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    Bons plans à Rotterdam

     

     

    Photos-Villes du Monde 3:  Bons plans à Rotterdam


     

    Audacieux, imposant et ouvert, le Markthal est un des bâtiments les plus célèbres de Rotterdam. L'édifice voûté à usage mixte héberge un marché au rez-de-chaussée ainsi que de nombreux restaurants.

     

    PHOTO VERÓNICA PÉREZ TEJEDA, LA PRESSE

     

    À première vue, la ville de Rotterdam  est surprenante avec son architecture résolument moderne qui contraste avec celle de sa rivale Amsterdam, grande championne touristique. Peut-être moins bucolique que d'autres villes néerlandaises, Rotterdam mérite tout de même qu'on s'y attarde pour son avant-garde, ses habitants terre à terre, ses marchés sympas et sa vie nocturne trépidante.

     

    Une visite au centre-ville

    Le centre-ville de Rotterdam a été complètement rasé pendant la Seconde Guerre mondiale. Plutôt que de reconstruire selon l'architecture d'origine, Rotterdam s'est tourné vers l'avenir. Le centre-ville a donc été un terrain d'expérimentation en architecture contemporaine. Parmi les édifices qui impressionnent, notons le Markthal, bâtiment en forme d'arche qui héberge un immense marché haut de gamme et des restaurants de qualité où le fin gourmet trouve son compte. Puisque vous êtes dans le coin, allez voir également les maisons cubiques (Kubuswoningen). Conçues dans les années 70, ces maisons inclinées à 45 degrés font partie des curieuses expérimentations architecturales de l'époque. On peut en visiter une en quelques minutes pour 2,50 euros.

     

    Photos-Villes du Monde 3:  Bons plans à Rotterdam

     

    En traversant le pont Erasmusbrug, on aperçoit De Rotterdam, un édifice phare qui surprend avec ses formes audacieuses. Le gratte-ciel a de nombreux restaurants et bars qui donnent une vue panoramique sur la ville.

    PHOTO LA PRESSE, VERONICA PEREZ-TEJEDA

     

    Une balade en vélo

    Louez un vélo et parcourez l'excellent réseau cyclable de Rotterdam (comme vous pouvez le faire partout aux Pays-Bas). Rendez-vous dans le sud de la ville en passant par l'élégant Erasmusbrug, le pont suspendu emblématique de la ville qui traverse la rivière Maas sur 800 mètres. Dans votre champ de vision se trouvera De Rotterdam, un autre édifice phare. Entamé en 1996 et terminé en 2013, De Rotterdam est étonnant avec sa forme non monolithique. On y trouve bureaux et appartements, mais aussi de nombreux bars et hôtels qui ont une vue impressionnante sur la ville, notamment au crépuscule.

     

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    Depuis son ouverture, la popularité du Fenix Food Factory ne se dément pas. C'est l'endroit parfait pour casser la croûte, prendre un verre et faire des emplettes dans une ambiance des plus décontractées.

    PHOTO VERÓNICA PÉREZ TEJEDA, LA PRESSE

     

    Le Fenix Food Factory

    Le Fenix Food Factory est un autre marché alimentaire, avec une identité cette fois un peu bohème. Implanté dans un ancien entrepôt industriel, dans un secteur autrefois mal famé, mais aujourd'hui complètement revitalisé, le Fenix attire son lot de jeunes et de familles qui souhaitent casser la croûte en faisant leurs emplettes provenant principalement de sources locales. Sous le même toit se côtoient boulangeries, comptoirs à charcuteries, bars et cafés affichant des prix raisonnables.

     

    Photos-Villes du Monde 3:  Bons plans à Rotterdam

     

    Le Watertaxi est le moyen de transport par excellence quand on doit traverser la rivière Maas au centre-ville et qu'on est pressé. On peut rejoindre sa destination en seulement quelques minutes.

    PHOTO VERÓNICA PÉREZ TEJEDA, LA PRESSE

     

    Le watertaxi

    Si le vélo est bien souvent le meilleur moyen de se déplacer dans les villes néerlandaises, il reste que la bicyclette ne roule pas sur l'eau. Et l'eau est bien présente à Rotterdam. Le Watertaxi représente parfois le moyen de transport le plus rapide (et amusant!) pour se déplacer au centre-ville. Le secteur desservi longe la rivière Maas et compte trois zones de trajet (ouest, centre et est). Il coûte entre 4,50 et 10 euros par personne selon le nombre de zones qu'on traverse, et il est ainsi possible d'atteindre sa destination en quelques minutes à peine. Il existe aussi une navette fluviale qui relie régulièrement le quai de l'Hôtel New York et Veerhaven, une jolie marina sur la rive nord, pour 3 euros.

     

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    Le Museumpark est, comme son nom l'évoque, un parc qui regroupe les importants musées d'art de la ville. Sur la photo, l'entrée du musée Boijmans van Beuningen.

    PHOTO VERÓNICA PÉREZ TEJEDA, LA PRESSE

     

    Le Museumpark

    Si Berlin a son île aux musées, Rotterdam a son parc aux musées, le Museumpark. Le parc en soi n'est pas particulièrement grand, mais les visiteurs ont la chance d'avoir accès à des musées d'envergure à quelques pas l'un de l'autre. Les férus d'architecture, de design et de culture numérique peuvent visiter le Het Nieuwe Institute et le Huis Sonneveld, qui leur sont destinés, alors que le Chabot Museum, le Museum Boijmans van Beuningen et le Kunsthal présentent des expositions d'arts visuels et d'art contemporain. Il y a aussi un musée d'histoire naturelle.

     

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    La rue Witte de Withstraat est la rue la plus animée de Rotterdam avec ses boutiques branchées, ses bars, ses galeries d'art contemporain et ses restaurants.

    PHOTO VERÓNICA PÉREZ TEJEDA, LA PRESSE

     

    La Witte de Withstraat

    En marchant vers l'est, la rue Museumpark devient Witte de Withstraat, une rue commerçante populaire qui compte bars, restos, cafés, galeries d'art contemporain, boutiques branchées et hôtels. Les soirs de fin de semaine, la rue devient des plus animées, avec ses terrasses et sa vie nocturne qui se vit derrière les murs et sur le trottoir. La rue a subi une grande revitalisation au cours de la dernière décennie, mais il est toujours possible de trouver des commerces et restaurants ethniques qui s'y trouvent depuis bien avant la période d'embourgeoisement.

     

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    Le père Noël (simplement Santa Claus) et son «sapin de Noël» est une oeuvre d'art public qu'on verrait difficilement exister en Amérique du Nord. La sculpture a beau être née dans la controverse, elle fait aujourd'hui partie du paysage urbain à Rotterdam et ne choque plus personne.

    PHOTO VERÓNICA PÉREZ TEJEDA, LA PRESSE

     

    Santa Claus

    Le père Noël de Rotterdam est une sculpture d'art public de Paul McCarthy, qui a aussi fait parler de lui avec son oeuvre Tree, place Vendôme, à Paris. Santa Claus ne fait pas exception... Érigé en 2001, le père Noël tient ce qui se veut un arbre de Noël et devait initialement être installé à côté de la salle de concert de la ville, ce qui ne s'est jamais produit en raison de la polémique suscitée. N'étant le bienvenu nulle part, le pauvre père Noël (ou gnome, c'est selon) a finalement été installé de façon permanente en 2008 au square Eendrachtsplein, une place publique piétonne. Aujourd'hui, il ne fait plus sourciller personne... sauf les touristes.

     

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    Franc-maçonnerie

    Petite histoire d'un Ordre méconnu

     

    du site herodote

    Symboles maçonniques

     

    La franc-maçonnerie moderne est née en Grande-Bretagne dans les premières années du XVIIIe siècle. Elle s'est très vite diffusée dans l'ensemble du monde occidental, accompagnant partout la démocratie et la tolérance religieuse.

    Elle a pris diverses colorations au fil de ses migrations, plutôt spéculative en France et plutôt bienfaitrice aux États-Unis, sans jamais renier les idéaux reçus de ses « géniteurs » anglais.

    Elle se définit comme un « Ordre initiatique », avec une notion de « sacré »qui va au-delà de la simple religiosité. Son goût du secret et ses engagements libéraux ont nourri à son encontre mythes et calomnies...

    Frédéric Salin
     

    Origine anglaise et références bibliques

    Le 24 juin 1717, à l'occasion de la Saint Jean, naît à Londres la « Grande Loge de Londres et de Westminster ». C’est l’acte fondateur de la franc-maçonnerie moderne. Il se produit dans une taverne au nom pittoresque : L’oie et le gril.

    Cette Grande Loge est la réunion de quatre « loges maçonniques » londoniennes. Comme beaucoup d'autres loges similaires apparues au XVIIe siècle en Angleterre et en Écosse, elles n’avaient d’autre objectif que de pratiquer une entraide mutuelle entre leurs membres.

    Née dans un milieu protestant très biblique, la franc-maçonnerie puise dans l’Ancien Testament les premiers rudiments de son enseignement moral. Considérant qu’elle a pour vocation de construire un temple idéal (à rapprocher de la cité idéale des utopistes), elle adopte pour modèle le Temple que le roi Salomon fit construire à Jérusalem environ mille ans avant notre ère (*).

     

    Tablier sur sole, dit vase aux serpents (XVIIIe siècle), Musée de la franc-maçonnerie (Paris), DR

    L’architecture sacrée joue un rôle prépondérant dans la vie maçonnique : Dieu est appelé par les francs-maçons « Le Grand Architecte de l’Univers ».

    C’est au demeurant à partir de cette allégorie que certains courants maçonniques revendiquent une filiation avec les constructeurs médiévaux des grands édifices religieux. De cette filiation quelque peu mythique découlent les grades de l’Ordre maçonnique : apprenticompagnonmaître, et les symboles : tablier de peau, truelle, équerre, compas.

     

    Voilà mes plaisirs, peinture sur trumeau (musée de la franc-maçonnerie, Paris), DR

     

    Très rapidement, la franc-maçonnerie accueille en son sein des membres éminents de la Royal Society, tel Jean-Théophile Désaguliers dont la famille rochelaise avait dû s’exiler en Angleterre après la révocation de l’Édit de Nantespar Louis XIV en 1685.

    Désaguliers devient en 1719 le Grand Maître de cette Grande Loge. La Royal Society donne à la jeune franc-maçonnerie, dont les membres fondateurs étaient d’extraction plutôt modeste, une coloration intellectuelle qui l’aspire vers le haut, ce qui a pour conséquence d’attirer vers elle l’élite du royaume – exclusivement masculine -.

    C’est encore le même Désaguliers qui, en 1723, fait rédiger par le pasteur James Anderson les « Constitutions of the Free-Masons ». Elles assurent aux francs-maçons la liberté de conscience à travers l'article premier « concernant Dieu et la Religion » :
    « Aujourd’hui il a été considéré plus naturel de les [les francs-maçons] astreindre seulement à cette religion sur laquelle tous leshommes sont d’accord, laissant à chacun ses propres opinions, c’est-à-dire d’être deshommes de bien et loyaux ou des hommes d’honneur et de probité ».

    Ces Constitutions demeurent une référence incontournable dans tous les pays où l’Ordre a essaimé. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il essaime très vite, d’abord vers la France puis vers les autres pays continentaux.

     

    Une vocation libérale

    À Paris, une première loge maçonnique anglaise aurait vu le jour en 1725, rue des Boucheries. Elle est restée dans les annales sous le nom emblématique de « Saint-Thomas au Louis d’Argent ». Elle reçoit en 1732 une patente de la Grande Loge de Londres (*).

    Ne perdons pas de vue que les encyclopédistes et les grands philosophes qui ont valu à notre XVIIIe siècle d’être surnommé plus tard le « Siècle des Lumières » avaient fréquenté assidument les membres de la Royal Society de Londres et entretenu avec eux des échanges fructueux. Pour l’anecdote, nous pouvons citer Charles de Montesquieu qui avait été reçu maçon en mai 1730 dans une loge londonienne en présence de son compatriote exilé et anglicisé Jean-Théophile Désaguliers.

    La franc-maçonnerie prend en France une coloration particulière qui l’éloigne peu à peu de la tutelle londonienne. En quelques années, les affiliés français supplantent les Anglais à l'origine de la première loge parisienne. En 1773, plusieurs loges se fédèrent au sein d'une nouvelle obédience, le Grand Orient de France, avec pour Grand Maître rien moins que le duc de Chartres, futur Philippe-Égalité.

    Paris et quelques autres grandes villes de France voient croître leurs loges à la porte desquelles se pressent dans l’espoir d’y être admis à peu près tout ce qu’on y compte de notabilités. Les aristocrates, les bourgeois de qualité, certains membres du haut clergé et tous ceux qui se piquent de « philosophie » envahissent les loges françaises qui, de ce fait, se multiplient et deviennent un lieu privilégié d’échanges intellectuels. Même engouement dans le reste de l'Europe. À Prague, le divin Mozart offre à la franc-maçonnerie un chef-d'oeuvre, La Flûte enchantée...

     

    La Flûte enchantée au théâtre du Capitole de Toulouse (2010), DR

     

    Le célèbre Voltaire mérite une mention particulière : il fut reçu franc-maçon dans une loge parisienne dite des « Neuf Sœurs » (loge d’écrivains et d’artistes fondée par Helvetius) le 7 avril 1778, soit deux mois avant sa mort. Eu égard à son grand âge, les épreuves d’admission furent allégées pour lui et on imagine bien que, en recevant cet illustre vieillard de quatre-vingt-quatre ans, la loge pensait surtout à donner davantage de lustre à sa matricule.

    À ce propos, notons que les dictionnaires maçonniques ont la fâcheuse habitude d’enrôler sans vergogne des personnalités célèbres en leur temps mais qui n’ont entretenu avec la franc-maçonnerie que des relations distantes et même parfois inexistantes…

     

    Le marquis de Lafayette en 1792, par Joseph Court (musée de Versailles)

    Mais on ne saurait faire l’impasse sur une personnalité maçonnique hors du commun : le marquis de La Fayette, né en 1757, reçu en maçonnerie en 1774 (à l’âge de dix-sept ans) dans le sein d’une loge militaire stationnée à Metz et général à moins de vingt ans.

    En 1777, il s’embarque pour l’Amérique où, sur la recommandation de son ami et « frère » Benjamin Franklin, il est nommé « major » par George Washington (également franc-maçon) et prend le commandement des insurgents désireux d’échapper à la tutelle britannique et de prendre leur indépendance.

    Il ne serait pas excessif d’affirmer, sans réduire le mérite des politiques, que l’indépendance américaine et la Constitution des premiers États-Unis de Philadelphie furent en grande partie une création maçonnique.

    Chef de la garde nationale en 1789, député et bardé de tous les honneurs, La Fayette joua un rôle de premier plan dans les périodes révolutionnaire et postrévolutionnaire, professant des idées libérales et sans jamais renier son appartenance à la franc-maçonnerie jusqu’à sa mort en 1834 au soir d’une existence d’une exceptionnelle richesse.

     

    L’Église et la franc-maçonnerie
     

    La hiérarchie catholique a tenté très tôt de discréditer la franc-maçonnerie. En 1738, peu d’années après son implantation en Europe continentale, le pape Clément XII publie une bulle In Enimenti par laquelle il excommunie les francs-maçons sous des motifs au demeurant plus politiques que religieux.

    Treize ans plus tard, le pape Benoît XIV prend la relève et les bulles et encycliques se succédèrent à rythme soutenu jusqu’en 1884.

    Les principales accusations dont les maçons font l’objet résident dans leur affirmation de leur tolérance envers toutes les religions, dans le secret entourant leurs activités et leurs rituels et dans l’accusation de comploter contre le pouvoir. Cette dernière accusation est dénuée de sens si l’on sait que la loyauté envers le pouvoir est inscrite dans les « Constitutions » de l’Ordre. Ces bulles n’eurent toutefois qu’un effet très limité et la franc-maçonnerie ne fut sérieusement inquiétée qu’après la Première Guerre mondiale.

     

    Vers la démocratie

    La Révolution divise les maçons français, partagés entre monarchistes et libéraux. Le Grand Maître Philippe-Égalité, qui est le cousin du défunt roi Louis XVI et n'a pas craint de voter en faveur de son exécution, est à son tour conduit à l’échafaud.

    Napoléon réconcilie tout le monde. Au demeurant, les maçons se montrent successivement bonapartistes et napoléoniens et l’on voit même des loges prendre pour nom distinctif : Saint-Napoléon (!). Ce qui n’empêche pas le « saint » de les faire étroitement surveiller par sa police. Et, pour encore mieux les tenir en laisse, il nomme en 1804 son frère Joseph Grand Maître du Grand Orient de France.

    À partir de la Restauration monarchique, beaucoup de loges s'ouvrent aux idées libérales et même républicaines. Des militaires francs-maçons comme les « Quatre Sergents de la Rochelle » soutiennent les tentatives insurrectionnelles de la Charbonnerie. En 1830, de très nombreux maçons sont impliqués dans la révolution des « Trois Glorieuses ».

    À Paris comme en province, les Frères débattent des premières théories socialistes, saint-simonisme et fouriérisme. Charles Fourier donne la franc-maçonnerie comme exemple d’une société juste. Son principal disciple, Victor Considerant, est initié en 1832.

    Les citoyens des classes nobiliaire et bourgeoise, qui, jusque-là, avaient occupé une place prépondérante dans les loges, se serrent pour accueillir – fait nouveau – des petits fonctionnaires, des artisans et des commerçants, comme Joseph Proudhon et Agricole Perdigier (*).

    En 1845, sous le règne de Louis-Philippe, la franc-maçonnerie se déclare « libérale et progressive », certains exégètes ayant voulu lire plutôt « libérale et progressiste ». Quatre ans plus tard, et dans la continuité de ce qui précède, la Constitution du Grand Orient de France proclame que « la franc-maçonnerie est une institution essentiellement philosophique, philanthropique et progressive qui a pour base l’existence de Dieu et l’immortalité de l’âme ».

     

    Les francs-maçons français vers la république et la laïcité

    L'opposition au roi Louis-Philippe 1er et la révolution de Février 1848 voient l’émergence de la première génération de loges engagées. Le gouvernement de la Seconde République compte de nombreux maçons dont Victor Schoelcher qui fait aboutir son combat pour l’abolition de l’esclavage.

     

    René Viviani (Sidi-bel-Abbès, 8 décembre 1863 - Le Plessis-Robinson, 7 septembre 1925)

     

    À la fin du XIXe siècle, l’Ordre recrute principalement dans le microcosme politique, dans les classes moyennes d’enseignants, de médecins, de juristes, de fonctionnaires, de commerçants et d’entrepreneurs. Gambetta, Jules Simon, Jules Ferry… La plupart des grandes figures qui fondent la IIIe République appartiennent à la franc-maçonnerie.

    L'heure est alors à la lutte contre le cléricalisme. En 1877, au début de la IIIe République, le Grand Orient de France abolit l'obligation pour ses membres de croire Dieu et à l'immortalité de l'âme. Il s'ensuit une division entre la franc-maçonnerie « régulière » et la franc-maçonnerie « libérale »« humaniste » ou « adogmatique » qui accueille croyants et non-croyants et laisse aux maçons une absolue liberté de conscience et de recherche.

    L'Ordre s’interdit de faire référence au « Grand Architecte de l’Univers » et accueille d’éminents représentants de la libre pensée laïque, tels Émile Littré ou les présidents du Conseil Jules Ferry et René Viviani. Il joue un rôle non négligeable dans des initiatives d’abord controversées puis entrées dans la normalité : l’institution d’une école laïque, gratuite et obligatoire, la séparation des Églises et de l’État etc.

     

    La franc-maçonnerie et l’Anti-France

    Quand éclate l’affaire Dreyfus, le Grand Orient de France (alors la plus importante des obédiences maçonniques françaises en effectifs comme en influence) prend position en faveur du capitaine et demande une révision du procès. C’est à l’occasion de cette affaire qu’est créée la « Ligue des Droits de l’Homme », laquelle compte de nombreux maçons.

    Par ailleurs, l’affaire des fiches éclate en 1901 quand le général André, ministre de la Guerre, prend l’initiative de mettre en fiches les officiers en raison de leurs convictions catholiques. Il se trouve que ce ministre-général est franc-maçon…

    Ces deux affaires et quelques autres rumeurs (*) conduisent les nationalistes à prendre pour cibles les francs-maçons ainsi que la République, les juifs et les communistes. Les uns et les autres sont assimilés à l’« anti-France » (une expression polémique de l’Entre-deux-guerres) et accusés de tous les malheurs réels ou supposés du pays.

    Pendant l’occupation allemande (1940-1944), les sièges des obédiences maçonniques sont investis par les hommes de Vichy qui s’emparent des archives et des fichiers nominatifs des membres. L’Ordre est interdit, tout comme dans l’Allemagne hitlérienne, avant tout en raison de son internationalisme.

     

    Forces Occultes, film de la Collaboration (1943)

     

    De nombreux fonctionnaires francs-maçons sont révoqués. Une commission spéciale est chargée de discréditer l’Ordre de plusieurs façons : la publication d’une revue calomniatrice : Les documents maçonniques, et l’ouverture d’une exposition antimaçonnique itinérante, dans le but de montrer un visage répugnant de la franc-maçonnerie.

    En 1943, le film : Forces occultes est réalisé et projeté à Paris toujours dans le projet de dévoiler des prétendus secrets et de présenter la maçonnerie comme une société de politicards arrivistes et affairistes.

    Nombreux sont les maçons qui s’impliquent dans la Résistance. Fin 1943, c’est à Alger que le général de Gaulle abroge les lois antimaçonniques de Vichy et affirme « que la franc-maçonnerie n’avait jamais cessé d’exister ».

    Blessée, humiliée, pillée, la franc-maçonnerie française renaissant de ses cendres au lendemain de la Libération, se reconstitue non sans mal. À côté des anciens ma-çons qui ont échappé à la vindicte vichyste, une nouvelle génération constituée d’hommes jeunes et talentueux redonne, en quelques années, ses lettres de noblesse d’esprit à la franc-maçonnerie, sans toutefois lui rendre l’influence qu’elle avait sous la IIIe République.

     

    Loges et obédiences

    Une loge est une assemblée de francs-maçons ; une obédience est une fédération de loges. Il en existe, dans chaque pays, un certain nombre qui se distinguent par leur philosophie. En France, on en compte un peu plus d’une dizaine pour 4500 loges et 150 000 maçons.

    Les obédiences les plus importantes sont le Grand Orient de France (50 000 membres), la Grande Loge de France (33 000 membres) et la Loge nationale française (26 000 membres). Environ 150 députés et sénateurs sont membres de la Fraternelle parlementaire. Notons que l'on peut découvrir l'histoire de la franc-maçonnerie en son musée, au siège du Grand Orient de France, 16, rue Cadet 75009 PARIS.  

     

    Temple Johannis Corneloup, aménagé en 1924, au siège du Grand Orient, photo Ronan Loaëc, musée de la Franc-maçonnerie, BnF, Paris.

    La franc-maçonnerie aujourd’hui

    L’influence des philosophes et des intellectuels sur les premiers pas de la franc-maçonnerie française a profondément gravé son empreinte sur le mode de fonctionnement des loges françaises.

    Dans ces loges, à quelques exceptions près, on respecte le caractère sacré des cérémonies d’ouverture et de fermeture des travaux comme celui des réceptions aux différents grades qui balisent le cursus maçonnique.

    Mais on donne la primauté aux planches, c'est-à-dire à des conférences présentées par un membre de la loge ou par un visiteur compétent et aux échanges de vue qui les suivent. On s’y instruit mutuellement sans qu’il s’agisse de distribuer des cours magistraux. On rencontre ce même mode d’emploi dans les pays sous influence latine.

    En revanche, les loges sous influence anglo-saxonne partagent généralement leurs réunions entre l’exercice rigoureux des rituels et les agapes qui sont dites frugales et fraternelles mais sont souvent de véritables banquets joyeusement arrosés. Dans ce contexte, la recherche spéculative est réservée à des loges d’études qui rassemblent les maçons érudits.

     

    « Jardins du George Washington Masonic National Memorial », États-Unis, DR.

     

    La franc-maçonnerie allemande cultive son passé chevaleresque, ce qui lui donne un caractère un peu vieillot mais non sans charme ; la franc-maçonnerie scandinave est essentiellement religieuse ; la franc-maçonnerie étasunienne privilégie la philanthropie et, dans un pays où les pouvoirs publics se préoccupent assez peu du sort des plus défavorisés, elle a, comme d’autres œuvres caritatives, un intérêt incontestable. Notons que sur les huit visages qui illustrent les billets de banque américains, quatre représentent des franc-maçons : Franklin, Washington, Jackson et Grant.

    Aux États-Unis, les loges subventionnent des hôpitaux, maisons de retraite, établissements scolaires, orphelinats etc. La franc-maçonnerie latino-américaine, bien que très influencée (voire télécommandée) par le grand frère du Nord, se préoccupe beaucoup de politique, ce qui peut se concevoir dans des États instables.

    Il n’est pas excessif de reconnaître qu’il y a une « exception maçonnique française »comme il y a une « exception culturelle française », n’en déplaise aux planificateurs de la mondialisation. Précisons-le bien : si la franc-maçonnerie est universelle, elle n’est pas internationale…

    Dans les royaumes du nord de l’Europe, le roi est traditionnellement le Grand-Maître de la maçonnerie, fonction honorifique qu’il délègue généralement à un maçon reconnu pour ses grandes qualités et sa fidélité au royaume ; en revanche, dans les républiques européennes, le Président ne peut prétendre en aucune manière diriger, même par délégation, la maçonnerie de son pays, jalouse de son indépendance.

     

    Sceau utilisé par la « Première Grande Loge d’Angleterre » sur leurs premiers certificats maçonniques, J. Ramsden Riley, « Quatuor Coronatorum Antigrapha », Vol VIII, 1891.

     

    De plus, on observe que les maçonneries du nord de l’Europe sont, pour la grande majorité d’entre elles, inféodées à la Grande Loge Unie d’Angleterre, héritière présumée de la Grande Loge de Londres et considérée à ce titre comme étant la mère de toutes les maçonneries auxquelles elle impose volontiers et souvent abusivement, des règles intangibles propres à engendrer parfois un certain malaise et même de la… grogne.

    A contrario, les maçonneries libérales de sud de l’Europe refusent dans leur ensemble toute soumission à la Grande Loge Unie d’Angleterre, mises à part quelques obédiences qui, ce faisant, se retrouvent isolées.

     

    Les femmes et la franc-maçonnerie

    Phénomène à peu près nouveau, après la Libération, les femmes se présentent en grand nombre aux portes de l’Ordre, portes qui leur avaient été à peine entrouvertes par le passé.

    Dès le XVIIIe siècle et en France, des loges dites « d’Adoption » avaient vu le jour, sous le contrôle étroit de loges masculines, mais leurs adhérentes demeuraient en position de vassalité. En vérité, il s’agissait davantage de salons littéraires dont l’époque était friande, voire d’ouvroirs.

     

    Réception d'une femme dans une loge d'adoption française sous le Premier Empire (gouache, vers 1810, musée de la franc-maçonnerie, Paris)

     

     

    Dès les années cinquante, des loges d’Adoption entreprennent de se libérer de la tutelle masculine et y réussissent jusqu’à fonder leurs propres obédiences, professant un féminisme éclairé. En 1952, l'Union Maçonnique Féminine de France devient la Grande Loge Féminine de France. Plus tôt, en 1893, à l’initiative de Georges Martin et de Maria Deraismes, une obédience maçonnique mixte et internationale avait déjà vu le jour sous le titre distinctif de « Droit Humain ».

    Faut-il préciser que ce phénomène reste bien français et que les maçons anglais comme ceux qui, par le monde, leur sont soumis, n’imaginent pas voir une femme porter les ornements maçonniques et siéger en loge ? Pour la petite histoire, des maçonneries féminines existent bel et bien en Grande-Bretagne mais elles sont presque clandestines et considérées comme marginales.

     

    Histoire Moderne 2:  Franc-maçonnerie - Petite histoire d'un Ordre méconnu

     

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    Partir à l'aventure:  Vulcania, terre de volcans

     

    • Vulcania, terre de volcans

     

    Un parc vraiment implanté au coeur des volcans d'Auvergne

     

    ©Francis Debaisieux

     

    VULCANIA, TERRE DE VOLCANS

    •   Journée entière
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    Né de la volonté de Valéry Giscard d’Estaing d’avoir une attraction majeure en Auvergne, Vulcania, le parc européen du volcanisme, fête ses 15 ans cette année. L’occasion de découvrir un vrai espace de loisirs à même d’enchanter toute la famille.

    C’est en 2002 que le premier parc européen dédié au volcanisme sort de terre. Trop didactique à ses débuts, Vulcania s’éloigne ensuite de son côté musée pour se rapprocher de ses concurrents, tout en gardant son ADN scientifique. Il propose quelques animations en extérieur, mais la plupart se trouvent dans les galeries du bâtiment principal, creusées dans une coulée de lave vieille de trente mille ans. À l’occasion de son 15e anniversaire des animations exceptionnelles sont prévues chaque mois : spectacle de magie, jeu interactif, théâtre de rue…

     

    UN EMPLACEMENT PRIVILÉGIÉ 

    Partir à l'aventure:  Vulcania, terre de volcans

    Et si les volcans d'Auvergne se réveillaient ? Un scénario catastrophe à découvrir à Vulcania

    ©J Chabanne

     

    Vulcania est au cœur de la Chaîne des Puys qui compte environ 80 édifices volcaniques. Le parc est d’ailleurs dominé par certains des plus emblématiques de cette chaîne offrant un panorama exceptionnel.

     

    VolcanBul

    La visite commence à l'extérieur avec ce véhicule électrique, sans chauffeur, totalement silencieux et guidé par GPS. À bord, un animateur vous fera découvrir, pendant une dizaine de minutes, les paysages environnants.

    Premier envol

    Poursuivez dans le complexe du parc, à bord des nacelles dynamiques pour accompagner un aigle royal sur un écran à 180° ! À travers le regard perçant du jeune rapace, l’Auvergne se dévoile dans toute sa beauté, sa faune et sa flore.

    Réveil des géants d'Auvergne

    C'est l'animation préférée des visiteurs ! Elle répond en 4D à la question la plus fréquemment posée : qu’adviendrait-il si les volcans d’Auvergne venaient à se réveiller ?
    Le plus. Les enfants apprécieront l’exposition de photos 3D La Chaîne des Puys en relief pour découvrir les volcans voisins..

     

    UNE VOCATION : APPRENDRE EN S’AMUSANT

     

    Partir à l'aventure:  Vulcania, terre de volcans

    Machine Terre permet à tous de mieux comprendre la planète bleue et les phénomènes naturels

     

    ©J Chabanne

     

    Parc unique par sa thématique, Vulcania met la science à la portée de tous en offrant différents niveaux de lecture à ses visiteurs.

     

    Machine Terre 

    Ce concentré de technologies permet de découvrir l’histoire de notre planète, les volcans du monde entier et les phénomène naturels.

    Le coin des expériences

    Ici, vous apprendrez en vous amusant autant que vos enfants en devenant de véritables explorateurs. Ateliers, manipulations ou mises en situation permettent, accompagnés d'un animateur, de comprendre les volcans, les séismes ou les risques naturels en relevant par exemple le défi de sauver la ville de Clermont-Ferrand d'une coulée de lave.

    Planète dévoilée

    L'exploration se poursuit avec un véritable tour du monde interactif accompagné d'un pilote, en très haute définition et sur grand écran.

    Abyss Explorer

    Poursuivez avec la simulation d'une plongée en bathyscaphe à 2 500 mètres de profondeur. Vous découvrirez des phénomènes surprenants et des espèces animales méconnues qui, grâce aux cheminées volcaniques sous-­marines, vivent et survivent dans ces grandes profondeurs ténébreuses.

    "Tornado Alley”

    Grâce à ce film projeté sur écran géant, vous suivez une équipe scientifique bien particulière : des chasseurs de tornades !
    Le plus. Machine Terre est adapté à tous les âges. Les plus jeunes ne feront que les expériences interactives alors que les plus âgés pourront lire les panneaux d’informations pour en apprendre plus sur notre planète.

     

    DES LÉGENDES À LA SCIENCE

    Partir à l'aventure:  Vulcania, terre de volcans

    Découvrez les légendes des volcans du monde dans Volcans Sacrés

     

    ©J Chabanne

     

    Vulcania s’attache aussi aux légendes autour des volcans et de la Terre.

    “Le Monde de Teino”

    Ce nouveau film d'animation en 3D projeté sur un écran géant de 415 m², vous présente un panorama complet du monde des dinosaures juste avant leur disparition. À la période du Crétacé, Teino, l'un des plus petits mammifères au monde, doit affronter tous les dangers pour survivre.

    Sur les traces des dinosaures

    Grâce à ce parcours forestier de 700 mètres, votre famille est renvoyée au temps du Jurassique. Disparus depuis 65 millions d’années, les dinosaures s’animent grâce des répliques robotisées, des animatroniques, avec pour 2017 des spécimens nouveaux toujours plus nombreux et imposants.

    Dragon Ride 

    Cette animation dynamique en 4D vous plonge au fond du cratère de Vulcania à la rencontre de créatures légendaires !

    Volcans sacrés

    Ici, toute la famille en prend plein les yeux grâce à une animation pluri sensorielle immersive avec effets spéciaux, projections vidéo et animatroniques.

    Le Tunnel des nuées ardentes

    C'est l'espace idéal pour comprendre les manifestations des volcans gris explosifs comme le Vésuve ou celui du Mont Saint Hélène.

    Bouleversements

    Pour la saison 2017, cette exposition permet de découvrir l’impact que certains épisodes volcaniques, à des époques très différentes, ont pu avoir sur la vie, les civilisations, l’homme et la planète. Des phénomènes extrêmes qui restent rares mais qui provoquent des bouleversements considérables, comme la disparition des dinosaures.
    Le plus. Pour un moment zen, ne manquez pas la Serre. Un jardin volcanique peuplé de fougères arborescentes symbolisant la reconquête par la végétation des terres ravagées par la colère des volcans. 

     

    LES ENFANTS À L’HONNEUR

     

    Partir à l'aventure:  Vulcania, terre de volcans

    La Maison de Pitoufeu est la nouvelle aire de jeux pour les enfants

     

    ©J Chabanne

     

    Fidèle à sa vocation de faire découvrir la Terre et ses secrets aux jeunes curieux, Vulcania leur propose de nombreux espaces d'animations spécialement conçus pour eux.

    La Cité des enfants

    Ce lieu animé en partenariat avec la Cité des sciences et de l’industrie, est dédié aux 3-7 ans. Vos scientifiques en herbe y manipulent en toute autonomie engrenages, moulins à eau et autres pistons dans 4 espaces de jeux dédiés aux mouvements, aux sens, à la lumière et à l’eau. 

    La Maison de Pitoufeu

    Dédiée aux 3-12 ans, elle permet de découvrir les origines magmatiques de la mascotte du parc avec des petits jeux de manipulations et d'appréhender des premières notions de volcanisme par l'observation. Et comme Pitoufeu est intrépide et farceur, il a aménagé son jardin avec un toboggan et un pont suspendu, de quoi offrir à vos enfants un pur moment de détente.

    La Galerie Pitoufeu

    Cette dernière est également dédiée aux 3-7 ans avec un parcours de jeux  pour se divertir et développer leur motricité dans un espace 100% sécurisé. Mais on trouve aussi Vulcania en miniature, l’univers du parc réinventé par Playmobil® avec des maquettes inédites.
    Le plus. Vos enfants adoreront les Aires de jeux. Situées en extérieur, elles permettent, sous votre responsabilité, de s’initier à l’escalade, de traverser un tunnel suspendu, ou encore de tenter l’expérience de la tyrolienne.

     

    BON PLAN

    Vulcania propose de prendre de la hauteur avec une expérience inédite à bord du Ballon des Puys (en supplément, 4 € à 6,50 € selon l’âge et la période), un ballon captif de 22 m de diamètre gonflé à l'hélium. Un animateur pilote commente les paysages façonnés par l'activité volcanique pendant un vol d'une dizaine de minutes à près de 100 m de haut.

    Ecrit par

    FUN TRIBE

     

     

    Partir à l'aventure:  Vulcania, terre de volcans

     

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    Rudolf Noureev (1938 - 1993)

     

    Danser pour être libre

     

    du site Herodote.net

     

     

     

    Comment Rudi, un petit garçon tatare tombé amoureux de la danse, a-t-il réussi à construire un destin hors du commun et devenir Rudolf Noureev, l’une des personnalités les plus douées mais aussi les plus énigmatiques de son temps ?

    Pour comprendre cet homme lumineux mais insupportable, d’un talent exceptionnel mais totalement fantasque, un détour s'impose à travers le parcours et la personnalité de celui qui se cachait derrière le masque du Tsar de la danse.

    Isabelle Grégor
     

    Rudolf Noureev dans « Hamlet », 1964, DR.

     

     

    L'enfant du train

     

    Il fait un froid glacial en cette fin d'hiver 1938, du côté du lac Baïkal, et le train qui emporte Farida Nureyeva vers son mari n'est guère chauffé. Drôle d'endroit pour accoucher ! C'est pourtant là, dans le Transsibérien, que Rudolf Noureev va se faire remarquer pour la première fois en venant au monde le 17 mars. Plus tard il aimera voir dans cette apparition peu banale le symbole caché du nomadisme incontrôlable qui marquera toute son existence.

     

    Noureev en famille, DR.

    En attendant, le voilà enfin installé au chaud avec ses trois sœurs dans la maison de Vladivostok où vit son père Hamet, militaire chargé de l'enseignement de l'histoire du pays et de la bonne parole communiste.

    C'est un homme rude au physique trapu et aux yeux bridés, héritage de ses ancêtres, les guerriers musulmans tatars.

     

    Noureev et sa mère, DR.

    Très vite, après avoir emmené sa famille à Moscou, il doit l'abandonner pour intégrer l'Armée rouge et défendre le pays contre le Reich. Les années difficiles commencent pour Farida qui préfère revenir sur ses terres natales, du côté des monts Oural. La situation n'y est pourtant guère réjouissante : elle peine à nourrir ses enfants qui sont traités de clochards par leurs camarades de classe.

    Rudolf, en particulier, est l'objet de moqueries dues non à sa belle réussite en cours mais à son caractère solitaire et renfrogné. Pour oublier son surnom d'Adolf, le jeune garçon s'isole encore plus, ne trouvant de réconfort que dans la musique déversée par le transistor de sa mère.

    Et puis un jour, c'est le choc : à son école est organisée une démonstration de danses folkloriques. Quelle révélation ! Quel plaisir d'aller dans les hôpitaux faire quelques pas pour soulager les soldats blessés ! Farida a bien compris que son Rudik n'aime rien tant que la musique, et elle va remuer ciel et terre pour emmener toute sa petite famille à l'opéra de sa ville, Oufa.

      

    Qu'importe qu'elle n'ait pu payer qu'une seule place ! Dans la cohue, tous parviennent à se glisser à l'intérieur de la salle pour vivre un moment qui marquera à vie le petit passionné : « J'étais possédé. J'étais appelé. En voyant les danseurs, ce soir-là, défier la gravité et s'envoler, j'ai alors eu la certitude absolue que j'étais né pour devenir danseur ». Désormais, rien ne peut l'arrêter.

     

    Bretelles contre pommes de terre

    Dans ses mémoires, Noureev se souvient de la faim qui a marqué son enfance :
    « Nous partagions une chambre de 9 mètres carrés. Mon souvenir dominant, c'est celui de la faim, une faim constante, dévorante. Je me souviens de ces interminables hivers de 6 mois, à Oufa, sans lumière et presque sans nourriture. Je me souviens aussi de ma mère pataugeant dans la neige pour nous rapporter quelques livres de pommes de terre sur lesquelles nous devions vivre une semaine. [...] Je me rappelle certaines fois où ma mère était partie pour une de ces épuisantes expéditions en quête de quelque chose à manger et où mes sœurs et moi nous glissions dans le lit pour essayer de dormir. Nous avions vendu ou échangé contre de la nourriture tout ce que nous possédions : les vêtements civils de mon père, sa ceinture, ses bretelles, ses chaussures. Nous disions : "Le complet gris de papa est vraiment très tendre", ou bien : "Cette ceinture avait très bon goût, tu ne trouves pas ?"  » (Rudolf Noureev, Autobiographie).

     

    Rideau du Kirov (Théâtre Imperial Mariinsky), Saint-Pétersbourg, avant 1914.

    À nous deux, le Kirov !

     

    Pourtant, un obstacle majeur vient vite doucher son enthousiasme. Pas question en effet pour son père, de retour du front, que Rudolf devienne autre chose que médecin ou artilleur. Les coups tombent lorsque le garçon refuse d'aller à la chasse, occupation pourtant bien plus virile et honorable que de faire des pirouettes sur le parquet !

     

    Noureev adolescent, DR.

    Ravalant ses pleurs, Rudik apprend à mentir, à dissimuler ses sentiments. Mais il ne peut cacher sa passion à Anna Oudeltsova, musicienne et ancienne danseuse qui va accepter de lui donner des leçons gratuites.

    Très vite, il devient indispensable à la troupe de l'opéra d'Oufa où on finit par lui proposer un poste de danseur titulaire. Et puis quoi encore ! Il refuse, certain d'être destiné à entrer dans l'école de ballet de Léningrad (Saint-Pétersbourg aujourd'hui) même s'il commence à se faire vieux, du haut de ses 15 ans.

    Il est sur le bon chemin puisqu'il a rejoint Moscou avec ses camarades d'Oufa et peut enfin admirer les danseurs du Bolchoï, à défaut d'être à leur place. Mais comme la bourse qui doit lui ouvrir les portes du Kirov de Léningrad (aujourd'hui théâtre Mariinski) tarde à venir, il décide de se rendre sur place en août 1955. Après trois jours d'un voyage en train cauchemardesque, le voici qui se précipite enfin à l'école du Kirov.

    Portes fermées ! Le jeune ambitieux avait oublié que les danseurs aussi partent en vacances... Doté d’une obstination sans faille, il parvient à décrocher une audition mais l'accueil est plus que froid : « Jeune homme, ou bien vous deviendrez un brillant danseur ou bien vous serez un parfait raté ». On veut bien cependant lui donner sa chance, chance qu'il va s'empresser de saisir à pleines mains.

    Première représentation du ballet de Tchaïkovski, « La Belle au bois dormant », au Théâtre Mariinsky le 15 janvier 1890.

     
    Le ballet russe, tradition et explosion

    Chercher l'origine du ballet en Russie revient à aller à la rencontre de l’un des pères du pays : Pierre le Grand. C'est en effet lui qui, souhaitant occidentaliser sa patrie, s'attacha à y développer la danse européenne qu'il considérait comme une marque de civilisation. En 1738 sa femme, Anne, décrète donc la fondation de l'École impériale de ballet dans le Palais d'Hiver et la place sous la direction d'un maître à danser d'origine bien sûr française, Jean-Baptiste Landé. Un de ses successeurs, le Suédois Charles Didelot, arrive en 1801 pour donner une dimension romantique inédite aux spectacles en encourageant les artistes à multiplier les sauts, quitte à les attacher au plafond par des fils...

    Photographie de la ballerine Olga Preobrajenskaya interprétant la Fée du Sugarplum et du danseur Nikolai Legat dans le rôle du Prince Coqueluche, ballet  Casse-Noisette, représentation au Kirov (Théâtre Mariinski) en 1900.

    Après 1847 le Marseillais Marius Petipa poursuit son œuvre et offre au répertoire nombre de chefs-d'oeuvre dont « les trois grands »La Belle au bois dormant(1890), Casse-Noisette (1892) et Le Lac des Cygne (1895), nés de sa collaboration avec Piotr Ilitch Tchaïkovski. Ce compositeur sut se montrer particulièrement conciliant à l’égard de son acolyte de génie, le laissant régler les pas avant la musique et renvoyer les partitions lorsqu'elles ne s'accordaient pas à la chorégraphie. Mais à la fin du règne de Petipa, la révolte gronde : on veut du neuf ! C'est Serge de Diaghilev qui, rassemblant autour de lui les meilleurs artistes du théâtre Mariinski, apporte ce souffle de liberté en fondant en 1907 la compagnie des Ballets russes. Première étape : quitter le pays pour rejoindre la France.

     

    Le Paris de la Belle Époque fait un triomphe à ces audacieux qui, sous la direction du chorégraphe Michel Fokine, vont peu à peu s'éloigner du ballet traditionnel pour créer leur propre style. Isolés de la mère-patrie par la Première Guerre mondiale et la Révolution russe, ils vont tout changer : avec Igor Stravinsky à la partition, Vaslav Nijinski à la danse, Léon Baskt aux décors et aux costumes, c'est le sacre de la modernité ! L'Art, sur scène, se fait vivant et coloré. Les plus grands noms du monde intellectuel ne s'y trompent pas et s'empressent de proposer leur collaboration, permettant au ballet « cubiste » Parade (1917) d'être signé par Érik Satie, Jean Cocteau et Pablo Picasso.

    Mais du côté de Moscou, l'arrivée au pouvoir de Staline freine toute innovation. Le Mariinski est rebaptisé Kirov en hommage à un patriote communiste, et l'on reprend le répertoire de Petipa pour bien affirmer la dextérité des étoiles locales. Le ballet soviétique est en effet devenu une vitrine du régime qui l'envoie dans de grandes tournées à travers les capitales du monde. Héritier d'une riche tradition, Noureev était appelé à se fondre dans le moule et à suivre sagement ses camarades sur les planches de Paris ou Londres. Mais avec ce tempérament de feu, rien ne pouvait se passer comme prévu.

    Le vilain petit canard

    « N'oublie pas que tu es ici par bonté et grâce à la charité de l'école ». Cette remarque de « Tête au Carré », de son vrai nom Chelkov, directeur de l'école, ne sera en effet pas oubliée par Noureev. Très vite, il se fait remarquer non seulement par ses cheveux trop longs et trop bruns mais surtout par son esprit rebelle qui le pousse à sortir du rang, sur et hors scène. N'a-t-il pas, une nuit, fait évacuer son dortoir pour pouvoir écouter seul de la musique ?

    « Le gredin attardé » finit par être expédié devant Alexandre Pouchkine, ce professeur qui peut se targuer d'avoir été pendant 28 ans premier danseur au Kirov. Cet excellent pédagogue, d'une grande douceur, encourage le jeune homme à développer son talent en restant lui-même, c’est-à-dire exigeant, méfiant et sauvage.

      

    Grâce à cette alliance des contraires, il devient vite le meilleur élève de l'école et se voit logiquement choisi pour la représenter au concours international de Moscou. Un choix perspicace puisqu'il reçoit le premier prix, à l'unanimité.

    À vingt ans, il peut observer avec amusement le Bolchoï et le Kirov se battre pour l'intégrer comme soliste. Ce sera le Kirov, qu’il juge plus moderne et plus apte à comprendre ses propres innovations. C'est une erreur : on lui reproche de danser non plus sur quart mais sur demi-pointe très haute, on s'agace de son refus de porter des perruques, on le moque d'avoir adopté des collants non plus bouffants mais proches du corps. Quelle impudeur !

     

    Rudolf Noureev et Irina Kolpakova dans « Giselle », 1959.

    Mais le public suit et nombreuses sont les admiratrices qui inventent des subterfuges pour lui lancer des fleurs sur scène. Il fascine le pays, enchante la nomenklatura et s'habitue à être applaudi par Khrouchtchev et son entourage.

    Ne voit-il pas que le milieu de la danse commence à bouillir de rage ? N’entend-il pas les avertissements : « Noureev, ta présence nous pourrit l'atmosphère... Tu es une tache noire sur le corps pur de ce ballet » ? Plus inquiétant, le Service de renseignement soviétique a repéré ses « dérives occidentalistes » et s'attache à l'envoyer en tournée à l'autre bout du pays dès que des « ennemis » de l'Ouest viennent présenter leurs spectacles.

    Non dénué de ressources, le jeune homme parvient pourtant à prendre des cours d'anglais et même à rencontrer la troupe américaine de My Fair Lady« Politiquement faillible », il est tenu à l'œil, et il le sait...

     

    Situation : transfuge...

    S'il fut le plus connu, Noureev ne fut pas le seul à fuir le régime soviétique de façon quelque peu rocambolesque. Militaires et espions, champions d'échecs et patineurs artistiques… La liste des transfuges comporte quelques noms plus ou moins connus mais aucun n’est plus célèbre que celui de Staline. C’est en effet sa propre fille, Allilouieva, qui poussa en 1967 la porte de l'ambassade des États-Unis en Inde pour demander asile, laissant derrière elle ses enfants. Dans le monde de la danse, citons l'exemple de George Balanchine qui put développer les Ballets russes en France après avoir fait défection à son pays lors d'une tournée en Allemagne, en 1924. Cinquante ans plus tard c'est le danseur étoile du théâtre Mariinsky, Mikhaïl Baryschnikov, qui disparaît de la troupe du Bolchoï en représentation à Toronto avant d'annoncer qu'il ne rentrera pas en URSS. Mais c'est surtout Noureev qui restera comme l'exemple même du transfuge, tant l'épisode du Bourget a marqué les esprits. Il fut d’ailleurs le modèle de Claude Lelouch pour la fameuse scène où le danseur Jorge Donn saute par-dessus les barrières de l’aéroport pour rejoindre la liberté, dans Les Uns et les autres (1981).

     

    Rudolf Noureev en 1960, Michael Ochs, Archives, DR.

    « Il y a un danseur russe en bas qui veut rester en France... »

    C'est en 1961 que le destin de Rudolf Noureev va se jouer. Quelques mois auparavant pourtant, on avait décidé qu'il devait payer son insubordination chronique d'une interdiction totale de se rendre à l'étranger. Fini, le rêve des tournées internationales ! Volatilisés, les triomphes à Paris, Londres puis New York ! Il ne fera pas partie de ceux qui ont pour mission officieuse d'effacer l'épisode récent de la baie des Cochons et de redorer l'image de l’URSS à coups d'envols de tutus.

    Mais tout à coup on se rend compte que le danseur étoile numéro un de la troupe est beaucoup trop vieux pour éblouir le public de l’Ouest, fin connaisseur. Ouste ! Et place au fougeux Noureev ! Tout étonné, Rudolf se retrouve donc embarqué pour la France au milieu d'une troupe de 120 danseurs accompagnés d'une belle équipe de surveillance du KGB.

    Ces cerbères ne parviennent cependant pas à l’empêcher de visiter Paris en compagnie de quelques homologues français qu'il a réussi à séduire, tout comme il va séduire dès sa première représentation l'ensemble des critiques qui vont le célébrer à coups de métaphores plus ou moins originales : « Le Kirov a trouvé son cosmonaute ! »« C’est le nouveau Nijinski ! »« Venez voir le Tsar en chaussons ! »

    Rudolf Noureev à Paris l'année de sa demande d'asile, en 1961.

    Mais les dîners au champagne et les fêtes chez Régine commencent à irriter sérieusement le KGB qui piaffe en attendant la fin du séjour parisien. Enfin, le 16 juin 1961, la troupe se présente à l'aéroport, direction Londres. Tout le monde est nerveux, à commencer par Rudolf qui craint qu'on lui réserve un vol sans escale vers la mère-patrie. Effectivement, le directeur du groupe vient lui annoncer qu'il voyagera à part, dans quelques jours, mais qu’il doit faire d’abord une représentation au Kremlin.

    Le piège est tellement grossier que Noureev se précipite pour demander à ses amis français de prévenir au plus vite Clara Saint, une jeune femme avec qui il s'est lié d'amitié et qui connaît André Malraux. Arrivée rapidement sur place, elle lui conseille d'aller se refugier auprès de deux policiers français qui, selon la convention de Genève, doivent assistance à toute personne demandant expressément asile.

    « I want to stay here ! I want to stay here ! » (« Je veux rester ici ! ») s'écrit alors Noureev en se jetant dans les bras des policiers après avoir effectué « le saut le plus long et le plus époustouflant de toute [s]a carrière ». À lui la liberté !

     

    Rudolf Noureev photographié par Richard Avedon pour « Le New-Yorker », 1962.

     
    L'envol

    Dans son Autobiographie, Noureev revient sur l'épisode de l'aéroport du Bourget :
    « Dans la vie, il faut parfois savoir prendre une décision en un éclair, sans avoir eu le temps d’y penser, sans avoir eu le temps de peser le pour et le contre. J’ai souvent connu cela en dansant, lorsque sur scène quelque chose se passe mal. C’est aussi ce qui m’est arrivé par un chaud matin de juin 1961, dans la banlieue de Paris, à l’aéroport du Bourget, alors que l’ombre du gros Tupolev qui devait me ramener à Moscou s’étendait sur moi.
    Cette aile immense me menaçait, telle la main du magicien diabolique du Lac des cygnes. Devais-je me soumettre et essayer d'en tirer le meilleur parti possible ? Ou, comme l'héroïne du ballet, devais-je défier l'ordre pour accomplir une dangereuse – voire fatale – tentative d'évasion ?
    J'avais senti la menace monter durant tout mon séjour à Paris comme un oiseau pris dans un filet aux mailles de plus en plus fines.
    Or un oiseau doit pouvoir voler, comme un jeune artiste doit pouvoir parcourir le monde : pour comparer, assimiler et enrichir son art par de nouvelles expériences. Cela contribue autant à son développement qu'à celui de son pays. Un oiseau doit pouvoir voyager, découvrir le jardin du voisin et ce qui s'étend au-delà des collines, puis revenir chez lui pour enrichir la vie des siens par le récit de celle des autres et par une vision élargie de son art. C'est ce que j'osais faire, et c'est pour cette raison que j'allais être expédié à Moscou [...] »
     (Rudolf Noureev, Autobiographie).

     

    Dame Margot et son « petit Gengis Khan »

    Une nouvelle vie s'ouvre pour Noureev : condamné à 6 ans de prison par contumace dans son pays, désormais riche de ses seuls vêtements et son talent, il doit tourner la page. Heureusement, les propositions de contrat ne se font pas attendre ! On s'arrache en effet le « beau Rudik » qui fait la Une des journaux du monde entier.

    Qu'importe si lui-même se refuse à toute revendication politique comme le reconnaît une fiche des Renseignements français : « Il semble que Noureev soit tout entier à son art », il est réduit par les médias de l'époque à un « saut vers la liberté », à un pied-de-nez contre le régime soviétique. Finalement, malgré les filatures plus ou moins discrètes, malgré les tentatives avortées pour le blesser et mettre fin à sa carrière, il parvient à retrouver un peu de tranquillité au sein du Ballet du marquis de Cuevas.

      

    Désormais libre de ses choix, il se lance dans des paris osés, comme en 1965 ce ballet de Roland Petit, Le Jeune homme et la mort, où il partage la vedette avec Zizi Jeanmaire devant les caméras de télévision. Dans le même temps, pour la première fois, il connaît la passion amoureuse en croisant le chemin du danseur danois Erik Bruhn qu'il a toujours considéré comme son modèle. Mais c'est une Anglaise, Margot Fonteyn, qui devient à 42 ans sur scène le double de Noureev, à peine âgé de 23 ans.

    Reine incontestée de la danse mais proche de la retraite, c'est elle qui choisit de contacter ce Tatare dont tout le monde parle. On assiste alors entre eux à un véritable coup de foudre, mais un coup de foudre artistique : malgré leurs origines totalement opposées, les deux stars parviennent à trouver dans leur art un accord parfait, comme l'a expliqué Noureev : «  Nous ne formions qu'un seul corps, une seule âme […]. Ce n'est pas elle, ce n'est pas moi, c'est le but que nous poursuivons ensemble » qui serait à l'origine de cette complicité exceptionnelle.

    La princesse Grâce invite Margot Fonteyn et Rudolf Noureev à Monaco en 1968.

    Giselle (1962), Marguerite et Armand(1963), Le Lac des cygnes (1964) et ses 89 rappels... Pendant 17 ans, le couple va éblouir le monde de la danse et marquer de sa grâce les scènes les plus prestigieuses. Pour Margot, c'est l'occasion de relancer en beauté sa carrière tandis que Rudolf profite du carnet d'adresses très jet-set de sa partenaire. Le voici à la Maison-Blanche en train de prendre le thé avec Jackie avant d'être invité par Grâce de Monaco sur la Côte-d'Azur. Noureev a atteint son but : il est désormais une des plus grandes stars de l'époque.

     

    Quand l'orage Noureev éclate...

    En 1963, Noureev enchaîne les répétitions de Marguerite et Armand aux côtés de Margot Fonteyn. A cause d'une jaquette jugée trop longue, l'ambiance n'est guère à la sérénité, comme le raconte à son ami Cecil Beaton le directeur de la communication du Royal Ballet de Londres :


    « Depuis le Front Noureev.
    Temps : orageux.
    Dear Cecil,
    Quelle journée de tempête, de rage, de drames hystériques ! […] Le ballet a commencé à 10h30 et dès sa première entrée, on savait que cela allait être joyeux... Il n'a pas tenté de danser quoi que ce soit, traita Margot abominablement, la rabroua, arracha sa chemise (la vôtre) et la jeta dans la fosse d'orchestre […], il donna une telle démonstration de mauvaises manières que l'on tremblait de peur, et nous avons disparu de sa vue dans la terreur et l'horreur à l'état pur... […] Ninette de Valois prit la parole, lui jura que personne, à Covent Garden, n'avait vendu cette histoire de costumes à la presse. […] Il esquissa un pâle sourire, on l'aida à remettre sa chemise et soudain, la tempête s'arrêta... On prit les photos. Margot était de marbre, comme si rien ne s'était passé. Il dansa soudain comme dans un rêve... le soleil était revenu ! »
     (cité par Ariane Dollfus dans Noureev, l’insoumis).

     

    Rudolf Noureev photographié par Richard Avedon pour « Vogue », 1961.

    « Rudi, we love you ! »

    Mais qu'avait-il de plus ? Certes, sa défection à l'aéroport de Paris a fait beaucoup pour nourrir une légende de rebelle tournant le dos aux conventions avec un plaisir non dissimulé. Dans ces années 60 qui refusent de plus en plus le conformisme, les jeunes, pourtant peu habitués à s'intéresser à un art jugé vieillot, se reconnaissent dans cette bête de scène qui est la preuve vivante que l'on peut décider de sa vie.

    On aime ses sauts d'humeur, ses caprices de diva, ses jurons plus ou moins exotiques. On pardonne à ce « Rimbaud des steppes » de frapper ses petites partenaires de ballet et de lancer son verre contre les murs en criant « Noureev ne se sert pas, on le sert ! ». Mais cette insolence faite d'un narcissisme démesuré n'explique pas tout : malgré ce caractère abominable qui lui vaut plusieurs fois de finir au poste, Noureev possède aussi un charisme qui plait aux foules, une sauvagerie dans le corps qui inquiète, une androgynie qui fascine.

     

    À la fois puissant et fluide, il revendique qu'un « homme peut être tout aussi expressif, et aussi raffiné, sans paraître ridicule », qu'une femme. Il bouleverse totalement l'image que l'on se faisait jusqu'alors d'un danseur, simple faire-valoir jugé sur sa capacité à soulever avec grâce sa partenaire d’entrechats. Surtout, Noureev le barbare a su mieux que quiconque imposer une danse si imprégnée de sensualité que ses représentations ont été comparées à des « orgies ».

     

    « Portrait de Rudolf Noureev », Andy Warhol 1975.

    Sauvage, véritable « rock star » de la danse classique, il crée rapidement autour de son nom une véritable Rudimania qui lui vaut d'être suivi par des hordes de fans. Certains de ses « noureevniks », dit-on, auraient consacré tout leur temps libre pendant 30 ans à partager le moindre de ses déplacements ! Dandy, il a également compris l'importance de l'image et joué avec son apparence, passant de la chemise Nehru à l'ensemble en cuir, sans oublier ces bérets qu'il ne quittera plus à la fin de sa vie.

    Il aime surtout mettre à son service cette presse « people » qui l'adore et lui demande de multiplier les séances photos et les enregistrements télévisés. Pour la première fois, les chaînes acceptent de retransmettre en direct des ballets, à condition que « le danseur plus-que-parfait » soit sur scène. Mais la télévision, c'est aussi pour lui une façon de redorer sa réputation et de montrer son humour, comme dans cette séquence mémorable du Muppets show où l'étoile réinvente Le Lac des cygnes au bras de Piggy la Cochonne (1977) ...

    Pour celui qui reconnaissait volontiers être une « canaille », ce succès est une reconnaissance dont il se délecte pour bâtir jour après jour sa légende, l'œuvre de sa vie.

     

    Un intrus

    « Où que j'aille, je suis un intrus. Je suis un intrus en Occident, un intrus dans chaque troupe. Et j'ai cette sensation-là à chaque fois que je m'introduis quelque part. Ce n'est pas agréable. Et pourtant je refuse d'être mis de côté. Je sais ce que je dois faire, je sais ce que je peux donner. J'ai une mission, et je dois la remplir » (Rudolf Noureev, interview au New York Times, 1974).

     

    Noureev dans son appartement du quai Voltaire à Paris, Lord Snodon, s.d.

    L’insatisfait

    Devenu star, Noureev sait s'entourer d'avis avisés pour gérer sa carrière et sa fortune, que l'on estimera à 80 millions de dollars et qui fera de lui le danseur le plus riche du monde. Est-ce par peur du manque qu'il aime par-dessus tout accumuler, que ce soit les maisons ou les meubles anciens ? Son appartement, quai Voltaire à Paris, se transforme en caverne d'Ali Baba, miroir du luxe où il apprécie de s'enfermer entre deux tournées.

    Rudolf Noureev danse en costume sur le toit de l'Opéra de Paris, lors des répétitions de Manfred, Gilles Virgili, 19 octobre 1979.

    Cet homme pressé ne ralentit en effet pas le rythme des représentations, acceptant les invitations de nombreuses troupes au point de jouer un répertoire d'une centaine de rôles... Lorsque l'âge commence à se faire sentir, dans les années 70, il glisse doucement des rôles très physiques à ceux, moins exigeants, de la danse contemporaine. En 1977 il choisit même de tâter du cinéma en acceptant le rôle-titre de Valentino, expérience qu'il renouvelera en 1983 pour le thriller Exposed, sans plus de succès.

    Mais les rumeurs de déclin commencent à se faire entendre : trop vieux, il est temps qu'il raccroche les chaussons ! D'ailleurs, Covent Garden n'a-t-il pas rejeté sa candidature pour diriger le Royal Ballet ? Qu'importe ! Il part pour New York mais Jack Lang le convainc de revenir à Paris en 1983 pour prendre la direction du Ballet de l'Opéra de Paris.

     

    Il était la danse...

    L'hommage rendu à Noureev par son ami Mikhaïl Barychnikov est peut-être celui qui traduit le mieux la personne et l'artiste : « Il est l'un des hommes les plus attachants que je n'ai jamais rencontrés. Son appétit pour la vie et pour son travail était insatiable. Son corps et son âme étaient de parfaits véhicules d'une beauté impalpable. Il avait le charisme et la simplicité d'un homme de la terre, et l'arrogance intouchable des dieux. Entouré de millions d'êtres, il vivait la vie solitaire d'une personne complètement dévouée à son milieu, qui était la danse et uniquement la danse » (cité par Bertrand Meyer-Stabley dans Noureev).

     

    Noureev s’entraînant à Paris, années 1980.

    Un « pop star dancer » chez les petits rats

    Les critiques fusent mais Noureev n'en a cure et s'attache à mettre un grand coup de balai dans l'institution tricentenaire, avec sa douceur habituelle : « Vous pas parler, vous faire » ! Du côté des danseurs, les contestations montent, les retards de répétition se font plus fréquents et les conflits se multiplient.

    Mais le Tatare a d'autres soucis en tête : depuis 1984, il se sait atteint de ce sida qui commence à faire des ravages dans les milieux artistiques et homosexuels. S'il n’a jamais évoqué ses préférences amoureuses, Noureev ne s'en ait jamais caché et a vécu sa sexualité toute libertine avec toujours la même soif de liberté, avant d'être rattrapé par la maladie. Il va alors lancer toutes ses forces dans ce combat, refusant d'arrêter de danser et de faire des projets.

     

    Salut de Noureev à l'issue de « La Bayadère » à l'Opéra de Paris, 8 octobre 1992.

     

    Le voici en 1989, quelques mois après avoir revu sa mère à Oufa, qui foule de nouveau les planches du Kirov de Saint-Pétersbourg. Quelle revanche ! Mais le retour en France est plus difficile puisqu'il doit quitter son poste à l'Opéra pour cause d'absences répétitives et de caractère tyrannique. Il choisit alors de vivre pleinement sa passion pour la musique en devenant chef d'orchestre, mais la maladie est la plus forte et c'est dans un fauteuil que, le 8 octobre 1992, il reçoit sur la scène de l'Opéra Garnier la cravate de Commandeur des Arts et Métiers.

    Il meurt 3 mois plus tard, le 6 janvier, 1993, jour de la Noël russe. Sa dernière folie sera l’hommage que viendra lui rendre le monde des Arts et de la Danse en bas des marches du grand escalier de l’Opéra, où a été déposé son cercueil bercé par le son de la 13e fugue de Bach, une fugue inachevée.

     

    Cérémonie d’adieu à l’opéra de Paris, 12 janvier 1993.

     

     

    Traverser le monde en courant

    Voici un extrait du Second Faust de Johann Wolfgang von Goethe qui fut lu lors de la cérémonie d'hommage à Noureev à l'Opéra de Paris, le 12 janvier 1993 :


    « Je n'ai fait que traverser le monde en courant ;
    J'ai saisi aux cheveux chaque désir
    Laissant aller ce qui ne me plaisait pas,
    Laissant passer ce qui m'échappait.
    Je n'ai fait que convoiter,
    Accomplir mes desseins
    Et convoiter encore ; ainsi, plein de vigueur,
    J'ai passé ma vie dans l'impétuosité, d'abord grand et puissant ;
    Mais aujourd'hui je vais avec sagesse et réflexion. [...]
    Celui-là seul mérite la liberté et la vie
    Qui doit chaque jour les conquérir.
    Ainsi environnés de dangers,
    L'enfant, l'homme, le vieillard passeront ici vaillamment leurs années.
    Je voudrais voir une foule animée d'une telle activité,
    Je voudrais être sur une terre libre avec un peuple libre ;
    Je pourrais alors dire au Moment :
    Demeure donc, tu es si beau !
    La trace de mes jours terrestres ne peut être anéantie dans les Eons…
    Dans le pressentiment d'une si grande félicité
    Je jouis maintenant du plus sublime moment »
     (Johann Wolfgang von Goethe, Le Second Faust, 1832).

     

    Noureev au musée

    Homme de culture et grand collectionneur, Noureev est à l'honneur dans un musée méconnu, le Centre national du costume de scène, à Moulins. 

    Costume de Rudolf Noureev dans  « Roméo et Juliette », 1977, Moulins, Centre national du costume de scène.

    Voulu par le danseur qui demandait dans son testament la création d'« une galerie d'exposition commémorant [son] style de vie et [sa] carrière », ce lieu de mémoire a pu compter sur l'aide de la puissante Fondation Rudolf Noureev qui gère son héritage, et ainsi sauver de l'éparpillement près de 700 objets. 

    On peut y revivre son parcours à travers des documents personnels mais aussi retrouver l'atmosphère de son appartement du quai Voltaire où s'entassaient œuvres d'art et kilims. Le musée renferme également près de 200 000 costumes, accessoires et décors utilisés à la Comédie-Française ou à l'Opéra de Paris. Une visite pleine de couleurs et de dentelles !

    Bibliographie

    Ariane Dollfus, Noureev l'insoumis, éd. Flammarion, 2007,
    Bertrand Meyer-Stabley, Noureev, éd. Payot, 2003,
    Rudolf Noureev, Autobiographie, éd. Arthaud, 2016 (1962) ,
    Claire Dodd, Le Monde du ballet, éd. Bordas, 1994.

     

    Société 3:  Rudolf Noureev (1938 - 1993) - Danser pour être libre + vidéos

     

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    Saturne

     

    Saturne est l'un des spectacles les plus impressionnants du système solaire. Avec la Terre, c'est la planète la plus facile à identifier. Saturne est bien sûr célèbre pour son système d'anneaux, mais, étant un objet très lumineux dans le ciel nocturne, cette planète est connue depuis des milliers d'années.

    Saturne possède un grand nombre de satellites naturels. Environ 60 ont été identifiés. Parmi eux, Titan est la plus grande lune et le seul satellite du système solaire à posséder une atmosphère dense.

     

    Caractéristiques de Saturne

    Saturne gravite autour du Soleil, à une distance de 1 427 millions de kilomètres, presque deux fois la distance de Jupiter.
    Se déplaçant à une vitesse moyenne de 9,66 kilomètres par seconde, Saturne met plus de 29 ans pour accomplir une révolution autour du Soleil.

    Saturne

    Saturne © Nasa

    Une journée saturnienne dure 10,5 heures, la vitesse de rotation est identique à celle de Jupiter.

    Saturne possède un point commun avec les autres géantes gazeuses, son équateur présente un renflement causé par sa rotation rapide.

    Saturne est 95 fois plus massive que la Terre, et possède un volume 760 fois supérieur. Cependant, Saturne détient la plus faible densité de toutes les planètes, inférieure à celle de l'eau. Si l'on trouvait un gigantesque océan, Saturne pourrait y flotter.

    Comparaison entre Saturne et la Terre

    Comparaison entre Saturne et la Terre. Montage effectué à partir de deux photos de la Nasa

    Saturne possède un champ magnétique 600 fois plus puissant que celui de la Terre.
    L'atmosphère de Saturne semble calme, mais, en réalité, les conditions y sont très rigoureuses.

    Saturne

    Saturne © Nasa

    Bien qu'un modèle du centre de Saturne puisse être réalisé par ordinateur, les connaissances actuelles concernant le centre ne sont que théoriques. Il se compose d'hydrogène métallique, comme celui de Jupiter, mais diffère dans le sens qu'il pourrait renfermer une "pluie d'hélium", élément absent des autres géantes gazeuses.

    L'origine et l'évolution de Saturne

    L'origine de Saturne est maintenant relativement bien connue ; on sait que la planète est semblable aux autres géantes gazeuses, toutefois, certaines questions, concernant l'origine du système d'anneaux, restent sans réponse.

    Les anneaux de Saturne

    Les anneaux de Saturne. © Nasa

    Les anneaux de Saturne représentent son aspect le plus caractéristique. Découverts par Galileo, en 1610, ils furent, au départ, mal interprétés, et il fallut attendre 1659 pour comprendre leur véritable nature. Même maintenant, après qu'ils aient été explorés par des sondes spatiales, leur origine comme leur fonctionnement restent incertains.

    Saturne possède trois anneaux principaux : l'anneau A (le plus externe), puis le B et le C en se rapprochant de la planète. L'anneau C, moins brillant que les deux autres, est connu sous le nom d'anneau de Crêpe ou "Dusky". Les anneaux A et B sont séparés par une division abrupte, de 4 000 kilomètres, que l'on appelle division de Cassini, d'après le nom de l'astronome qui l'a découverte.

    Saturne

    Saturne © Nasa

    Les anneaux sont constitués de petites roches, dont la taille varie de la minuscule poussière au bloc d'un mètre de diamètre, ces derniers étant, toutefois, assez rares. La plupart des matières constituant les anneaux ne font que quelques centimètres, les poussières étant, elles, présentes en grande quantité.
    Certains anneaux contiennent une proportion importante de particules de glace.

    Anneaux de Saturne

    Vue rapprochée des anneaux de Saturne. © Nasa

    Le survol des anneaux, effectué par la sonde Voyager, établit que les anneaux ne faisaient que 150 mètres d'épaisseur.

    La sonde américaine Cassini-Huygens a permis aux chercheurs fin juin 2004 de mieux étudier les anneaux de saturne. Les chercheurs savent aujourd'hui que les anneaux les plus éloignés de la planète Saturne sont faits de glace plus pure que ceux du centre. La conclusion est que les anneaux ne se sont pas tous formés en même temps sinon l'ensemble serait homogène. Ce seraient des comètes d'origine plus récente qui, en se désagrégeant, auraient formé les anneaux à l'extérieur.

    Les satellites de Saturne. L'exploration de Titan

    Saturne possède une grande famille de satellites. Plusieurs d'entre eux sont de petite taille, et ne présentent plus d'activité géologique.

    Reconstitution de Saturne et de ses satellites

    Reconstitution de Saturne et de ses satellites. Montage effectué avec plusieurs photos de la Nasa

    Titan, le plus gros satellite, est aussi l'un des plus intéressants. Il est possible qu'il renferme des océans ; il est l'un des objectifs de la mission Cassini Huygens.

    Après un voyage interplanétaire de plus de sept ans, la sonde européenne Huygens, qui s’est posée sur Titan, est parvenue à transmettre les premières informations sur ce mystérieux satellite de Saturne. Un astre congelé qui offre des similitudes avec la Terre avant l’apparition de la vie.

    Dans la nuit de Noël, la sonde Huygens s’est détachée de son transporteur, l’orbiteur Cassini avec qui elle a voyagé depuis son départ de la Terre, pour mettre le cap sur Titan, la plus grosse des lunes de Saturne. L’engin de 2,7 mètres de diamètre et de 350 kg a pénétré vendredi matin dans l’atmosphère orangée de l’astre et, pendant les 140 minutes qui l’ont séparé de son «titanissage», est parvenu avec succès à collecter toute une première série d’informations, notamment sur la composition chimique de l’espace qu’il a traversé. La sonde Huygens a ainsi prélevé des échantillons qui aideront à déterminer la composition atmosphérique et a pris des mesures sur les vents, pressions et précipitations qui règnent sur l’astre. Mais elle a aussi capté des sons inédits et pris, à des altitudes différentes, une trentaine de photographies de cette lune de 5 000 km de diamètre, l’un des objets les plus mystérieux de notre système solaire.

    Titan

    Titan . © Nasa

    L’Agence spatiale européenne a notamment diffusé les premiers clichés noir et blanc pris de Titan, qui se situe à un milliard et demi de km de la Terre. Les trois premières photos ont montré ce qui semble être des blocs de glace, des canaux, des rivages et des îles qui ne sont pas sans évoquer, estiment les chercheurs, la surface de la Terre ou encore celle de Mars. «C’est comme une machine à remonter le temps, nous devrions trouver sur Titan les conditions qui ont prévalu sur notre planète il y a 3,8 milliards d’années, avant l’arrivée de la vie», s’est félicité Jean-Pierre Lebreton, le directeur de la mission Huygens à l'ESA.

    Une première image du sol de Titan envoyée par la sonde. © Nasa

    L’un des clichés, pris à 16 km de la surface de l’astre, dévoile de vastes plaines recouvertes de roches.
    «Clairement il y a une substance liquide coulant sur la surface de Titan», a commenté le scientifique pour qui certains canaux «ressemblent presque au delta d’une rivière».

    Le troisième cliché, enfin, découvre des zones claires et des taches sombres qui, selon Marty Tomasko, «évoquent des zones qui ont été inondées ou qui le sont actuellement».

    Saturne possède 19 satellites répertoriés, dont le rayon varie de 7,5 Km à 2 575 Km pour Titan, plus grand que Mercure.

    Après Titan, Rhéa et Japet sont les deux plus grands satellites de Saturne. Bien que de taille semblable, ils présentent des différences.

    La surface de Rhéa est dominée par des cratères fortement érodés, comme sur la Lune, tandis que l'on trouve sur Japet une matière sombre pouvant avoir jailli du centre.

     

    Japet . © Nasa

    Saturne et Uranus possèdent les plus grandes familles de satellites du système solaire. Parmi les satellites de Saturne, tous, à une exception près, mesurent entre 20 et environ 1 000 kilomètres de diamètre.

    La découverte des satellites

    Titan fut le premier satellite découvert par Christian Huygens, scientifique hollandais, en 1655. En 1671, Cassini repéra Japet, puis Rhéa en 1672, et enfin Dioné et Téthys en 1684.

    Thethys. Satellite de Saturne

    Théthys . © Nasa

    Il fallut attendre plus d'un siècle pour observer d'autres satellites saturniens. En 1789, l'astronome britannique William Herschel rapporta la découverte de deux nouveaux satellites : Mimas et Encelade.

    Au cours des années 1960, lors d'observations effectuées dans le plan des anneaux (c'est-à-dire lorsque les anneaux de Saturne sont visibles par la tranche depuis la Terre), un autre satellite, habituellement caché par l'éclat lumineux des anneaux, fut découvert.

    Eclipse sur Mimas

    Eclipse sur Mimas, un autre satellite. © NASA/JPL/Space Science Institute

    Il fallut, toutefois, attendre la mission Voyager qui confirma la présence de Janus. A l'aide d'images, prises par Voyager, de nombreux autres petits satellites furent répertoriés au début des années 1980, dont Prométhée et Pandore ainsi qu'Atlas et Epiméthée.


    Titan

    Les Titans étaient un groupe de géants, progéniture d'Uranus et de Gaïa. Ils combattirent Zeus et les dieux de l'Olympe pour le pouvoir des cieux.

    L'atmosphère de Titan est à près de 94% composée d'azote, et il a été avancé qu'elle pourrait ressembler à l'atmosphère primitive de la Terre avant que l'oxygène n'apparaisse grâce aux formes de vie les plus simples. Titan possède également un petit pourcentage de méthane.

    Comparaison entre la Lune et Titan

    Comparaison entre la Lune et Titan. Montage effectué à partir de deux photos de la Nasa

    En plus du méthane, il y a de très petites quantités d'autres composés organiques comme l'éthane, l'acétylène, et le propane. Ce sont les hydrocarbures, comme le méthane et l'éthane, qui donnent à Titan sa teinte si particulière.

    Du cyanure d'hydrogène et du cyanogène sont également présents. La découverte du cyanure d'hydrogène revêt une importance particulière car il entre dans la composition des acides aminés. Titan a, pendant un temps, figuré sur la liste des planètes pouvant abriter une vie extra-terrestre mais cela est très peu probable. Titan est extrêmement froid, et ne porte presque pas d'eau.


    L'exploration passée de Saturne

    Depuis des siècles, Saturne est observée depuis la Terre à l'aide de télescopes, et elle a été aussi explorée par des sondes spatiales.

    Saturne fut observée pour la première fois à l'aide d'un télescope par Galilée, au début du XVIIe siècle. La première sonde spatiale qui lui rendit visite fut Pioneer 11, qui s'approcha à moins de 3 500 kilomètres de la limite externe de l’anneau A de Saturne. Pioneer 11 collecta de nombreuses données nouvelles sur le champ magnétique complexe de Saturne.

    Saturne

    Saturne et Titan. Pioneer 11 en Avril 1973. credit: NASA Ames

    La sonde spatiale Voyager rapporta des photographies de haute qualité, révélant la complexité de la structure des anneaux de Saturne, montrant que chacun des anneaux principaux était constitué de nombreux anneaux plus petits.

    Des séries de photographies, prises par Voyager, mirent en évidence la présence de vents se déplaçant à 1 500 Km/h, soit plusieurs fois la vitesse des vents joviens.
    Les scientifiques espéraient que Voyager pourrait déceler une brèche dans la couche nuageuse du plus grand satellite de Saturne, Titan, afin d'entrevoir la surface. Ceci ne s'est pas produit, et les photographies de Titan prises par Voyager ne représentent qu'une couche uniforme de brouillard photochimique.

    L'exploration en cours de Saturne

    Après un voyage de 7 ans et 3,5 milliards de kilomètres après son lancement, le 15 octobre 1997, la sonde Cassini Huygens est arrivée au terme de son voyage le 1er juillet.
    Cassini passera quatre années à étudier la surface de Saturne, ses anneaux et sept de ses 31 lunes dont la plus grosse, Titan.

    Cassini effectuera une cartographie à haute résolution de sa surface. En outre, le 25 décembre 2004, Cassini devrait libérer la sonde Huygens qui prendra le chemin de Titan.
    Disposant d'un budget de 3,3 milliards de dollars, le projet Cassini Huygens a été qualifié de « mission la plus sophistiquée jamais lancée vers des planètes du système solaire ». Il rassemble les États-Unis et 17 pays européens.

    Malgré le fait que Titan soit la cible principale de la mission Cassini Huygens de 2004, l'orbiter Cassini survolera d'autres satellites.

    Saturne. Cassini-Huygens 2004

    Image de Saturne. Cassini-Huygens 2004 . Credit: NASA/JPL/Space Science Institute

    Si la mission est couronnée de succès, l'évolution de ces corps de glace pourra être mieux appréhendée, permettant d'assembler les pièces du puzzle de leur histoire, ainsi que de comprendre comment des modifications résultant de processus internes et externes ont pu transformer leur surface.

    Peut-être pourrons-nous découvrir l'origine des fines marques rencontrées sur Dioné et Rhéa, l'explication de la formation des étranges terrains sillonnés de Téthys et Encelade, pourquoi Téthys et Mimas ont survécu à des collisions d'astéroïdes géants, ainsi qu'approfondir nos connaissances sur le passé volcanique d'Encelade.

    Enfin, le but ultime de cette exploration est d'arriver à savoir à quoi ressemblait la Terre à ses débuts et comment la vie s'y est développée.

    Spécificités techniques de Saturne

    L'orbite de Saturne

    Saturne gravite autour du Soleil, à une distance de 1 427 millions de kilomètres, presque deux fois la distance de Jupiter. Son excentricité orbitale de 0,055 fait que la différence entre son aphélie et son périhélie n'a que peu d'effet sur la planète.

    Se déplaçant à une vitesse moyenne de 9,66 kilomètres par seconde, Saturne met plus de 29 ans pour accomplir une révolution autour du Soleil. Une journée saturnienne dure 10,5 heures, la vitesse de rotation est identique à celle de Jupiter.

    Saturne est 95 fois plus massive que la Terre, et possède un volume 760 fois supérieur. Cependant, Saturne détient la plus faible densité de toutes les planètes, inférieure à celle de l'eau. Si l'on trouvait un gigantesque océan, Saturne pourrait y flotter.

    Un puissant champ magnétique

    Saturne possède un champ magnétique 600 fois plus puissant que celui de la Terre, généré, au centre de la planète, par des écoulements d'hydrogène métallique. L'interaction entre le vent solaire et la magnétosphère est à l'origine des aurores polaires.

     

    V.Battaglia (05.04.2005) M.à.J 04.2007

     

    Références et lien

    Astronomie, Hachette 2001
    L’Astronomie, éditions De La Martinière 2002
    Site de la NASA

     

    La Terre dans l'Univers:  Saturne

     

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