurité derrière leurs propres écrans. Pire encore, elles n’osent pas chercher de l’aide ou porter plainte parce qu’elles ont l’impression que ce n’est pas si grave. Mais ça l’est.


    Est-ce que le phénomène du trollage est le symptôme d’un mal profond qui s’installe sur le Québec?

    Un extraterrestre qui visiterait des centaines de sites Internet se dirait que le Québec est raciste, misogyne, incapable de dialoguer politiquement… C’est ce qui m’inquiétait au début de mon enquête: est-ce vraiment ce qu’est devenu «mon» Québec? Oui et non. Le documentaire dresse un portrait fidèle d’une partie de la population qu’on ne veut pas toujours voir. Heureusement pas de tout le Québec, mais de certains Québécois. Les réseaux sociaux agissent comme un amplificateur pour ces voix haineuses, mais aussi comme un multiplicateur. Avant, les commentaires sur les médias en ligne étaient anonymes et pouvaient être très acrimonieux. On a donc décidé d’interdire l’anonymat, en pensant que ça allait calmer le jeu et que les internautes allaient être moins agressifs. C’est tout le contraire qui est arrivé! Si madame untel constate que monsieur untel pense comme elle, ça va la légitimer dans son droit d’expression de sa haine ou de son mépris.


    Avez-vous réussi à «troller les trolls», comme le dit le titre de votre documentaire?

    C’était l’idée de départ mais, finalement, on a décidé de ne pas alimenter cette toxicité. Analyser les trolls pendant une heure sans jamais leur donner le contrôle, mettre sous les projecteurs qui ils sont et ce qu’ils font est une bonne manière de les déboulonner. On voulait également réduire l’espace entre la personne derrière son clavier et celle qui reçoit ses messages. L’idée était d’essayer de comprendre les trolls et non de les confronter. Sans compréhension de ce phénomène, on n’arrivera jamais trouver des solutions viables.

    Troller les trolls, 3 octobre à 20h, sur Télé-Québec.

     

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