•  

    Les seins perdus de la belle fiancée

     

    Conteuse sénégalaise Dieynaba Guèye

     

    « Baol-baol » de Bambey, Diéo est née Foulacounda à  Kolda il y a plusieurs hivernages.

     

    Elle fit ses études à :

     

    - l’école I de Kolda,

     

    - Bassam Goumba de Dakar ;

     

    - CEMG de Dieppeul à Dakar ;

     

    -Gambetta à Kaolack.

     

    Puis elle suivit une formation professionnelle en secrétariat à la Chambre de Commerce de Kaolack et à celle de Ziguinchor.

     

    De l’IFP (Institut de Formation Professionnelle) de Dakar à L’École Supérieure de Commerce (Sup Déco), elle se perfectionna et accéda au niveau d’Assistante de Direction qui lui confère aujourd’hui le niveau de la licence.

     

    Elle a eu à donner des cours de secrétariat à la Chambre de Commerce de Kolda et est actuellement à la Direction Générale de la SODEFITEX à Dakar.

     

    Elle adore la lecture, les voyages conteurs et les promenades sous le soleil couchant au bord de l’eau ou à travers les champs fleuris.

     

    Conte - Les seins perdus de la belle fiancée

     

    Le sort de la femme la préoccupe au plus haut niveau. C’est pour ça qu’elle a créé et aidé un GIE de 100 femmes à Kolda : le TEESITOO. Pour expliquer cette préoccupation pour la femme, elle martèle : « du sort de la femme, dépend celui de l’enfant ». L’enfant ; la prunelle de la plume de Dieynaba.

     

    Elle conte à travers les écoles, les festivals, les médias et le monde pour les enfants et pour les grands qui, forcément,  ont pu garder en eux, une part d’enfance.

     

    LES SEINS PERDUS DE LA BELLE FIANCÉE

     

    Il était une fois, une jeune fille si belle qu’on ne pouvait pas la dépasser sans se retourner.

     

    Son père l’appela un jour pour lui dire :

     

    - Ma fille, je veux donner ta main à mon neveu. Tu ne le connais certes pas, mais il fera pour toi un très bon époux.

     

    La fille sortit de la case de son père, très fâchée.

     

    - Pourquoi veut-il me choisir un mari ? Jamais je ne me marierais à ce garçon que je ne connais même pas. D’ailleurs, jamais je ne poserai le regard sur lui.

     

    Conte - Les seins perdus de la belle fiancée

     

    Dans le village, une fois par semaine, toutes les jeunes filles se rendaient à la rivière pour laver le linge de la famille. Elles frottaient les habits contre de grosses pierres. Elles les trempaient ensuite dans de l’eau claire et les mettaient à sécher sur l'herbe, sur des troncs d'arbres ou sur les buissons. Quand tout le linge est étalé sous le soleil, elles se déshabillaient pour se baigner.

     

    Après s’être déshabillées, elles enlevaient leurs seins. Elles les lavaient proprement à l'aide d'un savon parfumé et d'une éponge délicate. Elles les enduisaient d'huile de beurre de karité aux mille senteurs et les déposaient sur un morceau  satiné. Ensuite, elles plongeaient dans l'eau avec des éclats de rire. Elles s'amusaient beaucoup avant de remonter sur le rivage.

     

    Elles remettaient leurs seins à leur place et se rhabillaient. Elles pliaient alors les habits qu'elles entassaient dans les bassines. Ces récipients en équilibre sur leur tête, elles s'engageaient à la queue leu-leu sur le sentier qui mène à leurs cases.

     

    Un jour, tout le monde a pu remettre ses seins après la baignade sauf la fiancée rebelle. Elle chercha partout, mais ne trouva rien. Elle se rhabilla et courut vers sa mère. Elle lui chanta une question :

     

    - Mère où sont mes seins ? Mère, où sont mes seins ? Je les ai lavés, je les ai enduits et je les ai posés. Mes seins seraient-ils noyés ? Mère où sont mes seins ?

     

    Malgré les larmes de sa fille, la mère sourit et dit :

     

    - Je n'ai pas vu tes seins ! Va voir ton père.

     

    Elle répéta la chanson à son père qui, comme la mère, lui demanda d'aller voir sa tante qui l'envoya à son tour chez son oncle. Elle fit ainsi le tour de la famille et, finalement, sa sœur lui conseilla d'aller voir du côté de sa meilleure amie.

     

    - Va voir ce garçon, ton cousin que tu ne veux même pas voir.

     

    - Ah, non ! J’ai juré de ne jamais poser le regard sur lui.

     

    - Tu iras car si non, que feras-tu sans tes seins ? Te marieras-tu un jour ? Et comment feras-tu pour allaiter tes enfants ? Vas-y et pour le reste, on verra après.

     

    Elle se dirigea sans entrain vers le village du garçon.

     

    Devant la maison de ce dernier, elle s'arrêta et chanta timidement en appelant le garçon par Houn.

     

    Ce dernier qui l'attendait lui dit doucement, du fond de sa case.

     

    - Je ne comprends pas ce que tu veux dire ! Tu es trop loin.

     

    - Houn, où sont mes seins ?…

     

    - Ah, non ! Il faut que tu t’approches un peu plus ! Et puis, que signifie houn ?

     

    Elle finit par entrer dans la case. Les yeux baissés, elle réitéra sa chanson, mais le fiancé vint l’aider à s’asseoir sur le lit, à lever la tête et à poser son beau regard sur lui.

     

    Mais quand elle le vit, elle se frotta les yeux et se pinça la cuisse en se disant : je rêve !

     

    C’était le plus beau garçon de la contrée. Son teint nacré, ses bras musclés, son allure fière, son sourire, oh, son sourire…

     

    Elle se reprocha de n’avoir pas pris la peine de le voir avant de le rejeter de la sorte. Emerveillée par tant de beauté, elle bégaya sa chanson en appelant son bien-aimé : « NKEE », mon époux, chéri !

     

    Conte - Les seins perdus de la belle fiancée

     

    Le garçon posa ses doigts fins, malgré leur vigueur, sur les lèvres de sa bien-aimée et l'attira à lui.

     

    Il lui enleva avec douceur sa camisole et remis les beaux seins luisants à leur place.

     

    Il lui demanda la permission d'aller voir son père pour fixer la date du mariage et la fille fit oui de la tête qu’elle lova dans le creux de l’épaule du plus beau des garçons.

     

    Ils vécurent de très longues années de bonheur avec des enfants beaux et valeureux.

     

     

    Pour joindre l'auteure : gueyna2001@yahoo.fr

     

    Membre de l’Association des Écrivains du Sénégal, cette jeune femme si douce et si discrète est pétrie de talents cachés : conteuse, chanteuse, poète… assistante de Direction !…

     

    Sur scène, elle mime, chante, raconte les mythes et les traditions de la Mère Afrique comme une offrande faite avec une générosité peu commune.

     

    À son auditoire, elle offre un répertoire de plus de quarante contes traditionnels illustrés par des chansons, revisités dans un souci pédagogique et traduits en plusieurs langues nationales. 

     

    En outre, elle a eu à participer à l’animation d’émissions enfantines à la télévision et, elle a animé une émission de conte et poésie à la radio communautaire AFIA FM.

     

    Elle intervient dans les écoles pour des weeks end culturels, dans les centres culturels, les festivals, foires et fêtes du conte ou du livre, à travers sa voix, on entend l’Afrique profonde, la Sagesse ancestrale…

     

    Les seins perdus de la belle fiancée

     

    « Il était une fois, une jeune fille très belle… ».

     

    Conte - Les seins perdus de la belle fiancée

     

    Au début de l’histoire, on se croirait dans la dynamique de ces histoires tristes de mariages forcés, relatés souvent dans les journaux et qui, hélas, se terminent de manière tragique. « Il était une fois, une jeune fille très belle… Cette fille, on ne pouvait pas la croiser sans se retourner. Elle ne laissait personne indifférente. Un jour, son père lui dit : ma fille, je sais que nombreux sont les garçons de ce village à te vouloir pour épouse. Mais moi, je vais donner ta main à mon neveu, le fils de ma sœur. Tu ne le connais certes pas, … Je suis sûr qu’il sera un très bon mari pour toi ».

     

    Combien de fois avons-nous vécu des scènes pareilles qui, malheureusement se terminent mal ! Mais Dieynaba maintient le suspens, le suspens qui fait que son auditoire  boit ses paroles.

     

    Cela continue comme ça et finalement, cette fille qui refusait même de poser le regard sur le garçon qu’elle n’aimait pas, finit par le découvrir. Il était plus beau que les Dieux. Très fort et très courageux, le garçon était d’une douceur insoupçonnée.

     

    Conte - Les seins perdus de la belle fiancée

    Pin It

    votre commentaire
  •  

    La Promesse du vétéran Sabolle

     

    Conte:  La Promesse du vétéran Sabolle

     

    Le vétéran Sabolle en avait vu de toutes les couleurs dans sa vie.  Mais par ce beau matin ensoleillé de fin de printemps, le vieux soldat dans l'âme était fier de lui. Il allait enfin remplir sa promesse. Il avait travaillé une bonne partie de l'hiver à sculpter une statue de la vierge Marie et il allait construire un petit oratoire à trois côtés pour qu'elle puisse y reposer à l'abri des intempéries. Son boeuf tirait lentement le vieux chariot sur le sentier qui reliait Drummondville à Yamaska. Les trous de boue de terre noire étaient nombreux et profonds mais ce n'était rien en comparaison avec ce qu'il avait vécu. Les souvenirs lui venaient lentement à l'esprit.

     

    Conscrit par Napoléon lui-même en 1808, il était parti de son village de Romont près de Rambervillers en Lorraine à l'âge de 18 ans. Il n'avait pas revu ses parents depuis et pour cause. Il avait fait la guerre d'Espagne et la fameuse bataille de Baylen où l'armée française avait été mise en pièces. Fait prisonnier, il avait été enfermé pendant des mois sur les pontons espagnols au large de Cadix avec des milliers de compagnons d'armes. La mort l'avait frôlé de près, de très près. Un bon jour, affamé, désespéré, il avait pris sa décision, une décision de vie. Il avait accepté l'offre de servir les Britanniques dans un Régiment de mercenaires suisses, le régiment de Meuron. Il avait accepté de servir l'ennemi de son pays. Il était déshonoré mais au moins, il était vivant.

     

    Puis ce fut le voyage en bateau au Bas-Canada en 1813, la folle invasion des États-Unis et cette bataille mal planifiée à Plattsburgh à la fin de l'été 1814. C'est là qu'il avait fait sa promesse à Marie. Une balle d'un franc-tireur américain l'avait frappé en plein coeur pendant les affrontements. Sentant la vie l'abandonner, il avait promis de construire un oratoire pour Marie s'il arrivait à s'en sortir. Il avait d'ailleurs en tête l'image d'une petite chapelle de son village. La retraite fut sonné et il était rentré au Bas-Canada dans le chariot des blessés. Il avait fini par guérir avec le temps et même qu'en 1816, il avait été licencié.

     

    N'osant retourner dans son village natal en France, il s'était marié et s'était établi, ici, dans le canton de Grantham. La Couronne lui avait donné une terre et sa femme, une canadienne-française, lui avait donné plusieurs beaux enfants. Tout allait bien. Il n'avait pas à se plaindre. La vie était dure mais il était heureux. Les années s'étaient écoulées et il avait complètement oublié sa promesse.

     

    Un jour d'automne qu'il se rendait à pied au village de Drummondville, il aperçut un chevreuil. «De la bonne viande pour la famille, ça ne se refuse pas», pensa-t-il. Il suivit donc son gibier sur le sentier menant à Saint-Hyacinthe jusqu'à ce qu'il arrive face à face avec un grand loup qui lui aussi avait flairé le bon repas. Le mâle affamé lui bloquait la route, et derrière lui, toute une meute arrivait au pas de course. «Encore une fois, mon heure est venue», pensa-t-il. Et il se rappela sa promesse à Marie. Il jura donc sur la tête de ses enfants qu'il n'oublierait pas cette fois si ... Les loups reprirent leur chasse du gibier à quatre pattes et le laissèrent poursuivre sa route.

     

    C'est là où cet incident s'était produit qu'il allait, aujourd'hui, construire son oratoire et y nicher sa sculpture. Des voisins étaient venus l'aider et le soir venu, après une prière bien simple, les enfants déposèrent quelques fleurs sauvages au pied de la statue de bois. Puis les gens prirent l'habitude de venir là se recueillir et de déposer des fleurs.

     

    Au milieu de ce même siècle, lorsqu'il fut question de construire une chapelle pour un missionnaire, l'emplacement du petit oratoire à Marie fit le consensus d'autant plus qu'il était situé sur un petit coteau. La chapelle aurait les pieds au sec. On y aménagea une niche spéciale pour la sculpture du vieux Sabolle. Celui-ci venait de vendre sa terre pour aller s'installer dans un nouveau canton avec ses fils en âge de s'établir. Il quittait ses amis, d'autres vétérans comme lui, à regret, mais la vie le poussait encore plus loin en avant. De plus, il savait que les gens du petit village allaient continuer d'apporter des fleurs au pied de sa sculpture et que grâce à elle, ils se souviendraient de lui.

     

    Presqu'un siècle passa. La vieille chapelle avait été démolie et une grande église de pierres avait été construite de l'autre côté de la route sur la terre d'un Duff. Un couvent et une école avait été bâtis. Le nouveau curé Salois était maintenant en poste depuis quelques mois. La paroisse de Saint-Germain avait grandement prospéré mais elle manquait de ferveur selon lui. Un ancien, la pipe au bec, lui avait conté un jour sur le perron de l'église, l'histoire du vétéran et de sa promesse. C'était tellement loin tout ça qu'il avait cru d'abord à une légende. Mais après avoir consulté les écrits d'un vieux notaire, l'histoire s'était révélée véridique. Et pourquoi pas faire revivre la dévotion à Marie. Construire un monument tout blanc au pied duquel les paroissiens pourraient déposer des fleurs, voilà l'idée qu'il cherchait. Et pourquoi pas des fêtes mariales !

     

    Le monument à Marie Reine du Monde fut inauguré au début d'octobre 1946. Des fêtes mariales suivirent en 1954 en même temps que les fêtes du centenaire du village. Beaucoup de fleurs furent déposées au pied du monument. Surtout des glaïeuls qu'Arestus H. faisait pousser dans un champ pas très loin à l'arrière du monument. Des lilas vinrent prendre la relève. Un monticule et un plan d'eau complétèrent l'ensemble sans oublier les anges avec leurs trompettes. Et lors de soirs de pleine lune, des passants ont racconté avoir entendu des sourds hurlements de loups. Mais c'est là une toute autre histoire.

     

    © Maurice Vallée 2001

    Pin It

    votre commentaire
  •  

    Maison hantée de Maska

     

    Conte - Maison hantée de Maska

     

     

    La maison hantée du chemin de Maska

     

    Légende ancienne de Saint-Germain-de-Grantham

     

    Normand Grandmont en avait assez cette fois. Il allait remonter en Canada pour régler cette histoire de fantômes une fois pour toutes. Il venait tout juste de recevoir une nouvelle lettre de plainte d'un de ses anciens voisins de Saint-Germain et ça le mettait en rogne. Le soir venu, il prépara sa valise et le lendemain, il monta dans la voiture de son beau-frère Victor pour se rendre à la gare d'Holyoke, Massachusetts, et de là, il gagna Saint-Germain.

     

    Le voyage était long et chemin faisant, il se rappela tout ce qu'on lui avait conté sur cette maison avant qu'il ne l'achète. Des esprits malins s'en étaient emparés et la vie était devenue vite insupportable pour ses anciens propriétaires. C'est pourquoi on lui avait vendu à très bon prix. De son côté, ces histoires de peur le faisaient rire et son petit salaire de fromager ne lui donnait pas le choix. Il voulait s'établir et fonder une famille. Sa femme Laura par contre n'était pas rassurée. Les rumeurs étaient persistantes dans tout le voisinage du chemin de Maska.

     

    Une fois installés, il y avait bien eu quelques bruits bizarres à la cave mais rien pour faire fuir un Grandmont. C'est la crise économique qui l'obligea à quitter sa demeure en 1923 et à s'exiler aux États. Il fallait bien nourrir les enfants. Alors il avait vendu les animaux de ferme pour payer le voyage et avait loué sa terre à Israël Leclerc. Une fois là-bas, il avait troqué la charrue pour le coffre de menuisier.

    Puis les plaintes s'étaient mises à affluer. D'abord par le biais des lettres de la parenté puis par des lettres des voisins. Certains disaient avoir vu un fantôme au-dessus de la route devant la maison. Les chevaux partaient en peur à chaque fois. D'autres parlaient de lumières aux fenêtres barricadées à la hâte ou encore de sifflements bizarres. Et là, en ce premier avril, devant les dernières montagnes américaines encore enneigées, il se demandait ce qu'il allait bien faire pour se débarrasser de ces esprits.

     

    Arrivé à Saint-Germain, il se rendit chez son beau-frère Eugène pour loger. Et c'est là qu'il apprit la bonne nouvelle. Le fantôme et les esprits malins avaient été pris sur le fait. Le fils de son locataire, Israël Leclerc, et ses amis étaient les auteurs de ces blagues. Ils installaient des câbles entre une des cheminées de la maison et les grands ormes qui bordaient le côté opposé de la route. Et la nuit venue, lorsque les passants revenaient du village, les gailurons promenaient un bonhomme de paille très haut au-dessus de la route grâce à un système ingénieux de poulies. Avec le bruit des cordes et le pendu empaillé volant, les chevaux paniquaient, au grand plaisir des garnements.

     

    Le lendemain, au lever du soleil, Grandmont fit le tour de sa propriété puis rencontra Israël Leclerc. Les deux hommes eurent une longue discussion puis ils se serrèrent la main. Grandmont visita toute sa parenté pour avoir les dernières nouvelles et reprit le train à destination des États-Unis dans les jours qui suivirent. Le journal La Parole fit mention de sa visite dans son édition du 7 avril 1927. Enfin la famille Grandmont revint au pays quelques années plus tard. Le travail de la terre reprit. On coupa les grands ormes. Les mariages des enfants se succédèrent, le patriarche décéda et on oublia ces histoires de peur.

    Puis le 26 janvier 1967, mystérieusement, la maison disparût dans les flammes emportant avec elle en quelques minutes toute l'histoire de cette famille Grandmont. Aujourd'hui, plus rien n'indique l'emplacement de la maison. La route a été élargie et le coteau de "galais" noir où elle était située a été nivelé.

     

    Note: Cette histoire est tirée d'un récit de Monsieur Lucien Clair raconté dans St. Germain de Grantham. 125ième, publié par Les Éditions de la Société Nationale du Centre du Québec, à Drummondville, en 1982.

     

    Source : mauricevallee.ca/Hishead.html – légendes

     

    Pin It

    votre commentaire
  •  

    Pianiste du diable

    Conte - Pianiste du diable

     

    Le Pianiste du diable à l'auberge Cotnoir

     

    Légende québécoise de Saint-Germain-de-Grantham

     

    Son nom était Fabien L. Un bon travaillant et un bon mari. Sa passion, jouer des tours pendables.  N'avait-il pas grimpé sur le toit d'une grange le "sleigh" d'un de ses amis, qui l'avait cherché désespérément après la veillée. N'avait-il pas attrapé l'un puis l'autre dans des histoires les plus abracadabrantes. Et cette fois, c'est tout le village qu'il allait prendre dans ses filets.

     

    Par un dimanche orageux, alors que tout le village est à la messe, Fabien se déguise tout en noir pour faire croire au diable. Puis il se rend au village et s'introduit dans l'auberge de la famille Cotnoir, une imposante maison de pierre grise taillée, la seule du genre des kilomètres à la ronde. Et au sortir de la messe, alors que tout le monde prend le chemin du retour, il se met à jouer au piano une musique d'enfer. Les chevaux refusent d'avancer. La cacophonie les rend nerveux. Le tonnerre se met de la partie. Les gens voient bien par les fenêtres cette forme noire faire de grands gestes diaboliques au-dessus du piano. Certains y voient des doigts crochus. La peur s'installe. Le curé est mandé sur les lieux.  Mais le malin disparaît aussitôt. Cette histoire de pianiste étrange allait marquer l'imagination de plusieurs enfants qui la racontent encore aujourd'hui.

     

    Toutefois ce qu'elle ne dit pas, c'est que Fabien a fini par se vanter de sa blague diabolique. Et la méfiance des voisins envers le farceur a grandi avec le temps. Quelques années plus tard, ce qui devait arriver arriva. Le feu s'est déclaré chez lui. En peu de temps, il ne resta plus que les murs de sa belle maison de pierre construite en 1868. Les voisins avaient bien vu le feu dans les fenêtres mais avaient cru à un autre tour pendable de Fabien et n'étaient pas intervenus. Et lorsqu'ils se sont rendus compte que ce n'était pas une blague avec toute la fumée qui s'élevait dans le ciel, il était trop tard. Fabien a tout vendu à un dénommé Dupuis puis a quitté le village.

     

    Note : Cette histoire est tirée d'un récit de Monsieur Lucien Clair raconté dans St. Germain de Grantham. 125ième, publié par Les Éditions de la Société Nationale du Centre du Québec, à Drummondville, en 1982.

     

    © Maurice Vallée 2001

    Pin It

    votre commentaire
  •  

    Le conte d’une vieille souris

     

     

     

    Par Nathalie Kurtog (Natalia Togouleva)

     

    Illustré par l'auteur

     

    Quand le soleil se lève et éclaire la forêt, tu peux voir beaucoup de choses intéressantes si tu te lèves de bonne heure. La forêt se réveille, se ranime avec une musique douce et tendre qui se répand. Une maison-toile d’araignée luit comme un arc-en-ciel et colore cette musique. C’est un monde mystérieux et magnifique !

     

    Dans une petite clairière, couverte d’un tapis de fleurs ou quand on court on sent une fraîcheur matinale, la fraîcheur de la  forêt et de l’arôme de l’été qui coupe le souffle. Tout être aimerait être un papillon ou une abeille et voltiger d’une fleur à l’autre. Des gouttelettes de rosée brillent comme des diamants sur chacune des fleurs. Si tu t’arrêtes et tu t'assois sur l’herbe, tu peux entendre les conversations des habitants du bois.

     

    Ils racontent des histoires fantastiques à ceux qui croient au monde des merveilles. Moi, j’aime les merveilles et je suis l’amie  des habitants de la forêt.

     

    Un jour, une vieille souris des champs m’a raconté une histoire étonnante :

     

    "Dans une forêt, très loin d’ici, plusieurs familles de souris habitent dans une clairière ensoleillée. Les voisins vivent en paix, ne se querellant jamais. Ils se préviennent toujours les uns les autres en cas de danger. Tout le monde sait que les souris ont beaucoup d’ennemis. Mais leurs ennemis les plus dangereux sont le renard et le hibou.

     

    Si un événement heureux se produit dans une famille, tous les habitants de la clairière ensoleillée jouissent ensemble. Les Griset et les Champet attendent la naissance des bébés. Toute la clairière, toute cette communauté du bois se trouve en attente joyeuse.

     

    Madame Griset accouche enfin d’une fillette.

     

    - Écoutez, écoutez, nous avons une joyeuse nouvelle. Une belle petite fillette est née dans notre famille. Elle est très jolie, très douce, disent les Griset. Quelle joie, notre petite vient de naître !

     

    - Nous l’avons appelée Niki, ont répondu les Champet.

     

    - Et nous avons donné à notre fille le nom de Piki, dit fièrement papa Griset.

     

    Les parents sont contents de leurs filles. Ils les promènent dans la clairière, leur apprennent des ruses, des techniques et les moeurs des souris. Les pères s’occupent de leurs filles quand les mères font le ménage.

     

    Les souris Niki et Piki grandissent vite et commencent à se promener seules. Elles s’éloignent chaque jour plus loin, loin de la surveillance des grands.

     

    Niki est une fille douce et obéissante, elle aide ses parents, écoute leurs conseils et les recommandations de ses maîtres. Piki, elle, est pleurnicheuse. Elle aime se parer et s’admirer  dans les mares de glace. D’habitude Piki se réveille tard et peigne soigneusement son poil. Papa Griset se fâche  souvent contre sa fille:

     

    - Tu feras mieux d’apporter des grains à manger au lieu de t’admirer.

     

    - Laisse-la tranquille, dit maman souris en défendant sa petite fillette. Elle est si sage. Elle grandira et commencera à faire tout. Écoute sa voix, elle chante bien.

     

    - Elle ne chante pas, elle quiore, gronde Griset, c’est pourquoi elle s’appelle Piki.

     

    En effet, Piki n’aime que chanter. Elle grandit, mais elle ne veut rien apprendre. Elle aide ses parents faire le ménage à  contre – coeur. "Elle fait tout sans coeur" ajoute papa Griset.

     

    Un jour, un lièvre, qui s’appelle Guepessi Tombe-feuille arrive de la lisière la plus lointaine. On l’appelle  Guepessi parce qu’il était très joyeux, il sautait et tournait comme une guêpe. Le lièvre leur dit :

     

    - Ah! Oh! Attention ! L’hiver sera dur, rude et froid.

     

    - D’où le sais-tu? – demandent les habitants de la clairière ensoleillée.

     

    - Les rats de blé l’ont dit. Ils l’ont appris des écureuils. Les écureuils ont été prévenus par des oiseaux de passage. Les oiseaux savent tout, répond Guepessi Tombe-feuille et il court raconter cette nouvelle à tous.

     

    - Qu’est-ce que l’hiver ? demande Piki à Niki.

     

    - Papa dit, qu’en hiver tout est  blanc, les pattes ont froid. Il est difficile de trouver de la nourriture et de se cacher des ennemis.

     

    - Il ne faut pas penser à cela aujourd’hui, dit Niki à sa copine.

     

    - À quoi faut-il donc penser? s’étonne Piki. Regarde, la fourrure de Guepessi est blanche et duveteuse. Je voudrai avoir une telle fourrure !

     

    Après cette prévision apportée par le lièvre, les souris ont commencé à travailler avec zèle. Elles portent des grains dans leurs trous, mettent les herbes sèches pour rendre les abris plus chauds. Piki est devenue pensive. Elle commence à aider ses parents. Elle aime surtout se trouver là, où les souris mettent des grains et de la farine.

     

    - Regarde, Griset, notre fille est devenue grande. Elle ne tourne plus devant la glace, ne se peigne plus et ne met plus en ordre sa frange, se réjouit maman-souris.

     

    Le conte d’une vieille souris

     

    Un jour Piki est sortie du garde – manger en souriant. Elle est passée devant ses parents étonnés et elle est sortie de la maison. Niki a rencontré Piki :

     

    - Qu’est-ce qui s’est passé, Piki ?

     

    - Tu sais, ma Niki, j’ai saupoudré mon poil de farine.

     

    - Pourquoi ?

     

    - Maintenant mon poil est devenu blanc comme le poil de Guepessi Tombe-feuille.

     

    La souris a sauté pour que sa copine  regarde mieux sa robe et elle a commencé à danser, en chantant une chanson.

     

    - Tu es stupide, Piki, Niki pouffe de rire. Tu es devenue farineuse. Quand tu tournes et tu agites ta queue tu soulèves de la poussière…

     

    - Comment ! Tu m’envies. Je suis mieux que toi, j’ai un poil plus duvet. Je chante mieux que toi ! crie la souris offensée et elle  court vers la forêt.

     

    - Piki, où vas-tu? Il fait déjà sombre; dans la forêt habitent nos ennemis: le renard et l’hibou et toi, tu ne les connais pas.

     

    Mais Piki n’écoute pas sa copine et  s’enfuit plus loin. Niki la poursuit.

     

    - Mais pourquoi tu te fâches, se désole la souris. "Il faut l’attraper. Elle peut s’égarer et ce sera un malheur".

     

    La nuit est tombée. Niki s’arrête et elle prête son oreille: un silence insolite…

     

    Piki court jusqu’à une lisière où elle n’a jamais été auparavant et s’ arrête pour prendre son souffle.

     

    La souris regarde autour d’elle :

     

    "Quelle beauté! a-t-elle murmuré en voyant le rouge du soleil embrasser le ciel violet. De belles  toiles  se succèdent l’une après l’autre en faisant signe de l’oeil.

     

    Piki admirait le coucher du soleil et elle n’a pas aperçu la nuit tomber. Entre les couronnes des arbres, on pouvait voir des regards froids. La souris tressaille. Tout à coup, une ombre noire, aux grands yeux flamboyants  passe sans bruit comme un vent.

     

    - Oh!… Qui ? a crié la souris et elle tombe par terre et ferme les yeux.

     

    - Quelle  histoire ! J’ai peur !

     

    Tout à coup, quelqu’un la touche.

     

    - Aie, aie! crie Piki, elle s’apprête déjà à s’enfuir, mais elle  entend une voix connue:

     

    - Piki, n’aies pas peur, c’est moi, Niki. Il nous faut trouver un trou, pour se cacher. Le hibou peut nous manger.

     

    - Le hibou ? demande Piki.

     

    - Comment ! Tu ne te souviens pas de l’ image que ton papa nous a montré ?

     

    - Non, avoue Piki.

     

    - C’est un oiseau rapace.

     

    - Alors, courons vite, crie la souris effrayée et elle se cache dans les buissons.

     

    Quand Niki la rattrape, Piki commence à pleurnicher :

     

    - J’ai peur! Je veux rentrer à la maison.

     

    - Comme tu es faible! Ne pleure pas, nous trouverons le chemin pour rentrer à  la maison.

     

    Le conte d’une vieille souris

     

    Le hibou survole doucement les buissons, où se cachent les souris. Mais il décide de ne perdre pas son temps et s’éloigne, laissant derrière lui une ombre grise et un peu d’ effroi.

     

    Quelque temps après, les souris  voyant le danger disparaître, elles se dirigent vers la maison. Il faisait froid. Et par Malheur, le ciel s’est couvert de nuages et la pluie a commencé à tomber.

     

    - J’ai froid, je suis mouillée, pleure Piki.

     

    - Allons, il faut continuer notre chemin. Nos parents nous attendent, ils s’inquiètent. Notre maison, n’est pas loin, réplique Niki.

     

    - Je prendrai froid, je tomberai malade et je mourrai. Donc, je ne veux pas aller, dit Piki et elle s’arrête

     

    - Eh, bien, allons nous cacher sous cet arbre, cède Niki.

     

    Les copines se sont cachées entre les racines d’un vieux arbre, elles se sont pelotonnées et se sont endormies tout de suite parce qu’elles étaient très fatiguée.

     

    ***

     

    Le conte d’une vieille souris

     

    Dans leurs maisons les Champet et les Griset étaient sur des épines.

     

    - Où ont-elles disparu? se demandaient les mères.

     

    - Un hibou ou un renard peut les trouver et nous perdrons nos petites.

     

    - J’ai vu notre fille Piki quand elle est sortie du garde – manger, toute blanche de farine. Et puis elle a disparu. Niki l’a suivie. Quelle idée leur est venue en  tête, gronde papa Griset.

     

    - Tu ne peux que gronder. Prends des champignons- lanternes et va les chercher avec papa Champet, dit  maman – souris.

     

    Les pères ont fait ce qu’elle a dit.

     

    ***

     

    En ce temps-là, le Renard ne dormait pas. Il voulait manger quelque chose de bon et il ne pouvait plus rester à la maison. Le carnassier quitte son gîte et commence  sa chasse de nuit dans la forêt. "Je voudrai me régaler de douces souris", se dit le renard. Après la pluie, l’air est frais et le Renard distingue sans effort   les odeurs différentes. Tout à coup, il sent une odeur de souris. Elle était tout d’abord faible, à peine saisissable, ensuite elle est devenue plus forte et au bout du compte, le renard s’ approche de l’arbre, sous lequel dorment nos amies Piki et Niki. Les petites étaient très fatiguées. Elles ont manqué de prudence. Par bonheur, le Renard ne pouvait pas les atteindre sous les racines de l’arbre et il ne pouvait que tourner et flairer. Il voulait  tant les manger!

     

    Ce carnassier roux commence à fouiller la terre pour saisir les douces souris.

     

    Tout à coup Niki se réveille et elle prête son oreille. Elle ne se trompe pas… Quelqu’un est tout près. Niki réveille Piki et elle lui montre la sortie de leur abri :

     

    - Qui est-ce Piki ?

     

    - Je ne sais pas, peut-être un hibou.

     

    - Non, cet être est grand et velu.

     

    Elles décident de ne pas sortir du trou. Tout à coup, quand Niki se gratte l’oreille, elle entend un bruit derrière elle. Elle se tourne et elle voit un grand abime là où était Piki quelques minutes avant.

     

    - Piki, Piki, où es-tu? a-t-elle crié mais personne n’a répondu. - Que puis-je faire? se dit-elle.

     

    Elle cherche dans tous les côtés sans se soucier du danger. Elle voulait sortir de son abri quand elle a entendu des sons étranges. La souris s’est approchée de l’abime et s’est jetée tout de suite en arrière: elle a vu un être inconnu. Elle a eu peur et elle s’est accrochée à l’arbre.Un éclair l’a aveuglé et un monstre effrayant est apparu.

     

    La lumière de ses grands yeux aveuglent la petite  souris. Quand l’ inconnu ferme les yeux, il fait sombre autour de lui. Le monstre velu agite ses pattes, piétine le sol puis il se dirige sans mot dire vers la souris qui tremble de peur. Il lui a pris la patte et il l’a entraînée vers le fond. Niki se retrouve dans une obscurité totale, entraînée dans les labyrinthes souterrains  par un monstre effrayant, qui éclaire la route par ses yeux.

     

    Ils marchent ainsi longtemps. Enfin, le monstre s’ arrête et ouvre une porte invisible. Puis, il pousse Niki dans un trou étroit. La porte se referme sans bruit et la souris se retrouve seule. Il fait nuit. Niki n’entend  rien. Elle prête l’oreille. Rien, que le silence effrayant. Niki a faim.

     

    * * *

     

    Le conte d’une vieille souris

     

    Les pères de Niki et de Piki continuent les recherches. Ils ont entendu le bruit et ils se sont dirigés vers l’arbre sous lequel leurs filles s’étaient trouvées. Papa Griset et papa Champêt n’ont pas vu le renard qui recule, tremble et se cache par terre. Les pères s’approchent. Le renard s’enfuit comme un lapin.

     

    - Je ne comprends rien, murmure M. Champêt,  très étonné : un renard s’enfuit devant des souris ! Je ne comprends rien.

     

    - Regarde, qu’est-ce que c’est? s’exclame M.Griset. Ce sont les traces de ma fille !

     

    La pluie lave toute la farine. Les pères suivent les traces qui mènent vers l’arbre où sont enfermées les souris. Mais maintenant là il n’ y a plus aucune trace.

     

    Les pères cherchent leurs filles sous l’arbre, autour de l’arbre, ils les appellent mais personne ne leur répond.

     

    "Pauvre Piki, pauvre Niki, se désole papa Griset, c’est le renard qui les a avalées.

     

    - Ne pleure pas, rassure papa Champêt, son voisin. Ce renard, est effrayé lui-même.

     

    - Peut-être que c’est un hibou qui les a saisies et les a mangées, continue à se lamenter papa Griset.

     

    - Oui, soupire papa Champêt.

     

    Les deux  pères, frappés de Malheur, se traînent à la maison pour raconteur à leurs femmes la triste histoire de la disparition de leurs filles.

     

    ***

     

    …Combien de temps s’est-il passé? Niki ne sait pas. Elle regarde dans l’obscurité mais ne voit rien. Tout à coup, la porte s’est ouverte et une terrible lumière aveugle la souris. Un animal inouï entre. Il est de moyenne taille et il ressemble beaucoup au monstre qui l’a enlevée, parce qu’il a les yeux lumineux et les membres qui palpitent sans cesse. L’animal ordonne par un geste de le suivre. La souris le suit dans de longs couloirs sombres. Enfin, elle aperçoit de la lumière. Dans une grande salle, elle voit un autre monstre. Niki regarde autour d’elle avec curiosité. Elle est très étonnée parce qu’elle se trouve dans une salle dont les murs laissent pousser et s’accrocher des branches et des noeuds. Les murs remuent sans cesse et tendent leurs branches vers la souris. La pauvre captive est morte de peur. Le monstre dit :

     

    - Je sais que tu t’appelles Niki. Tu habites dans la clairière ensoleillée. Tu es sage et laborieuse. J’ai besoin de telles travailleuses. Tu seras à mon service.

     

    - Qui es-tu ? demande Niki, tremblant du peur.

     

    - Je suis  le roi! répond le monstre. Je suis le roi du royaume le plus sombre, le plus profond et le plus beau. Je m’appelle Fauxsouris.

     

    - Je n’ai jamais entendu parler de ce royaume.

     

    - Personne ne connait notre royaume et personne ne doit  savoir  son existence. C’est notre secret. Tu ne quitteras jamais mon royaume.

     

    - Mais mes parents…

     

    -Tu dois les oublier !

     

    Niki  fond en larmes. Elle pleure si fort que ses larmes font une flaque. Cette flaque coule vers le roi Fauxsouris.

     

    - Qu’est-ce que tu fais? demande le roi. Cesse immédiatement!

     

    Tu noie mon  royaume. Arrête tout! crie le roi d’une voix terrifiante.

     

    Le valet qui a mené Niki au fond a commencé à remblayer la flaque de larmes. Niki, étonnée, cesse de pleurer. Mais elle trésaille de temps en temps.

     

    - Où est ma copine Piki? demande-t-elle au roi.

     

    - Tu ne dois pas te rappeler d’elle. Elle n’est pas ici.

     

    - Où est-elle?

     

    - On l’a emmenée dans un autre royaume.

     

    - Un autre royaume? Où est-il ? insiste Niki.

     

    - Dans le royaume Irous. C’est un royaume puissant comme le mien. Ta copine, elle veut toujours être belle, maintenant elle est heureuse, parce qu’elle deviendra la plus belle dans ce royaume, belle comme moi, a-t-il ajouté.

     

    - Est-ce que c’est elle qui a raconté comment nous nous appelons et où nous habitons après les tortures, n’est-ce pas?

     

    - Oui, c’est elle qui a raconté, mais je ne l’ai pas torturé. Elle a raconté d’elle-même. Maintenant elle est au service d’un autre roi.

     

    - Comment, vous êtes tous les deux rois? s’étonne Niki.

     

    - Toi, tu travailleras chez moi. Fauxsouris fait semblant de n’entendre pas la question de Niki et il  continue : c’est toi qui seras à mon service.

     

    - Tu dois nous laisser partir, crie Niki.

     

    - Je m’en ai assez. Je suis fatigué, emmenez -la ! ordonne le roi.

     

    On emmène Niki dans un trou obscur. Elle reste seule et elle est triste. "Maman fait des pâtés. Oh j’ai faim". Niki commence à pleurer. Elle pleure, pleure sans cesse et on pouvait s’étonner que tant de larmes se trouvaient dans une petite souris.

     

    Tout à coup la porte s’ouvre et un gardien entre. Il n’a pas aperçu la flaque de larmes et il s’ y noie. Une chose étonnante se passe, Niki cesse de pleurer: le gardien est  pétrifié.Il ne peut plus bouger.

     

    "Oh, maintenant j’ai compris pourquoi le roi Fauxsouris ordonne d’essuyer la flaque de larmes. Il a peur de l’eau.” suppose Niki.

     

    Elle décide de s’enfuir. Mais dehors il fait la nuit. Elle a peur. La souris ne sait pas où aller. Notre captive toute décontenancée s’arrête.

     

    - Niki, aide-moi, Niki, je veux pas mourir.

     

    Niki a entendu ces mots plaintifs. Le son vient du trou.

     

    - Qui est-ce?

     

    - C’est moi, le gardien. Frotte-moi les yeux que je sèche ma peau  par la lumière de mes yeux pour  bouger.

     

    - Tu me renfermeras de nouveau?

     

    - Non, parole, je t’aiderai.

     

    Niki a pitié de ce gardien, elle ne veut pas sa mort. Notre douce souris frotte les yeux du gardien par le pinceau de sa queue. Les yeux de l’animal brillent de mille feux et il sèche son poil mouillé. Son poil redevient duveteux et velu. Le gardien commence à remuer ses pattes. Ensuite, sans dire un mot il se tourne et il sort du trou en fermant la porte.

     

    La pauvre souris tombe en désarroi devant  cette trahison du gardien. Maintenant, elle ne pourra jamais quitter cet endroit. Pendant que Niki s’afflige, la porte s’est ouverte de nouveau. Le gardien est revenu. Dans ses pattes remuantes, il apporte la tenue d’un garde.

     

    - Habille-toi vite, je vais te sortir du royaume.

     

    Niki s’est habillé à la hate. Quand elle était déjà prête, elle s’est tourné vers le gardien et lui a dit:

     

    - Et Piki?

     

    - Piki habite dans un autre royaume, chez le frère de Fauxsouris. Je ne peux pas la sauver. Sauve -toi!

     

    - Non, je ne peux pas partir sans elle. Qu’est-ce que je dirai à ses parents?

     

    - Fais comme tu veux mais je ne pourrai rien plus faire pour toi. C’est dangereux pour moi.

     

    - Dis-moi comment je peux aller au royaume Sirous.

     

    - Personne ne le sait outre le roi Fauxsouris.

     

    - Qu’est-ce que je dois faire?

     

    - La seule issue c’est de travailler chez le Roi.

     

    - Pour rien au monde! s’est indignée Niki…

     

    - Tu pourras apprendre tous les secrets…

     

    Le gardien n’a pas fini sa phrase qu’on a entendu trois coups de sonnettes. Le garde s’est dépêché de sorti :

     

    - Je dois aller, on vient par ici et tu dois décider…

     

    - Tu t’appelles comment ? demande Niki.

     

    - Je m’appelle Fo. Tu m’as sauvé la vie et je voudrai t’aider.

     

    - Merci, Fo.

     

    - Je dois partir.

     

    Fo est sorti. Quelques minutes après, Niki voit venir le roi:

     

    - Eh bien, Niki, es-tu d’accord pour me servir?

     

    Niki garde la silence.

     

    - Tu dois comprendre, bête souris que tu n’as pas de choix, ne t’obstine pas!

     

    - Bien, Fauxsouris, je suis d’accord… mais tu dois me donner à manger.

     

    - Sans doute, crie joyeusement le roi. Apportez le repas le plus délicieux du royaume!

     

    Le gardien Fo apporte à Niki un vase plein de racines remuantes. Il le donne à notre prisonnière.

     

    - Est-ce votre repas?

     

    - Oui.

     

    - Mais je ne mange que les grains de seigle, de blé ou d’avoine.

     

    - Tu es bien capricieuse, tu es comme ton amie Piki.

     

    - Piki? Tu dis Piki? Où est-elle? s’ inquiète Niki.

     

    - J’ai déjà répondu, ne pose pas de questions. Je n’aime pas ça, l’ interrompt Fauxsouris.

     

    - On te donnera des grains adorables à condition que tu oublie ta copine et son nom. Tu t’habitueras avec le temps de manger nos racines délicieuses. C’est le repas royal, stupide souris.

     

    Fauxsouris  fait  signe à un des gardiens et celui-ci  sort quelques minutes et ensuite il  apporte à Niki quelques grains de blé.

     

    - Mange et sois prête, on va t’emmener d’ici. Tu vas travailler. Tu dois essuyer mes yeux par le pinceau de ta queue, surtout après le sommeil. Ainsi je verrai mieux. Et puis tu vas servir à table pendant le dîner.

     

    Fauxsouris se retire avec ses gardiens.

     

    "D’abord tu dois essuyer mes yeux affreux", Niki imite la voix criarde du roi, elle avance le ventre  et agite ses pattes. Elle a mangé goulûment les grains parce qu’elle avait faim et puis elle s’est lavée : elle a nettoyé son poil, ses moustaches, a lavé ses yeux, a essuyé ses pattes. A peine a-t-elle fini que le gardien du roi est venu. Il l’a emmenée dans la salle, où elle a vu le roi la première fois. La souris s’est mise son travail. Elle a essuyé par le pinceau de sa queue les yeux du monstre répugnant. Quand elle a fini, la lumière des yeux de Fauxsouris est devenue plus éclatante. Ensuite elle a donné à Fauxsouris son repas délicieux- les racines remuantes. Le roi était très content ; il agitait énergiquement ses pattes.

     

    - Tu as bien commencé ton travail, Niki, a piaulé le roi par sa voix répugnante. Maintenant tu dois t’endormir et de ne pas penser à t’enfuir.

     

    Fauxsouris a saupoudré les yeux de Niki par une poudre et Niki s’est endormi tout de suite.

     

    ***

     

    Le conte d’une vieille souris

     

    La vie de Niki dans le royaume souterrain était bizarre. Elle se réveillait, déjeunait, puis on l’emmenait chez le roi et la souris essuyait les yeux du roi par le pinceau duveteux de sa queue. Ensuite elle donnait manger à roi des racines dégoutantes et puis Fauxsouris saupoudrait les yeux de Niki par une poudre somnifère. Niki s’endormait tout de suite. Pauvre, pauvre souris, elle ne pouvait pas s’informer sur sa copine Piki. Peu à peu Niki a commence à distinguer les gardiens qui ressemblaient les uns aux autres.

     

    Les yeux d’un, par exemple, donnaient un vif éclat vert, c’était le plus jeune gardien. Un autre boitait un peu. Le troisième, qui avait des yeux tristes, était Fo. Niki a compté sept gardiens.

     

    Niki a appris de Fo que le roi endormait non seulement Niki, mais les gardiens aussi. Fauxsouris était très prudent et incérdule. Tout celà était une mystère épouvantable. Pour la deviner il ne fallait pas s’endormir, mais comment? Niki a inventé une chose…

     

    Une fois, quand Fauxsouris a jeté de la poudre dans les yeux de Niki, Niki a laissé tomber un plat avec les racines, a baissé brusquement pour le prendre et s’est bouché son nez. Le roi s’est mis en colère, mais Niki a fermé les yeux et “s’est endormie”. Fauxsouris a poudré les yeux des gardiens qui se sont endormis aussitôt.

     

    Mais Niki a trompé le roi. Elle s’est couchée sur la trône et a fait semblant de dormir. Tout à coup elle a entendu un bruit. Niki a ouvert un oeil.Elle a vu quelque chose de miraculeux: les racines de la salle ont remué en sifflant. Puis elles ont commencé à se disperser dans tous les côtés comme des araignées vivantes. Niki a voulu s’enfuir, se sauver, elle a fait l’effort mais elle est restée couchée immobile. Les racines ont écarté les murs terreux et la lumière du jour a éclairé la salle.

     

    Niki a voulu courir dans cette salle ensoleillée et s’enfuir au loin, mais… elle devait sauver son amie, Piki.

     

    Fauxsouris s’est transformé étrangement. Tout d’abord il a cessé d’agiter ses pattes. Le roi s’est penché et s’est dirigé vers la salle ouverte. Sa peau velue est tombée et a disparu. Ce monstre devenait pareil à un gros rat sans poil, aux grands yeux et aux deux dents - laniaries sur le museau.

     

    Fauxsouris est entré dans une salle Claire et une voix a annoncé: "Sa majesté, le roi Irousauf !" Ensuite, les murs se sont retirés.

     

    "Tiens! Le roi Fauxsouris et Iroussauf sont la même personne à l’envers", s’est étonnée Niki.

     

    Quand les racines sont entrelacées comme des grandes araignées, il fait obscure. Tous les gardiens dorment profondément. On pouvait entendre leur renflement. Niki savait bien que Fo était parmi eux. Il devait être non loin et elle a commencé  à le chercher. Elle l’a trouvé bientôt. Les gardiens remuent toujours leurs pattes, mais il faudrait réveiller Fo. Fo dormait profondément. "Qu’est-ce que je devrais faire? Comment puis-je le réveiller?"- pense Niki.

     

    Elle a passé le pinceau de sa queue sur le museau de gardien, sur ses yeux… Oh, quel bonheur! Fo s’est réveillé. Quand il a ouvert ses yeux, il faisait clair. Fo a regardé avec   étonnement autour de lui et a demandé :

     

    - Dis-moi, Niki, où est le roi? Pourquoi tu ne dors pas? Ce sont les gardiens qui doivent se réveiller les premiers pour t’apporter dans ton trou.

     

    - J’ai trompé le roi. Je n’ai dormi pas. Fauxsouris est allé dans une salle qui est derrière ce mur. Là il fait clair. Le roi s’est transformé en grand rat.

     

    - En rat?

     

    - Il ressemble à un grand rat ou un autre animal chauve.

     

    - Chauve?  Fo est étonné.

     

    - Il n’est ni chauve ni velu. Je ne sais pas, il ne ressemble pas à un animal que nous pouvons connaître.

     

    Fo hésite.

     

    - J’ai entendu dire qu’on l’appelle “le roi Iroussauf”, continue Niki.

     

    - Iroussauf ? Irousauf…, pense Fo. C’est le frère de Fauxsouris.

     

    - Mais dans ce cas c’est la même personne. Dans le royaume Irousse il est Irousauf, dans le royaume Faussour il est Fauxsouris. C’est étrange ! Il a une vie dans le premier royaume et une autre vie dans l’autre royaume. Comment a-t-il réussi à faire cela? Et vous, les gardiens, vous n’avez pas deviné cette ruse.

     

    - Vous ne supposez pas l’existence de deux royaume opposés : un de Nuit et un de Jour?

     

    - Nous n’avons pas pensé à cela. Nous vivons depuis trois cents ans dans le royaume obscur de Fauxsouris et nous ne violons jamais ses lois.

     

    - Trois cents ans ? Niki s’ étonne de plus en plus. Mais qui essuie les yeux de votre roi ?

     

    - Il enlève des habitants de la forêt ensoleillée et il les fait servir comme toi.

     

    - Quelle horreur !

     

    - Peu peu, les prisonniers s’habituent à se nourrir de racines et ensuite, ils se transforment en gardiens de sa majesté. Ce repas prolonge la vie pour longtemps et change le physique des habitants du royaume souterrain de Fauxsouris.

     

    - Dans ce cas, tu était auparavant une souris ?

     

    - Je ne me souviens pas, c’était bien longtemps, dit Fo tristement.

     

    - Tu n’as jamais essayé de t’enfuir?

     

    - J’ai essayé bien sûr, mais c’était impossible. Les gardiens t du sombre royaume sont très méchants et ils gardent bien les captifs.

     

    - Mais pourquoi m’aides-tu ?

     

    - J’ai vu pour la première fois un coeur doux qui a de la pitié pour son ennemi. Tu m’as sauvé et moi je te sauverai à mon tour.

     

    Niki et Fo se parlent longtemps. Il lui apporte des grains, lui, il a mangé les racines habituelles.

     

    - Fo, pourquoi mangez vous cette saleté ?

     

    - Si nous ne mangeons pas ces racines nous cessons de  bouger, pour nous le mouvement c’est la vie.

     

    - Où les prenez-vous ?

     

    - Ces racines poussent aux murs terreux du royaume. Ils absorbent l’humidité qui est nuisible pour tous les habitants.

     

    L’eau est très dangereuse pour nous, tu l’as déjà vu.

     

    - Quand j’ai pleuré ?

     

    - Oui, j’ai faille périr dans tes larmes parce que mon poil s’est mouillé. Personne ne doit pleurer dans notre royaume.

     

    - Tu ne pleures jamais ?

     

    - Quand j’étais autre, c’était il y a bien longtemps. Mais sois attentive, il est temps de se réveiller

     

    - Qu’est-ce qu’il faut faire ?

     

    - Je ne sais pas.

     

    - Il faut trouver la poudre somnifère, commande Niki. Et ils se précipitent vers le trône. Ils trouvent vite une cassette laissée par Fauxsouris. A peine Niki avait-elle saisi une poignée de poudre, que  les racines des arbres se sont écartées en ouvrant la salle claire de l’autre royaume. Les amis font semblant d’être endormis. Iroussauf entre et se transforme en Fauxsouris.

     

    - Qu’est-ce que c’est? crie-t-il en voyant quelques grains de blé par terre.

     

    Niki a peur.

     

    - Ah! Cette sotte souris les porte dans ses poches.Les souris font toujours provision de grain, gronde-t- il. Il faut la faire habituer aux racines le plus vite possible. Elle ne se transformera jamais en gardien si elle fait toujours provision de grains. Si on la fait mourir de faim elle commencera à manger des racines.

     

    "Certainement"- Niki a montré ses dents, mais elle restait immobile.

     

    - Pourquoi mes valets ne se réveillent-ils pas? s’interroge capricieusement Fauxsouris.

     

    À peine a –t-il dit cela que les gardiens ont commencé à remuer l’un après l’autre. Fo "s’est réveillé" aussi. Il s’est dirigé vers Niki qui semblait endormi, l’a prise par les pattes et l’a emportée dans son trou. Niki retenait à peine son rire quand Fo la portait en agitant sans cesse les pattes. Ses pattes la chatouillaient.

     

    Quand Niki retourne dans son trou, Fo lui a chuchoté :

     

    - Prépare-toi, Niki, tout dépend de toi. Je dois partir, un autre gardien va te garder.

     

    - Je m’efforcerai, répond Niki. Fo la quitte.

     

    On n’a apporté à Niki aucun grain de blé mais beaucoup de racines. Le roi a décidé de transformer Niki en gardien le  plus vite possible. Mais cela n’ effraie pas notre souris courageuse. Elle n’a pas faim et elle se prépare à attaquer le roi. Elle a frotté soigneusement le pinceau de sa queue par la poudre somnifère. C’est dangereux parce que la poudre pourrait atteindre ses yeux et Niki pourrait s’endormir.

     

    Quand le roi a appelé Niki, elle était prête. Elle commence à essuyer les yeux du roi par sa queue.

     

    - Qu’est-ce que tu fais? crie Fauxsouris. Il est très furieux. Tout à coup il est frappe de sommeil. Il se frotte les yeux, mais en vain.

     

    - Je te…, je te… il pousse un cris, mais il ne finit pas sa phrase.

     

    Son regard s’éteint… il s’est endormi.

     

    Les gardiens voulent arrêter Niki, alors elle jette de la poudre dans leurs yeux. Tous s’endorment. Il faisait sombre parce que tous les gardiens ont fermé leurs yeux. La salle est devenue obscure en quelques minutes . Tout à coup les racines se sont écartées et une entreé s’est ouverte. Niki entre et  ferme  les yeux…

     

    - Sa majesté le roi Iroussauf! annoncé une voix solennelle.

     

    Le gardien qui dit ça, était plus petit que le roi et Niki, il ressemblait à une taupe velue mais aux dents laniaires. La taupe était aveugle! Mais cela ne l’a pas empêché de tourner sa tête vers Niki. Ce gardien avait un flair fin. Il a traversé la salle, il a emmené un autre gardien. Celui-ci avait un aspect pitoyable. Il a  dirigé sa tête basse vers Niki. Il semblait tout à fait indifférent. Il a soupiré et a commencé à chanter une chanson d’une voix fine :

     

    Le plus terrible et le plus dangereux

     

    Le plus courageux et le plus beaux

     

    Tu triompheras des poltronnes

     

    Toi, le roi Iroussauf !

     

    Cette voix paraissait connue à Niki. Elle l’avait entendu auparavant. Sans doute, c’était…

     

    - Piki, ma petite Piki! C’est toi! Enfin je t’ai trouvée.

     

    Le malheureux animal dans lequel Niki a reconnu son amie, était Piki. Elle a levé sa tête et ne croyant pas ses yeux elle a couru vers Niki.

     

    - Niki, la malheureuse souris s’est précipitée vers son amie: - Je savais que tu me trouverais.

     

    - Garde! a crié le gardien, qui se trouvait près de Niki.

     

    - Chut ! dit Niki et elle a passé sa queue sur les yeux du gardien.

     

    Le gardien a éternué, est tombé par terre et s’est endormi. Par bonheur personne n’est venu.

     

    - Qu’est-ce qui t’est arrivé? Pourquoi tu as cet aspect?

     

    - Oh! gémit Piki, ne me parle pas de mon aspect. J’ai honte et je suis punie. Nous sommes ici à cause de mes caprices. Quand je suis tombée dans ce trou, ce monstre Iroussauf me saisit. Je me suis évanouie. Quand j’ai repris connaissance, j’ai vu un  trou avec des racines aux murs. Puis les rats aveugles m’ont emmené chez le roi aveugle.

     

    - Comment? Iroussauf est aveugle?

     

    - Ici tous sont aveugles mais ils ont un flair fin. Iroussauf m’a dit de servir bien pour être la plus belle dans ce royaume.

     

    - Et toi, tu l’as cru?

     

    - Tu dois me comprendre, je rêve toujours d’être la plus belle, d’être la plus belle du royaume.

     

    - Pauvre petite! Niki avait pitié de son amie.

     

    Elle l’a embrassé, Piki pleurait.

     

    - As-tu mangé ces racines? Tu t’es transformée comme les autres? Niki se sentait si malheureuse qu’elle était prête à pleurer avec Piki.

     

    - Le roi dit que ce sont des racines magiques. Qui les mange se trasforme en souris au poil blanc comme le poil du lapin Gupassi, aux cils plus longs que les cils des écureils et aux dents les plus blanches, continue Piki en pleurnichant. J’ai commencé à manger ces racines. Et puis j’avais faim. Quand j’ai compris qu’on m’avait trompé, il était déjà tard. Tu sais, il me semble que je perds la vue.

     

    - Pauvre Piki. Niki embrasse son amie.

     

    Piki garde une minute de silence. Les larmes étouffent cette malheureuse souris et elle crie :

     

    - Je ne verrai jamais ma maison, mes parents!

     

    Piki pleure de désespoir.

     

    - Nous sortirons d’ici, crois-moi !

     

    - Je ne sais pas. Parfois il me semble que ce sera impossible. Est-ce que tu y crois, toi ?

     

    - Sans doute, Piki.

     

    - Et toi ? Comment tu t’es trouvée ici ? a interrogé Piki.

     

    Niki raconte l’histoire de son aventure dans le royaume de Fauxsouris : la connaissance de Fo, l’existence secrète des deux royaumes… Le temps passe vite et le royaume obscur de Fauxsouris a ouvert ses portes. Les souris passent dans une autre salle et le mur se ferme. Mais tout à coup, le roi s’est réveillé. Niki le saupoudre de nouveau avec la poudre somnifère. Il jure et s’ endort tout de suite.

     

    La garde s’est réveillé aussi et les yeux des gardiens ont éclairé la salle. Niki saupoudrent les gardiens aussi. Puis elle s’ approche de Fo qui dort encore et le réveille :

     

    - Fo, mon cher Fo, il est temps de te lever.

     

    Le gardien s’est réveillé, a demandé de l’attendre quelques minutes.

     

    - Il fait sombre, j’ai peur, a murmuré Piki.

     

    - Fo reviendra bientôt et il fera clair, dit Niki à sa copine.

     

    Fo, le gardien fidèle est revenu après quelques minutes et il a ordonné:

     

    - Piki, toi, tu mettras la tenue de gardien et moi, je porte Niki dans mes bras.

     

    Les trois amis marchent dans les dédales des couloirs. Ils sont arrêtés par un gardien, puis par un autre, mais Fo leur répond toujours :

     

    "Sur l’ordre du roi Fauxsouris!"

     

    Les gardiens croient Fo parce que dans ce royaume on ne viole jamais la loi.

     

    Le conte d’une vieille souris

     

    Ainsi, ils passent tous les postes. Puis Fo descend Piki avec précaution sur la terre. La porte d’ entrée du trou s’est ouverte devant les souris. Ici, les racines poussent sur les murs, par terre et même au plafond.

     

    - Attendez, dit Fo, je dois trouver l’anneau pour vous laisser partir à la maison.

     

    - Et moi, à l’extérieur, s’inquiète Piki. Est-ce que je reste affreuse et velue ?

     

    - Qu’est-ce qui est le plus important pour toi : la liberté ou ton extérieur? Fo regarde Piki et lui dit :

     

    - Tu dois choisir entre partir ou rester ici.

     

    -Je choisis la liberté, je veux retourner à la maison, pardonne-moi, Fo.

     

    - Pourquoi ?

     

    - Je ne voudrais pas t’offenser quand j’ai dit "un animal".

     

    - Sans problème dit Fo ; il agite ses pattes : souviens-toi toujours que derrière une apparence effrayante, il n’y a pas toujours que des monstres.

     

    - Viens avec nous, Fo, nous ne te quitterons jamais, tu pourras habiter chez nous, dans ma famille, propose Niki.

     

    - Non ma bonne Niki, je mourrai sous le soleil. Fo garde un instant le silence et ajoute :

     

    - Merci beaucoup, Niki.

     

    - Merci à toi, Fo, nous ne t’oublierons jamais! répond Niki en l’embrassant.

     

    - Adieu! S’exclame Fo et ses yeux se sont éteints.

     

    Il est devenu sombre dans la salle. Le gardien a fermé vite la porte.

     

    - Qu’est-’il est arrivé à Fo? s’étonne Piki.

     

    - Je ne sais pas, répond Niki.

     

    Elle ne pouvait pas voir que Fo… pleurait.

     

    - Qu’est-ce que tu fais? crie le roi Fauxsouri qui accourt vers le gardien :

     

    - Ne touche pas l’anneau, ne laisse pas les souris !

     

    Mais Fo a déjà touché l’anneau. La chaîne est tombée avec un bruit sonore.

     

    - Traître! Tu vas mourir, tu dois être condamné à mort.

     

    Mais Fo s’est suspendu à l’anneau et est resté immobile. Les larmes coulaient de ses yeux et tombaient sur le poil, par terre, sur les racines…

     

    Oh miracle! Les racines des arbres s’animent et s’épanouissent des fleurs blanches et embaumées apparaissent. La garde se sauve.

     

    - Où allez-vous? crie le roi ! Rattrapez les souris !

     

    Mais les gardiens ne l’écoutent pas. Dans les dédales du royaume, dans chaque trou poussaient et s’épanouissaient de belles fleurs blanches.

     

    Fauxsouris, mourant du peur se sauve dans son autre royaume.

     

    ***

     

    En ce temps les souris arrivent en haut. La tête de Piki tourne et la souris s’évanouit. Niki la soutient et elle essuie le museau de sa copine par le pinceau de sa queue. Vous savez que le pinceau de la queue contenait de la poudre somnifère et Piki s’est endormie. Niki s’ assois près de Piki et commence à pleurer. Elle se rappelle Fo. Elle comprend bien qu’elle ne le verra jamais plus. Il est devenu pour elle un véritable ami. En essuyant les larmes de ses yeux, Niki comprend que Piki s’endormait.

     

    ***

     

    Le conte d’une vieille souris

     

    - Piki, Piki, réveille-toi! Comment tu dors profondément !

     

    - M-m-m-m, fait la souris.

     

    - Piki, il est temps d’aller à la maison, continue Niki.

     

    - À la maison? s’est criée Piki. À la maison !

     

    Leur sombre trou s’est éclairée d’une lumière éclatante. Les souris sont sorties de leur abri et qu’est-ce qu’elle ont vu? Tout autour était blanc. La neige étincelait et brillait. Dans chaque cristal de neige y avait du soleil.

     

    - C’est l’hiver, Piki, c’est l’hiver ! Crie Niki joyeusement. Regarde comment tout est beau !

     

    - C’est l’hiver, répond en écho le bois.

     

    Niki et Piki se sont jetées dans la neige blanche et duveteuse. Elles lançaient la neige en l’air, applaudissaient et faisaient des culbutes. Elles étaient heureuses. Elle ont couru à la maison, où leur parents les attendaient et préparaient une délicieuse tarte de blé.

     

    Qui sait si cette une histoire était réelle. Les souris avaient-elles rêvé. Mais cette histoire m’était racontée par une vieille souris. Elle s’appelait… Niki.

     

    FIN

     

    Natalie Kurtog est née à Perm, en Russie, mais habite à Moscou depuis 1989. Enfant, déjà, elle rêvait de devenir écrivain.

     

    Après avoir fait des études de Lettres à l'Université, elle a travaillé quelque temps comme journaliste.

     

    Outre son activité d'écrivain, elle a enseigné le Russe, l'Histoire, écrit des scenarii pour le cinéma.

    Ses contes ont donné lieu à des spectacles qui ouvrent le festival de cinéma de Moscou et les Émirats arabes unis, Sharjah.

     

    Depuis 2005, elle a publié plus de cinquante contes pour les enfants. Elle est même à l'origine d'une nouvelle tendance en Russie, appelée « Contes de l'Oreiller ».

     

    En effet, c'est sur l'oreiller, avant de fermer les yeux, que s'entendent les plus belles histoires. 

     

    Son idée est de promouvoir l'amour de la lecture par le jeu, idée qui fait son chemin non seulement en Russie, mais aussi partout dans le monde.

     

    Ses œuvres ont déjà été traduites en plusieurs langues dont l'anglais, l'ukrainien et le komi (langue finno-ougrienne) de la région de Perm, mais aussi en arabe.

     

    Les livres de Natalie Kurtog sont recommandés en Russie pour les enfants d'âge scolaire.

     

    Elle a été récompensée par plusieurs prix littéraires russes dont le Prix Sholokhov et le Prix Griboyedov.

     

    Ses œuvres comprennent « Le conte d’une vieille souris », « Les contes de la région de Perm », « Contes-cadeaux », et de nombreux autres.

     

    Pin It

    votre commentaire


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique