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    Plateau de Millevaches, le toit

    du Limousin

     

    Par Hugues Dérouard
     
     

    Au coeur du Limousin, le plateau de Millevaches abrite de sombres forêts, des landes sèches, des tourbières et des prairies où paissent les fameuses vaches… Ce territoire peu peuplé, qui culmine à près de 1 000 mètres d’altitude, ravira les amoureux de grands espaces sauvages et ceux en quête de calme et de solitude.

     

     

     
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    Vue sur le plateau de Millevaches

    Gentioux, aux portes du plateau de Millevaches. Un monument aux morts, élevé après la Première Guerre mondiale, trône sur la place du village. « Maudite soit la guerre », peut-on lire, à côté de la statue d’un enfant, le poing levé. Le monument – pacifique – n’a jamais été officiellement reconnu. Mais ce plateau de Millevaches a-t-il jamais été reconnu ? Ce matin-là, un épais brouillard humide enveloppe les lieux, devenus quasi fantomatiques. Seule de la lumière émanant du Bar du Monument semble être source de vie. En arpentant cet âpre paysage à cheval sur trois départements se dégage soudainement une impression de solitude et de désolation. Millevaches ! On dirait un morceau de Limousin oublié, loin des grands axes de circulation. Dans le cimetière de Gentioux, où nous nous aventurons, les tombes finement sculptées des maçons de la Creuse, nous rappellent d’ailleurs qu’on a massivement fui Millevaches, dès la fin du Moyen Âge. Qu’on y a fui la misère, les hivers rigoureux et les terres peu fertiles pour gagner sa vie dans des contrées plus généreuses.

     

     
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    Le pont de Senoueix sur le Taurion est dit pont romain. Ce petit patrimoine emblématique du plateau de Millevaches est à 5 kilomètres de Gentioux-Pigerolles : un beau prétexte pour une promenade
     

    Millevaches comme un désert

     

    Aux confins nord-ouest du Massif central, ce plateau granitique culmine à un peu moins de 1 000 mètres d’altitude. Millevaches est presque un désert : avec moins de 15 habitants au kilomètre carré, c’est l’un des territoires les moins peuplés de France. S’il fallait chercher une image emblématique des lieux, on pourrait photographier le vieux pont de Senoueix, en bordure la départementale 16, qui relie Gentioux et Saint-Marc-à-Loubaud. À une seule arche, ce petit ouvrage de granit, dont l’origine remonte vraisemblablement au XVIIe siècle, enjambe le Taurion, dans un décor de landes et de bois. Mais ce serait un leurre. Ici, il n’y a pas de monument tape-à-l’oeil, qui ferait se déplacer des foules de touristes, ni de sommet qui servirait de phare au voyageur égaré dans cette « montagne limousine ». « Ici, c’est plein de petites choses à découvrir, pleins de petits coins secrets », vante un randonneur habitué des lieux, parti sur les traces de la loutre. Il faut voir, par exemple, la chapelle secrète du Rat, perchée sur un rocher, de vieilles fontaines, dit-on miraculeuses, des croix monumentales qui pullulent, ici, à un carrefour, là, au milieu d’un bois, pour protéger les croyants et indiquer le chemin aux déboussolés. « Rien de pittoresque. Rien d’ostentatoire, résume l’écrivaine creusoise Geneviève Parot dans La Folie des solitudes. Des arbres cachant des prés, puis d’autres arbres, et d’autres prés bien cachés. » « On ne se risque pas impunément sur Millevaches », commentait de son côté l’auteur corrézien Pierre Bergounioux, comme un avertissement. Alors qu’aller faire dans cette galère, direz-vous ?

     

     
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    Depuis Peyrelevade, en Corrèze, rejoignez la chapelle Saint-Roch, dite du Rat. Dans son écrin de hêtres, légèrement perchée, elle est précédée de roches aux formes étranges
     

    Balcon sur le Massif central

     

    Vous l’avez compris, ce territoire s’apprivoise peu à peu ; il faut savoir se faufiler dans les chemins creux ou dans de sombres pistes forestières en humant l’odeur enivrante des conifères. Il suffit, l’oeil vigilant, de crapahuter, à 976 mètres au mont Bessou, ou au puy Pendu pour se faire une idée de ce singulier paysage. On y découvre ses amples ondulations, le camaïeu vert des prairies, des résineux, des landes tachetées du pourpre des bruyères et du jaune des gentianes, aux beaux jours. « La géomorphologie du plateau est assez complexe et unique, avec ses cuvettes et ses alvéoles bordées de forêts, analyse Gilles Despeyroux, du parc naturel régional de Millevaches. Il faut savoir entrer dans ce paysage pour l’apprécier, débusquer les villages cachés, parcourir, par exemple, près de Tarnac, une forêt magnifique de hêtres… Vous savez, en six jours de randonnée, on peut ne croiser personne ! Sur les zones hautes, on a clairement une notion d’immensité : des perspectives incroyables font du plateau un balcon sur le Massif central. On distingue le puy de Dôme, le Sancy, les monts du Cantal… »

     

     
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    Vue du plateau de Millevaches depuis la tour panoramique du mont Bessou, 976 mètres. D'une hauteur de 24 mètres, elle élève le visiteur à 1000 mètres d'altitude. La vue y est sans entrave
     
     
     
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    Les ruines gallo-romaines des Cars

     

    À deux pas du village de Saint-Merd-les-Oussines, au fond d’un vallon, les ruines des Cars constituent l’un des vestiges gallo-romains les plus impressionnants du Limousin. Datant du début du IIe siècle, ce site, dont les premières fouilles ont été menées par Marius Vazeilles dans la première moitié du XXe siècle, présente de vastes blocs de granit composant un remarquable ensemble funéraire ainsi que les fondations d’une « villa » – un domaine agricole très riche – organisée autour d’une cour décorée de colonnes et de mosaïques. Une citerne monolithique de huit tonnes, particulièrement bien préservée, était destinée à l’alimenter en eau. Accès libre.

     

    Millevaches, un château d'eau

     

    Millevaches ne doit pas son nom au nombre de ses belles vaches limousines qui paissent dans les prairies, mais étymologiquement plutôt aux milliers de « batz » (sources, en celte) qui émaillent le plateau (même si d’autres, plus latinistes, optent pour « la montagne déserte »). « Millevaches, c’est le toit du Limousin, d’où s’écoulent d’innombrables rivières. Certains géographes avancent le chiffre de six mille sources ! Millevaches est un “château d’eau”, les zones tourbeuses retiennent, filtrent l’eau qui s’écoule ensuite très rapidement sur les versants ! », poursuit Gilles Despeyroux. On aura cherché, de l’eau jusqu’aux mollets, la source de la Vézère, celle de la Vienne, de la Corrèze, de la Diège ou encore de la Creuse : Millevaches est un pays gorgé d’eau qui lui donne parfois des allures des Highlands écossais, voire, selon la météo changeante et capricieuse, du Grand Nord – il y a une station de ski de fond à Gentioux. L’été, les innombrables étangs, lacs et cascades aux eaux pures font le bonheur des baigneurs. Seuls les bourgs qui constellent le plateau offrent un peu de chaleur humaine. Et encore, ils ont la rudesse, l’aspect sévère de certains villages armoricains, avec leurs maisons en granit, leurs toitures d’ardoise ou de lauze – voyez le superbe Meymac, porte d’entrée du plateau, Peyrelevade, Viam ou Millevaches, le village le plus haut de Corrèze.

     

     
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    Le lac de barrage du Chammet, près du village de Peyrelevade. 100 hectares de rêve pour les pêcheurs
     

    Sur les traces d'une civilisation perdue

     

    En pleine nature, à proximité du village de Saint-Merd-les-Oussines, les ruines gallo-romaines des Cars apparaissent comme les traces d’une civilisation perdue. Le temps semble s’être arrêté il y a des siècles, lorsque l’on contemple ses vestiges. « Inchangé, Millevaches ? Détrompez-vous, le paysage a été très transformé, rappelle Gilles Despeyroux. Cette terre pelée – la lande couvrait plus de 70 % des terres, avec quelques zones boisées de chênes et de hêtres – a changé. Exode rural, essoufflement de l’élevage… La végétation s’est naturellement étoffée et, disons-le clairement, la forêt couvre 50 % du territoire. On a planté des arbres pour faire rentrer de l’argent. C’est une inversion paysagère. Le but du parc (qui regroupe 113 communes) est de maintenir les paysages ouverts, non seulement emblématiques, mais aussi parce qu’il y a des enjeux environnementaux : ils permettent de conserver des habitats intéressants pour un grand nombre d’espèces. Il s’agit de trouver un équilibre entre activités agricoles, milieux ouverts et forêt. On essaie de sensibiliser à une gestion forestière moins industrialisée, diversifiant les essences, évitant les coupes rases… Des villages sont aujourd’hui enfermés par la forêt (des communes sont boisées jusqu’à 75 %) et, du coup, on n’a quelquefois plus les perspectives extraordinaires de Millevaches, et, par endroits, hélas, une certaine monotonie paysagère s’est installée. »

     

     
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    Dans le village de Meymac, la fontaine de la place de l'Hôtel-de-Ville devance la Grand-Rue et le beffroi (dit aussi tour de l'Horloge) de l'ancienne porte du Midi, datée du XIIIe siècle
     

    Une nature intacte

     

    Rassurez-vous, il est des endroits où la nature semble intacte. Voyez la tourbière du Longeyroux, située dans une vaste dépression de granit, sur plus de 250 hectares. Joyau naturel du plateau, ce paysage a été formé il y a 8 000 ans et offre une vision de ce qu’est réellement le plateau de Millevaches, avec sa lande tourbeuse, ses buttes jonchées de bruyères, de myrtilles et d’arnica des montagnes, ses puys boisés, ses marais. Des sentiers aménagés permettent d’apprécier ses différents milieux fragiles, sites de nidification pour le vanneau huppé et le tarier des prés, et ses espèces rares, comme le droséra, une fleur carnivore.

     

     
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    Pour ne pas détériorer les biotopes fragiles des 200 hectares de la tourbière de Négarioux-Malsagne, de longues passerelles de bois matérialisent les sentiers de découverte à emprunter obligatoirement
     
     
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    Patrimoine français - 4:  Plateau de Millevaches, le toit du Limousin

    Patrimoine français - 4:  Plateau de Millevaches, le toit du Limousin

     
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    Beaulieu-sur-Dordogne, la riviera

    du Limousin

     

    Par Hugues Dérouard
     
     

    Niché dans un méandre de la Dordogne, ce bourg très vivant, aux confins de la Corrèze, fleure déjà bon le sud. Réputé pour la douceur de son climat et sa végétation quasi tropicale, Beaulieu vaut le détour pour son abbatiale romane et les ravissants bords de la rivière, jadis animés par les haltes des gabariers.

     

     

     
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    Vue sur le village de Beaulieu-sur-Dordogne

    Le joyau du village, c’est son abbatiale Saint-Pierre, en plein coeur du bourg. Unique vestige d’une abbaye fondée en 855 par Rodolphe de Turenne, archevêque de Bourges, elle est à l’origine du développement de Beaulieu. À première vue, c’est une austère église romane en grès ocre plutôt pâle… Mais, approchez-vous de son portail sud, protégé par un porche, il aborde le thème de la Parousie, une scène très rarement représentée. Cette sculpture du début du XIIe siècle est considérée comme un chef d’oeuvre de l’art roman.

     

     
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    Entre architecture villageoise et pierres de remploi, une belle ambiance médiévale
     

    Une maison atypique place de la Bridolle

     

    Autour de l’église, un réseau de ruelles médiévales très vivantes, pavées de galets de Dordogne. L’ensemble n’est pas forcément toujours très pimpant, mais ses nombreuses maisons à pans de bois et à encorbellement dégagent un charme fou. Impossible de rester de marbre devant la maison Renaissance, place de la Bridolle. La maison date en fait… du XIXe siècle, mais sa façade fourmille de médaillons et de sculptures du XVIe siècle. La, on repère un ange, ici, un soldat, une sirène ou des animaux fantastiques. Vous n’êtes pas au bout de vos surprises : à l’intérieur, qui se visite, une monumentale cheminée du XVe siècle représente la scène de la Tentation.

    Par l’une des portes qui marquaient l’entrée de la ville fortifiée, empruntez les ruelles qui dégringolent vers les bords de la rivière et le faubourg Majeur. « C’était dès le Haut Moyen Âge un village, peuplé de pêcheurs, de vignerons et d’éleveurs. C’est le berceau de Beaulieu », note Frédéric Le Hech, historien du village. Rue des Pêcheurs, rue des Mariniers, rue des Gabariers… Une autre atmosphère se dévoile, comme si c’était un autre village, totalement tourné vers la rivière, que l’on découvrait. « Beaulieu était une étape pour des mariniers, jusqu’à la fin du XIXe siècle, ils descendaient la Dordogne depuis Argentat jusqu’à Libourne, dans le Bordelais, où ils acheminaient essentiellement du bois : piquet de châtaignier pour les tuteurs des vignes, du chêne pour faire des tonneaux… Cette activité faisait vivre beaucoup d’auberges à Beaulieu, mais aussi quelques passeurs locaux qui monnayaient le déplacement des gabarres dans les eaux dangereuses de la Dordogne. »

     

     
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    Les rivages de la Dordogne accueillent la chapelle des Pénitents
     

    Une végétation luxuriante

     

    Plus de gabarres les cales pleines de marchandises, mais, en se promenant le long des quais, on admirera de belles maisons typiquement quercynoises avec galeries et balcons en bois joliment fleuries. Très vite, on est frappé par la végétation luxuriante : palmiers, magnolias, figuiers, hibiscus, bananiers… Une ambiance quasi tropicale. « Toutes ces plantes exotiques, ramenées des colonies à la fin du XIXe siècle, s’y sont épanouies merveilleusement, grâce à la douceur de la Dordogne (il ne gèle que très rarement ici) et à la situation de Beaulieu, protégé par les collines, poursuit l’historien. Il n’est pas anodin qu’on l’ait surnommé, dès le début du XXe siècle, la riviera limousine. » Un microclimat qui fait aussi du pays de Beaulieu le principal producteur de fraises de la région – 400 000 tonnes par an ! Quasiment les pieds dans la Dordogne, s’élève l’autre joyau du village : la chapelle des Pénitents (également appelée Notre-Dame-du-Port-Haut). Cet édifice transformé en un petit musée d’histoire locale date du XIIe siècle et surprend par son insolite clocher-pignon à cinq baies se reflétant dans la rivière. Le mieux pour la découvrir, c’est d’emprunter la passerelle qui vous mène sur la rive gauche. Mais vous pouvez également monter à bord de la gabarre Adèle et Clarisse, construite en 2002 selon des plans anciens, qui propose aux curieux de paisibles promenades sur l’eau. Loin du temps où le port de Beaulieu accueillait un intense trafic de marchandises…

     

     
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    Avant 1803, la chapelle des Pénitents date de son achat par la confrérie des Pénitents bleus, le sanctuaire était dédié à Notre-Dame-du-Port-Haut. Elle est aujourd'hui un lieu d'expositions
     
     
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    Patrimoine français - 4:  Beaulieu-sur-Dordogne, la riviera du Limousin

     

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