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    La santé par l'humour

     

    Vous appréciez la compagnie de gens qui vous font rire? Vous vous sentez détendu après un spectacle d’humour? Pas étonnant. De nombreuses études ont montré que l’humour et le rire sont bons pour la santé physique, psychologique et émotive.

     

    La santé par l'humour

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    Être capable de rire et de faire rire est un atout considérable. En agissant sur plusieurs systèmes du corps humain, le rire permettrait d’oxygéner l’organisme, réduirait les tensions musculaires, augmenterait la tolérance à la douleur et contribuerait au bon fonctionnement du système immunitaire. En libérant des endorphines, les fameuses hormones du bonheur, il aiderait aussi à chasser la déprime et à procurer une sensation de bien-être. Un véritable antidépresseur naturel.

     

    L’humour, lui, met de la fantaisie dans le quotidien. Mais ses bienfaits ne s’arrêtent pas là. Se moquer avec humour de ses travers aide à mieux les accepter et à se prendre un peu moins au sérieux. L’humour constitue aussi un excellent antidote au stress. Selon Bruno Fortin, psychologue et auteur de Vivre avec humour, les gens qui ont un regard humoristique sur la vie et une capacité à voir le côté drôle des choses font généralement face aux situations stressantes de façon particulièrement efficace. Cela leur permet de prendre du recul, de mieux maîtriser la tension et de regarder les problèmes sous un angle différent, plus constructif.

     

    Au travail, l’humour déride l’ambiance – notamment en période de stress intense –, favorise l’écoute, facilite la communication, la compréhension et la mémorisation, stimule le travail en équipe, donne de l’assurance, rend plus productif et aide à mieux rebondir après un revers. «L’humour permet aussi d’exprimer son insatisfaction ou son désaccord d’une façon socialement acceptable, dans la mesure où l’on respecte certaines limites, ajoute Bruno Fortin. Il peut constituer une première étape vers une discussion plus sérieuse. Par ailleurs, il est fort utile lorsque vient le temps de reconnaître ses erreurs.»

     

    L’humour a également une incidence sur la manière d’aborder la vie et ses embûches. Il propose une vision plus positive des choses, ce qui permet de dédramatiser les situations difficiles ou désagréables, de les désamorcer et, par le fait même, d’éviter de nombreux conflits. Un collègue vous fait une remarque désobligeante sur votre nouvelle coiffure? Répondez du tac au tac, petit sourire en coin: «Tu sais, c’est la toute dernière mode. Un peu de nouveauté, ça fait du bien. Tu ne penses pas? Tu devrais essayer.» C’est une façon simple de répondre sans stress ni agressivité. «L’utilisation de l’humour lors de conflits interpersonnels détend l’atmosphère, indique Bruno Fortin. On est automatiquement moins anxieux et moins sur la défensive. Notre message passe mieux.»

     

    Et il n’y a rien comme l’humour pour créer des liens, se rapprocher des gens et socialiser. «L’humour et le rire jouent un rôle social important en facilitant la communication, déclare Émilie Ouellette, humoriste et conférencière. Lorsqu’on rit avec quelqu’un, il y a naturellement une connexion et une complicité qui s’installent. On brise non seulement la glace, mais on montre aussi une ouverture amicale ou amoureuse, c’est selon. C’est d’ailleurs l’arme secrète des grands séducteurs. Les hommes adorent les femmes qui les font rire, et vice versa.»

     

    On sait aussi que les individus ayant un bon sens de l’humour possèdent généralement une très bonne estime de soi et une belle joie de vivre. Seul hic, selon Bruno Fortin: les gens qui ont un trop grand sens de l’humour ont tendance à se croire plus en santé qu’ils ne le sont réellement. Conséquence: ils ne seraient pas très portés à prendre soin d’eux et à consulter en cas de symptômes physiques. À surveiller!

     

    Néanmoins, ne nous avons vous pas donné suffisamment de raisons de mettre un peu plus d’humour dans votre quotidien?

     

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    La dépression en vieillissant, normal?

     

    Normal d’être déprimé en vieillissant? Non, répondent les experts. Contrairement à la croyance populaire, dépression et vieillissement ne vont pas de pair. Quel que soit notre âge, la dépression est une maladie, et il faut la traiter.

     

    La dépression en vieillissant, normal?

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    Il a fallu quelques mois à Isabelle L. pour comprendre que sa mère, Carmen, âgée de 75 ans, souffrait de dépression. «Elle me téléphonait moins souvent et elle sortait moins aussi. Elle m’assurait qu’elle allait bien, que le médecin ne lui avait rien trouvé, mais je sentais qu’elle changeait. Elle me disait parfois: “Je ne suis plus bonne à rien.” Elle mettait cela sur le compte de la fatigue, moi sur le compte du vieillissement. Puis elle a commencé à perdre du poids. Aux repas, elle grignotait à peine. Un jour, alors qu’elle portait un pantalon dans lequel elle flottait littéralement, je l’ai convaincue d’aller voir son médecin. Et cette fois-là, je l’ai accompagnée. Il a diagnostiqué une dépression. Elle a eu du mal à accepter ce diagnostic qui m’a aussi étonnée. Dans notre famille, je crois qu’on considérait la dépression comme une faiblesse plutôt qu’une maladie. On a dû revoir notre vision.» 

     

    La réaction de Carmen et de sa fille n’a rien d’unique. Méconnue, souvent en proie aux préjugés qui entourent les troubles mentaux, la dépression reste toujours un sujet tabou. Ceux qui en souffrent hésitent à en parler et même à consulter. La dépression est pourtant une maladie fort répandue puisque, selon les experts, 10 à 15% des Québécois en seront atteints au moins une fois au cours de leur vie. Et la dépression n’a pas d’âge. Elle frappe des adolescents, des adultes, particulièrement les 40 à 59 ans, et aussi des personnes âgées. 

     

    Selon une étude de 2006 sur la santé des aînés, 13,8% des Québécois francophones de plus de 65 ans vivant à domicile souffriraient de dépression (dépression majeure: 8,6%, dépression mineure: 4,1%, dépression atypique: 1,1%). Ces taux sont plus élevés chez les aînés ayant récemment perdu leur conjoint (15 à 20%). Ils grimpent également (20 à 30%) chez ceux qui vivent en CHSLD ou qui sont aux prises avec certaines maladies dégénératives. 

     

    Contrairement à la croyance populaire, dépression et vieillissement ne vont pas de pair. «Les gens ont tendance à croire que c’est normal d’être plus triste ou plus irritable en vieillissant, mais c’est faux. Si votre mère, qui avait l’habitude d’être coquette ou de rire, semble négligée ou aigrie depuis quelque temps, c’est peut-être un signe de dépression», explique Ginette Henri, infirmière clinicienne, détentrice d’une maîtrise en gérontologie et spécialisée en soins de santé mentale auprès des personnes âgées. 

     

    Bien sûr, franchir le cap des 65 ou des 75 ans ou plus peut susciter une crise existentielle. Il est normal de s’interroger sur le sens de sa vie, de faire un bilan et de se poser certaines questions.

     

    «À cette étape de son parcours, l’aîné peut se questionner sur son utilité, sa place dans la société, confirme Mme Henri. Il peut s’attrister de la perte de proches et craindre ou déplorer de se retrouver seul. Mais lorsque ces questions ou le fait de vieillir se transforment en souffrance, les risques de détresse psychologique et de dépression sont plus élevés, et il faut savoir en reconnaître les signes.» 

     

    Pas facile de déceler la dépression chez les aînés. Souvent masquée par d’autres problèmes de santé, camouflée par les aînés eux-mêmes, elle serait de plus sous-diagnostiquée et sous-traitée. C’est du moins ce qui ressort d’une analyse publiée par l’Association canadienne pour la santé mentale, section de Montréal (ACSM). Reprenant les chiffres publiés par la revue Médecin de famille, l’ACSM révèle que les troubles de santé mentale, principalement la dépression, ne sont pas diagnostiqués chez plus de 30% des personnes de plus de 65 ans. D’autres études soutiennent que 40% des dépressions parmi les personnes de ce groupe d’âge échappent à tout diagnostic. 

     

    Selon les experts cités par l’ACSM, la dépression peut, dans certains cas, être mal diagnostiquée parce que plusieurs de ses symptômes peuvent être confondus avec ceux d’autres maladies ou liés, à tort, à certaines situations.

     

    Par exemple, des médicaments pour traiter l’hypertension ou des maladies cardiaques peuvent provoquer des sautes d’humeur. Des ennuis de santé, comme les douleurs chroniques, peuvent causer de l’irritabilité. Une profonde tristesse, de l’insomnie ou une perte d’appétit peuvent être associées par erreur à un deuil récent ou à une autre maladie. 

     

    Autre chose: certains symptômes dépressifs des aînés diffèrent de ceux des plus jeunes. Selon l’ACSM, chez un aîné la dépression se caractérise plus souvent par de l’anxiété, de l’agitation et des plaintes au sujet de douleurs ou de pertes de mémoire. «La somatisation est un symptôme typique, souligne Ginette Henri. La personne se plaint de maux de ventre, de tête, de jambes, ou encore allègue des troubles de mémoire. Elle ressent vraiment ces symptômes, mais ils n’ont pas de cause physiologique. Ce sont, en fait, des symptômes dépressifs.» 

     

    Les proches et le médecin sont alors mis sur de fausses pistes. La personne âgée consulte pour des symptômes physiques, mais ne parle pas de ses états d’âme ou de ses peurs.

     

    «Les aînés ont tendance à cacher leur tristesse ou leur angoisse, par pudeur ou par crainte d’être jugés, explique Mme Henri. Certains associent les problèmes psychologiques à la folie, d’autres ont peur de déranger ou perçoivent leur détresse comme une faiblesse. Ils évitent d’en parler à leur entourage et à leur médecin. D’où l’importance de sensibiliser et de former les omnipraticiens et les infirmières de première ligne au dépistage de la dépression, explique Ginette Henri. Mais ces professionnels ne peuvent pas à eux seuls dépister tous les cas. C’est pourquoi il est important de sensibiliser aussi le public, afin que les proches puissent reconnaître les symptômes et les facteurs de risques de la dépression.» 

     

    Les déséquilibres chimiques cérébraux, comme un taux anormal de sérotonine, sont une des causes de la dépression, mais il en existe de nombreuses autres. Voici quelques-uns des principaux facteurs de risques de dépression chez la personne âgée, ainsi que des sources de stress pouvant conduire à une détresse psychologique. Si un proche âgé présente un ou plusieurs de ces facteurs, mieux vaut aborder la question avec lui. Vous pourrez alors déceler s’il semble déprimé ou angoissé. C’est le premier pas à faire en vue de l’aider à trouver des ressources et des stratégies qui l’aideront à affronter la situation et à éviter que ses inquiétudes se transforment en détresse.

     

    Facteurs de risques

     

    • Antécédents de dépression
    • Maladie grave
    • Douleurs chroniques
    • Perte fonctionnelle (difficulté grandissante à marcher, monter des escaliers, etc.)
    • Veuvage récent
    • Placement du conjoint en CHSLD
    • Mort récente d’un enfant ou d’un petit-enfant (entraînant un sentiment du genre: «Pourquoi n’est-ce pas plutôt moi?»)
    • Isolement social (en raison d’une perte de capacités fonctionnelles)
    • Deuils multiples et perte du réseau social et émotif (décès des frères, soeurs, amis proches)
    • Baisse subite de revenus ou difficultés financières
    • Perte d’autonomie
    • Situation d’abus (physique, psychologique, financier)
    • Rôle de proche aidant (épuisement, inquiétude, angoisse face à la mort)

     

    Veuvage: un risque élevé pour les hommes

     

    Le veuvage est un important facteur de risques de dépression chez les hommes de plus de 65 ans, selon plusieurs études. Ils présentent même un risque élevé de suicide durant la première année de veuvage, et un risque modéré les années suivantes. Une aide professionnelle ou celle d’un groupe de soutien peut être salutaire.

     

    Sources de stress pouvant conduire à une détresse

    psychologique

     

    • Angoisse générée par le vieillissement
    • Inquiétudes face aux changements et à l’avenir («Vais-je avoir assez d’argent?… Où vais-je habiter?»)
    • Hospitalisation récente ou hospitalisation du conjoint
    • Déménagement
    • Perte du permis de conduire

     

    Si l’un de vos proches aînés présente un ou plusieurs de ces symptômes, incitez- le à consulter un médecin et proposez- lui de l’accompagner. Vous serez ainsi en mesure de faire part de vos inquiétudes au médecin et de compléter l’information. S’il refuse de voir un médecin, contactez l’accueil psychosocial du CLSC pour obtenir de l’aide et des informations.

     

    Principaux symptômes

     

    • Instabilité, agitation
    • Agressivité, colère
    • Somatisation (plainte au sujet de douleurs réellement ressenties mais qui ne semblent pas avoir de causes)
    • Troubles allégués de mémoire (sans cause physiologique)
    • Démotivation (perte d’intérêt dans les habitudes quotidiennes)
    • Ennui et tristesse soutenue
    • Perte d’appétit et de poids
    • Sensation douloureuse de vide intérieur («Je ne sers plus à rien... Je n’ai plus de raison d’être ici... Je ne sais pas à quoi ça me sert de vivre.»)
    • Perte du sentiment que la vie a un sens
    • Repli sur soi, isolement (refus des situations sociales, tendance à s’éloigner des proches)
    • Désintéressement soudain et accru envers les activités quotidiennes (ne fait plus son ménage ou ses courses, s’alimente moins bien)
    • Négligence inhabituelle quant à son apparence et à son hygiène
    • Indices de suicide annoncé (donne des effets personnels, fait euthanasier son animal… «Je vais partir en voyage bientôt... Ce sera mon dernier anniversaire... Vous seriez mieux sans moi.»)

     

    Dépister, diagnostiquer et traiter la dépression, c’est aussi prévenir le suicide. Une récente étude québécoise révèle que 40 % des personnes âgées s’étant suicidées avaient consulté un médecin le mois précédent, mais leur dépression n’avait pas été diagnostiquée. 

     

    «Il a été scientifiquement démontré que la dépression est la première cause de suicide chez les aînés et qu’en la traitant adéquatement on pourrait réduire les risques de suicide de 75%», peut-on y lire. Entre 2006 et 2011, on dénombrait une moyenne annuelle de 137 suicides – 31 femmes et 106 hommes. Cela dit, à l’opposé de ce que laissent entendre certaines manchettes, le taux de suicide chez les aînés du Québec est à la baisse. Mais plus étonnant encore, le taux de suicide des aînés québécois est l’un des plus bas au monde. 

     

    «Depuis 30 ans, nos données indiquent que, contrairement à ce qui se passe dans d’autres pays comme les États-Unis ou la Chine, où le taux de suicide augmente à partir de 50 ans et atteint un sommet à 75 ans, ce taux diminue au Québec de façon significative à partir de 50 ans et progressivement jusqu’à 75 ans», explique Bruno Marchand, directeur général de l’Association québécoise de prévention du suicide (AQPS). Comment expliquer cette diminution? La question reste sans réponse, mais constitue sans aucun doute une bonne nouvelle.

     

    Ressources

    Association canadienne pour la santé mentale - Division du Québec

    514 849-3291, www.acsm.qc.ca

    Association québécoise de prévention du suicide

    1 866 277-3553, www.aqps.info 

     

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    Le jeu pathologique, traitement et

    prévention

     

    Le jeu pathologique gâche la vie des joueurs et de leurs proches. Dettes, mensonges, isolement, perte de contact avec la réalité... Une dépendance que l’on peut heureusement traiter et même prévenir.

     

    Le jeu pathologique, traitement et prévention

    Gagner le gros lot! Voilà un rêve que caressent bon nombre d’entre nous. Un rêve qui se traduit pour l’État en espèces bien sonnantes. En 2011-2012, loteries, casinos, appareils de loterie vidéo (ALV) et bingos ont fait entrer plus de 3, 658 milliards de dollars dans les caisses de Loto-Québec. Une somme plutôt rondelette! Cela dit, les Québécois sont tout de même les joueurs qui misent le moins dans tout le Canada. Selon les données du dernier budget provincial, les dépenses par adulte pour les jeux de hasard et d’argent (JHA) se chiffraient en 2012 à 583$, comparativement à 770$ dans l’ensemble du pays.

     

    Les Québécois, des joueurs modérés

    Le Québec remporte également la palme du plus petit pourcentage de joueurs pathologiques au Canada. À peine 0,7% de la population (contre 1,4% au Manitoba) souffre de jeu pathologique, et environ 1,3% risque de développer cette dépendance. Au cours d’une année, près de 30% des Québécois ne jouent à aucun JHA, et les 68,5% qui jouent sont des joueurs sans problèmes ou à faible risque. Ces chiffres proviennent d’une étude effectuée en 2009 auprès de 11 088 personnes par Sylvia Kairouz, professeure agrégée au département de sociologie et d’anthropologie de l’Université Concordia, et Louise Nadeau, professeure agrégée au département de psychologie de l’Université de Montréal.

     

    Contrairement à la croyance populaire, la dépendance au jeu est donc très peu répandue. «Bien moins que l’alcoolisme ou la toxicomanie, ajoute Louise Nadeau. Le jeu pathologique ne représente pas un enjeu de santé publique. Cela relève du domaine clinique. Néanmoins, il est important de mener, à titre préventif, des campagnes de sensibilisation visant les joueurs à risque.»

     

    Et les personnes âgées? «Celles qui vont dans les casinos le font pour s’amuser en groupe. Nos chiffres montrent qu’il n’y a pas plus de joueurs compulsifs chez les plus de 55 ans que chez les autres adultes.»

     

    Il n’y a pas non plus de problèmes majeurs avec le jeu en ligne. Attention, toutefois: il ne faut pas confondre la cyberdépendance, qui peut inclure les jeux vidéo, les jeux de patience ou de mots, etc., avec les jeux de hasard et d’argent en ligne. Alors qu’en Europe environ 6% de la population joue à des JHA en ligne, au Québec la proportion est de 1,4%. «Parmi ces derniers, à peine 6% ont une dépendance, et ils jouent tous à d’autres jeux, d’après une étude qui s’est terminée en 2012», indique Mme Nadeau.

     

    Même s’il est peu répandu, le jeu pathologique est dramatique pour les quelque 42 000 Québécois qui en souffrent et pour leurs familles. De tels joueurs peuvent jouer et perdre leur maison, leur REER, faire exploser leurs cartes de crédit, emprunter partout et à tout le monde, même au risque de se frotter à des créanciers peu scrupuleux.

     

    Une fois devant leur machine, certains y restent des journées entières, négligeant de s’alimenter et même de rentrer pour se doucher. D’autres vont jusqu’à voler dans la petite caisse du bureau ou dans le sac à main ou les poches de leur conjoint. S’isolant de plus en plus, complètement obsédés par le jeu, ils négligent leurs amis, leurs enfants, leur conjoint. Ils manquent leur rendez-vous, s’absentent du travail, tricotent un tissu de plus en plus serré de mensonges pour pouvoir continuer à jouer.

     

    Résultat: dans bien des cas, les proches découvrent l’ampleur du problème lorsque les créanciers frappent à la porte ou que la situation est hors contrôle. Un choc d’autant plus brutal que la dépendance au jeu se développe souvent de façon fulgurante. «À l’époque où il n’y avait que les pokers clandestins et les courses de chevaux, il fallait une moyenne de 14 ans pour que le joueur à risque devienne dépendant. Aujourd’hui avec les appareils vidéo, les loteries et les casinos, cette moyenne n’est que de six mois», explique Claude Boutin, psychologue à la maison Jean-Lapointe.

     

    Le jeu pathologique n’a été médicalement reconnu qu’en 1980. Le DSM 4, la bible des troubles mentaux, indique qu’il faut un cumul de 5 des 10 critères cliniques répertoriés pour établir un diagnostic de jeu compulsif.

     

    Les critères diagnostiques du jeu pathologique du DSM 4. 

     

    Il s’agit d’une pratique inadaptée, persistante et répétée du jeu, associée chez un joueur à au moins 5 des manifestations suivantes:

    • Préoccupé par le jeu ou par les moyens de se procurer de l’argent pour jouer.
    • A besoin de jouer avec des sommes d’argent croissantes pour atteindre l’état d’excitation désiré.
    • Fait des efforts répétés mais infructueux pour se contrôler ou arrêter de jouer.
    • Agité ou irritable lors des tentatives de réduction ou d’arrêt.
    • Joue pour échapper aux difficultés ou pour soulager un sentiment d’impuissance, de culpabilité, d’anxiété ou de dépression.
    • Après avoir perdu de l’argent au jeu, retourne jouer pour effacer ses pertes (pour «se refaire»).
    • Ment à sa famille, à son thérapeute ou à d’autres pour dissimuler l’ampleur réelle de ses habitudes de jeu.
    • Commet des actes illégaux tels que falsifications, fraudes, vols ou détournement d’argent pour jouer.
    • Met en danger ou perd une relation affective importante, un emploi ou des possibilités d’étude ou de carrière à cause du jeu.
    • Compte sur les autres pour obtenir de l’argent et se sortir de situations financières désespérées dues au jeu.

     

    «Le jeu devient pathologique lorsqu’il est utilisé en guise d’automédication, explique Louise Nadeau. Les gens qui ne jouent au casino ou aux ALV que pour avoir du plaisir ou pour mettre un peu de piquant dans leur vie font preuve, selon nos données, d’une forte autorégulation, un mot clé en matière de jeu. Ces joueurs fixent une somme à miser et une durée de jeu qu’ils respectent. Ils ne sont pas à risque. Mais ceux qui jouent pour calmer leur angoisse, fuir des émotions ou des situations difficiles dans leur vie verront cette activité devenir rapidement pathologique.» 

     

    Jouer compulsivement, c’est jouer trop d’argent, trop longtemps et trop souvent. Et comme dans le cas de toutes les dépendances, il s’agit d’une perte de contrôle répétée. Le jeu prend toute la place, au détriment des obligations, des responsabilités ou des engagements. 

     

    Autre caractéristique: le joueur compulsif est solitaire. «Les gens qui boivent en groupe boivent davantage, alors que pour le jeu c’est l’inverse, explique Mme Nadeau. Nos études montrent en effet que ceux qui jouent en groupe s’autorégularisent, tandis que les joueurs pathologiques, eux, jouent seuls la plupart du temps. Ils se coupent ainsi davantage de la vraie vie.» 

     

    Même s’ils jouent bien souvent à plusieurs jeux de hasard et d’argent, les joueurs pathologiques adoptent habituellement un jeu en particulier, principalement les machines à sous dans les casinos et les appareils de loterie vidéo (ALV) dans les bars. «Les joueurs entretiennent des croyances ou des superstitions qui les confortent dans leur dépendance, explique Claude Boutin. Ils élaborent des théories pour gagner. Par exemple, ils se présentent toujours à la même table de jeu ou adoptent une ALV en particulier, convaincus que leurs «trucs» ou stratégies seront payants sur cet appareil. Bien entendu, cela n’a aucun fondement, mais il suffit d’une fois où cela aura fonctionné par hasard pour que le joueur soit convaincu de l’efficacité de son manège.» 

     

    Le jeu pathologique est la dépendance qui est le plus souvent associée à une autre dépendance ou à un trouble mental. «Les troubles de la personnalité viennent en tête de liste, explique Mme Nadeau. Plus de 33% des joueurs pathologiques ont un trouble de la personnalité caractérisé par une distorsion ou une déconnexion de la réalité.» Fuyant la réalité, les joueurs nient leur dépendance, mais surtout refusent d’en voir les conséquences et leur gravité. «Ils sont toujours convaincus qu’ils peuvent se refaire, raconte M. Boutin. Même en début de thérapie, ils disent: “Si seulement je pouvais gagner le gros lot!”» Mme Nadeau ajoute: «Ils opposent une farouche résistance à la réalité, même s’ils ont tout perdu.» 

     

    Les conséquences du jeu compulsif ne sont pas que financières, rappelle Claude Boutin. «Certains ont emprunté de l’argent qu’ils n’ont jamais remis à des amis ou à de la parenté, brisant ainsi des liens de confiance. D’autres se sont absentés de leur travail qu’ils finissent par perdre, le conjoint et les enfants se retrouvent parfois sans maison et sans meubles, en plus de souffrir de la relation brisée, de l’absence émotive du joueur et de ses mensonges répétés.»

     

    Pour le joueur, c’est également le cercle vicieux de la honte, de la perte d’estime de soi, de l’anxiété et de l’isolement. 

     

    Sans compter que les enfants, le conjoint ou les parents ont souvent honte du problème et des ennuis financiers qui en découlent. Ils finissent, eux aussi, par s’isoler. 

     

    Que faire si votre conjoint joue? 

     

    • Tentez de parler avec lui du problème et de l’inciter à consulter. 
    • Adressez-vous rapidement à un conseiller financier pour vous protéger et protéger le mieux possible les biens de la famille. 
    • Ne restez pas seul avec votre problème. Faites appel à la ligne Jeu: aide et référence pour connaître les ressources dans votre région. 

     

    Vous êtes à risque si vous… 

     

    • Jouez des sommes plus élevées que celles que vous aviez fixées. 
    • Jouez beaucoup plus longtemps que prévu. 
    • Jouez très souvent. 
    • Jouez en solitaire. Pour connaître votre profil de joueur, remplissez le questionnaire sur le site de Jeu: aide et référence.

     

    Les jeunes: vulnérables 

     

    Parce qu’ils sont particulièrement impulsifs, qu’ils mesurent peu les conséquences, qu’ils sont souvent influençables, les jeunes sont parmi les plus vulnérables face au jeu. Voilà pourquoi Loto-Québec conseille aux parents et aux grands-parents de ne pas offrir de billets de loterie en cadeau aux enfants. 

    Le Québec a, selon nos comparaisons, le meilleur programme au monde en matière d’intervention, de soins et de soutien pour les joueurs pathologiques», déclare Louise Nadeau. De fait, Loto-Québec, souvent montrée du doigt à propos de sa responsabilité sociale et sociétale face au jeu pathologique, verse 22 millions annuellement au ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS). Avec ces fonds, le MSSS finance tout le réseau de soins et de soutien aux joueurs compulsifs.

     

    Dans tout le Québec, les soins en cure interne ou externe, groupes de soutien ou consultations sont gratuits. Et, fait important, ils sont également offerts gratuitement aux proches des joueurs. 

     

    Coeur névralgique de ce vaste réseau, la ligne Jeu: aide et référence offre des informations et des références vers les ressources les mieux appropriées à chaque cas, et ce, en tout temps. Plus de 7 000 personnes ont utilisé ce service en 2011-2012. 

     

    Quant au traitement du jeu compulsif, il comporte plusieurs approches. Cures fermées ou non, groupes de soutien comme les Gamblers anonymes, thérapie cognitivo-comportementale individuelle, etc. Certains centres, comme la maison Jean-Lapointe, combinent toutes ces approches. Peut-on s’en sortir? «Oui, répond Claude Boutin. Mais il faut bien sûr considérer le traitement comme un processus qui exigera du temps.» 

     

    Le programme d’autoexclusion des casinos

     

    Même si certains joueurs se déguisent pour contourner l’interdit, le programme d’autoexclusion des casinos est relativement efficace pour les joueurs connus du personnel de ces lieux. Il s’agit d’un engagement volontaire du joueur de s’exclure des salons de jeux et casinos où il ne sera plus admis. Le service est confidentiel et gratuit. 

     

    Pour information: Loto-Québec, Service-conseil à l’autoexclusion, 1 866 915-7627.

     

    Ressources 

    Ligne Jeu: aide et référence : Montréal et les environs, 514 527-0140; partout au Québec, 1 800 461-0140 ou 1 866 SOS-JEUX

    Gamblers anonymes: Montréal, 514 484-6666 Ailleurs au Québec, 1 866 484-6664 

     

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    Santé-Psycho:  Accès de fureur mielleuse

     

    Santé-Psycho:  Accès de fureur mielleuse

     

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